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26/11/2015 | FRANCE | N°13/08849

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 26 novembre 2015, 13/08849


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 74C



1re chambre 1re section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 26 NOVEMBRE 2015



R.G. N° 13/08849



AFFAIRE :



[T] [D] épouse [S]

...



C/





[A] [J]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Octobre 2013 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE

N° chambre : 02

N° Section :

N° RG : 12/06577
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Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :







Me Emmanuel JULLIEN de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES -



Me Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, avocat au barreau de VE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 74C

1re chambre 1re section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 26 NOVEMBRE 2015

R.G. N° 13/08849

AFFAIRE :

[T] [D] épouse [S]

...

C/

[A] [J]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Octobre 2013 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE

N° chambre : 02

N° Section :

N° RG : 12/06577

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Emmanuel JULLIEN de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES -

Me Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, avocat au barreau de VERSAILLES -

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant après prorogation, dans l'affaire entre :

Madame [T] [D] épouse [S]

née le [Date naissance 3] 1947 à [Localité 2]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentant : Me Emmanuel JULLIEN de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20130835 -

Représentant : Me Latifa BENAHJI, Plaidant, avocat au barreau du VAL D'OISE, vestiaire : 51, SCP GAYRAUD, BENAHJI - DANIELOU

Madame [E] [R] veuve [L]

née le [Date naissance 1] 1929 à [Localité 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentant : Me Emmanuel JULLIEN de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20130835

Représentant : Me Latifa BENAHJI, Plaidant, avocat au barreau du VAL D'OISE, vestiaire : 5, SCP GAYRAUD, BENAHJI - DANIELOU.

APPELANTES

****************

Monsieur [A] [J]

né le [Date naissance 5] 1987 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentant : Me Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 - Plaidant par Maitre Thibaud VIDAL, de la SELARL VIDAL AVOCATS, barreau de PARIS vestiaire B0056

SCI MPC, société civile immobilière, inscrite au RCS de Pontoise

sous le numéro 508 163 524

[Adresse 1]

[Localité 1]

agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462

Plaidant par Maitre Thibaud VIDAL, de la SELARL VIDAL AVOCATS, barreau de PARIS vestiaire B 0056

INTIMES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 29 juin 2015, Madame Odile BLUM, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Odile BLUM, Président,

Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller,

Monsieur Georges DOMERGUE, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT

*

Vu le jugement rendu le 21 octobre 2013 par le tribunal de grande instance de Pontoise qui a :

- rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture présentée par la SCI MPC et M. [J],

- déclaré irrecevables les conclusions sur le fond signifiées le 13 août 2013 par la SCI MPC et M. [J],

- condamné la SCI MPC à payer :

- à Mme [S], la somme de 49.500 € au titre de la perte de valeur de la nue-propriété du fonds,

- à Mme [L], la somme globale de 21.200 € au titre du préjudice de jouissance,

- à Mme [S], la somme de 2.500 € et à Mme [L] celle de 3.500 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- débouté Mme [S] et Mme [L] de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné la société MPC aux dépens comprenant les frais de l'expertise judiciaire et ceux de M. [I], géomètre ;

Vu l'appel de cette décision relevé le 2 décembre 2013 par Mme [T] [D] épouse [S] et Mme [O] [R] veuve [L] qui, par leurs conclusions du 15 juin 2015, demandent à la cour de réformer le jugement et notamment de :

- constater que les constructions appartenant à Mme [S] sises au [Adresse 2]) cadastrées Section AL n° [Cadastre 1] bénéficient, au visa de l'article 678 du code civil, d'une servitude de vue et d'ensoleillement dont le fonds servant est celui appartenant actuellement à la SCI MPC, sis au [Adresse 3]) cadastré Section AL n° [Cadastre 2],

- constater que depuis l'édification de leur nouvelle construction, M. [U] devenu [J] et la SCI MPC empêchent cette servitude de vue et d'ensoleillement, empêchant l'usufruit de Mme [L] et causant un grave préjudice à Mme [S], nue propriétaire,

