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11/06/2015 | FRANCE | N°14/07262

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 11 juin 2015, 14/07262


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 34F



13e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 11 JUIN 2015



R.G. N° 14/07262



AFFAIRE :



[E] [J]





C/



SA ALTEN







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Mai 2012 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2009F01953



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 11.06.2015



à :



Me Claire RICARD,



Me Véronique

BUQUET-ROUSSEL



TC NANTERRE



12ème chambre commerciale



C.CASSATION



Ministère Public

REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE ONZE JUIN DEUX MILLE QUINZE,

La cour d...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 34F

13e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 JUIN 2015

R.G. N° 14/07262

AFFAIRE :

[E] [J]

C/

SA ALTEN

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Mai 2012 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2009F01953

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 11.06.2015

à :

Me Claire RICARD,

Me Véronique

BUQUET-ROUSSEL

TC NANTERRE

12ème chambre commerciale

C.CASSATION

Ministère Public

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE ONZE JUIN DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDEUR devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (commerciale, financière et économique) du 23 septembre 2014 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de VERSAILLES (12ème chambre) du 28 mai 2013

Monsieur [E] [J]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Maître Claire RICARD, avocat Postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - N° du dossier 2014427 et par Maître Jérôme ROCHELET, avocat plaidant au barreau de PARIS

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

SA ALTEN Agissant poursuites et diligences en la pesonne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 348 607 417

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Maître Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, avocat Postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 - N° du dossier 28114 et par Maître Laurent MATINET, avocat plaidant au barreau de PARIS

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue en audience publique le 13 Avril 2015, Madame Anne BEAUVOIS, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente,

Madame Anne BEAUVOIS, Conseiller,

Madame Annie VAISSETTE, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER ;

VISA DU MINISTERE PUBLIC EN DATE DU 08 AVRIL 2015

FAITS ET PROCEDURE,

La société Pégase systèmes d'information (la société Pégase) a été créée en octobre 2005. Son capital de 100 000 euros a été apporté par ses trois associés, la société Alten (76%), M. [B] (12%) et M. [J] (12%).

Le fonctionnement et le financement de la société ont été régis par deux conventions, liant la société Alten, d'une part à M. [B] et, d'autre part à M. [J]. La convention en date du 18 octobre 2005 signée par ce dernier conférait à la société Alten une option d'achat portant sur ses 12% du capital, exerçable jusqu'au 31 janvier 2009 au plus tard, à un prix déterminable par application d'une formule calculée à partir du résultat d'exploitation courant de la société, tel qu'il résulterait de l'audit des comptes de la société arrêtés aux 31 décembre 2007 et 2008.

La société Alten n'ayant pas exercé l'option d'achat avant la date limite, M. [J] en a pris acte par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 février 2009 et lui a notifié la caducité de la promesse de vente. Il lui a alors proposé de céder ses actions moyennant le prix de 750 000 euros.

Le 5 mars 2009, la société Alten a levé l'option, ce que M. [J] a refusé, tout en prenant acte de l'accord sur la cession de ses actions au prix de 750 000 euros. La société Alten a immédiatement refusé ce prix, proposant à M. [J] de lui acheter ses actions au prix de 116 769,45 euros, en référence aux comptes sociaux arrêtés au 31 décembre 2008.

Par acte d'huissier de justice en date du 23 avril 2009, M. [J] a fait assigner la société Alten pour obtenir le paiement de la somme prévue par l'article 12 B du protocole, la communication de documents et la nomination d'un expert aux fins de détermination du résultat d'exploitation permettant de calculer cette somme.

Par jugement du 10 mai 2012, le tribunal a débouté M. [J] au titre de sa demande sur le manquement de la société Alten à ses obligations contractuelles issues du protocole du 18 octobre 2005, dit que le protocole du 18 octobre 2005 devait être appliqué et ordonné la cession forcée des 1 200 actions du capital social de la société Pégase systèmes d'information détenues par M. [J] à la société Alten en contrepartie du versement d'un prix de 116.769,45 euros, majoré des intérêts légaux à compter du 30 juin 2009, ordonné que cette cession soit transcrite sur le registre des mouvements des titres et des comptes individuels d'associés concernés à réception du prix, dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ordonné l'exécution provisoire, condamné M. [J] aux dépens.

