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28/09/2015 | FRANCE | N°14/08820

France | France, Cour d'appel de Versailles, 4e chambre, 28 septembre 2015, 14/08820


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 54Z



4e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 28 SEPTEMBRE 2015



R.G. N° 14/08820



AFFAIRE :



Société SANEF





C/

Société GSE

...







Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 27 Novembre 2014 par le Juge de la mise en état du Tribunal de Grande Instance de Nanterre

N° Chambre : 7ème

N° RG : 14/02751



Expédit

ions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Claude GRANGE



Me Anne-Laure DUMEAU









REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





LE VINGT HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'a...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 54Z

4e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 28 SEPTEMBRE 2015

R.G. N° 14/08820

AFFAIRE :

Société SANEF

C/

Société GSE

...

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 27 Novembre 2014 par le Juge de la mise en état du Tribunal de Grande Instance de Nanterre

N° Chambre : 7ème

N° RG : 14/02751

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Claude GRANGE

Me Anne-Laure DUMEAU

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société SANEF 'S.A.'

N° Siret : 632 050 019 R.C.S. NANTERRE

Ayant son siège [Adresse 2]

[Adresse 7]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par Maître Cyril PERRIEZ substituant Maître Claude GRANGE de l'ASSOCIATION GRANGE MARTIN RAMDENIE, avocat postulant et plaidant du barreau de PARIS, N° du dossier 02.10445

vestiaire : R 251

APPELANTE

**************

Société GSE 'S.A.S.'

N° Siret : 399 272 061 R.C.S. AVIGNON

Ayant son siège [Adresse 3]

[Adresse 9]

[Adresse 5]

prise en la personne de sa représentante la SAS JEAN-PIERRE HUGUES

Le [Adresse 8]

[Adresse 6]

Société VEMARQ 'S.A.S.'

N° Siret : 523 879 682 R.C.S. AVIGNON

Ayant son siège [Adresse 3]

[Adresse 9]

[Adresse 5]

prise en la personne de sa représentante la SAS MICHEL HUGUES

[Adresse 1]

[Adresse 4]

représentées par Maître Anne-Laure DUMEAU, avocat postulant du barreau de VERSAILLES, N° du dossier 41412 vestiaire : 628

plaidant par Maître Flora CADENE substituant Maître Olivier GRISONI

avocat au barreau de PARIS vestiaire : A 0991

INTIMEES

**************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 1er Juin 2015 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Michèle TIMBERT, président chargé du rapport, et Madame Sylvie DAUNIS, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michèle TIMBERT, Président,

Madame Anna MANES, Conseiller,

Madame Sylvie DAUNIS, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Nathalie MULOT,

***************

FAITS ET PROCEDURE,

Par acte en date du 1er octobre 2008, la société GSE a acquis des parcelles de terrain situées dans la commune de [Localité 1] représentant l'entière assiette du lotissement dit [Adresse 10], ce au sein du parc d'activités des portes de [Localité 1].

La société GSE a vendu à la société VEMARQ une emprise foncière de 11 hectares comprise dans le périmètre du parc d'activités NORD zone 2.

Les biens acquis sont à proximité immédiate de l'autoroute Al et plus particulièrement de l'aire de service de [Adresse 11]. Cette aire de service a été aménagée par SANEF laquelle a notamment prévu l'emplacement des aires de stationnement pour les poids lourds transportant des matières dangereuses (PL TMD).

La société VEMARQ a sollicité un permis de construire pour l'aménagement d'un centre commercial.

La demande de permis a été refusée par le maire le 25 juillet 2011 sous le visa de l'article R 111-2 du code de l'urbanisme lequel dispose que « le projet peut être susceptible d'être refusé lorsqu'il est susceptible de porter atteinte à la sécurité publique du fait de sa nature, de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation ».

Par acte en date du 10 juillet 2012, la société GSE a fait assigner la SANEF, le Préfet du Val-d'Oise et la société TOTAL aux fins d'expertise.

Par acte en date du 26 février 2014, les sociétés GSE et VEMARQ ont fait assigner en indemnisation la société SANEF devant les juges du fond sur le fondement de la théorie du trouble anormal de voisinage. En effet, selon elles, la construction du centre commercial projeté est rendue impossible du fait du périmètre de sécurité obligatoire justifié par le stationnement des poids lourds transportant des matières dangereuses.

Par conclusions en date du 30 juin 2014, la société SANEF a saisi le juge de la mise en état d'un incident d'incompétence du juge judiciaire au bénéfice du juge administratif. A ce titre, SANEF rappelle être concessionnaire du domaine public autoroutier et exercer une activité de service public administratif ; elle rajoute que les dommages dont font mention les sociétés GSE et VEMARQ sont imputables aux travaux publics constitués par l'autoroute et ses aménagements.

Par une ordonnance du 27 novembre 2014, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de NANTERRE, au visa de l'article 771 du code de procédure civile, a :

- REJETÉ l'exception d'incompétence,

- RENVOYÉ l'affaire à l'audience du 29 janvier 2015 pour conclusions de la société SANEF au fond,

- REJETÉ toute demande au titre des frais de procédure,

- RÉSERVÉ les dépens.

