COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
AP
Code nac : 55B
12e chambre section 2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 19 MAI 2015
R.G. N° 14/04111
AFFAIRE :
Société NORBERT DENTRESSANGLE PORTUGAL
C/
SA AXA PORTUGAL - COMPANHIA DE SEGUROS
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 14 Mai 2014 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE
N° Chambre : 04
N° Section : 0
N° RG : 2012F0016
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Emmanuel JULLIEN Me Paul BUISSON
Me Patricia MINAULT Me MélinaPEDROLETTI
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX NEUF MAI DEUX MILLE QUINZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Société NORBERT DENTRESSANGLE PORTUGAL
[Adresse 2]
[Adresse 2]
. PORTUGAL
Représentant : Me Emmanuel JULLIEN de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 - N° du dossier 20140380 -
Représentant : Me Christophe RAMBAUD, Plaidant, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 742
APPELANTE
****************
SA AXA PORTUGAL - COMPANHIA DE SEGUROS
[Adresse 4]
[Adresse 4])
Représentant : Me Paul BUISSON de l'ASSOCIATION BUISSON & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 6 Représentant : Me Béatrice FLEURIS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T03
Compagnie d'assurances HELVETIA COMPAGNIE SUISSE D'ASSURANCES
N° SIRET : 775 75 3 0 722
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20140306 -
Représentant : Me Sylvie NEIGE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C-1771
Société TRANSPORTES S. LUIS LDA
[Adresse 3]
[Adresse 3]
PORTUGAL
Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - N° du dossier 22851
Représentant : Me Pierre FERNANDEZ, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0786 -
INTIMÉES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 31 Mars 2015 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Alain PALAU, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Alain PALAU, Président,
Monsieur François LEPLAT, Conseiller,
Madame Hélène GUILLOU, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Catherine CHARPENTIER,
La société Norbert Dentressangle Portugal, commissionnaire, a confié à la société Transportes S Luis LDA le transport de marchandises achetées par la société Pataugas du Portugal à [Localité 3].
Le transport a été réalisé par la société Transportes S Luis LDA du 23 au 28 septembre 2011.
A l'arrivée, seuls 490 des 568 colis adressés à la société Pataugas étaient dans le camion.
Selon un rapport d'expertise en date du 4 avril 2012 de la société Laborde et Courteilles, les portes de la remorque n'avaient été ni plombées ni verrouillées ni protégées par un cordon TIR.
L'expert a décrit le trajet et mentionné que deux grands arrêts avaient eu lieu le 26 septembre entre 23 heures et 8 heures sur une aire de service d'autoroute à [Localité 1] et le 27 septembre entre 19 heures 30 et 4 Heures 45 sur la route nationale 104 sur une aire de la station service BP à [Localité 2].
Il a indiqué que le chauffeur soupçonnait que le vol avait été commis lors de ce dernier arrêt mais a conclu que d'autres hypothèses peuvent être formulées.
Il a reproché l'absence de protection des portes de la remorque et l'absence de vérification par le chauffeur à chaque arrêt impliquant l'abandon du camion que tout était en règle. Il a précisé qu'il aurait dû, alors, ouvrir les portes, vérifier que la feuille de plastique placée derrière elles pour éviter le passage d'humidité n'était pas déchirée et regarder si des cartons étaient hors de leurs places.
A la rubrique « causes du sinistre », il a mentionné : « disparition de 78 cartons en circonstances inconnues ».
L'expert a précisé qu'il avait demandé en vain divers documents comptables à la société propriétaire des chaussures.
La société Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances, ci-après dénommée Helvetia, assureur de la société Pataugas, a versé à celle-ci la somme de 45.467,29 euros en indemnisation.
Par actes du 13 décembre 2011, la société Helvetia a fait assigner devant le tribunal de commerce de Pontoise les sociétés Norbert Dentressangle Portugal, Transportes S Luis LDA et Axa Portugal Companhia de Securos, ci-après dénommée Axa Portugal, assureur de cette dernière.
Par actes du 4 janvier 2012, la société Norbert Dentressangle Portugal a fait assigner les sociétés Transportes S Luis LDA et Axa Portugal.
Les procédures ont été jointes.
Par jugement du 14 mai 2014, le tribunal de commerce de Pontoise s'est déclaré compétent.
Il a rejeté les exceptions présentées par les sociétés Norbert Dentressangle Portugal et Transportes S Luis LDA tirées du défaut de moyen juridique dans l'assignation et celle formée par cette dernière tirée de la nullité de l'assignation pour défaut de domicile en France.