Ce jugement a été confirmé en toutes ses dispositions par la cour d'appel de Versailles par arrêt du 28 mai 2013.

M. [J] a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Par arrêt du 23 septembre 2014, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a annulé et cassé l'arrêt de la cour d'appel de Versailles en toutes ses dispositions et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

La Cour de cassation a considéré qu'en confirmant le jugement, aux motifs que, par l'option d'achat qui lui a été consentie, la société Alten s'était obligée à acquérir les titres de M. [J] et que, ce denier, ayant seul pris l'engagement, à durée limitée, de lui réserver irrévocablement et exclusivement la possibilité d'acquérir ses actions de la société Pégase, n'avait pu rétracter unilatéralement cette offre le 12 février 2009 et encore que M. [J] avait accepté la levée d'option, intervenue le 5 mars 2009, postérieurement à l'expiration du délai d'exclusivité et qu'il en résultait que la cession était parfaite dès cette date, alors que l'article 4 du protocole du 18 octobre 2005 stipulait que l'option d'achat devait être levée au plus tard le 31janvier 2009 et que, dans ses lettres des 12 février, 10 et 12 mars 2009, M. [J], après s'être prévalu du non-respect de cette date limite et de la caducité du protocole, avait expressément refusé de proroger les effets de la promesse de vente et proposé à la société Alten de lui céder ses actions au prix de 750 000 euros, ce qui constituait une nouvelle offre, détachée de toute application du protocole, la cour d'appel, dénaturant le sens clair et précis de ces documents, avait violé l'article 1134 du code civil.

La cour d'appel de renvoi a été saisie par déclaration du 7 octobre 2014 par M. [J].

Par dernières conclusions n° 2 signifiées le 26 février 2015, M. [E] [J] demande à la cour statuant sur renvoi après cassation de réformer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de :

- Dire n'y avoir lieu à cession des actions de M. [J] ;

Sur l'exécution de la convention :

- Dire que la société Alten est tenue de payer la somme stipulée à l'article 12 de la convention entre les parties ;

Principalement, condamner la société Alten à lui payer la somme de 2.009.340 euros en application de l'article 12 de la convention du 18 octobre 2005, subsidiairement, la somme de 1.506.400 euros et encore plus subsidiairement celle de 981.400 euros ;

Si par extraordinaire, la Cour décidait de ne pas appliquer la stipulation de l'article 12 B, mais fixait l'indemnisation du préjudice en dehors de cette clause, de condamner la société Alten à lui payer la somme de 750.000 euros en réparation du préjudice causé par les manquements contractuels de la société Alten ;

En tant que de besoin, sur la restitution des actions de Monsieur [J], condamner la société Alten, à lui restituer les actions en nature, augmentées de toutes distributions qui aurait pu intervenir entre le 10 mai 2012 et la date de restitution ;

- Condamner la société Alten à lui remettre un extrait de son compte d'actionnaire mentionnant la propriété de ses actions depuis l'origine de la société et à lui fournir également un extrait de compte d'actionnaire à tout autre associé dont M. [J] serait l'auteur ;

- Dire qu'à défaut de restitution de ces actions dans un délai de 5 jours à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, la société Alten devra restituer ces actions par équivalent monétaire et en conséquence, condamner la société Alten à lui verser la somme de 750.000 d'euros correspondant à la valeur minimum des actions ;

En toutes hypothèses,

- Condamner la société Alten à lui payer la somme de 42.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société Alten aux dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement pourra être poursuivi directement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions signifiées le 3 mars 2015, la société Alten demande à la cour de :

A titre principal,

- Dire que la levée de l'option par la société Alten est valide, que l'article 12B du protocole du 18 octobre 2005 est inapplicable, en l'absence de toute obligation contractuelle pour la société Alten de lever l'option, que la société Alten a parfaitement respecté ses obligations au titre du protocole d'accord du 18 octobre 2005 et a adopté un comportement responsable à l'égard de sa filiale Pégase SI ;