La société SANEF a interjeté appel de cette décision le 9 décembre 2014 à l'encontre des sociétés GSE et VEMARQ.

Dans ses dernières conclusions du 12 mai 2015, la société SANEF demande à la cour, au visa de l'article 99 du code de procédure civile et de la loi du 28 pluviôse an VIII, de :

- LA DÉCLARER recevable et bien fondé en son appel,

- INFIRMER dans toutes ces dispositions l'ordonnance entreprise par laquelle le juge de la mise en état a rejeté l'exception d'incompétence qu'elle a soulevé,

- DIRE ET JUGER la demande des sociétés GSE et VEMARQ irrecevable comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître,

- RENVOYER en conséquence les sociétés GSE et VEMARQ à mieux se pourvoir,

- CONDAMNER solidairement les sociétés GSE et VEMARQ à lui verser la somme de 8.500 € pour l'ensemble de la procédure au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- CONDAMNER les sociétés GSE et VEMARQ aux entiers dépens de l'instance.

Dans leurs dernières conclusions du 4 mai 2015, les sociétés GSE et VEMARQ demandent à la cour de :

- CONFIRMER en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise, sauf concernant leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

En conséquence ;

- REJETER les demandes de la société SANEF,

- DÉCLARER le tribunal de grande instance de NANTERRE compétent pour statuer sur les demandes au fond formulées par elles à l'encontre de la société SANEF,

- CONDAMNER la société SANEF à leur verser la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

La clôture a été prononcée le 19 mai 2015.

'''''

MOTIVATION

A titre liminaire

Nul ne conteste la recevabilité de l'appel de la société SANEF qui, au demeurant, souligne à bon droit que l'ordonnance litigieuse ne peut être attaquée que par la voie de l'appel conformément aux dispositions de l'article 99 du code de procédure civile.

Sur l'incompétence de la juridiction judiciaire pour connaître du litige

La société SANEF fait valoir en substance que le tribunal administratif est seul compétent pour connaître de la demande indemnitaire présentée par les sociétés GSE et VEMARQ et qui tend, sur le fondement des troubles anormaux de voisinage, à obtenir réparation des préjudices que ces dernières imputent à l'existence et à l'exploitation d'un ouvrage public.

Elle soutient que c'est à tort que l'ordonnance déférée a cantonné la notion de 'dommage de travaux publics' à l'indemnisation des préjudices causés par la réalisation de travaux publics 'en tant que tels'.

En effet, selon elle, cette notion revêt un caractère extensif et recouvre les dommages accidentels et les dommages permanents. Ces derniers sont ceux qui résultent sinon indéfiniment, du moins de manière durable, de l'existence et de la proximité du travail ou de l'ouvrage. Au demeurant, selon elle, la simple existence d'un ouvrage public est susceptible de donner lieu à l'application du régime juridique des dommages de travaux publics.

En l'espèce, selon elle :

* le préjudice invoqué par les sociétés GSE et VEMARQ a pour fait générateur l'existence même de l'ouvrage public autoroutier ainsi que son fonctionnement et son organisation,

* les sociétés GSE et VEMARQ créent une séparation artificielle entre, d'une part, la présence, l'existence et le fonctionnement de l'ouvrage autoroutier et, d'autre part, la décision de l'autorité gestionnaire de l'ouvrage public d'aménager un parking prioritairement réservé aux véhicules PL TMD sur l'aire de services de [Localité 1],

* l'Etat a imposé à la société SANEF l'aménagement des places de stationnement litigieuses et contraint la commune de [Localité 1] à interdire toute nouvelle construction dans le périmètre des premiers effets létaux de l'ouvrage,

* le lien de causalité entre l'existence et le fonctionnement de l'ouvrage public et les dommages allégués par les sociétés intimées est établi de sorte que la réparation des préjudices que prétendent avoir subis les sociétés GSE et VEMARQ, tiers par rapport à l'ouvrage public autoroutier, relève de la compétence de la juridiction administrative,

* la circonstance que la société SANEF soit une personne morale de droit privé ne fait pas obstacle à la compétence du juge administratif,

* la jurisprudence récente du tribunal des conflits du 9 mars 2015 n'est pas pertinente en l'espèce d'une part parce qu'elle ne s'applique que dans les rapports contractuels nés entre des personnes privées délégataires de service public avec d'autres personnes privées et en outre parce qu'elle ne trouvera à s'appliquer qu'aux contrats conclus après le 9 mars ; ces situations ne concernent dès lors pas à l'espèce présente,

* la circonstance que tous les contrats passés par la société SANEF avec d'autres personnes privées soient désormais soumis au juge judiciaire n'a pas d'incidence sur la nature de l'ouvrage public en litige,

* l'ouvrage litigieux appartient à l'Etat,

* l'expertise judiciaire confirme que la société SANEF a bien agi exclusivement au titre de sa mission de service public administratif, en sa qualité d'autorité gestionnaire de l'ouvrage public autoroutier, sous le contrôle étroit et permanent de l'Etat.

