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04/11/2015 | FRANCE | N°14/02161

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 04 novembre 2015, 14/02161


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code BAILLE : 80A



15e chambre



ARRET N°



contradictoire



DU 04 NOVEMBRE 2015



R.G. N° 14/02161



AFFAIRE :



Me [V] [I] - Mandataire liquidateur de SASU PHOCOMEX

...



C/

[Y] [Z] [E]





AGS CGEA MARSEILLE





Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 09 Avril 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOU

RT



N° RG : 13/01449





Copies exécutoires délivrées à :





Me Paul NGELEKA





Copies certifiées conformes délivrées à :



Me [V] [I] - Mandataire liquidateur de SASU PHOCOMEX, SASU PHOCOMEX



[Y] [Z] [E]



AGS CGEA MARSEILLE



l...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code BAILLE : 80A

15e chambre

ARRET N°

contradictoire

DU 04 NOVEMBRE 2015

R.G. N° 14/02161

AFFAIRE :

Me [V] [I] - Mandataire liquidateur de SASU PHOCOMEX

...

C/

[Y] [Z] [E]

AGS CGEA MARSEILLE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 09 Avril 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

N° RG : 13/01449

Copies exécutoires délivrées à :

Me Paul NGELEKA

Copies certifiées conformes délivrées à :

Me [V] [I] - Mandataire liquidateur de SASU PHOCOMEX, SASU PHOCOMEX

[Y] [Z] [E]

AGS CGEA MARSEILLE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE NOVEMBRE DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Me [I] [V] - Mandataire liquidateur de SASU PHOCOMEX

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

non comparant

SASU PHOCOMEX

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Me Elisabeth GAUTIER HUGON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0396

APPELANTES

****************

Monsieur [Y] [Z] [E]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparant et assisté par Me Paul NGELEKA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0532 substitué par Me Njoud HAOUET, barreau de PARIS T. C 732

INTIME

****************

AGS CGEA MARSEILLE

[Adresse 4]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Hubert MARTIN DE FREMONT de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 substituée par Me Séverine MAUSSION, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 133

PARTIE INTERVENANTE

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Septembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller chargé(e) d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :

Madame Michèle COLIN, Président,

Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller,

Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Brigitte BEUREL,

Suivant contrat à durée indéterminée du 14 novembre 2011, Monsieur [E] a été embauché en qualité de mécanicien, coefficient 215 niveau III échelon 1 par la société PHOCOMEX. Sa rémunération contractuelle était fixée à la somme de 1.950,00 euros brut par mois durant la période d'essai puis portée à la somme de 2.000,00 euros brut.

La société PHOCOMEX était une société de location de matériels et d'engins de travaux publics, dont le siège social se trouvait à VITROLLES mais qui disposait de plusieurs agences en France. Monsieur [E] était rattaché administrativement à celle de CHATILLON.

La société PHOCOMEX employait environ 170 salariés et était soumise à la convention collective Nationale des entreprises de réparation, de commerce de détail, et de location de tracteurs, Machines, matériels agricoles et des entreprises de Négoce, réparation et location de Matériels de Travaux Publics et de Bâtiments. Elle disposait d'institutions représentatives du personnel à savoir des délégués du personnel, un comité d'entreprise et un CHSCT.

Par courrier en date de 12 novembre 2012, la Société a notifié à Monsieur [E] un premier avertissement pour manque de professionnalisme. Contesté par l'intéressé le 22 novembre 2012, il était néanmoins maintenu par la Société.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8 mars 2013, un second avertissement a été adressé à Monsieur [E] pour non respect de ses obligations contractuelles, sans contestation de sa part.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 25 avril 2013, Monsieur [E] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 07 mai 2013 et, par lettre du 22 mai 2013, adressée sous la même forme, il a été licencié pour cause réelle et sérieuse.

