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12/11/2015 | FRANCE | N°15/00351

France | France, Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 12 novembre 2015, 15/00351


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 61B



14e chambre



ARRÊT N°



contradictoire



DU 12 NOVEMBRE 2015



R.G. N° 15/00351



AFFAIRE :



SAS LES LABORATOIRES SERVIER prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège





C/

[Z] [M]

...







Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 16 Décembre 2014 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE<

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N° RG : 14/02535



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :



à :



Me Fabrice HONGRE-

BOYELDIEU



Me Philippe CHATEAUNEUF



Me Martine DUPUIS



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 61B

14e chambre

ARRÊT N°

contradictoire

DU 12 NOVEMBRE 2015

R.G. N° 15/00351

AFFAIRE :

SAS LES LABORATOIRES SERVIER prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

C/

[Z] [M]

...

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 16 Décembre 2014 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° RG : 14/02535

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Fabrice HONGRE-

BOYELDIEU

Me Philippe CHATEAUNEUF

Me Martine DUPUIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DOUZE NOVEMBRE DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS LES LABORATOIRES SERVIER prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire 620 - N° du dossier 002108

assistée de Me Quentin CHARLUTEAU, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

Madame [Z] [M]

née le [Date naissance 1] 1956 à LYON (69)

de nationalité française

[Adresse 3]

69003 LYON

Représentée par Me Philippe CHATEAUNEUF, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire 643 - N° du dossier 2015017

assistée de Me Charles JOSEPH-OUDIN, avocat au barreau de PARIS

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU RHONE agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire 625 - N° du dossier 1554227

assistée de Me Alban MICHAUD, avocat au barreau de LYON, substituant Me Yves PHILIP de LABORIE, avocat

INTIMÉES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 Septembre 2015, Madame Véronique CATRY, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-Michel SOMMER, président,

Madame Véronique CATRY, conseiller,

Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Agnès MARIE

FAITS ET PROCÉDURE,

Mme [Z] [M] s'est vue prescrire du Médiator par cures de 1998 à 2009.

Une valvulopathie mitro-aortique a été diagnostiquée.

Dans son avis rendu le 9 janvier 2014, après dépôt le 13 juin 2013 d'un rapport d'expertise définitif, le collège d'experts de l'ONIAM a estimé que le dommage de Mme [M], à l'origine de son déficit fonctionnel, pouvait être rattaché à la prise de benfluorex au vu de présomptions graves, précises et concordantes.

Le 3 avril 2014, Les Laboratoires Servier a adressé à Mme [M] une offre d'indemnisation de 3700 euros.

Les 3 septembre et 13 octobre 2014, Mme [M] a assigné la société Les Laboratoires Servier et la CPAM du Rhône devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre pour voir ordonner une expertise médicale la concernant et condamner les Laboratoires Servier à lui payer une provision sur dommages de 30.000 euros et une provision pour frais d'instance de 10.000 euros outre 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La CPAM du Rhône a sollicité le paiement d'une provision de 7000 euros pour frais d'instance, de 2857,23 euros au titre de l'indemnité forfaitaire et de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 16 décembre 2014, le juge des référés a :

- ordonné une expertise médicale de Mme [M];

- commis pour y procéder le docteur [F] ;

- condamné la société Les laboratoires Servier à payer à Mme [M] une somme de 10.000 euros à titre de provision sur dommages et de 10.000 euros à titre de provision pour frais d'instance outre la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Les laboratoires Servier à payer à la CPAM du Rhône la somme provisionnelle de 392,92 euros au titre des débours exposés ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes formées par la CPAM

- condamné la société Les Laboratoires Servier aux dépens.

Les Laboratoires Servier ont relevé appel de l'ordonnance.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES,

Aux termes de ses dernières conclusions du 1er juillet 2015, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la société Les laboratoires Servier demande à la cour :

Sur la demande d'expertise de Mme [M] :

- de confirmer l'ordonnance

Sur la demande de provisions :

- d'infirmer l'ordonnance, de dire que les demandes de provision formées par Mme [M] et la CPAM se heurtent à l'existence d'une contestation sérieuse, de les débouter en conséquence de leurs demandes

En tout état de cause :

- de rejeter la demande formée par Mme [M] au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux entiers dépens de la procédure.