- Constater la mauvaise foi et l'usage déloyal par [E] [J] de ses prérogatives contractuelles ;

- Dire que [E] [J] a bénéficié d'une information générale et complète concernant la société Pégase SI, que la société Alten a notamment régulièrement et parfaitement fourni ses prestations concernant la gestion des services administratifs de la société Pégase SI et ce, dans les limites fixées au protocole d'accord du 18 octobre 2005 ;

En conséquence,

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 10 mai 2012 en toutes ses dispositions ;

- Débouter [E] [J] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société Alten.

En tout état de cause,

- Condamner [E] [J] à verser à la société Alten la somme de 50.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner [E] [J] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le ministère public a eu communication du dossier le 8 avril 2015 mais n'a pas conclu.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

DISCUSSION :

Sur l'absence de cession des actions de M. [J]

M. [J] soutient en substance à l'appui de sa demande d'infirmation du jugement qui a ordonné la cession de ses actions :

- que la société Alten a levé l'option d'achat conventionnellement stipulée hors délai et qu'il n'y a donc pas lieu d'ordonner la cession demandée par cette dernière, qu'en effet à défaut de levée d'option à son terme, la promesse s'éteint ou est caduque, que cette extinction est automatique et ne résulte pas d'une mise en demeure du bénéficiaire, que c'est le sens de l'arrêt rendu par la Cour de cassation au visa de l'article 1134 du code civil ;

- que la promesse de cession est nulle pour indétermination du prix de cession sur le fondement de l'article 1591 du code civil, le prix étant fixé en fonction de la seule volonté de la société Alten ;

- que la promesse est inapplicable en l'absence de production volontaire par la société Alten des reportings opérationnels pourtant prévue par l'article 2.4 du contrat du 18 octobre 2005 ;

- que la cession forcée ordonnée est constitutive d'une atteinte à son droit de propriété :

- que la décision rendue antérieurement par cette même cour ne porte pas sur une espèce semblable puisque l'autre associé avait accepté la levée d'option tardive de la société Alten, qu'il ne peut être reproché à l'appelant aucun comportement déloyal et que l'expiration de la levée d'option est complètement indépendante de la notion de préjudice ;

- que la décision du tribunal qui ne fait pas application de la convention des parties sera donc infirmée.

La société Alten qui conclut à la confirmation reprend pour l'essentiel les moyens qu'elle avait déjà développés devant le premier juge et fait sienne la motivation du jugement et de l'arrêt cassé en faisant valoir que la Cour de cassation n'a pas tenu compte du comportement abusif et de mauvaise foi de M. [J], aucune dénaturation des éléments de fait et de preuve n'ayant été opérée par le tribunal de commerce et la cour d'appel de Versailles. Elle soutient que la levée d'option du 5 mars 2009 était régulière dans le contexte de l'espèce, que le tribunal de commerce a pu, par une interprétation souveraine de la lettre et de l'esprit de l'article 4 du protocole et des courriers de M. [J], du contexte factuel général et de l'équité, valablement tirer les conséquences de la volonté déclarée et persistante de [E] [J] de céder ses parts auprès de la seule société Alten, ce qui lui interdisait d'invoquer la caducité du protocole. Elle ajoute que la cour ne pourra que juger que le fait de se prévaloir de la caducité du protocole tout en maintenant parallèlement une offre de cession à un prix exorbitant et sans commune mesure avec celui fixé par les parties dans le protocole est manifestement constitutive d'un usage déloyal d'une prérogative contractuelle et d'un abus de droit.

En conséquence, la société Alten demande l'application des dispositions de l'article 6 du protocole définissant les modalités de détermination du prix de cession.