Il a condamné conjointement, chacune pour moitié, les sociétés Norbert Dentressangle Portugal et Transportes S Luis LDA à payer à la société Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances les sommes de :
45.467,29 euros outre intérêts au taux de 5% à compter du 13 décembre 2011 et capitalisation de ceux-ci
2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il a rejeté les autres demandes.
Le tribunal a, notamment, considéré que la loi portugaise s'appliquait aux contrats de commission et de transport mais que la convention CMR était par définition applicable également au Portugal et était donc une loi du Portugal et que la société Helvetia en visant cette convention purgeait le vice tiré de l'absence de visa de la loi portugaise.
Il a également jugé que les sociétés Transportes S Luis LDA et Norbert Dentressangle Portugal avaient commis une faute inexcusable justifiant que soit écartée la clause limitative d'indemnisation et que la clause d'exclusion figurant dans la police souscrite auprès de la société Axa Portugal s'appliquait.
Par déclaration du 30 mai 2014, la société Norbert Dentressangle Portugal a interjeté appel.
Dans ses dernières conclusions portant le numéro 2 en date du 5 novembre 2014, la société Norbert Dentressangle Portugal sollicite l'infirmation du jugement.
Elle conclut à l'irrecevabilité et au rejet des demandes de la société Helvetia.
Subsidiairement, elle demande que l'indemnité due à celle-ci ne puisse excéder la somme de 6.378,37 euros.
Elle demande que la société Transportes S. Luis LDA, in solidum avec la société Axa Portugal, soit condamnée à la relever et garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre.
Elle sollicite la condamnation in solidum des trois autres parties, ou de l'une d'entre elles, au paiement de la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société rappelle qu'elle est intervenue en qualité de commissionnaire de transport et qu'elle est une société de droit portugais.
Elle reproche à la société Helvetia ' qui invoque l'article L 132-3 du code de commerce- de ne pas justifier de l'application du droit interne français aux relations contractuelles existant entre la société Pataugas et la société Norbert Dentressangle Portugal. Elle estime qu'il appartient à celle-ci d'agir sur le fondement du droit portugais. Elle soutient que l'article 5 du règlement de Rome ne permet pas d'appliquer la loi française, le Portugal étant le lieu de chargement et le lieu de résidence habituelle de l'expéditeur et du transporteur.
Elle fait valoir que le tribunal ne pouvait se fonder sur les dispositions de la convention CMR. Elle déclare qu'il convient de distinguer les rapports du commissionnaire avec son client et avec ses confrères commissionnaires substitués, d'une part, et les rapports des commissionnaires avec les transporteurs, d'autre part. Elle soutient que le contrat de commission est régi par le droit national dont il relève et non par la convention internationale applicable au mode de transport utilisé.
Elle en conclut que la loi portugaise s'applique aux rapports contractuels entre elle et la société Helvetia, subrogée dans les droits de la société Pataugas. Elle ajoute que les rapports entre elle-même et son substitué, la société Transportes S Luis LDA, et son assureur sont gouvernés par la CMR.
Elle estime qu'en application de l'article 9 du code de procédure civile, il appartient à la société Helvetia, demanderesse, de justifier de la loi portugaise. Elle rappelle qu'il appartient au juge, en concours avec les parties ou personnellement, de rechercher la teneur de la loi applicable.
Elle déclare produire la législation portugaise.
L'appelante conteste toute faute personnelle. Elle affirme que l'absence de précaution lors du stationnement au cours du transport engage la responsabilité du transporteur et non la sienne. Elle soutient qu'elle justifie avoir donné toutes instructions utiles en produisant notamment la confirmation d'affrètement alors que la société Helvetia ne produit pas la confirmation d'affrètement de la société Pataugas. Elle affirme que le donneur d'ordres ne peut faire de grief à l'encontre du commissionnaire ou du transporteur s'il n'a pas imposé de mesures de précautions particulières. Elle rappelle que le commissionnaire a pour obligation de transmettre au voiturier qu'il se substitue les instructions qu'il a reçues. Elle déclare que la société Helvetia ne prouve pas un tel défaut de transmission dès lors qu'elle ne produit pas ces instructions.
