COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
AP
Code nac : 31Z
12e chambre section 2
ARRET N°
contradictoire
DU 20 OCTOBRE 2015
R.G. N° 14/05582
AFFAIRE :
[E] [W] [U]
...
C/
[J] [G]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 03 Juillet 2014 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° Chambre : 01
N° Section :
N° RG : 11/06995
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Julie GOURION-LEVY
Me Alain CLAVIER
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT OCTOBRE DEUX MILLE QUINZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [E] [W] [U]
né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 1] PAYS-BAS
de nationalité Hollandaise
[Adresse 1]
[Adresse 1] - ESPAGNE -
Représentant : Me Julie GOURION-LEVY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 51 - N° du dossier 214109
Représentant : Me Emmanuel MOULIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R016 -
Madame [R] [E] épouse [U]
née le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 2] PAYS-BAS
de nationalité Hollandaise
[Adresse 1]
[Adresse 1] - ESPAGNE -
Représentant : Me Julie GOURION-LEVY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 51 - N° du dossier 214109
Représentant : Me Emmanuel MOULIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R016 -
APPELANTS
****************
Monsieur [J] [G]
né le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Alain CLAVIER, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 240 - N° du dossier 143344
Représentant : Me Louis VERMOT de la SCP CORDELIER & Associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0399 -
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 Septembre 2015 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Alain PALAU, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Alain PALAU, Président,
Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,
Monsieur François LEPLAT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Catherine CHARPENTIER,
Par acte du 12 novembre 1999, Monsieur [E] [U] et Madame [R] [E], son épouse, ont créé la SCI Château de Saint Martin des Champs ayant son siège social à [Adresse 3].
Par acte du 7 septembre 2000, ils ont créé la SARL Hôtel Saint Martin ayant pour objet l'exploitation d'un hôtel restaurant dans les locaux pris à bail à la SCI.
Par lettres des 19 novembre 2008 et 21 janvier 2009 adressées à l'administration fiscale, Maître [G], avocat, a contesté une partie des sommes réclamées par celle-ci à la SARL, sollicité la production d'un bordereau de situation et s'est informé des modalités d'apurement d'une dette de la SCI.
Par acte du 24 août 2009, l'URSSAF a assigné la SARL Hôtel Saint Martin des Champs devant le tribunal de commerce de Béziers.
Par actes datés du 7 novembre 2009, la société Tiendas Arizagres SL, gérée par Monsieur [Y] [D], et les époux [U] ont convenu de l'achat par la société du fonds de commerce et des parts de la SCI.
L'acte prévoit la cession du fonds de commerce au prix de 250.000 euros payable en 7 annuités.
Il fixe à 2.050.000 euros le prix des parts de la SCI et minore celui-ci par la prise en compte d'emprunts (192.000 euros outre un emprunt familial).
Ces actes stipulent que Maître [G] est chargé d'établir les actes de cession qui doivent être signés avant le 21 novembre 2009.
Par acte du 20 novembre 2009, les parties ont conclu la cession du fonds de commerce au prix de 250.000 euros.
Par jugements du 2 décembre 2009, le tribunal de commerce de Béziers a constaté la cession du fonds à la société Arizagres S L au prix de 250.000 euros, y a donné son accord nécessaire compte tenu de sa conclusion en période suspecte et a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL, désormais sans activité.
La SARL était assistée par Maître [G].
Par acte du 9 janvier 2010, la société Tiendas Arizagres SL, représentée par Monsieur [Y] [D], a acquis les parts de la SCI moyennant le prix de 2.300.000 euros. Cette somme a été minorée du coût d'acquisition du fonds (250.000 euros) et de dettes diverses (950.000 euros), le prix de cession ressortant à 1.100.000 euros et étant payable, notamment, par la cession d'une propriété située [Adresse 4], en Espagne d'une valeur de 650.000 euros.
Cet accord n'a pas été exécuté.
Par acte du 10 juillet 2010, les époux [U] et la société Tiendas Arizagres SL, représentée par Monsieur [Y] [D], ont conclu un protocole d'accord transactionnel au sens des articles 2044 à 2052 du code civil, établi par Maître [G].
Il stipule que les accords des 7 novembre 2009 et 9 janvier 2010 sont « caducs et annulés en toutes leurs dispositions ».
Il énonce que la valeur des murs et du fonds est ramenée à 1.050.000 euros.
Il prévoit que Monsieur [Y] [D] achètera à titre personnel, pour un euro, à la société Tiendas Arizagres le fonds de commerce, se subrogera au regard du liquidateur dans les droits et obligations de la société Tiendas Arizagres, déchargera celle-ci de ses obligations envers le liquidateur à hauteur de 240.000 euros et fournira à ce titre la caution de deux sociétés.
Il stipule que Monsieur [Y] [D] acquiert les parts de la SCI au prix de 800.000 euros.
Il énonce que ce prix est payable par compensation avec un bien immobilier situé sis [Adresse 5]), propriété de la société Climiran SL, à hauteur de 650.000 euros se décomposant de la valeur du bien, de la levée des hypothèques, du paiement des frais et droits.
Il indique que le solde de 150.000 euros est payable par un contrat de travail de 2.000 euros net mensuel plus charges sociales sur 6 mois et le solde en mensualités égales sur 120 mois, assorties de l'intérêt légal.
L'acte énonce que « pour garantir ce paiement », Monsieur [Y] [D] « signe à l'instant un bail empêchant l'expulsion de Monsieur et Madame [U] du bien immobilier occupé », le bail cessant lors du transfert de propriété du bien situé en Espagne.
Il indique que Monsieur [Y] [D] se porte fort de la régularisation notariée de la vente dans un délai d'un mois par la société, et « à ce titre », « se porte caution à titre personnel et en tant qu'administrateur » de celle-ci.
Il stipule que cette société se porte elle-même caution du rachat des parts de Monsieur [Y] [D].
Il mentionne que celui-ci donne sa caution personnelle et celle de trois sociétés dont la société Cumiran SL.
Il énonce qu'en ce qui concerne la vente des parts de la SCI, « la régularité » de l'acte est soumise à la caution personnelle de Monsieur [Y] [D], à la caution personnelle des trois sociétés validant les engagements de celui-ci et à l'accord de la société Cumiran SL, propriétaire du bien.