' Sur ce :

Les principales stipulations du protocole d'accord du 18 octobre 2005 conclus entre les parties, nécessaires à la compréhension du litige, sont les suivantes :

Article 2.4 : Reporting

La Société (c'est-à-dire la société Pégase systèmes d'information) s'engage à fournir de façon hebdomadaire, mensuelle et trimestrielle l'ensemble des reportings et / ou situations opérationnels et financiers utilisés par la direction générale du groupe Alten.

Ces reportings seront établis par les services financiers du groupe Alten et feront foi tant pour le suivi régulier de la Société que pour le calcul du prix de cession.

Article 3 : Engagements réciproques des parties

Monsieur [E] [J] concède à la société Alten une option d'achat exclusive et irrévocable portant sur les 12% du capital de la Société qu'il détient.

Article 4 : Modalités d'exercice de l'option

Au plus tard le 31 janvier 2009, la société Alten adressera à M. [E] [J] une lettre recommandée avec accusé de réception signifiant son intention d'acquérir les titres de la société selon les modalités définies à l'article 6.

Cette lettre portera sur la totalité des titres de la société que détiendra M. [E] [J].

Dans les 8 jours de la réception de cette lettre de levée d'option, M. [E] [J] prendra acte par lettre recommandée avec accusé de réception adressée à la société Alten ou à son éventuel mandataire, de l'exercice de l'option.

Article 5 : Réalisation de la cession

Dès réception de la lettre de M. [E] [J] accusant réception de l'exercice de l'option, la société Alten procédera à l'audit complet des comptes sociaux et consolidés de l'exercice 2008 de la société, dès leur réception.

Au plus tard dans les 60 (soixante) jours suivant le début de l'audit, la société Alten adressera à M. [E] [J] une lettre recommandée confirmant son intention de se porter acquéreur de la société.

Les titres détenus par M. [E] [J] représentant 12% du capital et des droits de vote de la société seront transférés à la société Alten au plus tard dans les 30 (trente) jours calendaires suivants (ci après « la Date de Réalisation »), moyennant un prix total défini à l'article 6.

Article 6 : Prix de cession

Le prix de cession des titres de la société (P) sera déterminé de la façon suivante :

' P = X * (1.2 * RE07 + 1.8 * RE08)

' X = pourcentage de détention par M. [E] [J] des titres du groupe (capital et droits de vote), soit 12% à ce jour.

' RE = Résultat d'Exploitation Courant (avant participation mais après frais et produits financiers) de la société.

Il est établi par les pièces aux débats que la société Alten n'a pas levé l'option d'achat dans le délai qui lui était imparti, soit au plus tard le 31 janvier 2009 mais seulement le 5 mars 2009, avec la précision qu'entre-temps, par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 février 2009, M. [J] avait constaté la caducité du protocole et estimant que la société Alten était redevable depuis le 1er février 2009 de l'indemnité prévue à l'article 12 B du protocole qu'il chiffrait entre 1.400.000 et 1.800.000 euros, offert de céder sa participation au sein de la société Pégase moyennant le prix de 750.000 euros.

Il faut ajouter qu'à réception du courrier du 5 mars 2009 de la société Alten, M. [J] a confirmé qu'il n'entendait pas consentir à la prorogation des effets de la promesse.

Il résulte ainsi des termes clairs et sans ambiguïté des articles 3 et 4 du protocole d'accord que M. [J] a consenti à la société Alten une option d'achat sur l'ensemble de ses actions et que, si Alten entendait lever cette option - les parties s'accordant à reconnaître (voir notamment les conclusions de M. [J] pages 20 et 32) qu'il s'agissait d'une promesse unilatérale consentie par M. [J] et que la société Alten était libre de ne pas acquérir les titres -, cette option devait être levée par la société Alten, au plus tard le 31 janvier 2009, selon les modalités définies à l'article 4.

Faute par la société Alten d'avoir manifesté son intention d'acquérir les titres de la société dans le délai de validité convenu par le protocole, soit avant le 31 janvier 2009, l'option consentie par M. [J] est devenue caduque par la seule survenance de son terme, M. [J] ayant au surplus sans équivoque dès le 12 février 2009 puis le 10 mars 2009 fait part à la société Alten de sa volonté de ne pas proroger les effets de la promesse de vente au-delà du 31 janvier 2009.

