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26/11/2015 | FRANCE | N°12/02855

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 26 novembre 2015, 12/02855


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 00A



1re chambre 1re section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 26 NOVEMBRE 2015



R.G. N° 12/02855



AFFAIRE :



SA GROUPE ANTOINE TABET





C/



REPUBLIQUE DU CONGO











Décision déférée à la cour :

sentence arbitrale du 27 Février 2008 par la cour internationale d'arbitrage de la chambre de commerce internationale

affaire 10394/E

C





Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :







Me Emmanuel JULLIEN de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Claire RICARD, avocat au barreau de VERSAILLES





REPUBLIQUE FRAN...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 00A

1re chambre 1re section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 26 NOVEMBRE 2015

R.G. N° 12/02855

AFFAIRE :

SA GROUPE ANTOINE TABET

C/

REPUBLIQUE DU CONGO

Décision déférée à la cour :

sentence arbitrale du 27 Février 2008 par la cour internationale d'arbitrage de la chambre de commerce internationale

affaire 10394/EC

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Emmanuel JULLIEN de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Claire RICARD, avocat au barreau de VERSAILLES

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (1ère chambre civile) du 12 octobre 2011 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de PARIS, Pôle 1 - Chambre 1) le 14 janvier 2010 sur appel de la sentence arbitrale n° 4 du 27 février 2008 par la cour internationale d'arbitrage de la chambre de commerce internationale.

SA GROUPE ANTOINE TABET

ayant son siège social

[Adresse 3]

[Adresse 1]

[Localité 1] -LIBAN-

agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

représentant Me Emmanuel JULLIEN de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617,

et assistée de Me Jacques PELLERIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, et Maitre Marianne KECSMAR, avocat au barreau de Paris,

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

REPUBLIQUE DU CONGO

agissant poursuites et diligences en la personne du Ministre de l'Economie des Finances et du Budget en exercice

[Adresse 2]

REPUBLIQUE DU CONGO

Représentant Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - N° du dossier 2012302, et assistée de Me Kevin GROSSMANN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D2019

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 Septembre 2015, Monsieur Dominique PONSOT, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Odile BLUM, Président,

Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,

Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT   

Vu la sentence partielle n° 4 prononcée le 27 février 2008 par un tribunal arbitral composé de [Y] [X], président, [E] [J] et [N] [Q], arbitres dans le litige opposant la société Groupe Antoine Tabet (GAT) et la République du Congo ;

Vu l'arrêt de la cour d'appel de PARIS du 14 janvier 2010, ayant, notamment :

- rejeté le recours en annulation de la sentence n° 4 du 27 février 2008,

- condamné la société Groupe Antoine Tabet à payer à la République du Congo la somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'arrêt de la Cour de cassation, première chambre, du 12 octobre 2011 ayant cassé en toutes ses dispositions cette décision, et renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Versailles ;

Vu la déclaration de saisine enregistrée le 17 avril 2012 ;

Vu l'arrêt avant dire droit de la cour du 13 mars 2014 ayant ordonné la réouverture des débats et invité les parties à présenter toutes observations sur l'opportunité de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pendante devant la Cour de cassation sous le numéro B 11-16.444  ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 27 août 2015, aux termes desquelles la société Groupe Antoine Tabet demande à la cour de :

- rejeter la demande d'irrecevabilité de la République du Congo quant au moyen tiré du défaut d'indépendance du président du tribunal arbitral,

- annuler la sentence n° 4, rendue le 27 février 2008, dans toutes ses dispositions,

- condamner la République du Congo à lui verser la somme de 200.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 1er juillet 2015, aux termes desquelles la République du Congo demande à la cour de :

- dire et juger que le recours en annulation de la société Groupe Antoine Tabet est irrecevable,

En conséquence,

- rejeter le recours en annulation,

Si par extraordinaire, la cour jugeait ce recours recevable,

- dire et juger que le recours en annulation de la société Groupe Antoine Tabet est mal fondé,

En conséquence,

- rejeter le recours,

A titre subsidiaire, si la cour devait considérer que la fixation par le tribunal arbitral d'un taux d'intérêt de 4,5 % constitue une violation par le tribunal arbitral de sa mission ou du principe du contradictoire,