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, Monsieur [E] a saisi le Conseil des Prud'hommes de Boulogne-Billancourt le 11 juillet 2013 qui, par jugement du 09 avril 2014, a :

- pris acte de la remise, par la société PHOCOMEX, d'un chèque d'un montant de 786,14 euros nets et des bulletins de salaire correspondant,

- dit que le licenciement de Monsieur [E] reposait sur un motif réel et sérieux,

- condamné la société PHOCOMEX à verser à Monsieur [E] :

* au titre du rappel de salaire, congés payés inclus, la somme de 1.021,64 euros,

* au titre d'un complément d'indemnité de licenciement, la somme de 51,20 euros,

* au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 875,00 euros,

- débouté Monsieur [E] du surplus de ses demandes,

- et condamné la Société PHOCOMEX aux dépens.

La société PHOCOMEX a régulièrement interjeté appel de cette décision le 06 mai 2014.

Elle demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions qui lui sont favorables, mais de l'infirmer en ce qu'il a ordonné un rappel de salaire supérieur à quoi Monsieur [E] pouvait prétendre et attribué un complément d'indemnité de licenciement. En conséquence, elle demande de :

- constater que le rappel de salaire payé le 17 janvier 2014 par la société a rempli Monsieur [E] de ses droits,

- constater que l'indemnité de licenciement versée est supérieure au montant dû,

- ordonner le remboursement de la somme de 881,81 euros versée au titre de l'exécution provisoire de la décision de première instance ainsi que la restitution du bulletin de paie afférent,

- condamner Monsieur [E] à payer à Me [I], es qualité de mandataire liquidateur de la société PHOCOMEX, la somme de 2.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- et condamner Monsieur [E] aux dépens.

Monsieur [E] demande à la Cour de confirmer le jugement déféré en ses dispositions qui lui sont favorables, de l'infirmer pour le surplus et, en conséquence, de condamner la société à lui verser la somme de 24.000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, et la somme de 2.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Aux termes de ses dernières conclusions, il ne formule plus aucune observation ou demande s'agissant du rappel de salaire pour la période de janvier 2012 à juillet 2013 et des congés payés y afférents.

Par jugement en date du 25 septembre 2014, le Tribunal de Commerce de Salon de Provence a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société PHOCOMEX, convertie, par jugement du 04 juin 2015, en liquidation judiciaire, désignant Maître [I] ès qualité de mandataire liquidateur.

Par conclusions régulièrement communiquées le 22 juin 2015 Me [I] a maintenu l'appel et les demandes initialement formulées par la société.

L'AGS, intervenante forcée, s'associe aux demandes du mandataire liquidateur. Elle rappelle que la présente action ne peut conduire à sa condamnation directe mais uniquement à la fixation d'une créance salariale au passif de la Société. Elle sollicite, à titre subsidiaire, en cas de réformation de la décision de première instance, de limiter à de plus justes proportions la demande de dommages et intérêts pour rupture abusive et d'être mise hors de cause s'agissant des frais irrépétibles de la procédure. En tout état de cause, l'AGS demande de dire que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le Mandataire judiciaire et de la justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour renvoie, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS :

- Sur les avertissements :

Aux termes de l'article L1333-1 du Code du travail, en cas de litige, la Cour apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit à la Cour les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, la Cour forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'elle estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié. L'article L1333-2 précise que la Cour peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

* Sur l'avertissement du 14 novembre 2012

Monsieur [E] a reçu un premier avertissement le 14 novembre 2012, qui faisait état de quatre griefs s'étant déroulé entre le 18 octobre et le 06 novembre 2012. Il lui était reproché :

- de ne pas ranger les machines conformément aux procédures établies,

- de nettoyer les machines dans la cour et non sur l'aire prévue à cet effet,

- une absence injustifée le mercredi 24 octobre 2012,

- et un manque de sérieux.

Monsieur [E] a contesté les griefs liés au rangement et au nettoyage, indiquant qu'il n'avait pas la possibilité de respecter les consignes, faute pour son employeur de lui fournir le matériel nécessaire pour déplacer les engins. Il conteste également son absence injustifiée indiquant qu'il se trouvait chez le médecin du travail puis chez son médecin traitant.