Aux termes de ses dernières conclusions du 24 juin 2015, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions, Mme [M] demande à la cour, au visa des articles 145 et 809 du code de procédure civile et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme :

- de dire non sérieusement contestable l'obligation de la société Les Laboratoires Servier découlant de la commercialisation d'un produit défectueux à l'origine des dommages subis,

En conséquence,

- confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a désigné un expert et lui a alloué 10.000 euros à titre de provision pour frais d'instance,

- porter à la somme de 30.000 euros la provision sur dommages lui ayant été allouée,

- condamner Les Laboratoires Servier à lui payer la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 4 septembre 2015, auxquelles il est expressément reporté, la CPAM du Rhône demande à la cour de confirmer l'ordonnance du chef de l'expertise, d'accueillir son appel incident et en conséquence, de condamner Les Laboratoires Servier à lui payer les sommes de 7000 euros à titre de provision ad litem, 4477,93 euros à titre de provision à valoir sur les prestations servies à Mme [M], 1037 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale, 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 21 septembre 2015.

Mme [M] a déposé des conclusions le 22 septembre 2015 sollicitant la révocation de l'ordonnance de clôture afin d'admettre aux débats sa pièce n° 43 constituée du rapport d'expertise judiciaire du docteur [F], déposé le 21 septembre.

MOTIFS DE LA DÉCISION,

I - Sur la révocation de l'ordonnance de clôture

La cour estime que la production d'une nouvelle pièce, fût-elle constituée du rapport d'expertise, ne constitue pas en elle même une cause grave au sens des dispositions de l'article 784 du code de procédure civile.

La demande est donc écartée.

II - Sur la demande d'expertise

Le chef du dispositif de l'ordonnance ayant désigné un expert ne fait l'objet d'aucune critique. Il sera confirmé.

III - Sur les demandes de provision sur dommage et pour frais d'instance formées par Mme [M]

Les Laboratoires Servier élèvent des contestations portant sur l'imputabilité des troubles à la prise du Médiator, à l'existence d'un préjudice et d'un défaut du médicament. Ils se prévalent à tout le moins de l'existence d'un risque de développement, soutenant que l'état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise en circulation du Médiator ne permettait pas de déceler l'existence d'un défaut.

Conformément à l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge des référés peut accorder une provision au créancier dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

Il est constant que le Médiator, ayant pour indication initiale le traitement des hypertriglycéridémie et diabète de type II, mais étant de fait également prescrit dans des proportions non négligeables dans un but d'amaigrissement, a été commercialisé par la société Les laboratoires Servier en [G] à partir de 1974, date de son autorisation de mise sur le marché (AMM), que ce médicament a fait l'objet d'une décision de suspension d'AMM en novembre 2009, puis de retrait en juin 2010, en raison de sa toxicité cardio-vasculaire, caractérisée par un risque d'hypertension artérielle pulmonaire et de valvulopathies.

Les éléments produits aux débats permettent de considérer le Médiator comme un produit défectueux au sens de l'article 1386-4 du code civil en ce qu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, en raison du déséquilibre défavorable avantage/risque démontré par les études réalisées et sanctionné par le retrait du marché, mais également de l'absence totale d'information figurant sur les notices accompagnant le produit tel que distribué au patient et même au Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP) disponible au dictionnaire [D] pour 2009, année de son retrait, sur le risque, même présenté comme exceptionnel, d'apparition d'une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) ou d'une valvulopathie.

Le Médiator a donné lieu à une littérature abondante, à des décisions de mises sous surveillance et de retrait du marché dans divers pays et à des rapports, bien avant de faire l'objet d'une suspension de son autorisation de mise sur le marché en [G] en novembre 2009.

Dès 1993, la société Les laboratoires Servier savait que le Médiator se métabolise en norfenfluramine dont la toxicité a justifié, en 1997, le retrait de toutes les amphétamines produites par elle (Isoméride et Pondéral), puis la mise sous surveillance du Médiator et son retrait du marché dans d'autres pays européens, en Suisse en 1998, en Espagne en 2003 et en Italie en 2005, en raison de l'implication possible de la norfenfluramine dans les valvulopathies cardiaques.

Le retrait du médicament commercialisé en Suisse sous le nom de [V], décidé à l'initiative de la société Les laboratoires Servier, est intervenu peu après que l'autorité de contrôle du médicament dans ce pays a mis l'accent sur le fait que le principe actif de cette molécule est incriminé dans les hypertensions artérielles et le développement des valvulopathies induites pas les anorexigènes. Le Modulator, nom commercial du Benfluorex en Espagne, a été retiré du marché espagnol à la demande expresse de la société Les laboratoires Servier pour sa possible implication dans le développement de valvulopathies cardiaques à la suite d'une publication scientifique. Il en est de même du retrait du Médiator en Italie, intervenu après la mise sous surveillance du médicament par les autorités italiennes.