- prononcer l'annulation partielle de la sentence n° 4, uniquement en ce que le tribunal arbitral a fixé un taux d'intérêt de 4,5 % applicable aux intérêts relatifs à la convention 569 à compter du 1er janvier 2005,

En tout état de cause,

- condamner la société Groupe Antoine Tabet à lui payer la somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

SUR QUOI, LA COUR

Considérant qu'il sera rappelé que la société libanaise Groupe Antoine Tabet (GAT), qui a pour activité le financement de travaux publics, notamment en Afrique, a passé, en 1992 et 1993, des conventions de financement avec la République du Congo (conventions nos 560 et 569) ;

Que la République du Congo a chargé la société Elf Congo, devenue Total Fina Elf E&P Congo, puis Total E&P Congo (TEP Congo), qui l'a accepté par lettres des 5 juin 1992 et 16 avril 1993, de payer les échéances du prêt à GAT en tant que délégataire ;

Que la République du Congo estimant avoir trop payé, TEP Congo a cessé ses règlements le 26 mai 1998 et a alors été assignée par GAT en paiement devant les juridictions suisses, où elle a été condamnée, après intervention volontaire de la République du Congo, à payer à GAT une somme supérieure à 64 millions de francs suisses par un arrêt confirmatif de la Cour de justice du Canton de Genève du 13 septembre 2002 ; que cet arrêt ainsi que les décisions rejetant les recours formés à son encontre ont été déclarés exécutoires en France par un arrêt confirmatif et désormais irrévocable de la cour d'appel de Versailles du 6 janvier 2005;

Que, parallèlement, la République du Congo a mis en 'uvre une procédure d'arbitrage à [Localité 2], sous l'égide de la Chambre de commerce internationale (CCI), sollicitant le remboursement par GAT des sommes versées, selon elle, sans cause ;

Que plusieurs sentences intermédiaires ont été rendues, dont la sentence n°4, objet du présent recours ; qu'ont ainsi été rendues les sentences partielles suivantes :

- une sentence n° 1 du 30 mars 2000, par laquelle le tribunal arbitral a statué sur sa compétence ;

- une sentence n° 2 du 4 juin 2002, par laquelle le tribunal arbitral a, notamment :

- jugé que les obligations résultant pour GAT des conventions 560 et 569 avaient été exécutées,

- déclaré la République du Congo débitrice à l'égard de GAT des sommes de 4.397.060,78 euros au titre de la première convention et de 11.201.171,39 euros au titre de la seconde,

- fixé à 10 % l'an les intérêts dus à GAT sur le principal de deux échéances de la convention 560 et a liquidé ces intérêts à 1.429.044,74 euros au 31 mai 2002,

- qualifié de relation de compte courant les rapports contractuels entre les parties dans le cadre de la convention 569, fixé le taux d'intérêt à 10 % l'an et renvoyé les parties à établir conjointement le calcul des intérêts,

- réservé la détermination de l'indemnité due à GAT, au titre de la convention 569, pour les pertes et dommages imputables à la guerre civile de 1997 ;

- une sentence n° 3 du 8 décembre 2003, par laquelle le tribunal arbitral a statué sur des mesures provisoires et conservatoires ;

Que les sentences nos 2 et 3 ont fait l'objet de recours en annulation, lesquels ont été rejetés par arrêts de la cour d'appel de Paris des 11 mai 2006 et 14 mai 2009 devenus définitifs par suite de la non-admission ou du rejet des pourvois dont ils avaient fait l'objet ;

Que par une sentence n° 4 du 27 février 2008, objet du présent recours, le tribunal arbitral a notamment :

- déclaré mal fondé le recours en rétractation partielle de la sentence n° 2

- dit que GAT était remplie de ses droits à l'encontre de la République du Congo au titre de la convention 560 par le paiement intervenu le 22 mai 2006,

- dressé l'état des dates et montants des paiement réciproques,

- dit que le solde du compte résultant de chaque paiement intervenu dans le cadre de la convention 569, qualifiée de compte courant par la sentence n° 2, donnait droit, sous réserve des conséquences des fautes commises par GAT à la production d'un intérêt au taux contractuel de 10 % jusqu'au 31 décembre 2004, à partir de sa date de calcul jusqu'à la date du solde suivant, et à la production d'un intérêt de 4,5 % à dater du 1er janvier 2005 suivant les mêmes modalités, et désigné un expert pour établir ce compte,