- condamner, sous astreinte, la SCI MPC et M. [J], in solidum à restituer à Mme [S] le droit réel constitué de la servitude de vue et d'ensoleillement, qu'ils lui ont été retirés par leurs constructions et ce, par la remise immédiate et sans délai à l'état initial desdites constructions, selon les préconisations de l'expert judiciaire en recoupant de 5.50 m la longueur du nouveau bâtiment et lui redonnant sa volumétrie et son emplacement antérieurs,

- condamner la SCI MPC et M. [J] in solidum à verser à Mme [S] la somme de 80.000 € en réparation de son préjudice au titre de perte de valeur subie par ses constructions du 14 mars 2010 jusqu'au jour de la remise en l'état antérieur,

- condamner in solidum la SCI MPC et M. [J] à verser à Mme [L], la somme de 19.350 € ainsi que la somme de 63.480 € pour la perte de jouissance de la maison en fond de parcelle et de la cour, depuis le 14 mars 2010, arrêté au 30 juin 2015,

- condamner in solidum M. [J] et la SCI MPC aux sommes de 30 € et 10 € par jour jusqu'à la cessation totale du trouble de jouissance par les travaux de remise à l'état antérieur,

- condamner in solidum M. [J] et la SCI MPC à verser à Mme [L] la somme de 5.000 € en réparation de son préjudice moral, au visa de l'article 1382 et suivants du code civil,

- condamner la SCI MPC et M. [J] in solidum à verser, d'une part, à Mme [S] la somme de 3.000 € en première instance, ainsi que celle de 5.000 € en cause d'appel, d'autre part, à Mme [L] la somme de 5.000 € en première instance ainsi que celle de 5.000 € en cause d'appel, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- assortir toutes les condamnations pécuniaires des intérêts de droit,

- débouter M. [J] et la SCI MPC de toutes leurs demandes,

- condamner in solidum M. [J] et la SCI MPC aux dépens de première instance et d'appel qui comprendront, outre les frais d'expertise, ceux de l'huissier de justice, Me [K], pour ses deux constats et ceux du géomètre expert, M. [I], avec application de l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions du 17 juin 2015 de la SCI MPC et de M. [A] [J] qui demandent à la cour d'infirmer le jugement et de :

- dire que la demande à l'encontre de M. [J] est irrecevable et le mettre hors de cause,

- dire nul le rapport d'expertise judiciaire déposé pour violation du principe du respect du contradictoire et notamment la possibilité de discuter des estimations foncières,

- désigner un expert judiciaire, avec la mission initiale, qui s'adjoindra tel expert foncier qu'il plaira avec la mission suivante : décrire précisément les lieux, donner son avis sur l'estimation de la valeur de la propriété de Mmes [S] et [L] avant travaux, donner son avis sur l'estimation de la valeur de la propriété de Mmes [S] et [L] après travaux, dire si la dépendance peut être estimée séparément de la maison principale et auquel cas donner son avis son estimation, donner son avis sur l'estimation les préjudices de valeur et de jouissance dû à la perte d'ensoleillement, décrire la méthode d'évaluation notamment en faisant se faisant communiquer les valeurs des biens similaires et valeurs locatives dans le périmètre géographique concerné,

- subsidiairement, dire que le rapport d'expertise judiciaire est incomplet et ordonner un complément d'expertise foncière avec la mission précisée ci-dessus,

- très subsidiairement, dire que les conditions de l'article 1382 du code civil et la faute de la SCI MPC ne sont pas démontrées, rejeter l'ensemble des fins et prétentions de Mmes [S] et [L],

- dire que Mmes [S] et [L] ne démontrent pas l'établissement par prescription d'une servitude de vue conformément aux articles 690 et suivants du code civil,

- à titre infiniment subsidiaire, dire qu'à défaut de faute pour l'article 1382 du code civil et de démonstration du caractère anormal du trouble, aucune indemnisation ne peut être sollicitée,

- dire subsidiairement, qu'une expertise complémentaire foncière pourra être ordonnée.

