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04/11/2015 | FRANCE | N°13/04891

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 04 novembre 2015, 13/04891


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80C



15e chambre



ARRET N°



contradictoire



DU 04 NOVEMBRE 2015



R.G. N° 13/04891



AFFAIRE :



[P] [Z]





C/

SAS [Adresse 3]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 07 Novembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DREUX



N° RG : 12/00109





Copies exécutoires délivr

ées à :



la SCP MERY - GENIQUE

la SELARL GINISTY MORIN LOISEL JEANNOT





Copies certifiées conformes délivrées à :



[P] [Z]



SAS [Adresse 3]







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATRE NOVEMBRE DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'ap...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

15e chambre

ARRET N°

contradictoire

DU 04 NOVEMBRE 2015

R.G. N° 13/04891

AFFAIRE :

[P] [Z]

C/

SAS [Adresse 3]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 07 Novembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DREUX

N° RG : 12/00109

Copies exécutoires délivrées à :

la SCP MERY - GENIQUE

la SELARL GINISTY MORIN LOISEL JEANNOT

Copies certifiées conformes délivrées à :

[P] [Z]

SAS [Adresse 3]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE NOVEMBRE DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [P] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Philippe MERY de la SCP MERY - GENIQUE, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000035 - substituée par Me Maxence GENIQUE de la SCP MERY - GENIQUE, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000035 -

APPELANT

****************

SAS [Adresse 3]

[Adresse 2]'

[Localité 2]

représentée par Me Claire GINISTY MORIN de la SELARL GINISTY MORIN LOISEL JEANNOT, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000057

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Septembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Michèle COLIN, Président chargé(e) d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :

Madame Michèle COLIN, Président,

Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller,

Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Brigitte BEUREL,

Vu le jugement rendu le 7 novembre 2013 par le Conseil de prud'hommes de [Localité 3] en formation de départage ayant :

- débouté monsieur [Z] de toutes ses demandes,

- débouté la société [Adresse 3] de toutes ses demandes,

- mis les dépens à la charge de monsieur [Z].

Vu la déclaration d'appel de [P] [Z] reçue au greffe de la Cour le 28 novembre 2013.

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 30 septembre 2015 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de monsieur [Z] qui demande à la Cour de :

- infirmer le jugement entrepris,

- condamner la société [Adresse 3] à lui payer les sommes de :

- 63 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article L.1226-15 du code du travail,

- 5 216,48 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 23 568,28 euros à titre d'indemnité spéciale de licenciement,

- 6 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- ordonner la délivrance des bulletins de salaire conformes sous astreinte journalière de 50 euros,

- débouter la société [Adresse 3] de toutes ses demandes,

- la condamner aux dépens.

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 30 septembre 2015 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de la société [Adresse 3] qui demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris et condamner monsieur [Z] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA COUR ;

Monsieur [P] [Z] a été engagé le 7 octobre 1980 en contrat à durée indéterminée par la société [Adresse 3] (Groupe VINCI) en qualité de maçon ouvrier niveau 2.

Le 10 janvier 2011, monsieur [Z] déclarait deux maladies professionnelles reconnues comme telles par la CPAM respectivement le 25 juillet et le 16 août 2011.

Il faisait l'objet de plusieurs arrêts de travail et d'un avis d'inaptitude du médecin du travail après ses deux visites de reprises des 9 et 23 février 2012.

Dans le cadre de son obligation de reclassement, l'employeur lui proposait le 28 mars 2012 un poste de formateur maçon qu'il refusait.

Le 3 avril 2012, il était convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 13 avril 2012 et le 19 avril 2012, il se voyait notifier son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

C'est dans ses conditions que contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, il saisissait le Conseil de prud'hommes de [Localité 3] qui rendait le jugement dont appel.

Sur le licenciement :

Aux termes de l'article L.1226-10 du code du travail, lorsque à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise ; l'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

Les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation et le lieu permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

C'est à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyens, et de rapporter la preuve de l'impossibilité de reclassement qu'il allègue.