La société Alten ne justifie d'aucun agissement de M. [J] qui l'aurait empêchée d'exercer son option dans le délai fixé par le protocole et dans ces circonstances, la caducité de la promesse ne résulte pas d'un abus de droit imputable à M. [J]. Ce dernier qui n'était plus lié par la promesse devenue caduque ne peut se voir reprocher ni d'avoir refusé la prorogation de la durée de validité de la promesse, étant indifférent que cette prorogation lui cause ou non un préjudice, ni d'avoir offert le 12 février 2009 de céder ses titres à la société Alten à un nouveau prix, en dehors de toute application du protocole, que la société Alten était en droit de refuser, ce qu'elle a d'ailleurs fait.

Les éléments de contexte invoqués par la société Alten, au demeurant contestés pour certains par M. [J], ne sont pas susceptibles de modifier ou contredire les termes précis du protocole contractuel conclu entre M. [J] et la société Alten. Il en est de même de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 6 mars 2012 dans le litige ayant opposé la société Alten à M. [B] qui n'a autorité de chose jugée qu'entre les parties à cette instance.

Les développements dans les conclusions de M. [J] sur la nullité du protocole à raison de l'indétermination du prix de cession convenu ne tendent qu'à voir infirmer la disposition du jugement ayant ordonné la cession de ses actions à la société Alten et à dire qu'il n'y a pas lieu à cession des titres, M. [J] ne sollicitant pas au principal la nullité du protocole. En tout cas, l'article 1591 du code civil qui dispose que le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties n'impose pas que le contrat porte en lui-même indication du prix mais que lors de la conclusion du contrat, le prix soit simplement déterminable, par référence à des éléments suffisamment précis ne dépendant pas de la volonté d'une partie. En l'espèce, le prix de cession était fixé au protocole comme résultant de l'application d'un coefficient au résultat d'exploitation des années 2007 et 2008, ce dernier n'ayant été définitivement déterminé que lors de l'approbation des comptes le 22 juin 2009, ce prix était ainsi déterminable et la clause de prix conforme aux dispositions de l'article 1591 du code civil.

La promesse étant caduque lorsque la société Alten a procédé à la levée d'option, la société Alten est mal fondée à solliciter la cession des actions de M. [J] à son profit sur le fondement de l'application de l'article 6 dudit protocole.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a ordonné à M. [J] de céder ses 1 200 actions à la société Alten en contrepartie du versement d'un prix de 116.769,45 euros, majoré des intérêts légaux à compter du 30 juin 2009.

Sur la demande en paiement de M. [J] de l'indemnité prévue à l'article 12 B du protocole

M. [J] demande la condamnation de la société Alten à lui payer l'indemnité prévue à l'article 12 B du contrat qui est déterminée en fonction du résultat d'exploitation de la société Pégase.

Il expose en premier lieu que la société Alten a volontairement minoré l'assiette de ses obligations financières au détriment du concluant, que l'article 2.3 organisait les modalités de son information, que la société Alten s'est volontairement soustraite à cette obligation d'information et à celle de ne pas porter atteinte à l'intégrité du résultat d'exploitation, qu'elle a organisé la sortie de différentes sommes de ce résultat, qu'elle a sciemment inexécuté son obligation de communiquer les reportings, que deux salariés non facturables aux clients ont été recrutés sans son accord en violation de l'article 2.3 du protocole, que leurs rémunérations et les charges afférentes sont venus directement en déduction du résultat d'exploitation.