- condamner Mme [S] et Mme [L] in solidum au paiement de la somme de 5.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont distraction ;

Vu l'ordonnance de clôture intervenue le 25 juin 2015 ;

SUR CE, LA COUR,

Considérant, à titre liminaire, que par conclusions de procédure du 26 juin 2015, les intimés font valoir que les appelantes ont, le 23 juin 2015, notifié de nouvelles conclusions et communiqué six nouvelles pièces, que l'ordonnance de clôture étant intervenue le 25 juin, ils ont été mis dans l'impossibilité d'y répondre de sorte que le principe du contradictoire n'a pas été respecté ; qu'ils demandent en conséquence la révocation de l'ordonnance de clôture afin de voir admises aux débats leurs nouvelles conclusions au fond ainsi que leurs nouvelles pièces numérotées 32 à 34 ;

Considérant que les appelantes répliquent oralement à la barre qu'elles n'ont pas communiqué de nouvelles pièces mais ont procédé à une nouvelle numérotation des pièces précédemment communiquées et que leurs conclusions du 23 juin 2015 ne sont qu'en réponse aux conclusions adverses  ;

Mais considérant que les appelantes ne peuvent sérieusement soutenir n'avoir procédé qu'à la nouvelle numérotation de leurs pièces précédemment communiquées dès lors que le bordereau de pièces annexé à leurs dernières conclusions du 23 juin 2015 vise 82 pièces alors que celui annexé à leurs conclusions du 15 juin 2015 n'en vise que 72 ; qu'au surplus, par leurs conclusions du 23 juin 2015, elles ne se bornent pas à répondre aux conclusions adverses mais ajoutent de nouveaux moyens à leurs conclusions antérieures ;

Considérant que sans qu'il y ait lieu de révoquer l'ordonnance de clôture, il convient, en application de l'article 16 du code de procédure civile et pour restaurer le débat contradictoire ainsi que les droits de la défense, de déclarer irrecevables les conclusions et pièces de derniers jours de sorte que les conclusions du 15 juin 2015 de Mme [S] et [L] seront considérées comme étant leurs dernières écritures et les 72 pièces figurant au bordereau de pièces annexé comme les seules régulièrement communiquées ;

Que la demande des intimés tendant à la révocation de l'ordonnance de clôture du 25 juin 2015 étant rejetée, leurs conclusions au fond du 26 juin 2015 seront déclarées irrecevables en application de l'article 783 du code de procédure civile ;

Considérant que postérieurement à la clôture des débats, le conseil des appelantes a adressé à la cour, une note en délibéré datée du 15 septembre 2015 qui ne lui avait pas été demandée ; qu'en vertu de l'article 445 du code de procédure civile, cette note en délibéré sera déclarée irrecevable ainsi que la pièce qui y est jointe ;

*

Considérant que Mmes [S] et [L] sont, respectivement, nue propriétaire et usufruitière d'une parcelle bâtie, située au [Adresse 2] et cadastrée AL [Cadastre 1], sur laquelle se trouvent deux bâtiments séparés par une cour ;

Que la SCI MPC, ayant M. [J], anciennement dénommé [U], pour gérant, est propriétaire de la parcelle voisine cadastrée AL [Cadastre 2] ; qu'au cours de l'année 2010, elle a fait réaliser des travaux d'extension des bâtiments s'y trouvant après l'obtention, le 18 février 2010, par M. [J] d'un permis de construire qu'il lui a transféré ;

Considérant que faisant état de la perte de toute vue et de tout ensoleillement du fait de l'extension réalisée, Mme [L] a obtenu en référé la désignation d'un expert pour examiner les désordres allégués ; que parallèlement, Mmes [S] et [L] ont agi en annulation du permis de construire devant le tribunal administratif qui, par jugement du 9 novembre 2011, a rejeté leur requête ;

Qu'après dépôt, le 10 novembre 2011, du rapport d'expertise, Mmes [S] et [L] ont, le 16 août 2012, assigné la SCI MPC et M. [J] pour voir constater que depuis l'édification de la nouvelle construction, leur fonds est privé de la servitude de vue et d'ensoleillement dont il bénéficie et pour obtenir réparation ce qui a donné lieu au jugement déféré ;

sur la demande de nullité du rapport d'expertise

Considérant que les intimés font valoir, en premier lieu, que l'expert judiciaire a violé le principe du contradictoire en pénétrant dans les lieux sans leur présence';