- dit qu'en réparation du dommage causé à la République du Congo par l'inexécution des mesures provisoires ordonnées par la sentence n° 3, GAT sera privée du bénéfice d'intérêts pour un montant de 449.889,30 euros à porter à son débit dans le compte des parties,

- dit n'y avoir lieu à capitalisation des intérêts,

- réservé les demandes des parties concernant les dommages de guerre, les mesures provisoires et la modification de la troisième sentence ;

Que GAT a formé un recours en annulation en annulation devant la cour d'appel de Paris, lequel a été rejeté par arrêt du 14 janvier 2010 ;

Que par arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 12 octobre 2011, cette décision a été cassée en toutes ses dispositions et l'affaire renvoyée devant la cour d'appel de Versailles ; que la cassation prononcée l'a été au visa des articles 1502, 3° et 4°, et 1504 du code de procédure civile, dans leur ancienne rédaction, au motif que les parties n'avaient pu fournir leurs observations sur le taux d'intérêt éventuellement applicable, et que le tribunal arbitral, en fixant à 4,5 % le taux d'intérêt applicable, s'était nécessairement comporté en amiable compositeur, le juge ne pouvant, même après échéance, réduire le taux d'intérêt conventionnel qu'au montant de l'intérêt légal ;

Que le tribunal arbitral a rendu une sentence finale, la sentence n° 5, laquelle a fait l'objet d'un recours en annulation rejeté par la cour d'appel de Paris par arrêt du 17 mars 2011 ; que cette décision a été déférée à la Cour de cassation qui, par un arrêt du 24 juin 2014, a rejeté le pourvoi formé par GAT ;

Sur la régularité de la composition du tribunal arbitral

Considérant que GAT soutient, pour la première fois dans le cadre du présent recours en annulation, que le tribunal arbitral n'aurait pas été régulièrement composé, tant au regard de l'article 7.2 du règlement de la CCI qu'au regard de l'article 1456, alinéa 2 du code de procédure civile, en raison du défaut de révélation, ni spontanée lors de sa désignation, ni à la demande de GAT lors de la procédure de récusation introduite devant la CCI à son encontre, par le président du tribunal arbitral, M. [X], de l'ensemble des liens qu'il entretenait avec le Groupe Total, lequel contrôle TEP Congo à 100 % ;

Que ces liens consistent pour l'essentiel dans le fait que M. [X] :

- a occupé jusqu'en 2005 un poste d'administrateur au sein de la société de droit belge Compagnie nationale de Portefeuilles (CNP), actionnaire de Total SA à hauteur de 1,4 %, cette participation représentant 47 % de son portefeuille,

- a été le conseil du premier actionnaire privé du Groupe Total, à savoir le concert CNP/GBL (Groupe Bruxelles-Lambert), lequel détient 4% du Groupe Total, cette participation représentant 46 % de son portefeuille;

- est un des conseils personnels de M. [G] [Z],

- appartient à un cabinet d'avocats qui a intégré en 2005 le cabinet DLA PIPER, lequel est le conseil du Groupe Total, ainsi que de sa très importante filiale, la société Totsa (Total Oil and Trading SA, ex Elf Trading), et a représenté une multitude de filiales de ce groupe dans le monde, notamment dans le cadre d'un projet en Angola en 2007 ou à l'occasion de procédures pénales en Angleterre ;

Que, selon GAT, M. [X] ne pouvait pas ignorer l'étendue de l'implication de TEP Congo dans le litige arbitral, et ce, dès sa désignation ; qu'il ne pouvait davantage ignorer la préoccupation des parties concernant le choix d'un arbitre qui ne soit pas français, compte tenu de la place de la société française Total dans le présent litige ; qu'il ne pouvait davantage ignorer que TEP Congo avait un intérêt direct et propre à la solution du litige ;

Que M. [X] a, certes, reconnu dans le cadre de la procédure de récusation engagée à son encontre devant la CCI qu'il avait occupé un siège d'administrateur non exécutif au sein de la CNP dix-huit mois avant sa nomination en tant qu'arbitre, mais s'est abstenu de révéler les autres éléments que GAT déclare avoir ultérieurement découverts ;