Sur ce dernier point, il n'est pas contesté que Monsieur [E] a été absent de son poste de travail le 24 octobre 2012, sans avoir prévenu son employeur. Si lors de l'audience de première instance, il a pu justifier qu'il s'était rendu à une visite chez le médecin du travail le matin, il ne fournit aucune explication pour son absence de l'après-midi. Le certificat médical mentionne en effet une consultation entre 10 heures 20 et 11 h 50 et conclut à une absence de réserve. Dans ces conditions, Monsieur [E] aurait dû se présenter sur son lieu de travail l'après midi du 24 octobre 2012, ce qu'il n'a pas fait. L'arrêt de travail qu'il verse aux débats pour se justifier est daté du 03 mai 2013, donc bien postérieur à l'absence injustifiée. Quant à l'attestation de son médecin traitant, s'il indique avoir reçu la visite de Monsieur [E] le 24 octobre 2012, il ne précise pas l'heure de la visite, ce qui empêche de la considérer comme justifiant l'absence de l'après-midi.

Monsieur [E] se trouvait donc bien en absence injustifiée, ce que l'employeur pouvait justement sanctionner d'un avertissement.

S'agissant des explications fournies par Monsieur [E] pour justifier le non respect des procédures de rangement et de lavage, il ne peut qu'être relevé, à la lecture des courriers qu'il a échangés avec son employeur, que la société disposait bien d'engins de levage lui permettant d'effectuer sa mission. Monsieur [E] reconnaît en effet qu'un des responsables du garage avait effectué le rangement de la totalité du parc, ce qui ne pouvait se faire qu'avec une aide mécanique. Il ne peut pas plus invoquer l'impossibilité d'utiliser l'aire de lavage en raison de la boue qui la recouvrait puisque celle-ci était recueillie par les mécaniciens dans des containers spécifiques, comme en atteste Madame [U], directrice régionale. Monsieur [E] disposait donc bien des moyens nécessaires pour effectuer les travaux qui relevaient de ses attributions et c'est volontairement qu'il s'en est abstenu.

C'est donc à bon droit que le Conseil des Prud'hommes a dit cet avertissement justifié.

* Sur le deuxième avertissement

La société PHOCOMEX a notifié à Monsieur [E] un second avertissement le 8 mars 2013 en raison du non-respect de ses obligations contractuelles et du non-respect de ses horaires de travail. Elle faisait état :

- d'un travail défectueux consistant d'abord en la livraison d'un matériel BOB 4 avec des pneus usagés alors que la fiche de sortie de matériel les mentionnait en bon état, puis en la livraison d'une pelle 8 tonnes avec des chenilles usées dont une s'était déchirée lors de son utilisation par le client,

- du non respect des horaires de travail.

Monsieur [E] n'a pas contesté les faits au moment de la notification de l'avertissement

A l'audience, il soutient que malgré sa qualité de mécanicien, il n'était affecté qu'au lavage des machines. Quant au non respect des horaires, il les impute à des conditions météorologiques défavorables qui l'auraient empêché de travailler en atelier.

Sur le premier point, il est intéressant de relever que, d'une part, le contrat de travail de Monsieur [E] mentionne, au titre de ses attributions, 'gestion du parc, lavages, réparations de matériels industriels et travaux publics, travaux en atelier et dépannages en agence et sur les chantiers' et que, d'autre part, ses bulletins de salaire montrent que sa rémunération a été établie sur la base d'un emploi de mécanicien. Monsieur [T], responsable d'agence, confirme l'emploi, en cette qualité, de Monsieur [E], ce qui est également corroborré par les fiches de préparation des engins qui étaient rédigées et signées de la main de celui-ci sans qu'aucun élément ne laisse supposer qu'il agissait pour le compte d'un autre salarié. Il entrait donc bien dans ses missions de réparer et préparer le matériel destiné à la location. Sur le fond, les fiches de départ des matériels renseignées par Monsieur [E], indiquent qu'il les a préparés et laissés sortir en bon état, ce qui sera démenti par les incidents mécaniques survenus chez les clients et les factures qui ont été réglées par la société pour réparer le matériel défectueux.