Il soutient ensuite que contrairement à l'interprétation qu'en propose la société Alten qui ne donne aucun sens à l'article 12 B lequel ne trouverait en définitive jamais à s'appliquer, cette stipulation est claire, constitue la clé de voûte de la convention, puisqu'elle est la dernière hypothèse de dénouement de l'opération lorsque que toutes les autres se sont trouvées fermées, qu'elle prévoit la solution de dénouement final du contrat fixé au 31 janvier 2009 en cas de caducité de la convention, permettant de garantir qu'à terme, chacune des parties a la certitude de sortir du contrat, en payant ou en recevant une somme arrêtée à l'avance, que cette clause doit recevoir exécution comme constituant une obligation essentielle à laquelle le juge ne peut refuser de donner effet, que le société Alten invoque en vain la qualification de clause pénale qui viendrait sanctionner le non-respect d'une obligation puisque précisément la société Alten revendique elle-même qu'elle n'avait pas d'obligation de lever l'option.

M. [J] détaille enfin les modalités de calcul de l'indemnité de l'article 12 B auquel il prétend.

La société Alten conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a considéré que l'article 12 B était inapplicable soutenant que cet article ne peut recevoir application qu'une fois l'option d'achat exercée et non en cas de caducité de la promesse et que la clause doit s'analyser en une clause pénale, que la non-levée d'option avant le 31 janvier 2009 ne peut être considérée comme une inexécution contractuelle de la société Alten puisque celle-ci n'avait qu'une option (un droit) et non pas une obligation d'achat et ne saurait donc être sanctionnée au titre de cette clause pénale, que la sanction du versement d'une somme équivalente à « un montant fixe de 2*RE08 », soit une somme de 980.140 euros, alors que le prix de cession des actions n'est que de 116.769 euros en application de la clause de prix contractuelle définie, est manifestement une pénalité de nature dissuasive, selon la définition même d'une clause pénale, qu'en tout état de cause, la mauvaise foi et la déloyauté de M. [J] lui interdisent de se prévaloir de cet article.

' Sur ce :

L'article 12 du protocole intitulé « Non application du protocole » est ainsi rédigé :

« A- Avant la fin de l'exercice 2007 (...)

B- Après la clôture de l'exercice 2007

Si les conditions des articles 4 et 5 ne sont pas respectées par l'une des parties, la partie défaillante versera à l'autre partie, un montant fixe de 2*RE08 pour cause de rupture unilatérale du protocole, mettant fin ainsi irrévocablement au présent protocole et sans qu'aucune des parties ne puissent réclamer aucune autre indemnité à titre de dédommagement. »

Comme il a déjà été rappelé, les parties s'accordent à reconnaître et M. [J] l'a toujours affirmé tant dans ses courriers que dans ses conclusions devant les juridictions et continue à l'écrire devant la cour de renvoi qu'il était seul obligé par l'article 3 du protocole et que la société Alten n'avait aucune obligation de lever l'option.

Il a été par ailleurs jugé ci-avant conformément à la thèse défendue par M. [J] que l'option d'achat n'ayant pas été levée par la société Alten avant le 31 janvier 2009, la promesse consentie par M. [J] est devenue caduque de ce seul fait.

Dans ces circonstances, la société Alten n'a pas manqué à une obligation contractuelle prévue par le protocole en ne levant pas l'option. Elle n'a pu être défaillante dans l'application des articles 4 et 5 qui organisent les modalités de la cession d'actions et qui ne trouvent donc à s'appliquer que dans le cas où la société Alten décide de lever l'option. M. [J] manque d'ailleurs à préciser en quoi la société Alten aurait pu manquer au respect des dispositions des articles 4 et 5 alors que la promesse unilatérale de vente était devenue caduque.

M. [J] soutient en outre à tort et contre les termes mêmes de l'article 12 B que cette clause ne sanctionnerait aucune obligation alors que précisément cette clause prévoit, dans le cas où la société Alten décide de lever l'option, que l'une ou l'autre partie devra verser à son cocontractant une certaine somme en cas d'inexécution des obligations contenues aux articles 4 et 5, et que cette somme est une évaluation forfaitaire et anticipée du montant du préjudice résultant de l'inexécution de ces obligations, qui s'applique du seul fait de celle-ci et remplit donc une fonction tant comminatoire que réparatrice.