Les sociétés GSE et VEMARQ sollicitent la confirmation de l'ordonnance litigieuse et rétorquent, en substance, que :

* le présent litige ne met pas en cause un ouvrage public,

* de nombreuses exceptions à la théorie des dommages de travaux publics existent ; c'est ainsi, par exemple, que les litiges relatifs à l'indemnisation des préjudices imputés à l'exécution d'une mission de service public administratif relèvent de la compétence exclusive de la juridiction administrative, mais seulement si la décision implique l'usage d'une prérogative de puissance publique, ce qui n'est manifestement pas le cas en l'espèce ; dès lors, le juge judiciaire est compétent,

* la société SANEF a pris cette décision en toute liberté et non en vertu du contrat de concession, ni de prérogatives de puissance publique ; sa décision est une décision de pure gestion interne, sans incidence sur l'organisation du service dont elle a la charge, ni sur le domaine public autoroutier dont elle est concessionnaire ; sa décision n'est pas un acte administratif et ne relève donc pas de la compétence du juge administratif,

* l'action exercée par elles est une action en réparation d'un dommage issu d'un trouble anormal de voisinage et non de travaux publics.

'''''

Appréciation

C'est exactement que la société SANEF fait valoir qu'en raison de l'effet attractif de la notion de travail public et conformément à la jurisprudence Dame Veuve Barbaza du Conseil d'Etat, les dommages et accidents causés par les ouvrages publics aux tiers relèvent de la compétence du juge administratif.

La qualification d'ouvrage public peut être déterminée par la loi. Présentent aussi le caractère d'ouvrage public notamment les biens immeubles résultant d'un aménagement, qui sont directement affectés à un service public, y compris s'ils appartiennent à une personne privée chargée de l'exécution de ce service public.

Il est constant que les sociétés concessionnaires d'autoroute, liées à l'Etat par des contrats de concession de travaux de service public, exercent une activité de service public administratif.

Les autoroutes sont expressément classées dans le domaine public routier national de l'Etat (article L 121-1 du code de la voirie routière).

En l'espèce, les emplacements de parking litigieux, situés sur le domaine de l'autoroute, sont assurément un ouvrage public puisqu'il s'agit d'un bien immobilier, spécialement aménagé et affecté à l'utilité publique.

Le préjudice invoqué par les sociétés GSE et VEMARQ a pour fait générateur l'existence même de l'ouvrage public autoroutier constitué par ces emplacements de parking réservés aux véhicules poids lourd transportant des matières dangereuses (PL TMD) ainsi que son fonctionnement et son organisation.

Comme le relève très justement la société SANEF, les sociétés GSE et VEMARQ créent une séparation artificielle entre, d'une part, la présence, l'existence et le fonctionnement de l'ouvrage autoroutier et, d'autre part, la décision de l'autorité gestionnaire de l'ouvrage public d'aménager un parking prioritairement réservé aux véhicules PL TMD sur l'aire de services de [Localité 1].

Au demeurant, il résulte des productions, et en particulier de l'expertise judiciaire effectuée par M. [V], que la construction des cinq places de stationnement litigieuses, réservées aux véhicules PL TMD, a été imposée par l'Etat à la société SANEF qui ne disposait à cet égard que de bien peu de latitude quant au choix et aux modalités d'aménagement de l'emplacement litigieux. L'Etat a par ailleurs contraint la commune de [Localité 1] à interdire toute nouvelle construction dans le périmètre des premiers effets létaux de l'ouvrage public ainsi décidé et réalisé.

C'est au demeurant pour ce motif que le permis de construire a été refusé aux sociétés GSE et VEMARQ qui se voyaient interdire la possibilité d'être riveraines immédiates de l'ouvrage public autoroutier dont l'Etat est propriétaire.

Il est donc patent que le dommage allégué a été en réalité causé par l'ouvrage public autoroutier, propriété de l'Etat, à des tiers non liés à la société SANEF par un lien contractuel.

Le lien de causalité entre l'existence et le fonctionnement de l'ouvrage public et les dommages allégués par les sociétés intimées étant établi, il s'en déduit que la réparation des préjudices allégués par les sociétés GSE et VEMARQ, tiers par rapport à l'ouvrage public autoroutier, relève de la compétence de la juridiction administrative.

Il découle de ce qui précède que la demande de la société SANEF est fondée et sera accueillie.

L'ordonnance déférée sera dès lors infirmée.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il apparaît équitable d'allouer à la seule société SANEF la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés GSE et VEMARQ, parties perdantes, seront condamnées aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant contradictoirement,

INFIRME l'ordonnance,

SE DÉCLARE incompétente au profit des juridictions de l'ordre administratif pour connaître de la demande en indemnisation des sociétés GSE et VEMARQ à l'encontre de la société SANEF,

RENVOIE les sociétés GSE et VEMARQ à mieux se pourvoir,

CONDAMNE les sociétés GSE et VEMARQ à payer à la société SANEF la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE les sociétés GSE et VEMARQ aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Michèle TIMBERT, Président et par Madame HANRIOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 4e chambre
Numéro d'arrêt : 14/08820
Date de la décision : 28/09/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 04, arrêt n°14/08820 : Se déclare incompétent


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-09-28;14.08820 ?
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