Cette transaction est signée par Monsieur [Y] [D] à titre personnel et au nom des trois sociétés et par les époux [U].
Par acte du même jour, les époux ont cédé à Monsieur [Y] [D] les parts de la SARL au prix de 800.000 euros, payable conformément à la transaction.
Il prévoit qu'en garantie de paiement du prix, les trois sociétés se portent caution des engagements de Monsieur [Y] [D] et qu'une condition suspensive sera stipulée.
L'acte stipule que la cession est réalisée sous la condition suspensive de transfert de propriété effectif d'un bien immobilier sis [Adresse 5]), de la société Cumiran SL.
Il énonce que Monsieur [Y] [D] fait son affaire personnelle du transfert de ce bien dans son patrimoine personnel « et se portant fort » de la société Cumiran SL pour un tel transfert.
Il prévoit le cautionnement des trois sociétés.
Par acte du 4 août 2010, Maître [G] a fait enregistrer l'acte de cession des parts sociales de la SCI.
Par ailleurs, par acte du 15 février 2010, la société Cumiran et Monsieur [J] ont conclu un bail d'habitation d'une durée de 6 mois renouvelables portant sur un chalet individuel situé [Adresse 6].
Par acte du 10 août 2010, ce bail a été renouvelé pour une durée de 2 ans.
Les époux ont demandé des explications à Maître [G] qui, par lettres des 10 et 17 novembre 2010, a contesté toute faute.
Par acte du 20 mai 2011, Monsieur et Madame [U] ont assigné Maître [G] devant le tribunal de grande instance de Nanterre pour avoir paiement de la somme principale de 1.150.000 euros.
Par acte du 16 août 2011, ils ont assigné Monsieur [Y] [D] et la SCI [Adresse 7] devant le tribunal de grande instance de Béziers pour avoir paiement de la somme principale de 796.000 euros.
Ils invoquent la non réalisation du transfert de propriété de l'immeuble situé en Espagne alors que les parts sociales ont effectivement été cédées à Monsieur [Y] [D].
Par ordonnance du 12 janvier 2012, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nanterre a, conformément à leur demande, ordonné le sursis à statuer jusqu'à la décision du tribunal de grande instance de Béziers.
Par jugement du 5 décembre 2011, le tribunal de grande instance de Béziers s'est déclaré territorialement incompétent.
La cour d'appel a rejeté le contredit.
La procédure devant le tribunal de grande instance de Nanterre a été rétablie à la demande des époux.
Par jugement du 3 juillet 2014, le tribunal a condamné Maître [G] à payer aux époux [U] le sommes de :
100.000 euros en réparation de leur perte de chance d'obtenir l'exécution par la société Arizagres et les cautions de leurs obligations
10.000 euros en réparation de leur préjudice moral.
10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal a jugé que les époux [U] ne rapportaient pas la preuve que Maître [G] était intervenu lors de la signature des actes des 7 novembre 2009 et 9 janvier 2010.
Il a écarté toute faute de celui-ci dans la demande d'homologation de la cession du fonds préalablement à la signature de l'acte de vente des parts.
Il a écarté les reproches tirés de l'insertion et de la rédaction de clauses prétendument potestatives et du caractère anormal de la promesse de porte-fort au motif que la société était contrôlée par Monsieur [Y] [D].
Il a considéré que les époux ne justifiaient pas du caractère déséquilibré du protocole.
Il a reproché à Maître [G] d'avoir fait procéder à l'enregistrement de la cession des parts de la SCI sans s'assurer de la réalisation des conditions suspensives et du paiement du prix.
Il lui a fait grief de ne pas avoir respecté les dispositions de l'article 1326 du code civil ce qui leur a fait perdre une chance de se prévaloir de ces sûretés dont la validité peut être sérieusement contestée.
Il lui a reproché d'avoir prévu le paiement d'une partie du prix par un contrat de travail et de n'avoir pas prévu de garantie pour le paiement du reliquat.
Par déclaration du 21 juillet 2014, Monsieur et Madame [U] ont interjeté appel.
Dans leurs dernières conclusions en date du 28 avril 2015, Monsieur et Madame [U] demandent que le jugement soit confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de Maître [G] et infirmé en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts.
Ils sollicitent la condamnation de Maître [G] à leur payer les sommes de :
1.100.000 euros outre intérêts légaux depuis le 10 août 2010 et anatocisme
60.000 euros en réparation de leurs préjudices matériel et moral
60.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les époux exposent qu'une réunion entre Monsieur [U], l'expert comptable de la société et Maître [G] s'est tenue en octobre 2009, que Maître [G] a, lors de cette réunion, indiqué qu'un de ses clients, Monsieur [Y] [D], était spécialisé dans le rachat de sociétés en difficultés et disposait d'une surface financière le mettant en mesure de racheter les participations des époux dans les deux sociétés et qu'un rendez-vous a alors été pris.
Ils rappellent les accords intervenus les 7 novembre 2009 et 9 janvier 2010 et affirment que Maître [G] a assisté les parties par téléphone le 7 novembre 2009.
Les époux relèvent les obligations légales de l'avocat rédacteur d'acte.
Ils invoquent son devoir de conseil à l'égard de toutes les parties et le contenu de ce devoir et rappellent que c'est à lui de démontrer qu'il s'en est convenablement acquitté.
Ils invoquent, également, son obligation de diligence qui lui impose de prendre toutes dispositions utiles, selon l'article 9 du décret du 12 juillet 2005, « pour assurer la validité et l'efficacité de la pleine efficacité de l'acte selon les prévisions des parties ».
Ils invoquent, enfin, son devoir de loyauté édicté par les articles 7 et 9 du décret précité.
En ce qui concerne le défaut de vigilance et de conseil, ils exposent que Maître [G] est intervenu dès les premiers actes, le 7 novembre 2009, et lui reprochent d'avoir fait homologuer la cession du fonds sans faire signer concomitamment l'acte de cession des parts de la SCI. Ils estiment que cette faute a permis à Monsieur [Y] [D] d'avoir la maîtrise des négociations sur la cession des parts de la SCI.