Elle ajoute qu'elle n'a pas défini les conditions de sécurité du transport. Elle fait valoir que le transporteur est toujours maître de son action et qu'en qualité de professionnel, il doit prendre les mesures de sécurité élémentaires comme celles consistant à verrouiller les portes de la remorque ce qu'il déclare avoir fait. Elle relève que la confirmation d'affrètement ne comporte aucune instruction sur le verrouillage et affirme que la mention « camion non scellé » portée sur la CMR ne constitue qu'un constat, à l'information des douaniers, et non une instruction. Elle ajoute que l'absence de scellés ne dispense pas le transporteur de son obligation de verrouiller les portes de sa remorque. Elle déclare enfin que l'absence de scellé ou cordon TIR est sans relation avec la sécurité des marchandises, le régime TIR étant destiné à limiter les attentes aux frontières et que l'existence d'un plomb est sans effet, les malfaiteurs pouvant déverrouiller des portes ou lacérer la bâche.
Elle estime que la société Helvetia ne peut lui reprocher le choix du transporteur, celui-ci étant parfaitement référencé et bénéficiant de la certification ISO 9000.
Elle réfute enfin toute faute dans l'opération de transport qui n'a connu aucune interruption.
La société reproche au tribunal d'avoir confondu les missions du commissionnaire et du transporteur.
Elle soutient que la perte de marchandises dans des conditions inconnues ne permet pas de caractériser une faute lourde du transporteur et donc, a fortiori, une faute inexcusable du commissionnaire.
Enfin, elle déclare qu'il n'a pas statué sur son action en garantie contre le transporteur et son assureur qu'elle estime recevable et fondée.
La société soutient que sa responsabilité est, aux termes de la législation portugaise, soumise aux limitations légales ou conventionnelles soit, en l'espèce, la convention CMR. Elle indique que celle-ci la limite à la somme de 6.378,37 euros. Elle fait valoir qu'elle ne peut être davantage responsable que son substitué et invoque les limitations et causes exonératoires opposées par lui. Elle se prévaut de la clause 23§3 de la CMR et du calcul effectué par la société Axa Portugal.
Elle conteste toute faute inexcusable et rappelle l'article L 133-8 du code de commerce, applicable lorsque la loi de la juridiction saisie le prévoit. Elle fait valoir que cette faute est plus grave que la faute lourde et que son auteur doit avoir eu conscience qu'un dommage résultera nécessairement de son acte ou de son omission. Elle reprend les critères définis à l'article précité et considère que tel n'est pas le cas. Elle souligne que les circonstances du vol sont inconnues.
Elle déclare qu'en tout état de cause, il n'est ni allégué ni justifié d'une faute inexcusable de sa part et en infère qu'elle doit bénéficier des limitations de responsabilité prévues par la CMR.
La société soutient que la société Helvetia ne justifie pas que le prix de revient des marchandises dérobées s'élève à la somme de 45.467,29 euros.
Dans ses dernières écritures portant le numéro 2 en date du 17 novembre 2014, la société Transports S. Luis LDA conclut à l'infirmation du jugement.
Elle sollicite le rejet des demandes de la société Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances.
Subsidiairement, elle demande que l'indemnité n'excède pas la somme de 6.378,37 euros.
Elle s'oppose à la demande de garantie formée par la société Norbert Dentressangle Portugal et sollicite la garantie de la société Axa Portugal.
Elle réclame le paiement par la société Helvetia de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société invoque l'absence de preuve du quantum réclamé. Elle déclare que la société Helvetia ne verse aux débats aucune pièce justifiant de la valeur de la marchandise, le tableau produit par elle étant inexploitable faute de descriptif des colis manquants et de lien entre les paires de chaussures et le colis. Elle ajoute qu'il émane de la seule demanderesse qui ne peut donc se constituer une preuve et invoque le rapport du cabinet Laborde et Courteilles ayant sollicité en vain des pièces justificatives. Elle déclare ne pas contester l'intérêt à agir de la société Helvetia mais souligne qu'elle ne peut disposer de plus de droits que la société Pataugas.
Subsidiairement, elle se prévaut de l'article 23 de la CMR qui limite l'indemnité à 8,33 unités de compte par kilogramme de poids brut manquant soit, en l'espèce, 6.378,37 euros. Elle reproche au tribunal d'avoir écarté cette limitation en raison d'une faute inexcusable de sa part au sens des articles 29-1 de la CMR et L 133-8 du code de commerce. Elle rappelle ces articles.
Elle fait valoir que les circonstances entourant la disparition des marchandises sont indéterminées ainsi que l'a conclu le cabinet Laborde et Courteilles. Elle soutient que l'existence ou non d'une faute inexcusable dépend de ces circonstances et se prévaut d'un arrêt jugeant qu'aucune faute lourde ne pouvait être retenue lorsque les conditions de la perte des marchandises étaient indéterminées.