Comme le fait d'ailleurs observer en outre la société Alten, le montant de l'indemnité de l'article 12 B qui est égale à deux fois le résultat d'exploitation de l'exercice 2008, confère à l'évidence à cette clause une portée dissuasive visant à inciter chacune des parties à se conformer strictement à la procédure décrite pour aboutir en cas de levée d'option au 31 janvier 2009, à la cession définitive des actions et au paiement du prix convenu avant le 30 juin 2009.

A cet égard, il peut être constaté la disproportion manifeste entre le prix de cession contractuel fixé de sorte que, quels que soient les résultats d'exploitation, ceux-ci sont affectés d'un coefficient multiplicateur de 0,12 tenant à la proportion d'actions détenues par M. [J] dans le capital social de la société Pégase et l'indemnité de l'article 12 B laquelle est égale à deux fois le résultat d'exploitation de l'exercice 2008. Il suffit d'observer que le prix de cession contractuel eu égard aux résultats 2007 et 2008, aurait été de 116.769 euros alors que l'indemnité de l'article 12 B aurait été de 980.140 €.

Or, M. [J] prétend que cette indemnité de l'article 12 B serait due en cas de dénouement du protocole, en dehors de toute sanction, lorsqu'il n'y a pas eu de levée d'option par la société Alten, mais cette interprétation de ces dispositions contractuelles est contredite par le caractère tellement excessif de cette indemnité par rapport au prix de cession qu'il aurait en réalité pour effet de contraindre la société Alten à préférer dans tous les cas acquérir les actions, ce qui est contraire à la nature de la promesse unilatérale revendiquée tant par M. [J] que par la société Alten. De même, à suivre le raisonnement de M. [J], l'indemnité de l'article 12 B constituerait alors une sorte d'indemnité de dédit ou d'immobilisation qui serait nécessairement due par la société Alten, ce qui est également contraire à la rédaction de ladite clause qui prévoit que cette indemnité puisse incomber indifféremment à l'une ou l'autre des parties défaillante au contrat.

M. [J] est donc mal fondé à demander à la cour de dire que la société Alten est tenue de lui payer la somme stipulée à l'article 12 B du protocole et à solliciter la condamnation de la société Alten au paiement à titre principal de la somme de 2.009.340 €, à titre subsidiaire de la somme de 1.506.400 €, à titre encore plus subsidiaire de la somme de 981.400 €.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [J] de sa demande au titre des manquements de la société Alten à ses obligations contractuelles issues du protocole du 18 octobre 2005.

Sur la responsabilité contractuelle de la société Alten

M. [J] demande à la cour pour le cas où elle ne ferait pas droit à sa demande sur le fondement de l'article 12 B du protocole, de condamner la société Alten à lui payer la somme de 750.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé au motif que la société Alten a largement méconnu ses obligations contractuelles et ce dès l'origine de la convention.

Cependant, si M. [J] invoque en effet de façon détaillée dans ses écritures les manquements de la société Alten, notamment en matière de communication des reportings et d'informations ainsi qu'au regard de la régularité des comptes de la société Pégase pour les exercices 2007 et 2008, manquements au demeurant sérieusement contestés par la société Alten, il ne produit aucun élément permettant de justifier de l'existence d'un préjudice subi en résultant et encore moins du quantum de sa réclamation fixé à 750.000 €, égal au montant du prix auquel il a offert de céder ses actions dans son courrier du 12 février 2009.

Les obligations en matière de communication de reportings et/ou de situations opérationnels et financiers qui au demeurant étaient mises à la charge de la société Pégase par le protocole, avaient pour objet essentiel de calculer le prix de cession ou le cas échéant celui de l'indemnité de l'article 12 B. Même à reconnaître ainsi certaines des fautes contractuelles de la société Alten, celles-ci n'auraient eu comme incidence selon M. [J] lui-même que l'empêcher de disposer des éléments d'information nécessaires pour exercer un contrôle sur les résultats d'exploitation 2007 et 2008 servant au calcul du prix de cession et de l'indemnité de l'article 12 B.