Lorsque l'employeur ne justifie pas avoir, après l'avis d'inaptitude définitive et avant l'introduction de la procédure de licenciement, consulté les délégués du personnel sur les possibilités de reclassement comme l'article L.1226-10 du code du travail lui en faisait l'obligation, la méconnaissance qui en résulte de dispositions relatives au reclassement du salarié inapte, est, en l'absence de demande de réintégration, sanctionnée aux termes de l'article L.1226-15 du même code par l'allocation au salarié d'une indemnité qui ne peut être inférieure à douze mois de salaire et qui se cumule avec l'indemnité compensatrice et l'indemnité spéciale de licenciement prévues à l'article L.1226-14 du même code.

Selon l'article L.1226-12, lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de l'impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L.1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions.

Aux termes de l'article L.1226-14 du code du travail, la rupture du contrat de travail dans les cas prévus par l'article L.1226-12 du même code ouvre droit pour le salarié à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L.1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité de licenciement prévue par l'article L.1234-9 ; toutefois, ces indemnités ne sont pas dues par l'employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif.

Sur la consultation des délégués du personnel :

Monsieur [Z] soutient que l'employeur ne justifie pas d'une consultation régulière des délégués du personnel, les convocations qu'il produit n'étant pas émargées par les délégués, la feuille portant mention de la réunion du 23 mars ne comportant pas la décision adoptée, le document selon lequel les délégués auraient émis un avis défavorable n'étant pas signé par les intéressés et le document intitulé 'Réunion des délégués du personnel du 23 mars 2012", ayant été manifestement établi pour les besoins de la cause et n'étant pas signé des intéressés.

L'employeur fait pour sa part valoir qu'aucun formalisme n'existe, s'agissant de la consultation des délégués du personnel, que les documents produits mettent en évidence que les délégués ont bien été informés de la situation de monsieur [Z], de l'avis du médecin du travail et de ses préconisations s'agissant tant du poste d'homme trafic que de formateur.

La Cour constate que l'employeur justifie avoir convoqué les délégués du personnel le 19 mars 2012 et leur avoir soumis, à l'occasion de la réunion du 23 mars 2012 lors de laquelle ils ont régulièrement signé la feuille de présence, le cas de monsieur [Z] en exposant notamment les caractéristiques de son inaptitude telle que constatée par le médecin du travail, les préconisations de celui-ci s'agissant tant du poste d'homme trafic que celui de formateur, et les recherches de reclassement entreprises.

Il en résulte que monsieur [Z] qui ne fait valoir aucun élément permettant d'établir qu'il s'agirait de documents de complaisance établis pour les besoins de la cause, ne saurait soutenir que les délégués du personnel n'ont pas été régulièrement consultés préalablement à son licenciement.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de ce chef.

Sur le reclassement :

Monsieur [Z] soutient que c'est légitimement qu'il a refusé le poste de formateur qui lui a été proposé par l'employeur, le dit poste n'étant pas approprié à ses capacités ; que l'employeur a ignoré la préconisation du médecin du travail visant à lui proposer le poste 'd'homme trafic', lequel constitue bien un poste à part entière ; qu'il est inconcevable que l'employeur ne lui ait proposé qu'un seul poste, alors même que le Groupe compte 39 937 salariés.

L'employeur fait pour sa part valoir que monsieur [Z] ne pouvait occuper un poste 'd'homme trafic', s'agissant de fonctions occasionnelles confiées à tour de rôle aux ouvriers des chantiers ; qu'il a procédé à des recherches approfondies au niveau du Groupe ; que le poste de formateur était le seul approprié à l'inaptitude du salarié qui l'a refusé abusivement.

La Cour constate qu'à l'issue de la seconde visite médicale de reprise, le médecin du travail a déclaré monsieur [Z] définitivement ' inapte au poste. Ne peut faire d'effort avec le bras droit, ni lever ce bras au dessus de l'épaule, ni rester debout en permanence, doit pouvoir s'asseoir de temps en temps, ne pourrait travailler avec ces contraintes qu'à temps partiel'.

Le médecin a précisé par la suite que monsieur [Z] pourrait éventuellement occuper des fonctions 'd'homme trafic avec siège à disposition et en tenant le panneau du bras gauche' et, sur interrogation de l'employeur, qu'il pourrait également occuper, sous certaines réserves, le poste de formateur.

Il a cependant noté, aux termes de la fiche d'aptitude qu'il a remplie sur demande de l'employeur, que monsieur [Z] présentait des problèmes linguistiques de compréhension et d'élocution.