Que cette allégation, qui n'est corroborée par aucun élément, est au surplus contredite par la mention au rapport d'expertise de leur présence aux deux réunions organisées par l'expert ;

Considérant que la SCI MPC et M. [J] reprochent ensuite à l'expert judiciaire de n'avoir pas procédé à la visite complète des lieux, de n'avoir pas décrit la composition de la maison principale et de n'avoir donné aucune description complète de la maison en fond de parcelle ;

Que ces allégations sont également contredites par le rapport d'expertise et les photographies annexées, l'expert ayant bien procédé à la visite contradictoire des lieux, après convocation des parties, lors de la première réunion d'expertise ; qu'il sera ajouté qu'il ne relevait pas de la mission de l'expert de décrire de façon exhaustive l'ensemble des lieux ni l'état de chacune des pièces ;

Considérant que les intimés font ensuite grief à l'expert judiciaire de n'avoir pas fait estimer le préjudice pouvant résulter de la perte de vue et d'ensoleillement par un expert foncier ;

Mais considérant que s'il est établi que Mme [L] a refusé de laisser pénétrer chez elle l'agence Pôle Immobilier mandatée par la SCI MPC et M. [J] puis de laisser intervenir le sapiteur désigné par l'expert judiciaire, ce refus n'est pas de nature à porter atteinte au caractère contradictoire des opérations d'expertise'; qu'il revient à la cour d'en tirer éventuellement les conséquences pour l'évaluation du préjudice prétendu ;

Considérant les intimés font enfin grief à l'expert judiciaire de n'avoir pas annexé ni mentionné dans son rapport les références, recueillies auprès de la chambre des notaires, dont il s'est servi pour évaluer le préjudice ;

Mais considérant la violation du principe du contradictoire n'est pas non plus établie à cet égard, l'expert judiciaire ayant soumis sa propre estimation, qu'il a explicitée, à la discussion contradictoire des parties ; qu'il ressort du rapport d'expertise, qu'il a diffusé à celles-ci, successivement les 24 mai et 13 septembre 2011, deux notes de synthèse avec l'explication de la méthodologie adoptée, que le conseil de la SCI MPC et de M. [J] lui a adressé, le 4 octobre 2011, un dire qui s'il critiquait sa proposition d'évaluation du préjudice, ne s'interrogeait pas sur le détail des références retenues, que l'expert a complètement répondu à ce dire ;

Considérant que la SCI MPC et M. [J] seront en conséquence déboutés de leur demande tendant à la nullité du rapport d'expertise et à la désignation d'un nouvel expert';

sur la servitude

Considérant que Mme [S] et Mme [L] exposent que les époux [R], dont Mme [L] est la fille, ont acquis le 20 mars 1930 de M. [Q] la parcelle aujourd'hui cadastrée AL [Cadastre 1] sur laquelle se trouvait un premier bâtiment en fond de parcelle comportant trois fenêtres donnant sur le fonds dont la SCI MPC est actuellement propriétaire, que l'ouverture Sud/Sud-Est de ces fenêtres n'a jamais été modifiée, qu'une seconde maison en façade sur rue a été édifiée en 1960 avec une baie vitrée prenant sa lumière dans la cour qui prend elle-même sa lumière depuis la parcelle voisine';

Qu'elles indiquent que la SCI a construit un mur de 5,50 m de haut, que le nouveau bâtiment construit par la SCI MPC n'a pas le même volume que l'ancien bâtiment et que ces constructions suppriment totalement la vue et l'ensoleillement dont elles disposaient ; qu'elles soutiennent que la servitude dont elles revendiquent le bénéfice est établie par destination du père de famille, par titre et par prescription acquisitive';

Considérant que les intimés répliquent que Mmes [S] et [L] ne font pas la preuve de l'institution d'une servitude de vue par destination du père de famille, qu'il n'est établi ni que les deux fonds ont appartenu au même propriétaire ni l'intention du constituant et que l'usage de la dépendance n'a pas été continu de sorte que la prescription acquisitive ne peut être invoquée';

