COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 63B
1re chambre 1re section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 21 MAI 2015
R.G. N° 13/00848
AFFAIRE :
[G] [L]
C/
[E] [O]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Décembre 2012 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES
N° Chambre : 1
N° Section :
N° RG : 09/07077
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Emmanuel GUEILHERS de la SCP GUEILHERS & ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES
- Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT ET UN MAI DEUX MILLE QUINZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant après prorogation dans l'affaire entre :
Madame [G] [L]
née le [Date naissance 1] 1935 à [Localité 3] (Algérie)
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentant : Me Emmanuel GUEILHERS de la SCP GUEILHERS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 96 - N° du dossier 156/09
Plaidant par Maitre Nino PARRAVICINI, avocat au barreau de NICE.
APPELANTE
****************
Monsieur [E] [O]
Avocat
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentant : Me Franck LAFON, postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20130121
Pliadant par Me Francois MORETTE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A 583 -
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 mars 2015 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Odile BLUM, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Odile BLUM, Président,
Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller,
Monsieur Georges DOMERGUE, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT,
Vu le jugement rendu le 11 décembre 2012 par le tribunal de grande instance de Versailles qui a :
- débouté Mme [L] de l'intégralité de ses demandes,
- condamné Mme [L] à payer à Me [O], 1.500 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
Vu l'appel de cette décision relevé le 29 janvier 2013 par Mme [G] [L] qui, par ses dernières conclusions du 16 juillet 2013, demande à la cour, au visa des articles 6 de la CEDH, 15, 16, 411 et 695 du code de procédure civile, 10 et 17 de la loi du 31 décembre 1971, 1134, 1147 et 2273 du code civil, d'infirmer le jugement et de :
- dire que la responsabilité professionnelle de Me [O] doit être engagée,
- condamner Me [O] à lui payer la somme de 23.031,89 € à titre de dommages-intérêts,
- le condamner également à lui payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec application de l'article 699 du même code,
Vu les dernières conclusions du 26 juin 2013 de M. [E] [O] qui demande à la cour de :
- confirmer le jugement ; subsidiairement, dire que Mme [L] ne justifie d'aucun préjudice, ni d'aucun lien de causalité avec une hypothétique faute de Me [O],
- débouter Mme [L] de toutes ses demandes,
- condamner Mme [L] à lui payer la somme de 5.000 € au titre de dommages-intérêts pour procédure abusive outre celle de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec application de l'article 699 du même code,
SUR QUOI, LA COUR,
Considérant que Mme [L] a chargé Me [O], avocat au barreau de Paris, d'un recours à l'encontre de l'ordonnance de taxe rendue le 22 mai 2008 par le bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Nice qui a évalué les honoraires qu'elle devait à Me [J] [T], son ancien conseil, à la somme de 30.250,50 € TTC au total et a ordonné le règlement de cette somme en deniers ou quittance ;
Que par ordonnance du 21 janvier 2009, le délégataire du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a rejeté l'exception de nullité et la fin de non-recevoir soulevée par Mme [L] et a infirmé partiellement la décision du 22 mai 2008 en ramenant le montant total de la somme due à 23.031,89 € ;
Que par acte du 10 août 2009, estimant que Me [O] avait commis plusieurs fautes professionnelles, Mme [L] l'a assigné devant le tribunal de grande instance de Versailles qui l'a déboutée de ses demandes ;
Considérant que Mme [L] expose que Me [O] a commis des fautes dans la défense de ses intérêts en soulevant devant le bâtonnier un moyen de prescription, inopérant en l'espèce, qu'il a continué d'invoquer en appel, sans développer d'arguments pertinents sur le fond du litige ni discuter des critères de fixation de l'honoraire énoncés à l'alinéa 2 de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1991; qu'elle soutient qu'il a manqué à son devoir de conseil en limitant la discussion à cette argumentation et l'a privée des moyens de défense qui lui aurait permis d'éviter une taxation aussi lourde ; qu'elle ajoute qu'il a également failli à ses obligations d'information dès lors qu'à la réception des écritures et pièces de Me [T], deux jours avant l'audience, il n'a pas sollicité le renvoi de l'affaire et ne l'en a pas tenue informée ce qui l'a privée d'une chance de pouvoir répliquer aux dernières conclusions de Me [T] et donc du respect du principe du contradictoire ; qu'elle fait valoir que son préjudice, qu'elle évalue au montant des condamnations, est certain et découle des fautes commises par Me [O] ; qu'elle précise que l'infirmation partielle de l'ordonnance de taxation n'a pas d'incidence sur son préjudice car les honoraires écartés sont relatifs à deux dossiers concernant une SCI dont elle n'était ni gérante, ni associée ;