Que ce défaut d'information suivi d'une information incomplète et perlée est de nature, selon GAT, à faire raisonnablement douter de l'indépendance de l'arbitre ;

Qu'elle ajoute que TEP Congo, bien que n'étant pas partie à la procédure arbitrale, est directement concernée par son issue ; qu'en effet, en vertu d'accords confidentiels conclus entre la République du Congo et TEP Congo, celle-ci s'engage à verser à titre transactionnel, en règlement de dettes préexistantes sur lesquelles il y aurait au demeurant lieu, selon elle, de s'interroger, une somme de 70 millions de dollars US, soit à la République du Congo, soit à GAT, en fonction de l'issue de l'arbitrage ; que contrairement aux affirmations de la République du Congo, l'issue de l'arbitrage n'est pas neutre pour TEP Congo, en ce sens que l'intérêt de cette dernière est de verser ces sommes à la République du Congo, plutôt qu'à GAT, de façon à entretenir avec les autorités congolaises des rapports propices au maintien et à l'obtention de permis d'exploration pétrolière ;

Qu'ainsi, M. [X] aurait dû révéler toutes les circonstances susceptibles de faire naître un doute sur son indépendance à l'égard de la société Total Groupe, tiers intéressé à la procédure arbitrale ;

Considérant qu'en réponse, la République du Congo oppose tout d'abord l'irrecevabilité de ce moyen pour cause de tardiveté ; qu'elle relève que l'article 11(2) du Règlement d'arbitrage de la CCI dispose qu'une demande de récusation doit être formée dans le délai de 30 jours à compter de la date à laquelle la partie requérante a été informée des faits et circonstances qu'elle invoque à l'appui de sa demande ;

Qu'elle rappelle que faute d'y avoir procédé dans ce délai, la partie requérante est réputée avoir renoncé à solliciter l'annulation subséquente de la sentence, sauf à rapporter la preuve de ce qu'elle n'aurait pas pu avoir connaissance des faits antérieurement ;

Qu'en l'espèce, la République du Congo constate que GAT ne démontre pas qu'elle n'aurait pu avoir connaissance plus tôt des faits et circonstances sur lesquelles elle se fonde ; qu'au contraire, les liens pouvant exister entre M. [X] et la société CNP et donc, indirectement, avec la société Total étaient de notoriété publique, et aisément accessibles ;

Que, sur le fond, la République du Congo soutient que l'importance de ces relations serait exagérée et ne serait pas de nature à affecter l'indépendance du président du tribunal arbitral ;

Qu'elle constate que TEP Congo n'est pas partie à la procédure arbitrale et que les enjeux de celle-ci seraient neutres en ce qui la concerne et a fortiori en ce qui concerne sa société mère, Groupe Total ; qu'il résulte, en effet, d'accords confidentiels conclus entre TEP Congo et la République du Congo et se rapportant à de nombreuses matières sans lien avec le présent arbitrage, que la République du Congo supporte seule les enjeux financiers de cet arbitrage ; que, d'une part, un protocole général d'accord (PGA) signé en 2001 stipule expressément que la République du Congo s'engage à rembourser à TEP Congo toutes sommes que cette société serait amenée à payer à GAT, au titre notamment de décisions judiciaires ou arbitrales ; que, d'autre part, un accord général transactionnel (AGT), signé en 2003, rappelle que TEP Congo était débiteur de la République du Congo à hauteur de 70 millions de dollars (au titre de diverses dettes fiscales) et prévoit que le paiement de cette somme devrait intervenir par le règlement, par TEP Congo, auprès de GAT, du montant de la condamnation que pourrait fixer le tribunal arbitral au terme de la procédure, et ce, à hauteur du montant de 70 millions de dollars ;

Qu'ainsi, les engagements de TEP Congo envers la République du Congo sont constants, et que seule la République du Congo supporte l'intégralité des risques financiers résultant de la procédure arbitrale ; que c'est, du reste, en ce sens qu'a statué la cour d'appel de Paris dans un arrêt du 17 mars 2011, sur le recours en annulation formé à l'encontre de la sentence finale (sentence n° 5) ; que cet arrêt a été frappé d'un pourvoi comportant un moyen tiré du défaut d'impartialité de M. [X], qui a été rejeté par arrêt du 25 juin 2014 ;