En l'absence de toute obligation de la société Alten d'acquérir les actions de M. [J] comme de payer l'indemnité de l'article 12 B, M. [J] ne justifie pas que les manquements allégués lui auraient causé en l'espèce un préjudice. Il n'existe en tout cas aucun lien de causalité entre ces agissements reprochés et le refus non fautif de la société Alten d'accepter la nouvelle offre de prix de M. [J], en dehors de toute application du protocole, faite le 12 février 2009.

Par ailleurs, les parties avaient convenu dans le protocole d'accord de ne pas verser de dividendes sauf accord entre elles ultérieur nullement allégué sur cette période. M. [J] manque à établir un lien entre un préjudice qu'il aurait subi en tant qu'associé résultant des manquements reprochés et le prix de vente de ces actions en 2009 dont il prétend avoir été privé.

Enfin, M. [J] demeure titulaire de 12 % du capital social de la société Alten qu'il peut céder, sans qu'il soit justifié d'une incidence des résultats d'exploitation 2007 et 2008 sur le prix auquel M. [J] pourra négocier la vente de ces titres et en l'état des éléments qu'il soumet à la cour, il n'établit donc pas avoir subi un quelconque préjudice résultant des manquements contractuels reprochés à la société Alten.

M. [J] sera donc débouté de sa demande en paiement de la somme de 750.000 € en réparation du préjudice causé par les manquements contractuels d'Alten.

Sur la demande de restitution des titres et les demandes accessoires

La restitution des 1200 titres de la société Pégase à M. [J] n'est que la conséquence de l'infirmation du jugement en ce qu'il en avait ordonné leur cession forcée. La restitution des actions en nature sera augmentée de toutes distributions qui auraient pu intervenir entre le 18 mai 2012, date de signification du jugement infirmé assorti de l'exécution provisoire, et la date à laquelle la société Alten procédera à la restitution en nature, étant observé que cette dernière ne réclame pas la restitution corrélative du prix puisqu'elle indique dans ses conclusions que M. [J] a toujours refusé le versement du prix de cession tel que fixé par ledit jugement.

M. [J] peut contraindre la société Alten à la restitution des actions en nature le cas échéant par une astreinte ou des mesures d'exécution forcée mais ne peut obtenir qu'elle soit condamnée à la restitution par équivalent monétaire. M. [J] sera donc débouté de cette demande.

Le présent arrêt suffit à justifier de la propriété de M. [J] sur ces 1.200 titres depuis l'origine, sans qu'il y ait lieu d'ordonner à la société Alten la remise d'autres documents.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Eu égard au sens du présent arrêt dont il ressort qu'en définitive, il n'est fait droit à aucune demande en paiement de M. [J] et à aucune de la société Alten, la cession forcée des actions étant infirmée, il sera fait masse des entiers dépens qui seront supportés par moitié entre M. [J] d'une part, la société Alten d'autre part.

Aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l'une ou l'autre des parties.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement du 10 mai 2012 en ce qu'il a débouté M. [E] [J] au titre de sa demande sur le manquement de la société Alten à ses obligations contractuelles issues du protocole du 18 octobre 2005.

Infirme le jugement pour le surplus.

Statuant à nouveau,

Déboute la société Alten de sa demande de cession forcée des actions de la société Pégase systèmes d'information appartenant à M. [E] [J] ;

Y ajoutant,

Déboute M. [E] [J] de sa demande en paiement de la somme de 750.000 € en réparation du préjudice causé par les manquements contractuels d'Alten.

Ordonne à la société Alten de restituer en nature à M. [E] [J] ces 1.200 actions, augmentées de toutes distributions qui auraient pu intervenir entre le 18 mai 2012 et la date à laquelle la société Alten procédera à cette restitution en nature.

Dit que le présent arrêt suffit à justifier de la propriété de M. [E] [J] sur ces 1.200 titres depuis l'origine de la société Pégase.

Déboute M. [E] [J] du surplus de ses demandes.

Fait masse des dépens qui seront supportés par moitié par M. [E] [J] et la société Alten et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre, le droit de recouvrement conforme aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 14/07262
Date de la décision : 11/06/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 13, arrêt n°14/07262 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-06-11;14.07262 ?
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