Considérant que la SCI MPC invoque aussi le fait que la présence du mur séparant les deux fonds faisait déjà obstacle, avant l'exécution de ses travaux, à la servitude de vue revendiquée par Mme [S] et Mme [L]';

Que cependant s'il est acquis qu'avant'la construction litigieuse réalisée sur la parcelle de la SCI MPC, les fonds étaient séparés par un mur d'une hauteur de 1,26 m à 1,38 m, toujours existant, il résulte du constat d'huissier de justice réalisé avant les travaux ainsi que des constatations de l'expert judiciaire (page 19 du rapport) que malgré la présence de ce mur, la maison en fonds de parcelle disposait de deux vues donnant sur le fonds appartenant à la SCI MPC et que la faible hauteur de ce mur n'empêchait pas l'ensoleillement des deux fenêtres ; que le moyen des intimés tiré de l'existence de ce mur préexistant est dès lors inopérant';

Considérant que les intimés font en outre valoir que la vue d'une des fenêtres était déjà obstruée par le mur du hangar qui a été détruit'; qu'ils reprochent à l'expert d'avoir basé ses constatations sur des photos antérieures à la construction de ce hangar';

Considérant toutefois, que l'expert, après avoir pris en compte cette observation formulée par M. [J] lors des opérations d'expertise, explique dans son rapport qu'il s'est procuré la déclaration de travaux déposée par le précédent propriétaire, M. [F], que reportée à l'échelle, la longueur de la maison et du hangar était de l'ordre de 16 m sur le document graphique joint à la demande d'autorisation de travaux et que sur la planche de photos non datée, ce hangar ne dépasse pas le niveau de la maison'; qu'il a ensuite comparé ces mesures, à l'échelle, au plan de mars 2011 du géomètre [I] et a pu constater que les 16 m s'arrêtent avant la fenêtre de la première pièce'; que la cour fera siens ces éléments techniques et de fait ; que les intimés ne sont donc pas fondés à prétendre que la vue d'une des fenêtres était déjà obstruée en raison de la présence du mur du hangar ;

Considérant, cela étant posé, que l'acte d'acquisition du 20 mars 1930 de la parcelle, à présent cadastrée AL [Cadastre 1], ne mentionne que la vente d'un terrain par les époux [R] aux droits desquels se trouvent les appelantes';

Que cet acte n'est donc pas de nature à établir que la maison a été construite par le vendeur ni que les deux ouvertures litigieuses ont été créées par celui-ci ; que les appelantes ne peuvent en conséquence se prévaloir des dispositions de l'article 693 du code civil relatives à la création d'une servitude de père de famille faute d'établir que c'est par le même propriétaire des deux fonds actuellement divisés que les choses ont été mises dans l'état duquel résulte la servitude revendiquée'; qu'elles n'établissent pas davantage l'existence d'une servitude par titre, faute de stipulation à cet égard dans l'acte d'acquisition';

Considérant pour le surplus que les parties s'accordent dans leurs écritures pour situer dans les années 1920 la construction de la maison en fonds de parcelle, date corroborée par la police d'assurance produite souscrite au nom de M. [R] à la fin des années 1920 mentionnant une maison d'habitation se trouvant à cette adresse ;

Que les nombreuses attestations circonstanciées produites par les appelantes (pièces 38 à 46) établissent que les deux fenêtres litigieuses ont toujours existé'; que notamment, Mme [W], née le [Date naissance 6] 1944, atteste avoir habité une cinquantaine d'années à [Localité 2], avoir fréquenté la même école que [Y] (Mme [S]) et être venue jouer chez ses parents, témoignant de ce que chacune des deux pièces donnant sur la parcelle de gauche était éclairée par une fenêtre; que ces déclarations sont confortées par le témoignage de Mme [G] (née le [Date naissance 2] 1934) qui atteste avoir habité jusqu'en 1950 à [Localité 2] et avoir, avec ses parents, fréquenté régulièrement la maison de la famille de Mme [L]; qu'elles sont également corroborées par l'attestation de Mme [M] (née le [Date naissance 4] 1948), amie d'enfance de Mme [S], habitant toujours [Localité 2]'ou encore par celle de Mme [V] (née le [Date naissance 4] 1945) déclarant avoir toujours connu la maison des parents de Mme [L] avec deux fenêtres éclairant les deux pièces donnant sur la propriété voisine ;