Sur le second point, Monsieur [E] ne produit aucun élément permettant de dire qu'il a été obligé de quitter son poste de travail pour se réfugier dans une salle de repos faute pour l'atelier d'être chauffé, alors même que son responsable atteste de ce que la cuve de chauffage pouvait être suffisamment remplie avec le gasoil à disposition dans l'atelier.

L'avertissement est donc justifié

- Sur le licenciement pour cause réelle et sérieuse :

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

La lettre de licenciement fait grief à Monsieur [E] d'avoir, le 04 avril 2013, livré au client MR Bâtiment une pelle 22 tonnes pour du terrassement sur un site militaire hors d'état de fonctionner. Elle précise qu'un dépannage sur les lieux par un autre mécanicien de l'entreprise a été rendu nécessaire, perturbant alors le fonctionnement de l'agence, portant atteinte à son image et sa réputation et lui occasionnant des coûts supplémentaires. Elle rappelle que deux avertissements ont déjà été notifiés au salarié, le 22 novembre 2012 et le 08 mars 2013 pour des motifs similaires, sans aucun effet sur la qualité du travail fourni.

Elle déplore également le manque de professionnalisme de ce dernier et vise spécifiquement un incident survenu le 04 avril 2013. Les motifs du licenciement sont donc précis et matériellement vérifiables. Par ailleurs, la lettre portait mention de la possibilité pour le salarié de se faire assister lors de l'entretien avec les précisions utiles sur la qualité des différentes personnes pouvant l'accompagner. La procédure de licenciement a donc été respectée et doit être déclarée valable sur la forme.

Sur le fond, Monsieur [E] soutient qu'il ne porte aucune responsabilité dans le mécontentement du client MR Bâtiment, indiquant que son employeur ne rapporte pas la preuve qu'il a livré un matériel sale et hors d'état de fonctionner. Il affirme qu'il était dans les habitudes de la société PHOCOMEX de fournir à ses clients du matériel défectueux, comme en attestent les fiches de départ et de retour de matériels qu'il produit aux débats.

Au contraire, Me [I] soutient que Monsieur [E] n'a pas respecté ses obligations contractuelles consistant notamment à vérifier la bonne marche du matériel loué et à défaut de le remettre en état. Il souligne que, s'agissant de l'incident contesté, le salarié a lui même mentionné une fuite de gazoil sur la pelle le 02 avril 2013, ce qui ne l'a pas empêché de la remettre, deux jours plus tard, à un autre client, sans avoir effectué de réparation sur la pièce défectueuse. Au contraire, il mentionnait faussement, sur la fiche de location, que le matériel était en état.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la société MR Bâtiment a reproché à la société PHOCOMEX de lui avoir livré une pelle 22 tonnes sale et hors d'état de fonctionner.

Les pièces produites par les parties permettent d'établir que la société PHOCOMEX avait loué ce matériel à une précédente société qui le lui avait restitué le 02 avril 2013. Lors de la restitution, Monsieur [E] notait sur une fiche 'retour' les défauts suivants : rétroviseur droit manquant, fuite de gazoil dans le moteur. Ce matériel était par la suite livré, le 04 avril 2013, à la société MR Bâtiment, par Monsieur [E], qui rédigeait alors une fiche 'départ' ne faisant plus mention de la fuite.

Monsieur [M], mécanicien, atteste avoir été obligé de se rendre, dès la livraison du matériel, sur le chantier de la société MR Bâtiment pour tenter de dépanner l'engin, et avoir constaté la défaillance du filtre et de la pompe à gasoil ainsi que la présence d'eau dans le réservoir gasoil. Il est donc établi que matériel loué n'était pas en état de fonctionnement au moment de sa livraison.