En réponse à l'intimé, ils soutiennent que Maître [G] était le conseil des parties antérieurement à leur rencontre, qu'il les a mises en relation à la mi octobre 2009, qu'il les a conseillées téléphoniquement lors des négociations du 7 novembre 2009, qu'il a fixé le prix du fonds de commerce et qu'il a rédigé l'acte de cession du fonds et soumis celui-ci pour homologation au tribunal de commerce. Ils font également valoir qu'en ayant omis de faire régulariser concomitamment l'acte de cession des parts de la SCI, il a permis à Monsieur [Y] [D] de leur opposer une fin de non recevoir pour signer l'acte et qu'il ne pouvait ignorer le contenu et l'existence de l'acte du 9 janvier 2010. Ils se prévalent d'une attestation de Monsieur [Y] [D] aux termes de laquelle les parties ont demandé à Maître [G] de rédiger les actes de cession du fonds et des parts sociales. Ils en infèrent que Maître [G] ne peut prétendre utilement que les actes des 7 novembre 2009 et 9 janvier 2010 ont été négociés et signés sans son concours. Ils ajoutent qu'en tout état de cause, il lui appartenait de tenir compte de ces actes et de celui de cession du fonds lorsqu'il a rédigé le protocole du 10 juillet 2010.
Ils affirment que, même à supposer pour les besoins du raisonnement que les accords des 7 novembre 2009 et 9 janvier 2010 aient été négociés et rédigés exclusivement par les parties, Maître [G], en sa qualité d'avocat qui plus est commun aux parties, devait refuser de rédiger cet accord, peu important qu'il matérialise prétendument les volontés des clients.
Ils lui font grief en outre d'avoir fait enregistrer, sans les informer, le 4 août 2010, l'acte de cession des parts sociales de la SCI alors que les conditions suspensives n'avaient pas été réalisées, ce qu'il ne pouvait ignorer, prenant ainsi directement part à la matérialisation de la cession.
Les appelants invoquent une absence de concessions réciproques dans le protocole. Ils déclarent que celui-ci a pour seul effet de rendre caduques les conventions antérieures, plus avantageuses pour eux. Ils font donc grief à Maître [G], seul rédacteur de l'acte, de n'avoir pas veillé à l'équilibre des intérêts des parties et d'avoir manqué à son obligation de loyauté.
En réponse à l'intimé, ils font état du caractère inexécutable des garanties et cautions et soulignent que l'enregistrement par Maître [G] de la cession des parts les a privés de leur seule garantie de voir le prix payé. Ils soulignent, comme le tribunal, qu'il était tenu de demander le versement des fonds avant de procéder aux formalités requises, devant assurer la validité et la pleine efficacité de l'acte. Ils excipent, comme l'a jugé le tribunal, d'une légèreté et d'une déloyauté blâmables.
Ils relèvent que Maître [G] ne justifie pas qu'ils se sont adressés à un autre avocat et lui reprochent d'avoir manqué à son devoir de les informer qu'ils pouvaient s'adjoindre le conseil de leur choix.
Ils font état d'une stipulation potestative. Ils rappellent que l'essentiel du prix devait être payé par le transfert de propriété à leur profit d'une villa située en Espagne, propriété d'une société contrôlée par Monsieur [Y] [D].
Ils précisent que la société était grevée de dettes exigibles à hauteur de 2.589.256,08 euros et faisait l'objet de procédures initiées par les organismes sociaux et l'administration fiscale. Ils soulignent que la cession ne pouvait intervenir qu'avec l'accord de la société soit de Monsieur [Y] [D] qui pouvait à son gré lever la condition suspensive. Ils en infèrent à une condition potestative au sens de l'article 1170 du code civil. Ils estiment que Maître [G] a gravement manqué à son devoir de conseil en n'appelant pas leur attention sur l'existence de cette condition purement potestative et n'a pas respecté l'article 9 du décret précité. Ils soulignent qu'ils lui reprochent non le défaut de réalisation de ces conditions suspensives mais leur insertion dans l'acte.
En réponse à l'intimé, ils estiment sans portée l'attestation de Monsieur [Y] [D] qui vise à minimiser la responsabilité de Maître [G]. Ils relèvent qu'il prétend avoir négocié directement le rachat de ces parts alors qu'il indique ensuite avoir demandé conjointement avec eux à Maître [G] de rédiger les actes, déclarent que l'accusation portée contre Monsieur [U] de lui avoir « vendu une affaire pourrie dans laquelle je perçois un détournement à son profit » est grave et nullement étayée, rappellent que Monsieur [Y] [D] est spécialisé dans le rachat d'entreprises en difficulté et affirment qu'il a eu accès à tous les documents comptables de la société. Ils ajoutent qu'il a des dettes personnelles importantes et que les sociétés dont il est le gérant ou d'administrateur font l'objet de procédures collectives ou de recouvrement de créances. Ils s'étonnent qu'il ait décidé d'acquérir la société sans avoir eu connaissance de sa comptabilité. Ils font état d'un chantage exercé par lui et Maître [G] pour obtenir la baisse du prix de vente des parts sociales en invoquant des défauts alors qu'ils ne pouvaient eux-mêmes qu'accepter de conclure. Ils ajoutent que la villa qualifiée d'exceptionnelle est dans un état de délabrement avancé et est grevée d'hypothèques. Ils indiquent qu'il les a même sommés, par acte du 22 septembre 2014, d'acquérir le bien malgré cette situation.
Ils déclarent que Maître [G] a produit en première instance un certificat d'évaluation du bien supposé objet du protocole, 1.248.000 euros dont à déduire l'hypothèque et les frais, valable jusqu'au 19 juillet 2013. Ils observent que sa validité était dépassée lors des débats et qu'il fait état d'un bien situé [Adresse 8] alors que les actes visent des biens situés au 13, désormais 31, de cette rue. Ils indiquent que le certificat porte, dans sa version espagnole, sur un bien situé [Adresse 9] évalué à la somme de 1.248.000 euros et, dans sa traduction française, sur un bien sis [Adresse 10] évalué 1.298.000 euros. Ils ajoutent que la sommation délivrée le 22 septembre 2014 vise un bien situé [Adresse 11] et qu'y sont annexés des documents cadastraux manifestement sans rapport.
Ils indiquent qu'il résulte du rapport de Maître [I] que le bien situé [Adresse 9] est grevé d'hypothèques et saisies d'un montant total de 1.153.012, 52 euros, soit proche de sa valeur indiquée, et que celui sis au 31 est grevé d'hypothèques et de saisies d'un montant de 1.190.927,02 euros soit proche de la valeur estimée du bien.