Considérant que si l'attestation produite par Mme [P], qui a travaillé quinze mois, entre 2007 et 2008, dans le fonds de commerce de M. [F] exploité sur la parcelle AL [Cadastre 2], fait ressortir que pendant cette période la maison en fond de parcelle ne semblait pas occupée, l'attestation de M. [F] établit que jusqu'au décès, en 1998, de l'oncle de Mme [L], la dépendance était occupée';

Considérant que les intimés n'établissent pas l'interruption de la possession'entre le 1er janvier 1929 et 1998 concernant la dépendance, ni entre 1960, date de sa construction, et le 16 août 2012, date de l'assignation, concernant la maison en façade, de sorte qu'à cette date, la prescription acquisitive trentenaire d'une servitude de vue était accomplie';

Considérant que le caractère paisible, public, non équivoque et à titre de propriétaire n'étant pas contesté, il sera fait droit à la demande de reconnaissance de l'existence d'une servitude de vue sur le fonds cadastré AL [Cadastre 2] au profit du fonds appartenant à Mmes [L] et [S] ;

Que les appelantes ne sont en revanche pas fondées à revendiquer le bénéfice d'une servitude d'ensoleillement ou d'éclairement, l'ensoleillement et l'éclairement n'étant que la conséquence de la servitude de vue dont bénéficie le fonds et de l'exposition des bâtiments ;

sur l'atteinte à la servitude de vue et les troubles invoqués

Considérant que Mmes [S] et [L] font valoir que les constructions réalisées ont fait perdre la vue et l'ensoleillement dont disposaient les deux pièces de la maison située en fond de parcelle et qu'elles ont fortement réduit la vue et l'ensoleillement depuis la baie vitrée de la maison principale donnant sur cour ; qu'elles sollicitent la remise en l'état initial, le dédommagement de la perte de valeur ne permettant pas selon elles de réparer leur préjudice'; qu'elles demandent la condamnation de la SCI MPC et de M. [J], sous astreinte, à raccourcir la nouvelle construction de 5,50 m, à réduire sa hauteur à celle antérieure (soit 2,50 m) afin de revenir à la volumétrie précédente et à la réimplanter à son ancien emplacement';

Que Mme [S] sollicite en outre la condamnation in solidum de la SCI MPC et de M. [J] à lui payer la somme de 80.000 € pour la perte de la valeur du bien'depuis le 14 mars 2010 jusqu'au jour de la remise en état'; que Mme [L] sollicite de son côté la somme de 19.350 € au titre de perte de jouissance de la maison principale ainsi que la somme de 63.480 € au titre de cette même perte, jusqu'au 30 juin 2015, pour la maison en fond de parcelle, outre 10 € par jour pour la maison principale et celle de 30 € par jour pour la maison en fond de parcelle depuis le 14 mars 2010 jusqu'à la remise en état'; que Mme [L] fait également état d'un préjudice moral, né de l'impression d'emmurement, de la peur ressentie et des malaises en découlant, dont elle évalue la réparation à la somme de 5 000 €';

Considérant que les intimés objectent qu'ils n'ont pas commis de faute, que le permis de construire obtenu est régulier, validé par le tribunal administratif qui a débouté Mmes [L] et [S] de leur requête en annulation et que les travaux sont conformes'; qu'ils soutiennent que l'expert n'a pas décrit la composition de la maison principale et ne donne aucune description de l'ensemble des pièces de la maison en fond de parcelle ni d'une méthode de calcul ou mesure concrète sur la perte d'ensoleillement et sur la perte de vue';