Qu'ainsi, M. [X] n'était nullement tenu d'une obligation de révélation à l'endroit des faits révélés par GAT ;

*

Considérant que l'article 4.2.1 du Protocole général d'accord (PGA) signé en 2001 entre la République du Congo et TEP Congo est ainsi rédigé :

La République du Congo déclare que toute la quantité de Pétrole Brut objet de la vente visée au présente Article est libre, et restera libre pendant toute la durée de l'Accord, de tout gage, charge, garantie, sûreté ou autre engagement au profit d'un tiers et le demeurera pour toute la durée de l'Accord, à l'exception des engagements pris en faveur du Groupe Antoine Tabet par conventions n° 560 du 24.4.92 et n° 569 du 9.3.93, ainsi que de l'accord en date du 19.1.96 dont TEP a connaissance et auxquels les dispositions du présent accord n'apporte (sic) aucune altération, sous réserve de l'issue des procédure judiciaires et arbitrales en cours et sous réserve, enfin, de tout accord transactionnel avec le Groupe Antoine Tabet, dûment notifié à TEP Congo et ayant pour effet d'annuler ou de réduire les gages existants.

La République du Congo fera en conséquence son affaire de tous recours que pourraient exercer à l'encontre de TEP Congo ou des sociétés qui lui sont affiliées, tous tiers à raison de la participation de cette dernière au présent Accord et à ce titre prendra en charge toutes les conséquences financières qui pourraient résulter pour TEP Congo et ses sociétés affiliées de tels recours. Tout différend relatif à l'exécution de cet Accord par les Parties sera traité conformément aux dispositions de l'article 10 ci-après.

Dans l'hypothèse où TEP Congo ou toute société affiliée de TEP Congo serait amenée à effectuer (ou à retenir) des paiements en vertu de toute décision judiciaire ou toute décision arbitrale exécutoire ou d'un accord transactionnel, ou supporterait des frais, liés aux dettes de la République du Congo envers les sociétés du Groupe Antoine Tabet ou envers tout autre créancier, alors, TEP Congo en informera immédiatement la République du Congo qui ne s'opposera pas aux dits paiements (ou aux retenues) et dédommagera TEP Congo (pour compte propre ou pour le compte de sa société affiliée) des dits frais dans les 15 jours calendaires suivant la réception d'une demande de TEP Congo en ce sens, accompagnée de la justification des paiements effectués.

Considérant qu'il résulte des dispositions ainsi rappelées que la République du Congo s'engage à dédommager TEP Congo des paiements auxquels cette dernière pourrait être amenée à procéder envers GAT à raison de procédures judiciaires ou arbitrales engagées au titre des divers accords en vigueur intéressant les entités concernées ;

Que le mécanisme ainsi mis en place a pour effet que l'issue des procédures arbitrales qui pourraient être engagées entre GAT et la République du Congo est neutre pour TEP Congo ;

Considérant que l'Accord général transactionnel (AGT) conclu en 2003 comporte deux articles ainsi rédigés :

3.5.2 Litige GAT

Dans le cadre du litige Groupe Antoine Tabet ('GAT'), TEP Congo et/ou ses Affiliées ou la RC pourraient être amenées, à l'occasion de procédure judiciaires ou arbitrales en cours où elles sont impliquées, à devoir supporter des condamnations pécuniaires.

En effet, GAT a ainsi obtenu de la Cour de justice de Genève une décision de septembre 2002 confirmant la condamnation de TEP Congo à payer à GAT la somme d'environ 57 millions d'euros en principal. Cette décision fait l'objet de recours devant le Tribunal fédéral. Pour sa part, la RC a été condamnée, à titre provisionnel à payer à GAT la somme d'environ 17 millions d'euros par une sentence intérimaire du 4 juin 2002. La procédure est toujours en cours.

TEP Congo, à titre transactionnel et de façon exceptionnelle, accepte de prendre à sa charge soixante dix (70) millions de dollars US au titre des frais encourus et des condamnations pécuniaires susceptibles d'être prononcées contre TEP Congo et/ou ses Affiliées ou la RC au profit de GAT en conséquence d'une procédure judiciaire ou arbitrale, exécutoire et non susceptible de recours ou d'opposition.