En dépit du faible nombre de cas de valvulopathies et d'HTAP répertoriés en [G] par la Commission nationale de pharmacovigilance et des avis donnés par cette instance nationale les 29 novembre 2005 et 27 mars 2007, la société Les laboratoires Servier n'oppose pas d'éléments sérieux permettant de considérer qu'en l'état des connaissances scientifiques au cours des nombreuses années au cours desquelles le médicament a été prescrit à Mme [Z] [M], de 1998 à 2009, le défaut n'avait pas été décelé, de sorte que la contestation élevée par la société Les laboratoires Servier tirée de l'existence d'une cause d'exonération pour risque de développement ne constitue pas, au sens de l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile, une contestation sérieuse de nature à faire échec à la demande de provision.

Ainsi qu'il a été vu, Mme [Z] [M] a été exposée à la prise du Médiator de façon certaine pendant plusieurs années. Elle produit :

. des comptes rendus d'examens médicaux évoquant une maladie aortique,

. le rapport d'expertise définitif sur dossier de l'ONIAM établi le 13 juin 2013 et concluant à l'existence d'un lien direct et certain entre la prise de benfluorex et la pathologie présentée à l'origine d'un déficit fonctionnel,

. le second document émanant de l'ONIAM constitué de son avis émis le 9 janvier 2014 à la suite de la réception du courrier du conseil des Laboratoires Servier adressé après la notification du rapport définitif sur pièces, avis qui réitère ses conclusions du 13 juin 2013, retient un déficit temporaire partiel de classe I du 2 septembre 2010 au 9 septembre 2012 et un déficit fonctionnel permanent de 3 %.

Bien qu'elles aient été rendues sur dossier, les conclusions du collège des médecins experts de l'ONIAM, jointes aux éléments médicaux produits par Mme [M], fournissent en l'état suffisamment d'éléments clairs et explicites permettant de retenir que la pathologie dont souffre celle-ci, est en relation directe avec l'exposition au médicament.

Il en résulte que l'obligation de la société Les laboratoires Servier n'est pas sérieusement contestable.  

Mme [M] n'apporte pas d'éléments permettant de fixer la provision allouée sur dommages à une somme supérieure à 10.000 euros. Il lui appartiendra au vu du rapport déposé par l'expert judiciaire de saisir désormais le juge du fond et de solliciter le cas échéant l'allocation de provisions auprès du juge de la mise en état.

L'ordonnance sera également confirmée en ce qu'elle a alloué une provision pour frais d'instance à 10.000 euros.

IV - Sur les demandes formées par la CPAM

La caisse d'assurance maladie verse un relevé de débours correspondant à des dépenses de santé actuelles du 31 août 2010 au 9 septembre 2012, des frais médicaux occasionnels du 10 septembre 2012 au 26 mars 2015, des frais pharmaceutiques du 2 janvier 2013 au 7 juin 2014 et des frais futurs viagers.

Les frais futurs viagers seront déterminés au vu du rapport de l'expert judiciaire.

Les autres frais, d'un montant s'élevant à la somme totale de 1054,31 euros, ne font pas l'objet d'une contestation sérieuse.

Une provision de ce montant et une provision de 1037 euros au titre de l'indemnité forfaitaire seront allouées à la CPAM.

En l'absence de justification de frais autre que ceux susceptibles d'être couverts par l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la demande de provision pour frais d'instance sera rejetée.

La société Les Laboratoires Servier sera condamnée à payer la somme de 3000 euros à chacun des deux intimés en remboursement des frais non compris dans les dépens, exposés en appel.

PAR CES MOTIFS ;

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions hormis celles concernant la CPAM du Rhône ;

Statuant à nouveau de ce chef,

CONDAMNE la société Les Laboratoires Servier à payer à la CPAM du Rhône les sommes provisionnelles de 1054,31 euros (mille cinquante-quatre euros et trente-et-un centimes) et 1037 euros (mille trente-sept euros) ;

REJETTE toutes autres demandes ;

CONDAMNE la société Les Laboratoires Servier à payer à Mme [M] et la CPAM du Rhône la somme de 3000 euros (trois mille euros) à chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT que la société Les Laboratoires Servier supportera la charge des dépens d'appel qui pourront être recouvrés, s'agissant de ceux d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Monsieur Jean-Michel SOMMER, président et par Madame Agnès MARIE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 15/00351
Date de la décision : 12/11/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 14, arrêt n°15/00351 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-12;15.00351 ?
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