En sa qualité de mécanicien chargé de la réparation et la préparation des engins, il entrait dans la mission de Monsieur [E] de procéder au nettoyage ainsi qu'à la remise en état de l'engin ou, à défaut, d'informer son responsable de la persistance d'une panne de manière à ne pas permettre sa relocation. En tout état de cause, ne pouvant ignorer qu'il n'avait pas réparé le matériel, il ne pouvait mentionner sur la nouvelle fiche de départ l'avoir vérifié ni certifier que la mécanique était bonne. Il ne pouvait non plus ignorer le dysfonctionnement de la pelle puisqu'elle ne tenait que par une sangle, comme le montre les photographies prises par Monsieur [M] lorsqu'il s'est déplacé sur les lieux. Ces photographies montrent aussi l'état de saleté de la pelle, ce qui finit de démontrer qu'aucune intervention en atelier n'a été faite sur l'engin avant sa remise en location.

Aucun des éléments produit par Monsieur [E] ne permet de dire qu'il était dans les habitudes de la société PHOCOMEX de louer du matériel défectueux, ce qui apparaît peu compatible avec la présence d'un service de mécanique employant plusieurs salariés. Au contraire, l'ensemble des fiches 'départ' produit par Monsieur [E] concernant la location d'autres matériels mentionne toujours les défauts constatés, ce qui démontre la transparence de la société à l'égard de ses clients sur l'état du matériel fourni. De surcroît, aucune des anomalies mentionnées ne concernent des éléments de mécanique essentiels au fonctionnement des engins loués.

Cette carence dans l'exécution de son travail a eu pour conséquences de porter atteinte à l'image de la société mais également de lui occasionner un surcoût financier en ce qu'elle a dû gérer la panne en mobilisant un autre mécanicien.

Monsieur [E] était employé depuis moins de deux ans dans la société et avait déjà fait l'objet de deux avertissements concernant la qualité de son travail. L'incident du 04 avril 2013 démontre que son comportement n'a pas évolué. Il existe donc bien une cause réelle et sérieuse, justifiant le licenciement.

Il convient donc de confirmer la décision du Conseil des Prud'hommes.

- Sur la demande de rappel de salaires

Aux termes de son contrat de travail, Monsieur [E] devait percevoir une rémunération brute de 2.000,00 euros dès la fin de sa période d'essai.

Selon l'article 3.14.0 de la convention collective applicable en l'espèce, la période d'essai pour les salariés de niveau III est de deux mois.

Monsieur [E] aurait donc du percevoir, à compter du 14 janvier 2012, une rémunération brute mensuelle de 2.000,00 euros.

Il n'est plus contesté que cette augmentation n'a été appliquée par la société qu'à compter du 21 décembre 2013, entraînant une perte de salaire sur 17 mois et 15 jours.

La période d'essai de Monsieur [E] s'étant terminée le 13 janvier 2012, il ne peut se prévaloir que d'un rappel de salaire de 29,03 euros pour la période de janvier 2012 puis de 50,00 euros pour les 17 mois suivants, soit la somme totale de 879,03 euros brut outre les congés payés afférents pour 87,90 euros brut.

C'est par une analyse erronée que Monsieur [E] a sollicité, en première instance, la somme de 1.807,79 euros, confondant le montant de sa rémunération mensuelle pour un travail effectué dans les conditions horaires prévues au contrat et la rémunération perçue correspondant aux heures de travail réellement effectuées. Or les absences injustifiées n'ont pas à donner lieu à rémunération de la part de la société PHOCOMEX. Au vu des éléments produits par les parties, et notamment les bulletins de salaires, c'est à juste titre que n'ont pas été payés :

- 06 jours en raison d'un arrêt de travail pris du vendredi 26 octobre 2012 au dimanche 4 novembre 2012 correspondant au délai de carrence conformément à l'article D1226-3 du contrat de travail,

- et 10 jours correspondant à des absences non justifiées pour la période du 03 au 06 mai 2013 et du 10 au 19 mai 2013, les arrêts de travail évoqués par le salarié n'ayant jamais été transmis à l'employeur ou à la CPAM.