Elle conteste également avoir commis une telle faute au motif que c'est la société Norbert Dentressangle Portugal qui a choisi le type de camion et qui n'a pas souhaité que la remorque soit scellée. Elle déclare que le fait de sceller les portes relève de la responsabilité de l'expéditeur qui affrète. Elle rappelle que le camion a été chargé dans l'entrepôt de la société Norbert Dentressangle Portugal et fait valoir que les conditions de sécurité ont été définies par elle, celle-ci n'ayant vraisemblablement pas eu d'instructions particulières de son mandant. Elle ajoute que la remorque a toujours été fermée à clef et qu'à défaut, ce point aurait été mentionné lors du déchargement.
Elle souligne que la faute inexcusable est plus grave que la faute lourde et qu'elle requiert un élément intentionnel. Elle estime que ces conditions ne sont pas réunies, le fait de stationner sur une aire d'autoroute ou de station service ne constituant pas une telle faute. Elle soutient que la société Helvetia devrait, à tout le moins, démontrer que d'autres lieux mieux protégés auraient pu être choisis dans un périmètre proche et compatible avec la taille du véhicule et les horaires de repos du transporteur. Elle déclare que tel n'est pas le cas et que sa seule faute éventuelle serait une faute d'imprudence.
Elle soutient, en ce qui concerne l'absence de système particulier de sécurité sur les portes de la remorque, que les conditions de sécurité ont été définies par la société Norbert Dentressangle Portugal, qu'aucune information ne lui a été fournie sur la nature des marchandises et sur des risques particuliers et que la mise en place de scellés ou d'un cordon TIR ne constitue pas un gage de sécurité supplémentaire.
Elle demande la garantie de la société Axa Portugal.
Elle estime que l'article 6.1 des conditions générales de la police n'exclut la garantie que si le transporteur abandonne son chargement sans le stationner dans une enceinte fermée et/ ou surveillée. Elle déclare que tel n'a pas été le cas, son chauffeur ayant toujours passé la nuit dans le camion. Elle conteste l'interprétation donnée par son assureur de la garde du véhicule, impossible à mettre en oeuvre. Elle soutient que les termes « véhicule laissé sans garde » visent le cas où le chauffeur quitte le véhicule et le laisse sans surveillance et rappelle que le contrat doit s'interpréter en faveur de l'assuré.
Elle fait valoir que les clauses d'exclusion des articles 6.1 a et b, nouvellement opposées, ne sont pas applicables car visant les cas de fraude du transporteur complice ou auteur du vol et la société n'en justifiant pas.
Dans ses dernières écritures portant le numéro 2 en date du 4 novembre 2014, la société Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances conclut à la confirmation du jugement.
Elle demande que les « requis » soient condamnés in solidum à lui payer les sommes de :
45.467,29 euros outre intérêts au taux de 5% à compter du 13 décembre 2011 et capitalisation de ceux-ci
5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle rappelle les conclusions du rapport du cabinet Laborde et Courteilles.
La société soutient qu'elle est recevable à agir en sa qualité de subrogée dans les droits de la société Pataugas, son assurée aux termes d'une police souscrite par le groupe André pour son compte et pour le compte des sociétés du groupe dont la société Pataugas.
En réponse à la société Axa Portugal, elle fait valoir que l'article 17 excluant la garantie n'est pas applicable, son objet étant limité aux transports privés ou pour compte propre. Elle conteste que le contrat d'affrètement conclu entre les sociétés Norbert Dentressangle Portugal et Transportes S Luis soit un « contrat spécifique » également visé à cet article. Elle relève que les contrats visés sont des contrats de prêt ou de locations de véhicules mis à la disposition de l'assuré afin qu'il réalise lui-même ses transports ce qui n'est pas le cas. Elle souligne que la lettre de voiture émise par le transporteur sur laquelle figure la société Pataugas en qualité de destinataire démontre l'existence d'un contrat de transport. Elle en conclut que le sinistre est survenu dans le cadre d'un contrat de transport terrestre, que les exclusions prévues à l'article 17 ne sont pas applicables et qu'elle était tenue de garantir le sinistre.
Elle invoque la subrogation, légale et conventionnelle. Elle excipe des factures démontrant que la marchandise, objet du transport, avait été achetée par la société Pataugas et, donc, que celle-ci a subi les conséquences du vol litigieux.