Qu'ils contestent l'existence d'un préjudice et d'un lien de causalité et font valoir à titre subsidiaire que la perte de valeur ne peut être valablement évaluée sauf à désigner un expert foncier compte tenu du refus par Mme [L] de laisser pénétrer le sapiteur que l'expert envisageait de s'adjoindre pour la dépendance qu'elle n'occupe pas ; qu'ils ajoutent que la maison en fond de parcelle n'est pas indépendante de celle en façade qui ne dispose pas d'un accès indépendant et que les biens sont situés en milieu urbain, qu'en outre, l'évaluation du préjudice a été faite comme si les trois pièces de la maison de second rang étaient inutilisables ;

Considérant que la SCI MPC ne peut utilement se prévaloir de ce que les constructions réalisées l'ont été sur la base d'un permis de construire et de ce qu'elle a obtenu un certificat de conformité dès lors que la délivrance du permis de construire l'est sous réserve du droit des tiers ;

Considérant qu'il ressort du rapport de l'expert judiciaire (page 19) que deux des trois fenêtres des pièces principales de la maison située en second rang, correspondant à une chambre et un séjour-salle à manger, sont totalement obstruées par un mur d'une hauteur de 5,53 m, implanté à une distance de 68 à 72 cm de la façade sur laquelle elles se trouvent ;

Que l'expert a en outre relevé que la construction réalisée par la SCI MPC, haute de 5 m, occupe toute la largeur de la parcelle jusqu'à la limite séparative de sorte que la vue des deux fenêtres des deux pièces principales, qui se trouvent entre 68 et 72 cm de la dite limite séparative, est également obstruée par la hauteur de ladite construction ;

Que ces seules constatations, que la cour adopte dès lors qu'elles sont étayées par les photographies et plans côtés joints au rapport, suffisent, sans qu'il y ait lieu à investigations complémentaires, à établir l'atteinte portée à la servitude de vue dont bénéficie la maison située en second rang sur le fonds de Mmes [S] et [L] ;

Considérant qu'en raison de l'atteinte portée à la servitude de vue, constituée par la privation totale de vue de deux des trois pièces de la maison en second rang ce qui en affecte l'habitabilité, ainsi que l'a relevé l'expert judiciaire, la SCI MPC, qui est seule propriétaire du fonds servant, sera condamnée à ramener la hauteur du mur séparant les deux fonds à la hauteur de l'ancien mur qui a été conservé (1,26 m à 1,38 m) et à réduire de 5.50 m la longueur du nouveau bâtiment'; que cette condamnation sera assortie d'une astreinte dans les termes du dispositif ;

Considérant que la remise en état étant ordonnée, Mme [S] et [L] seront déboutées de leurs demandes d'indemnisation au titre de la perte de valeur du bien';

Considérant que les appelantes seront également déboutées de leurs demandes tendant à voir rétablir la volumétrie et la construction de l'extension sur l'emplacement antérieur du hangar, ces mesures n'étant pas de nature à réparer l'atteinte à la servitude de vue, mais visant à redonner l'ensoleillement et la clarté existants avant les travaux'; qu'il ne ressort pourtant d'aucune des pièces produites, qu'une fois la servitude de vue rétablie conformément aux dispositions du présent arrêt, la perte d'ensoleillement ou de clarté des deux pièces principales de la maison secondaire, de la cour séparant les deux maisons ou de la pièce, avec la baie vitrée, de la maison en façade donnant sur la cour perdurera d'une façon telle qu'elle constitue un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage eu égard au milieu urbain dans lequel les constructions litigieuses sont édifiées';

Qu'en revanche, la perte totale d'ensoleillement et de clarté des deux pièces principales de la maison en fonds de parcelle caractérise pour la période comprise entre la date de la construction réalisée par la SCI MPC et la date de remise en état ordonnée par l'arrêt, un trouble anormal de voisinage que seule Mme [L], usufruitière, a subi'; qu'en réparation de ce trouble temporaire de jouissance, de celui causé par l'atteinte à la vue ainsi que du préjudice moral dont Mme [L] justifie, il lui sera alloué, au vu des éléments de la cause, la somme de 25.000 € à titre de dommages et intérêts, toutes causes confondues, sans qu'il y ait lieu de recourir à une expertise foncière dès lors qu'il ne s'agit pas d'évaluer la perte de valeur d'un bien immobilier ; que la SCI MPC sera condamnée au paiement de ces dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Considérant que Mme [L] sera déboutée de ses demandes au titre du trouble de jouissance futur, la cour ayant assorti la condamnation de remise en état d'une astreinte qui revêt un caractère comminatoire et indemnitaire en cas d'inexécution des travaux';

sur les demandes à l'encontre de M. [J]