Dès qu'un ou plusieurs paiements par TEP Congo seront intervenus au titre de ces soixante dix (70) millions de dollars US, qui valent pour toutes causes confondues du litige GAT (principal, frais ou indemnités judiciaires, dommages et intérêts, dépens...), TEP Congo constatera une créance sur la RC à due à concurrence desdits paiements dans les comptes de son établissement comptable dit 'moyens communs'..

3.3.3 Abandon de créance

En complément des dispositions visées à l'article 3.5.2 ci-après, la RC demande par les présentes à TEP Congo, à titre transactionnel, de s'abstenir de demander à la RC le remboursement, selon les dispositions du PGA, du ou des paiements visés à l'alinéa 3 de l'article 3.5.2, ce que TEP accepte à titre transactionnel également. En conséquence, TEP Congo procédera à l'abandon de cette créance pars tiers au cours des trois exercices fiscaux qui suivront sa constatation.

En outre, au cas où, à l'issue des procédures judiciaires et arbitrales en cours, les montants respectivement supportés par TEP Congo et/ou ses Affiliées au titre du litige 'GAT' :

I.dépasseraient soixante dix (70) millions de dollars US tels que définis à l'article 3.5.2, alors, TEP Congo sera en droit d'obtenir le remboursement par la RC de ces montants et d'appliquer à cet effet la procédure décrite au PGA,

II.ne dépasseraient pas soixante dix (70) millions de dollars US tels que définis à l'article 3.5.2, alors TEP Congo paiera à la RC, à titre d'indemnité transactionnelle, la différence entre soixante dix (70) millions de dollars US et les dits montants. Cette somme constituera un charge qui sera traitée dans les mêmes conditions que celles décrites au premier paragraphe du présent article 3.3.3.

Considérant que le mécanisme ainsi mis en place par l'AGT prévoit que TEP Congo accepte, à titre transactionnel, de prendre en charge les condamnations prononcées à l'encontre de la République du Congo à hauteur de 70 millions de dollars US, dont elle renonce à réclamer le remboursement, et prévoit qu'au cas où les condamnations seraient inférieures à ce montant, TEP Congo aurait à verser la différence à la République du Congo ; qu'il s'ensuit que les résultats de la procédure d'arbitrage sont neutres pour TEP, cette dernière ne pouvant être tenue au-delà du montant de 70 millions d'euros auquel elle s'est engagée à titre transactionnel, ni en deçà, et ce, quel que soit le montant des condamnations mises à la charge de la République du Congo ; que ce constat suffit, sans qu'il soit utile de rechercher les causes de cet accord confidentiel ;

Qu'il résulte des éléments qui précèdent que l'issue de la procédure arbitrale n'aura aucun retentissement sur la situation financière de TEP Congo dont il sera rappelé qu'elle n'est pas partie à la procédure d'arbitrage ; que l'existence d'un éventuel conflit d'intérêt susceptible d'engendrer un risque de défaut d'indépendance et d'impartialité de M. [X] apparaît donc exclue  ; que l'absence de révélation, par celui-ci, de ses relations d'affaires avec le groupe Total n'était pas de nature à provoquer, dans l'esprit des parties, un doute raisonnable sur ses qualités d'impartialité et d'indépendance, cette appréciation devant s'effectuer objectivement et non au regard des attentes particulières invoquées par GAT qui soutient que l'absence de tout lien avec le groupe Total était un point de première importance pour elle ;

Qu'en conséquence, le grief - à le supposer recevable - tenant à un possible conflit d'intérêts entraînant un risque de défaut d'indépendance et d'impartialité de M. [X] n'est pas établi ;

Que le moyen doit être rejeté ;

Sur la violation par le tribunal arbitral de sa mission de révision des sentences n° 2 et 3