Considérant que Me [O] conteste avoir commis une faute ou défaillance ; qu'il soutient avoir argumenté sur le fond en déposant, le 17 décembre 2008, un mémoire de dix pages qu'il a soutenu lui-même devant le premier président ; qu'il souligne que la procédure est orale et sommaire et qu'il importe peu que le moyen tiré de la prescription ait été écarté dès lors que l'ensemble des moyens de défense a été exposé ; qu'il précise que si le moyen de prescription a été rejeté, l'avoir soulevé ne saurait être fautif dans la mesure où le rejet n'a aucune conséquence sur le reste du dossier ; qu'il ajoute que la décision de plaider dans une procédure orale après dépôt de son dossier par Me [T] n'est pas critiquable en soi, aucun élément ne venant démontrer qu'un renvoi aurait permis d'avancer d'autres moyens de défense ; qu'il fait enfin valoir que Mme [L] ne justifie d'aucun préjudice ni d'un lien de causalité ;
Considérant, à titre liminaire, que les fautes alléguées par Mme [L] à l'encontre de Me [O] dans le cadre de la procédure de taxation devant le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Nice sont sans incidence sur la solution du litige dès lors que cette décision a été frappée d'appel ;
Considérant que, de même, le fait que l'avocat de Mme [L] ait soutenu, tant devant le bâtonnier qu'en appel, une fin de non-recevoir tirée de la prescription qui a été jugée non-fondée est sans conséquence, l'affaire ayant été contradictoirement débattue sur le fond ;
Considérant que Mme [L] n'est pas fondée à reprocher à Me [O] de n'avoir pas développé d'arguments sur le fond du litige ni de n'avoir pas discuté les critères de fixation de l'honoraire énoncés à l'alinéa 2 de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il ressort en effet des pièces produites que Me [O] a déposé un mémoire motivé sur le fond et a tenté de faire juger, compte tenu des pièces qui lui avaient été fournies par Mme [L], que les parties étaient convenues de la fixation d'honoraires en fonction d'un forfait ;
Que ce moyen de défense était pertinent au vu de la lettre que Me [T] avait adressée à l'époque à Mme [L] visant un tel mode de rémunération ; qu'il permettait de combattre la demande de Me [T] tendant à voir fixer ses honoraires selon les critères de l'article 10, alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Que Me [O] s'est en outre attaché à démontrer, dossier par dossier, l'inutilité d'une partie des interventions facturées par Me [T] ;
Considérant que Me [O], tenu d'une obligation de moyen et non de résultat, n'est pas responsable du fait que le premier président ne l'a pas suivi dans l'ensemble de son argumentation auquel il a été répondu ; que l'ordonnance a, en outre, fait droit à une partie de ses moyens conduisant à la réduction de près de 25 % du montant qui avait été mis en première instance à la charge de Mme [L] ;
Que cette dernière ne peut prétendre à l'inutilité de ce résultat au motif qu'elle n'était ni gérante ni associé des sociétés pour lesquelles le premier président a rejeté les demandes de fixation d'honoraires de Me [T], dès lors qu'elle avait été condamnée, à titre personnel, en première instance, au titre des factures réclamées par Me [T] à ces deux sociétés ;
Considérant que Mme [L] n'est pas davantage fondée à reprocher à Me [O] de n'avoir pas fait état des règlements qui avaient pu être adressés, tant par elle que par son assurance juridique ou la Fnaim, à Me [T] ; qu'en effet, cette abstention est sans conséquence, la décision de taxation du bâtonnier, confirmée sur ce point en appel, ayant ordonné le règlement des honoraires en deniers ou quittance ;
Considérant, en revanche, que Me [O] s'est abstenu de communiquer à Mme [L], dès leur réception, les pièces reçues de Me [T] 48 heures avant l'audience de plaidoiries ; qu'il n'a pas sollicité le renvoi de l'affaire en dépit du fait que, selon ses propres déclarations, la communication de pièces n'était pas complète et que d'autres pièces étaient versées aux débats ; que le caractère oral et sommaire de la procédure n'excluant pas le respect du principe de la contradiction dû à sa cliente, Me [O] a ainsi manqué tant à son devoir d'information qu'à son devoir de conseil ;
Que cependant, si Mme [L] fait ainsi valoir à juste titre qu'elle a perdu une chance de pouvoir répliquer aux dernières écritures de Me [T], il sera relevé qu'elle n'indique pas les points sur lesquels elle aurait pu fournir à son conseil des éléments pertinents ; qu'elle ne produit aucune pièce permettant d'établir que, si elle avait eu connaissance en temps utile des conclusions et pièces adverses, la décision rendue aurait été différente ; qu'elle ne démontre pas en conséquence l'existence d'une perte de chance réelle et sérieuse d'obtenir gain de cause ;
Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [L] de ses demandes ;
Considérant que Me [O] ne démontre pas l'indélicatesse ou la mauvaise foi de Mme [L] qu'il invoque ; qu'il ne démontre pas que Mme [L] qui a pu se méprendre sur l'étendue de ses droits, a fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice puis de faire appel d'un jugement ne lui donnant pas gain de cause ; que Me [O] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts et le jugement sera infirmé sur la condamnation prononcée à ce titre ;
Considérant que Mme [L] qui succombe sera condamnée aux dépens ; que, vu l'article 700 du code de procédure civile, les dispositions du jugement sur ce chef seront confirmées et la somme supplémentaire de 1.500 € sera allouée à Me [O] pour ses frais irrépétibles d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement, sauf en sa disposition ayant condamné Mme [L] à payer à Me [E] [O] 1.500 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
statuant à nouveau sur ce seul chef,
Déboute Me [O] de sa demande de dommages et intérêts ;
Déboute Mme [L] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamne en application de cette disposition à payer à Me [O] la somme supplémentaire de 1.500 € ;
Condamne Mme [L] aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Odile BLUM, Président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,