Ils justifient donc le refus opposé par eux d'obtempérer à la sommation du 22 septembre 2014.
Ils ajoutent que, lors de la signature du protocole, ils faisaient tous deux l'objet de saisies et d'hypothèques pour 1.070.893 euros et 1.108.808 euros. Ils déclarent en outre que les deux immeubles sont délabrés.
Ils font donc grief à Maître [G] d'avoir manqué à ses obligations en ne vérifiant pas la valeur du bien et les hypothèques et saisies le grevant et, ainsi, en ne s'assurant pas de l'efficacité du protocole.
Les époux invoquent le caractère illusoire de la promesse de porte-fort et l'absence de délivrance des cautionnements prévus. Ils déclarent que les engagements de porte- fort et de cautions sont indissociables, conformément à la mention « à ce titre » et qu'ils sont illusoires car pris par la même personne et sans respecter les dispositions de l'article 2292 du code civil sur le cautionnement. Ils observent que ni la mention « bon pour caution » ni la signature de Monsieur [Y] [D] au nom de la société Cumiran SL ni le montant manuscrit du cautionnement ne sont portés sur l'acte. Ils en infèrent, comme le tribunal, qu'aucun cautionnement n'a été valablement donné. Ils précisent qu'ils n'invoquent pas une perte de chance de se prévaloir de ces sûretés mais la perte de toutes garanties en raison du manque de diligence de Maître [G].
En réponse à celui-ci, ils indiquent qu'ils ne pouvaient, faute d'un engagement personnel de Monsieur [Y] [D], valablement agir contre lui. Ils ajoutent que l'acte prévoit même que la régularité de l'accord est soumise à la caution personnelle de Monsieur [Y] [D] ce dont il résulte que le cédant ne peut réclamer le paiement du prix que si l'acquéreur veut bien délivrer une caution personnelle. Ils en concluent que l'acte préparé par Maître [G] était dépourvu de toute efficacité.
Ils excipent de l'absence d'acceptation par Monsieur [Y] [D] du transfert de propriété jusqu'à récemment, notamment lorsqu'il a été assigné en exécution du protocole.
Ils invoquent l'importance des hypothèques inscrites. Ils relèvent que l'existence d'hypothèques état mentionnée mais affirment que la clause ne pouvait que s'analyser comme l'encaissement par eux de la somme de 650.000 euros. Ils rappellent que le bien faisait l'objet d'hypothèques pour 1.108.808 euros et invoquent une faute de Maître [G] qui ne s'est pas assuré qu'ils percevraient la somme de 650.000 euros.
En réponse à celui-ci, ils contestent l'attestation de Monsieur [Z], salarié de Monsieur [Y] [D], qui l'a rédigée en français alors qu'il a affirmé ne pas comprendre la langue et qui n'est pas manuscrite. Ils ajoutent que seul le propriétaire peut procéder à la levée des hypothèques et que Monsieur [U] a été licencié trois mois après son engagement. Ils s'étonnent qu'il puisse savoir que Maître [G] a rempli ses obligations et contestent que Monsieur [U] se soit rendu à son domicile et lui ait indiqué qu'il avait obtenu toutes les informations qu'il demandait.
Ils observent que l'intimé produit donc deux attestations non manuscrites rédigées par son client, avec lequel ils sont en conflit, et par un salarié de celui-ci qui ne maîtrise pas la langue française.
Ils invoquent les modalités du paiement de la somme de 150.000 euros. Ils estiment originale la modalité consistant pour le vendeur à obtenir paiement d'une partie du prix de cession par une prestation salariée. Ils invoquent donc, comme l'a jugé le tribunal, une clause contraire aux règles d'ordre public du droit du travail et le caractère potestatif du paiement d'une partie du prix. Ils précisent que Monsieur [U] a été licencié, avec d'autres, deux mois après son embauche.
Ils indiquent que le solde de 126.000 euros n'a jamais été payé et s'étonnent de la clause censée garantir son versement. Ils observent qu'aucun mécanisme permettant de garantir les engagements de Monsieur [Y] [D] n'a été prévu ce qui caractérise un manquement de Maître [G] à son devoir de conseil.
En ce qui concerne leur préjudice, les appelants font valoir que l'acte transactionnel ne peut être exécuté en raison des manquements de Maître [G] et affirment que leur préjudice ne peut se réduire à la seule perte de chance de bénéficier des effets de l'exécution du protocole. Ils rappellent les dispositions sur le préjudice causé par la responsabilité de l'avocat. Ils soulignent qu'il doit être condamné, en qualité de rédacteur d'un acte inefficace, à réparer l'intégralité du préjudice subi. Ils se prévalent d'un arrêt de la cour d'appel de Paris qui a jugé que l'absence de garanties sur la cession des parts sociales a fait perdre le prix de cette cession et condamné l'avocat au paiement du prix.
Ils invoquent donc un préjudice financier de 800.000 euros compte tenu de la clause de porte-fort prévoyant la régularisation notariée de la vente dans un délai d'un mois. Ils font valoir qu'en raison des manquements de Maître [G], le transfert de propriété est soumis à une promesse de porte- fort et à un cautionnement illusoires. Ils estiment mal fondé le moyen tiré de l'absence de tentative d'exécution forcée, la convention étant inexécutable et la mise en jeu de sa responsabilité n'étant pas liée, selon un arrêt de la cour de cassation, à une action judiciaire diligentée contre Monsieur [Y] [D].
Ils ajoutent que la levée des hypothèques dépendait, compte tenu de la rédaction de l'acte, de la seule volonté de Monsieur [Y] [D]. Ils estiment qu'en ne vérifiant pas le montant global des hypothèques, Maître [G] les a privés de la majeure partie du prix de vente soit 650.000 euros. Ils rappellent leurs développements aux termes desquels la sommation adressée le 22 septembre 2014 est infondée et abusive. Ils soulignent qu'en ne faisant pas signer l'acte de cession des parts en même temps que l'acte de cession du fonds, Maître [G] a privé la SCI de tout objet et donc de toute valeur et précisent qu'elle est en redressement judiciaire depuis le 28 octobre 2013.