Considérant que GAT rappelle qu'elle a introduit un recours en révision, objet de la sentence n° 4, des sentences nos 2 & 3 à la suite de la découverte de nouvelles pièces qui auraient été dissimulées par la République du Congo ; que, selon elle, le tribunal arbitral, tout en se reconnaissant compétent pour connaître de ce recours en révision, aurait violé sa mission en se livrant à une analyse incomplète et superficielle des documents révélés, lesquels auraient dû conduire le tribunal arbitral à considérer que la convention 569 ne pouvait s'analyser en une convention de compte courant, qualification qui, au demeurant, n'avait été demandée par aucune des parties ; qu'ainsi le tribunal n'a tiré aucune conséquence des documents déconfidentialisés qu'elle produisait aux débats, à savoir une lettre adressé par la République du Congo à TEP Congo et à laquelle était annexée l'échéancier que la sentence n° 2 avait qualifié de théorique pour l'écarter, préférant ainsi fermer les yeux sur les erreurs qu'il avaient commises dans sa sentence n° 2 en raison des dissimulations frauduleuses de la République du Congo ;

Que, d'autre part, le tribunal arbitral aurait statué ultra petita en se prononçant sur la faute imputée à la GAT du fait de l'inexécution des mesures provisoires prononcées, objet de la sentence n° 3, tout en excluant la révision demandée de cette sentence, dont il a reporté l'examen éventuel à une autre instance arbitrale, ce qui sera l'objet de la sentence n° 5 ; qu'en d'autres termes, alors qu'il était seulement demandé au tribunal arbitral de rétracter la sentence n° 3, celui-ci non seulement ne l'a pas fait en renvoyant cette question à une sentence distincte, mais en plus a jugé que l'inexécution par la GAT de cette sentence n° 3 présentait un caractère fautif, privant cette société du bénéfice des intérêts à hauteur de 449.889,30 euros pour ce défaut d'exécution ;

Qu'enfin, le tribunal arbitral n'aurait pas motivé la sentence sur ces deux points ;

Qu'en réponse, la République du Congo soutient que le tribunal arbitral n'a violé ni sa mission de révision des sentences n° 2 & 3, ni l'ordre public international ; que, d'une part, le tribunal arbitral a apprécié l'ensemble des pièces produites par GAT, de sorte que le grief tiré de l'analyse insatisfaisante des pièces soumises à l'appréciation du tribunal relève de la révision au fond de la sentence, révision qui est prohibée dans le cadre d'un recours en annulation ;

Que, d'autre part, le grief consistant à avoir statué infra ou ultra petita n'est pas fondé et, le serait-il qu'il ne constitue pas une violation de l'ordre public international ;

Qu'enfin, GAT ne démontre pas une insuffisance de motivation, laquelle, à la supposer établie, ne saurait constituer une violation flagrante, effective et concrète de l'ordre public international français ;

Considérant que le tribunal s'étant déclaré compétent pour connaître du recours en révision concernant la sentence n° 2, c'est en vain que GAT soutient qu'il aurait méconnu sa mission ; qu'il a par ailleurs examiné les pièces produites par GAT au soutien de son recours, dont il a donné une analyse qui ne saurait être remise en cause à l'occasion du présent recours en annulation ;

Que le moyen suivant lequel la sentence ne serait pas motivée sur ce point manque en fait ; qu'en effet, aux paragraphes 70 à 75, la sentence précise les raisons pour lesquelles les pièces produites ne sont pas pertinentes au regard de la demande en rétractation de la sentence n° 2 ; qu'aux paragraphes 76 à 80, la sentence énonce les motifs ayant conduit le tribunal arbitral à considérer comme non immuable l'échéancier de remboursement litigieux et à lui préférer un autre mode de calcul des créances entre les parties, et précise également que les parties ont eu la possibilité de s'expliquer contradictoirement sur l'existence d'un compte avec compensation périodique des dettes et créances et intérêts réciproques, cette existence étant invoquée, fût-ce implicitement mais de manière certaine, par la République du Congo ; que la demanderesse à la saisine ne saurait, sous couvert d'une absence de motivation de la sentence remettre en cause les motifs par lesquels les arbitres ont estimé que le recours en révision formé à l'encontre de la sentence n° 2 n'était pas fondé ;

Que c'est également à tort que GAT reproche tribunal arbitral d'avoir statué ultra petita en la privant du bénéfice des intérêts dus au titre de la convention 569, la République du Congo ayant expressément demandé au tribunal de se prononcer sur les conséquences de l'inexécution par GAT de la sentence n° 3 ;