Par ailleurs, c'est par erreur que Monsieur [E] a sollicité pour le mois de décembre 2012 un complément de salaire de 834,17 euros alors même que son bulletin de salaire mentionne le paiement intégral de sa rémunération.

Dans ces conditions, il n'est dû à Monsieur [E] que 50,00 euros par mois depuis la fin de sa période d'essai soit la somme de 879,03 euros bruts outre les congés payés afférents pour 87,90 euros soit une somme nette de 786,14 euros.

La décision du Conseil des Prud'hommes sera donc réformée sur ce point.

- sur l'indemnité légale de licenciement :

L'article L. 1234-9 du Code du travail dispose que le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement. Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire. »

L'article R. 1234-2 dispose quant à lui que 'l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté».

Enfin, l'article R 1234-4 du contrat de travail précise que 'le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :
1° Soit le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant le licenciement
2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion'.

Compte tenu du rappel de salaire, l'indemnité de licenciement doit être fixée en se fondant sur une assiette de 2.000,00 euros.

En l'espèce, si l'on tient compte des trois derniers mois, la moyenne s'élève à la somme de 1908,78 euros, alors qu'elle s'établit à 1920,59 euros si l'on tient compte des douze derniers mois. C'est donc ce dernier calcul qui sera retenu.

L'ancienneté de Monsieur [E], à la fin de son préavis, était de 1 an et 8 mois

Son indemnité de licenciement doit donc être fixée à 1/5ème de 1920,59 x 1,66 soit 637,63 euros.

La société PHOCOMEX a versé à Monsieur [E] une indemnité de 668,80 euros, soit une somme supérieure aux calculs effectués sur la base rectifiée. Il n'est donc dû aucun complément d'indemnité à ce titre.

La décision du Conseil des Prud'hommes sera réformée sur ce point.

- Sur les mesures accessoires :

Monsieur [E], qui succombe à la présente instance, doit être débouté de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Il doit également en supporter les dépens.

Pour autant, au regard de la situation de Monsieur [E], il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de Me [I], es qualité de mandataire judiciaire de la société PHOCOMEX, les frais irrépétibles par lui exposés.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

CONSTATE que Monsieur [E] ne soutient plus ses prétentions, ni au titre du rappel de salaire et des congés payés afférents, ni au titre de l'indemnité de licenciement,

CONFIRME partiellement le jugement du Conseil des Prud'hommes de NANTERRE en date du 09 avril 2014 en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, débouté Monsieur [E] de ses demandes indemnitaires, et condamné la société PHOCOMEX à lui verser une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

INFIRME pour le surplus la décision et, STATUANT à nouveau :

DIT n'y avoir lieu au versement d'une indemnité de licenciement supplémentaire,

FIXE le rappel de salaire du à Monsieur [E] à la somme de 637,63 euros,

CONSTATE que Me [I] a procédé au versement de cette somme,

ORDONNE la restitution par Monsieur [E] à Me [I], es qualité de mandataire judiciaire de la société PHOCOMEX, de la somme de 881,81 euros correspondant au trop perçu de salaires et d'indemnités à la suite de l'exécution de la décision du Conseil des Prud'hommes,

ORDONNE la restitution par Monsieur [E] à Me [I], es qualité de mandataire judiciaire de la société PHOCOMEX, du bulletin de salaire remis à la suite de l'exécution de la décision de première instance,

CONDAMNE Me [I], es qualité de mandataire judiciaire de la société PHOCOMEX, à remettre à Monsieur [E] les documents de fin de contrat et le bulletin de salaire modifiés conformément à la présente décision,

DECLARE le présent arrêt opposable à L'AGS CGEA MARSEILLE,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [E] aux dépens.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Michèle COLIN, Président et par Madame BEUREL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 14/02161
Date de la décision : 04/11/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 15, arrêt n°14/02161 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-04;14.02161 ?
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