Ils considèrent que ses manquements en ce qui concerne le paiement du solde du prix les ont privés de la somme de 150.000 euros.
Ils excipent également d'un manque à gagner de 300.000 euros par rapport au prix convenu le 9 janvier 2010 et estiment ce manque à gagner imputable à un chantage exercé par Maître [G] la veille de la signature du protocole, celui-ci les menaçant de ne plus les assister et déclarant que Monsieur [Y] refuserait l'achat alors qu'il avait déjà détruit une partie du bien ce qui rendait impossible leur retour dans les lieux.
Ils soulignent qu'il a fait enregistrer les actes de cession de parts sans s'assurer que le prix avait été payé.
Ils en infèrent qu'il doit les indemniser de leur entier préjudice subi au titre de l'impossibilité pour eux de percevoir le prix des parts sociales de la SCI soit leur verser la somme de 1.100.000 euros.
Les époux déclarent qu'ils sont dans un état de totale précarité, ayant dû rejoindre l'Espagne pour vivre dans la villa de Monsieur [Y] [D] louée 1.000 euros par mois, dépourvue de cuisine et non alimentée en eau et électricité. Ils indiquent avoir dû restituer cette maison après voir effectué 35.000 euros de travaux. Ils précisent qu'ils sont pris en charge par les parents de Monsieur [U]. Ils excipent en outre d'un préjudice moral étant meurtris de la participation de leur conseil à leur spoliation.
Dans ses dernières écritures en date du 17 juin 2015, Maître [G] conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamné.
Il sollicite le rejet des demandes et réclame le paiement par les époux d'une somme de 25.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Maître [G] rappelle les divers actes et observe que les époux n'ont pas contesté sa réponse à leurs courriers notamment le fait que les accords des 7 novembre 2009 et 9 janvier 2010 ont été établis sans son intervention.
Il expose que les époux avaient été pendant plusieurs années ses clients mais avaient cessé tout contrat d'abonnement avec lui, affirme qu'il n'a pas été informé des difficultés de la société en janvier 2009 et qu'il est intervenu, avec succès, sur un dossier fiscal à la demande de la société Fiducial Expertise. Il considère qu'il ne résulte pas de cette intervention qu'il avait connaissance de la gestion financière et de la trésorerie de la société et se prévaut du jugement.
Il indique qu'il a été saisi de l'assignation devant le tribunal de commerce le 1 er octobre 2009 et qu'à sa demande, le dossier a été renvoyé au 28 octobre puis au 2 décembre. Il déclare que les époux avaient alors, sans son intervention, noué des relations avec Monsieur [Y] [D] et négocié hors sa présence et hors son assistance les accords du 7 novembre 2009. Il conteste toute « assistance téléphonique ». Il déclare s'être présenté devant le tribunal de commerce à la demande des époux et que celui-ci a pris en compte cet accord.
Il conteste avoir concouru à la rédaction de l'acte du 9 janvier 2010.
Il observe que l'acte de 10 juillet précise que les parties ont été informées de la possibilité de s'adjoindre un conseil et souligne que l'acte de cession comporte une clause le déchargeant de toute responsabilité.
Il affirme que les accords antérieurs n'ont pu être appliqués en raison de l'occultation par les appelants des difficultés financières des deux sociétés et, donc, de leur survalorisation. Il relève que l'accord du 10 juillet mentionne cette difficulté, Monsieur [Y] [D] précisant que ces surcoûts lui permettraient d'annuler la vente.
En ce qui concerne l'enregistrement de l'acte, il fait valoir que l'accomplissement des formalités légales de publicité est nécessaire pour que l'acte soit pleinement efficace. Il déclare qu'il aurait, à défaut, engagé sa responsabilité. Il affirme qu'aucune disposition ne lui impose de s'assurer que le versement préalable a été effectué. Il rappelle que l'enregistrement ne lève pas les conditions suspensives. Il ajoute que l'accomplissement de cette formalité a mis fin à sa mission. Il souligne que la condition suspensive n'a pas été levée.
Il excipe des attestations de Messieurs [Y] [D] et [Z] aux termes desquelles les époux [U] n'ont pas tenté d'exécuter la convention alors que leur cocontractant se tient à leur disposition pour ce faire.
En réponse aux appelants, il rappelle que les conditions de forme prescrites par les articles 200 et suivants du code de procédure civile ne le sont pas à peine de nullité ' peu important qu'elles soient dactylographiées-, qu'ils n'ont pas attaqué ces attestations pour fraude, que leurs auteurs ne sont pas parties à la procédure et que celle de Monsieur [Y] [D] est corroborée par la sommation de réaliser la vente qu'il a fait délivrer le 22 septembre 2014.
Il déclare que le lot a, sur le cadastre, deux numéros et deux adresses, critique le document rédigé par Maître [I] sur la solvabilité de Monsieur [Y] [D] et invoque l'attestation de Monsieur [K], conseil fiscal, aux termes de laquelle la société est « solvable pour exercer une activité et donner des garanties hypothécaires ». il estime que les époux ne peuvent préjuger du fait que l'exécution amiable de la convention ne pourrait aboutir.
L'intimé conteste toute faute.
En ce qui concerne le défaut de vigilance, il déclare ne pas être intervenu lors de la signature des premiers actes. Il considère que le fait de mentionner, dans les actes du 7 novembre 2009, qu'il serait chargé de rédiger les actes de cession ne prouve pas qu'il en a été chargé. Il observe que les époux n'ont pas contesté les termes de ses courriers des 2 et 17 novembre 2010 indiquant qu'il n'est pas intervenu avant le 10 juillet. Il se prévaut du jugement.
En ce qui concerne l'absence de concessions réciproques, il relève que les accords antérieurs n'ont pu être appliqués- ce qui interdit de les considérer comme plus favorables-, déclare que l'accord du 10 juillet 2010 prévoit des garanties, affirme que les époux n'ont pas essayé de mettre en oeuvre la procédure appropriée et indique que la baisse du prix de vente des parts sociales est due à la baisse de valeur du bien cédé par compensation. Il ajoute que les parties ont été informées de la faculté de choisir un avocat et précise qu'il « est de [sa] connaissance » qu'ils se sont rapprochés d'un avocat. Il se prévaut du jugement.