Qu'enfin, le tribunal arbitral n'a pas méconnu sa mission ni violé l'ordre public international en renvoyant à une sentence ultérieure les demandes réciproques des parties concernant les mesures provisoires, le recours en révision n'ayant pas d'effet suspensif ; qu'au demeurant, il n'est pas discuté que le tribunal arbitral a vidé sa saisine sur ce point dans le cadre de la sentence finale ;

Que les griefs relatifs à la révision des sentences n° 2 & 3 seront rejetés ;

Sur la violation par le tribunal arbitral de sa mission de statuer en droit et sur la violation du principe du contradictoire

Considérant que GAT reproche au tribunal arbitral d'avoir fixé d'office le taux d'intérêt à 4,5 % à compter du 1er janvier 2005 aux lieu et place du taux contractuel de 10 % ;

Qu'elle estime que, ce faisant, le tribunal a, d'une part, violé sa mission en statuant en amiable compositeur, alors que le litige devait être tranché au regard du droit français, et a, d'autre part, violé le principe de la contradiction en n'invitant pas les parties à conclure sur ce point ;

Qu'en réponse, la République du Congo soutient qu'il n'y a pas de violation de la contradiction, la fixation d'un taux intermédiaire entre le taux légal et le taux conventionnel ayant été soumise au débat contradictoire ; que, selon elle, il ne peut être exigé des arbitres de soumettre spécifiquement à la discussion toute solution qui ne correspondrait pas exactement à la demande de l'une des parties ; qu'elle ajoute que la fixation d'un taux d'intérêt de 4,5 % ne constitue pas une usurpation par les arbitres du pouvoir de statuer en amiable compositeur ; que le tribunal n'a pas entendu s'écarter du droit français, mais a, au contraire, recherché la commune intention des parties pour pouvoir interpréter la convention ; qu'au pire, il a commis une erreur dans l'application du droit français, dont la sanction relève de la révision au fond de la sentence n° 4, mais non d'un recours en révision ;

Qu'à titre subsidiaire, la République du Congo demande à la cour de ne procéder qu'à l'annulation partielle de la sentence, sur la seule question des intérêts, possibilité que GAT conteste en soutenant que la sentence serait indivisible ;

Mais considérant qu'il ne résulte ni des demandes des parties devant le tribunal arbitral ni des énonciations de la sentence que les parties auraient sollicité la fixation d'un taux d'intérêt autre que le taux conventionnel ou le taux légal ; que, par suite, en fixant d'office un taux moyen de 4,5 %, correspondant à un taux moyen intermédiaire entre le taux légal et le taux contractuel, sans inviter les parties à conclure sur cette solution dont il n'était pas saisi, le tribunal arbitral a méconnu le principe de la contradiction ; que ce grief se suffisant à lui seul, il n'y a pas lieu de se prononcer sur la méconnaissance alléguée de la mission du tribunal arbitral de statuer en droit ;

Que la sentence n'étant pas indivisible pour s'être, en particulier, prononcée distinctement sur les paiements intervenus et leur date, en vue de permettre à l'expert comptable devant être désigné de calculer les intérêts dus, et sur le taux de ces intérêts, il convient d'en ordonner l'annulation partielle, dans les termes énoncés au dispositif du présent arrêt ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Considérant que GAT succombant dans ses prétentions doit supporter les dépens de la procédure d'appel, lesquels comprendront ceux de l'arrêt cassé ;

Considérant que l'équité commande d'allouer en cause d'appel à la République du Congo une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt CONTRADICTOIRE et en dernier ressort,

PRONONCE l'annulation partielle de la sentence n° 4 du 27 février 2008, rendue dans le litige opposant la société Groupe Antoine Tabet à la République du Congo, en ce qu'elle a fixé à 4,5 % le taux des intérêts dus à dater du 1er janvier 2005 ;

REJETTE le recours pour le surplus ;

CONDAMNE la société Groupe Antoine Tabet à payer la République du Congo la somme de 40.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Groupe Antoine Tabet aux dépens d'appel, qui comprendront les dépens de l'arrêt cassé et pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Odile BLUM, Président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 12/02855
Date de la décision : 26/11/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°12/02855 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-26;12.02855 ?
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