Considérant que pour solliciter la condamnation de M. [J] in solidum avec la SCI MPC dont il est l'associé gérant, les appelantes font valoir qu'il a déposé le permis de construire comportant de nombreuses mentions inexactes et qu'en sa qualité d'associé de la SCI MPC, il répond des dettes sociales conformément aux articles 1857 et 1858 du code civil';

Considérant cependant que la responsabilité personnelle des associés prévue par les articles 1857 et 1858 du code civil ne peut être mise en cause qu'après vaine poursuite à l'encontre de la société'; que par ailleurs, s'il ressort du rapport d'expertise que de nombreuses mentions du permis de construire déposé par M. [J] ne correspondaient pas à la réalité, Mmes [S] et [L] n'établissent pas que, sans l'existence de ces mentions erronées, le permis de construire n'aurait pas été accordé ; qu'elles ne démontrent pas l'existence d'un lien direct de causalité entre une faute qui serait personnellement imputable à M. [J] et leur préjudice ; qu'elles seront déboutées de leurs demandes à son encontre ;

sur les dépens et les frais irrépétibles

Considérant que la SCI MPC, qui succombe sur l'essentiel, sera condamnée aux dépens, les dispositions du jugement à ce titre étant confirmées ; qu'il n'y a pas lieu d'inclure dans ces dépens, les frais de constat que les appelantes ont exposés pour se ménager leurs propres preuves ;

Que vu l'article 700 du code de procédure civile, les dispositions du jugement sur ce chef seront confirmées, les demandes de M. [J] et de la SCI MPC rejetées et la société MPC condamnée à payer aux appelantes, ensemble, la somme de 3.000 € pour leurs frais irrépétibles d'appel';

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare irrecevables les conclusions de Mmes [S] et [L] du 23 juin 2015 ainsi que leurs pièces n° 73 à 82 ;

Dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture ;

Déclare irrecevables la note en délibéré datée du 15 septembre 2015 ainsi que la pièce jointe ;

Déclare irrecevables les conclusions au fond des intimés en date du 26 juin 2015 ;

Infirme le jugement sauf en ses dispositions ayant condamné la SCI MPC à payer à Mme [S] la somme de 2.500 € et à Mme [L] celle de 3.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance comprenant les frais de l'expertise judiciaire et ceux de M. [I], géomètre ;

statuant à nouveau sur les chefs infirmés'et ajoutant,

Déboute la SCI MPC et M. [J] de leur demande tendant à l'annulation du rapport d'expertise et à la désignation d'un nouvel expert';

Dit que la construction en fond de parcelle appartenant à Mmes [S] et [L] sise au [Adresse 2]) sur le terrain cadastré Section AL n° [Cadastre 1], bénéficie d'une servitude de vue dont le fonds servant est celui situé au [Adresse 3]) cadastré Section AL n° [Cadastre 2], appartenant actuellement à la SCI MPC ;

Condamne la SCI MPC à ramener la hauteur du mur se trouvant entre les deux fonds à la hauteur de l'ancien mur qui a été conservé (1,26 m à 1,38 m) et à réduire de 5.50 m la longueur du nouveau bâtiment, sous astreinte de 100 € par jour de retard passé le délai de quatre mois à compter de la signification du présent arrêt ;

Condamne la SCI MPC à verser à Mme [L], la somme de 25.000 € à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Condamne la SCI MPC à verser à Mmes [S] et [L], ensemble, la somme complémentaire de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toutes autres demandes ;

Condamne la SCI MPC aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Odile BLUM, Président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 13/08849
Date de la décision : 26/11/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°13/08849 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-26;13.08849 ?
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