En ce qui concerne la stipulation d'une condition potestative, le caractère illusoire de la promesse de porte fort et la non délivrance des cautionnements prévus, il affirme que la condition suspensive tirée de l'accord de la société Cumiran SL n'a pas vocation à s'appliquer et qu'en tout état de cause, elle est encadrée par une promesse de porte-fort. Il se prévaut du jugement en ce qui concerne la condition suspensive.
Il soutient que l'article 1326 du code civil, apparemment invoqué, qui dispose que le titre doit comporter la « signature de celui qui souscrit l'engagement » n'est pas applicable, l'engagement se rattachant à un contrat synallagmatique, que l'omission de la formalité est sans effet sur la validité de l'obligation et que le reproche est illusoire, les époux ne s'étant pas prévalus de la caution ou de la promesse de porte-fort. Il ajoute que l'acte a prévu deux mécanismes pour éviter que la condition suspensive devienne potestative.
En ce qui concerne l'hypothèque de 450.000 euros inscrite sur la villa, il relève que l'existence d'une hypothèque a été mentionnée et que les époux ont été autorisés à négocier directement avec les créanciers hypothécaires et affirme que, compte tenu de la condition suspensive, soit ils deviennent propriétaires de la maison soit ils demeurent titulaires des parts de la SCI. Il se prévaut du jugement.
En ce qui concerne le règlement de la somme de 150.000 euros, il constate que le paiement par un contrat de travail porte sur 24.000 euros, déclare que Monsieur [U] était déjà salarié de Monsieur [Y] [D] et en infère qu'il ne pouvait prétendre ignorer la portée de l'acte.
L'intimé soutient que le préjudice ne peut être constitué que d'une perte de chance. Il conteste son existence, la convention ayant déjà été partiellement exécutée à leur profit, les époux pouvant mettre en oeuvre le transfert de propriété et n'ayant pas tenté d'obtenir l'exécution forcée de la convention.
Il fait valoir que s'ils n'avaient pas signé l'acte, ils seraient restés dans les liens des deux premières conventions, inapplicables. Il souligne que les conditions suspensives leur permettent de conserver la propriété des parts de la SCI et que les garanties n'ont pas été actionnées. Il leur reproche d'avoir refusé de régulariser la vente après la sommation délivrée le 22 septembre 2014. Il en conclut à l'infirmation du jugement.
En ce qui concerne les demandes, il rappelle que les époux demeurent, faute de levée des conditions suspensives, propriétaires des parts de la SCI et affirme que la réduction du prix de vente est liée à la baisse du prix de valeur du bien servant au paiement du prix par compensation.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 juin 2015.
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Sur les actes des 7 novembre 2009 et 9 janvier 2010
Considérant que la circonstance que Maître [G] ait été désigné pour rédiger les actes de cession prévus par les actes datés du 7 novembre 2009 ne démontre nullement qu'il a participé à ceux-ci ;
Considérant qu'il ne ressort pas de l'attestation, contradictoire, de Monsieur [Y] [D] que Maître [G] a rédigé les actes du 7 novembre ou contribué à ceux-ci ;
Considérant qu'il ne peut être inféré de sa présentation au tribunal de commerce de l'acte de cession des parts de la SARL qu'il a participé à leur rédaction ;
Considérant qu'il ne peut pas davantage être déduit de sa qualité d'ancien avocat des époux [U] et d'avocat de Monsieur [Y] [D] qu'il a participé à ces actes ;
Considérant que les appelants ne versent aux débats aucune pièce ou attestation de nature à établir la participation de Maître [G] aux actes du 7 novembre 2009 ;
Considérant qu'ils ne versent pas davantage de pièces démontrant la participation de Maître [G] aux actes du 9 janvier 2010 ;
Considérant qu'ils ne démontrent pas que la demande d'autorisation de cession du fonds de commerce à la société Arizagres a constitué une faute et a eu une incidence sur le prix de la cession des parts de la SCI alors même que la Sarl faisait l'objet d'une procédure collective;
Considérant que la responsabilité de Maître [G] ne peut donc être recherchée au titre des actes antérieurs au 10 juillet 2010 ;
Sur la transaction conclue le 10 juillet 2010
Considérant que l'acte a été rédigé par Maître [G] ; que celui-ci a également rédigé l'acte, du même jour, comportant cession des parts de la SCI ;
Considérant qu'en sa qualité de seul rédacteur de l'acte, Maître [G] est tenu à un devoir de conseil à l'égard de toutes les parties à l'acte ; qu'il doit faire preuve de neutralité et les informer de manière exhaustive sur tous les éléments susceptibles d'avoir une incidence sur l'acte ; qu'il doit procéder à des vérifications et émettre des réserves s'il n'est pas en possession de tous les éléments requis ; qu'il doit appeler l'attention des parties sur l'originalité de certaines clauses ;
Considérant qu'en application de l'article 9 du décret du 12 juillet 2005 qui énonce les devoirs de l'avocat rédacteur d'un acte, il doit assurer la « validité et la pleine efficacité de l'acte » ; qu'il doit donc, notamment, procéder aux vérifications usuelles concernant la solvabilité des parties et vérifier l'efficacité des garanties contenues dans l'acte ;
Considérant, enfin, qu'il doit veiller, en application du même texte, à l'équilibre des intérêts des parties ;
Considérant que la clause aux termes de laquelle les parties l'ont déchargé de toute responsabilité ne peut valoir dispense de respecter les obligations précitées et interdire aux époux de rechercher, postérieurement à la conclusion de l'acte, sa responsabilité;
Considérant que l'article 10 de l'acte signé par les époux [U] énonce qu'il les informés de la faculté de s'adjoindre un autre conseil; qu'en signant cet acte, les époux ont donc reconnu avoir été informés; que le moyen sera rejeté;
Considérant que le protocole expose que Monsieur [Y] [D] estime pouvoir obtenir l'annulation de la vente conclue antérieurement et que les époux considèrent celle-ci régulière ; qu'il indique que les « parties ont à coeur d'assurer la pérennité de leurs accords ' et ne souhaitent pas engager une procédure judiciaire » ;
Considérant que la société a donc renoncé à agir en nullité, que Monsieur [Y] [D] a accepté d'acquérir le bien et que les époux ont accepté la réduction du prix de vente ;
Considérant que les parties ont donc fait des concessions réciproques ; que le grief n'est, dès lors, pas fondé ;