La Cour observe que ces difficultés ont été confirmées par les attestations de la fille du salarié et de l'association d'alphabétisation 'l'Amitié Internationale Drouaise' qui ont précisé toutes deux que l'intéressé maîtrisait peu la langue française et ne savait ni lire ni écrire.

Il en résulte que monsieur [Z], également très diminué physiquement et âgé de 60 ans au moment des faits, a pu légitimement redouter d'être mis en échec dans le poste de formateur proposé, celui-ci, aux termes de la description qu'en a lui-même fait l'employeur dans la lettre en ce sens qu'il a adressée le 28 mars 2012 au salarié, comportant 'la formation et le conseil auprès des nouveaux arrivants, la formation continue des maçons, tant théorique que pratique, sur chantier, mais aussi au sein de l'agence'.

Il ressort au surplus du compte-rendu manuscrit du délégué du personnel assistant monsieur [Z] lors de l'entretien préalable, non contesté par l'employeur, que monsieur [Z] a expliqué à celui-ci les raisons pour lesquelles il avait refusé le poste, à savoir son absence de maîtrise de la langue française.

Il s'ensuit que le refus par monsieur [Z] de ce poste, manifestement en décalage complet avec ses capacités, ne saurait être considéré comme abusif.

Il y a lieu de relever que les délégués du personnel se sont d'ailleurs prononcés contre le reclassement du salarié sur ce poste, quand bien même cet avis ne lierait pas l'employeur.

La Cour observe en revanche que l'employeur produit des pièces établissant que le poste 'd'homme trafic' ne constitue pas une fonction pérenne mais est exercé à tour de rôle par les ouvriers des chantiers, qu'il est au surplus peu compatible avec la position assise et requiert une certaine agilité des bras aux fins de guider les engins de chantier dans des conditions difficiles.

La Cour constate également que l'employeur a procédé avec loyauté et sérieux à la recherche d'un poste de reclassement pour monsieur [Z] et qu'il justifie avoir consulté à cet effet toutes les entreprises du Groupe VINCI.

Il s'ensuit qu'il a rempli avec le sérieux et la loyauté requis l'obligation de reclassement lui incombant.

Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a débouté monsieur [Z] de la demande qu'il a formée au titre du manquement à l'obligation de reclassement, mais infirmé en ce qu'il a déclaré abusif son refus du poste proposé.

Monsieur [Z] peut dès lors prétendre aux indemnités prévues à l'article L.1226-14 du code du travail, soit une indemnité compensatrice égale à l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L.1234-5 et une indemnité spéciale de licenciement égale au double de l'indemnité prévue par l'article L.1234-9 du même code.

Il y a lieu, en conséquence de faire droit à la demande du salarié à hauteur des sommes qu'il sollicite à ce titre, lesquelles ont été justement appréciées au vu des éléments de la cause et ne sont pas contestées par l'employeur.

Sur les mesures accessoires :

Il y a lieu d'ordonner à la société [Adresse 3] de remettre à monsieur [Z] les bulletins de salaire conformes à la présente décision sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte.

Succombant partiellement, la société [Adresse 3] sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamnée à payer à monsieur [Z] la somme de 2 000 euros sur le même fondement ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant, par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement en ce qu'il a déclaré abusif le refus de poste de monsieur [Z] ;

STATUANT à nouveau de ce chef,

CONDAMNE la société [Adresse 3] à payer à monsieur [Z] les sommes de:

- 5 216,48 euros au titre de l'indemnité compensatrice prévue à l'article L.1226-14 du code du travail,

- 521,64 euros pour les congés payés afférents,

- 23 568,28 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,

ORDONNE la remise par l'employeur dans le mois suivant la mise au disposition au greffe du présent arrêt des bulletins de salaire conformes au présent arrêt ;

CONFIRME le jugement pour le surplus ;

Y AJOUTANT,

DEBOUTE la société [Adresse 3] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

LA CONDAMNE à payer à monsieur [Z] la somme de 2 000 euros sur le même fondement ;

LA CONDAMNE aux dépens de première instance et d'appel.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Michèle COLIN, Président et par Madame BEUREL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 13/04891
Date de la décision : 04/11/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 15, arrêt n°13/04891 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-04;13.04891 ?
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