Considérant que Monsieur et Madame [U] ne versent aux débats aucune pièce d'où il résulterait que Maître [G] s'est livré à un chantage pour faire baisser le prix de vente des parts de la SCI;
Considérant qu'en soumettant la cession des parts sociales à la condition suspensive tirée de l'accord la société Cumiran, contrôlée par Monsieur [Y] [D], le protocole subordonne la réalisation de la vente à la volonté de l'acquéreur qui peut ainsi revenir sur son accord ; que cette clause permet donc à l'acquéreur de ne pas acheter les parts de la société ; que Maître [G] a, en conséquence, introduit dans l'acte litigieux une condition purement potestative ; qu'il a donc manqué à ses obligations précitées ;
Mais considérant que le transfert des parts a eu lieu ; que Monsieur [Y] [D] a donc exécuté ce chef de l'accord ;
Considérant que les époux ont eux-mêmes sollicité devant le tribunal de commerce de Béziers l'exécution du protocole en réclamant le paiement de la contrepartie du prix des parts de la société ; qu'ils n'ont pas remis en cause l'existence de la cession faute de réalisation de la condition suspensive ;
Considérant que les parties ont donc toutes considéré que la condition suspensive était remplie ; que le caractère potestatif de la condition suspensive n'a, dès lors, pas causé de préjudice ;
Considérant que le dirigeant d'une société peut se porter fort des engagements pris par celle-ci ; que l'acte n'est pas irrégulier de ce chef ;
Considérant que les engagements de caution des sociétés et de Monsieur [Y] [D] ne précisent pas, en caractères manuscrits, le montant de leur engagement de caution et que Monsieur [Y] [D] n a pas fait précéder sa signature de la mention « bon pour caution » ;
Considérant que les engagements des sociétés ne respectent donc pas les prescriptions de l'article 1326 du code civil; que cet article est applicable en l'espèce, l'engagement des sociétés ne se rattachant pas à un contrat synallagmatique- qui crée des obligations réciproques- auquel elles seraient parties ;
Considérant que ces engagements de caution peuvent donc être contestés ; que Maître [G] a manqué à ses obligations ;
Considérant que l'acte énonce que le prix est payable à hauteur de 650.000 euros par la cession d'un bien immobilier, cette somme se décomposant de la valeur de ce bien, de la levée des hypothèques et du paiement des frais ;
Considérant qu'il en résulte que la somme de 650.000 euros s'entend de la valeur nette du bien après, notamment, la levée des hypothèques ;
Considérant qu'il appartenait donc à Maître [G] de s'assurer de la réalité de cette valeur et, notamment, du montant des hypothèques;
Considérant que Maître [G] verse aux débats une estimation du bien datée du 19 février 2013 et une traduction de celle-ci ; qu'à supposer que la pièce intitulée « traduction » soit effectivement la traduction du document bien qu'elle fasse référence à un prix différent, 1.248.000 euros et 1.298.000 euros, et à des références cadastrales distinctes, et concerne le bien devant être cédé, cette estimation est postérieure à l'accord ; qu'il en résulte qu'il ne s'est pas assuré, lors de l'établissement de l'acte, de la valeur du bien ;
Considérant, également, qu'il produit une attestation de Monsieur [K] aux termes de laquelle, la situation actuelle de la société Esvimar est, au vu de l'ensemble des documents examinés « solvable pour exercer une activité et donner des garanties hypothécaires » ;
Considérant que cette attestation n'est pas datée, qu'elle ne précise pas la date à laquelle la société est solvable et qu'elle concerne une des trois sociétés s'étant portées cautions ; qu'elle ne permet pas de préciser la valeur des hypothèques existant lors de l'acte rédigé par Maître [G] ;
Considérant que les époux versent aux débats un « rapport juridique » de Maître [I] ; que celle-ci a examiné les diverses inscriptions hypothécaires prises sur le bien appartenant à la société Cumiran situé [Adresse 9] ; que ce document fait état d'une inscription hypothécaire de 447.893,50 euros en principal, outre intérêts et frais, prise le 17 novembre 2003, d'une saisie pour 41.730,43 euros et d'une inscription prise le 16 février 2010 pour 623.000 euros en principal ;
Considérant qu'ainsi, au 10 juillet 2010, le bien était grevé d'inscriptions hypothécaires proches de la valeur du bien invoquée par Maître [G] ;
Considérant que Maître [I] a également examiné les inscriptions prises sur un autre bien appartenant à la société Cumiran situé [Adresse 10] ; que sont inscrites une hypothèque pour 485.088 euros prise le 17 novembre 2003, une saisie pour 41.730,43 euros et une hypothèque pour 530.000 euros, inscriptions antérieures à l'acte du 10 juillet 2010 ;
Considérant qu'il existe ainsi deux biens voisins appartenant à la société ;
Considérant que Maître [G] ne verse aux débats aucune pièce de nature à contredire cette étude et, notamment aucun extrait du fichier hypothécaire ;
Considérant que cette étude sera donc prise en compte ;
Considérant qu'il en résulte que, lors de l'acte rédigé par Maître [G], la valeur du bien devant être cédé était inférieure à la somme de 650.000 euros indiquée ;
Considérant qu'il ne suffit pas à l'avocat rédacteur de l'acte de mentionner que des inscriptions existaient ou que les vendeurs pourront négocier directement avec les créanciers hypothécaires ;
Considérant qu'il lui appartenait, conformément aux obligations précitées, de s'assurer de la valeur du bien au regard des hypothèques et, donc, que la partie du prix payable par l'apport du bien s'élevait à la somme de 650.000 euros ; qu'en n'y procédant pas, il a manqué à ses obligations ;
Considérant que la clause précisant que le prix serait payé à hauteur de 24.000 euros par un emploi salarié aboutit à contraindre Monsieur [U] à accepter un emploi dépourvu de réel salaire et à conférer un caractère potestatif à ce paiement, compte tenu de la possibilité pour l'employeur de résilier le contrat ; qu'elle est irrégulière au regard du code du travail ;
Considérant, enfin, que la convention ne prévoit aucune garantie effective pour le paiement de la somme de 126.000 euros, le bail conclu étant insuffisant ;
Considérant que la transaction contient donc des clauses démontrant un non respect par Maître [G] de ses obligations ;
Considérant que celui-ci verse aux débats une attestation de Monsieur [Z], salarié de Monsieur [Y] [D], dans laquelle il affirme avoir été chargé de mettre en oeuvre les accords conclus « en 2009 et début 2010 » et expose les difficultés rencontrées ; qu'il indique que Monsieur [Y] [D] lui fait part de la nécessité de revoir ces accords et que les deux parties ont décidé de choisir un avocat unique ; qu'il ajoute que Monsieur [U] est venu chez lui après la signature des accords de juillet et lui a précisé avoir eu accès à toutes les informations qu'il avait sollicitées ;
Considérant que ne peut être pertinente au regard du litige et du développement précédent sur le choix du conseil que cette dernière affirmation ;
Mais considérant, d'une part, que cette attestation émane d'un proche de Monsieur [Y] [D] avec lequel les époux [U] ont un litige ;
Considérant, d'autre part, qu'elle est dactylographiée et rédigée en langue française alors que Monsieur [Z] a indiqué, sur un courriel, qu'il ne parlait pas le français, ne lisant que les chiffres ;
Considérant, enfin, que cette attestation n'est corroborée par aucune autre pièce ;
Considérant que cette attestation est donc insuffisante pour écarter les manquements de Maître [G] lors de la rédaction de l'acte ;
Considérant que Maître [G] a fait procéder, le 4 août 2010, à l'enregistrement de l'acte de cession des parts, sans l'accord préalable des deux parties ;
Considérant que cet acte a été enregistré alors que les conditions suspensives n'étaient pas levées et que le délai d'un mois prévu dans le protocole « pour la régularisation notariée de la vente » de l'immeuble situé en Espagne n'était même pas écoulé ;
Considérant que l'article 9 du décret précité ne lui imposait nullement de procéder à cette formalité avant de s'assurer de la levée des conditions suspensives et du paiement du prix ;
Considérant que, dans ces conditions, l'enregistrement de l'acte de cession des parts sociales constitue un manquement grave aux obligations précitées ; qu'aux termes de l'extrait K Bis de la SCI, Monsieur [Y] [D] est désormais le gérant de la société ; que ce manquement a privé les époux [U] d'une garantie pour obtenir le paiement du prix de ces parts ;
Considérant que Maître [G] a donc manqué à ses obligations en rédigeant l'acte et en le faisant enregistrer ;
Considérant que Monsieur [Y] [D] atteste accepter de procéder à la cession du bien situé en Espagne ; qu'il a fait délivrer une sommation de procéder au transfert ;
Mais considérant, d'une part, que la cession devait être réalisée dans un délai d'un mois ; que l'état actuel du bien n'est pas connu ;
Considérant, d'autre part, que le bien fait l'objet d'hypothèques approchant sa valeur ;
Considérant qu'il n'est donc pas justifié que la valeur du bien s'élève à 650.000 euros comme mentionné dans le protocole;
Considérant que le refus par les époux [U] de signer l'acte de transfert du bien n'exonère donc pas Maître [G] des conséquences de ses manquements ;
Sur le préjudice
Considérant, d'une part, que l'acte rédigé par Maître [G] constitue une transaction qui a mis fin à un litige concernant la cession des parts de la SCI; que le préjudice entraîné par les fautes de Maître [G] ne peut donc être apprécié sans prendre en compte l'existence de cet acte antérieur ; que, selon les époux eux-mêmes, celui-ci contenait une stipulation absconse quant au paiement et d'autres stipulations pour la plupart inintelligibles ;
Considérant, d'autre part, que le préjudice imputable à Maître [G] doit être apprécié au regard de ses manquements;
Considérant que l'absence de vérification du prix du bien devant se compenser partiellement avec le prix des parts, le paiement illicite d'une partie, modique, du prix et l'absence de garanties ne sont pas la cause de l'absence de paiement du prix convenu ; qu'elles ont privé Monsieur et Madame [U] de la chance d'obtenir de meilleures conditions et de meilleures garanties ; que les époux ont donc perdu une chance de bénéficier d'autres modalités de paiement ; que l'enregistrement de la cession de parts a, de même, privé les appelants d'une garantie ;
Considérant que ce préjudice ne peut donc, en l'espèce, être égal à la somme devant revenir aux époux à la suite de la cession de leurs parts;
Considérant qu'il réside dans la perte pour les époux d'une chance de pouvoir recevoir le prix prévu;
Considérant que cette perte de chance doit être appréciée au regard des capacités de paiement de Monsieur [Y] [D] et des sociétés qu'il contrôlait ;
Considérant qu'au vu de l'ensemble des développements qui précèdent, des éléments sur la situation de Monsieur [Y] [D] et des sociétés, cette perte de chance sera réparée par l'allocation d'une somme de 350.000 euros;
Considérant que, compte tenu de la nature de cette condamnation, il n'y a pas lieu de l'assortir du paiement des intérêts légaux depuis le 10 août 2010 ;
Considérant que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;
Sur les autres demandes
Considérant que les manquements de Maître [G] ont causé aux époux un préjudice moral, s'agissant de leur ancien avocat, et matériel, par les difficultés de leurs conditions d'existence, justifiant l'allocation d'une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Considérant que Maître [G] devra payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés par les époux en cause d'appel ;
Considérant que, compte tenu du sens du présent arrêt, les demandes de Maître [G] seront rejetées ;
PAR CES MOTIFS
Contradictoirement,
Confirme le jugement prononcé le 3 juillet 2014 par le tribunal de grande instance de Nanterre en ce qu'il a retenu que Maître [G] a manqué à ses obligations en établissant l'acte transactionnel du 10 juillet 2010, a ordonné la capitalisation des intérêts et l'a condamné au paiement d'une somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
L'infirme en ce qui concerne les dommages et intérêts alloués
Statuant à nouveau de ces chefs :
Condamne Maître [G] à payer à Monsieur et Madame [U] les sommes de :
350.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance subie
20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral et matériel
Y ajoutant,
Condamne Maître [G] à payer à Monsieur et Madame [U] le somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne Maître [G] aux dépens,
Autorise Maître Gourion-Levy à recouvrer directement à son encontre ceux des dépens qu'elle a exposés sans avoir reçu provision,
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Alain PALAU, Président et par Monsieur BOUTEMY, Faisant Fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier F.F, Le président,