Elle rappelle les conclusions précitées du rapport d'expertise. Elle souligne qu'il en résulte que les portes de la remorque n'étaient pas verrouillées, qu'elles n'étaient pas protégées par un cordon TIR, qu'elles n'étaient pas plombées, que la remorque était seulement bâchée et que le chauffeur a stationné les nuits des 26 au 27 septembre et du 27 au 28 septembre sur des sites non sécurisés soit une aire d'autoroute et une aire de station-service.
L'intimée invoque la responsabilité de la société Norbert Dentressangle Portugal, intervenue en qualité de commissionnaire.
En ce qui concerne la loi applicable, elle se prévaut de l'article 5 du règlement de Rome 1 et déclare que l'expression « transporteur » signifie la personne partie au contrat, qui s'engage à transporter les marchandises elle-même ou par un tiers. Elle en infère que doit s'appliquer la loi du pays de livraison soit la loi française. Elle affirme qu'il appartient à la société Norbert Dentressangle, qui l'invoque, de justifier de la loi portugaise. Elle ajoute que, dans son appel en garantie contre son substitué, la société a invoqué la loi française.
Elle soutient que la société est, en sa qualité de commissionnaire de transport, garant du fait de son substitué en application des articles L 132-4 et suivants du code de commerce.
Elle fait valoir qu'elle répond également d'une responsabilité pour faute personnelle. Elle reprend la définition, donnée par un arrêt, de la commission de transport et en conclut que le commissionnaire organise et fait exécuter sous sa responsabilité et en son propre nom le transport selon les modes de son choix. Elle déclare, citant un arrêt, que, véritable organisateur de l'expédition, il doit conseiller son client et effectuer toutes les diligences raisonnables nécessaires pour assurer le bon déroulement de l'opération et veiller à la sauvegarde la marchandise.
Elle lui reproche de n'avoir donné aucune instruction en ce sens au transporteur alors qu'il s'agit d'une marchandise sensible. Elle invoque des arrêts.
Elle lui fait également grief d'avoir choisi un transporteur ayant fait preuve d'une telle incurie et d'un tel désintérêt.
La société invoque la responsabilité de la société Transportes S. Luis LDA. Elle rappelle qu'en application de l'article 17 de la CMR, elle est présumée responsable des dommages survenus et relève qu'elle ne conteste pas sa responsabilité.
Elle affirme démontrer sa faute inexcusable. Elle soutient que les circonstances du vol ne sont pas inconnues et qu'il ressort du rapport précité qu'elle n'a mis en 'uvre aucune mesure de précaution lors de ses arrêts. Elle déclare que la faute inexcusable n'est pas une faute intentionnelle mais qu'elle comporte un élément intentionnel soit la connaissance par le débiteur de l'inexécution de son obligation sans pour autant qu'il ait l'intention de créer le dommage. Elle fait état d'une faute délibérée du chauffeur qui a laissé le camion stationné sans précaution et qui n'a pu ne pas avoir conscience que la marchandise pouvait être volée. Elle souligne que c'est le transporteur qui choisit ses aires de stationnement et sa feuille de route, avec le commissionnaire. Elle estime qu'il lui appartenait de choisir des lieux mieux protégés ou, à tout le moins, de prendre les mesures de sécurité nécessaires.
Elle fait valoir qu'il a l'obligation essentielle de sauvegarder la marchandise quelle que soit sa nature et sa valeur. Elle en conclut, citant un arrêt, qu'il doit donc prendre des précautions d'usage lorsqu'il stationne en cours de transport soit stationner sur un site sécurisé et apposer un dispositif de sécurité. Elle estime qu'à défaut, il commet une faute inexcusable. Elle rappelle les conclusions du rapport Laborde et Courteilles et en déduit qu'il n'a pris aucune précaution. Elle considère qu'il ne pouvait ignorer le risque de vol.
Elle ajoute qu'il s'est totalement désintéressé de la marchandise, le chauffeur devant à chaque arrêt impliquant l'abandon du camion faire un tour de celui-ci et vérifier que tout est en ordre. Elle souligne qu'il ne s'est aperçu du vol qu'à l'arrivée.
Elle réclame donc la condamnation du transporteur et du commissionnaire, pour les faits de son substitué, à réparer l'entier dommage.
Elle affirme communiquer le détail des colis et des paires de chaussures volées accompagné des factures commerciales.
Elle réclame la garantie de la société Axa Portugal. Elle déclare ignorer le sens de l'expression « sans garde » et considère que la société ne rapporte pas la preuve que les conditions d'exclusion de la garantie sont réunies.
Dans ses dernières écritures portant le numéro 2 en date du 8 décembre 2014, la SA Compagnie Axa Portugal-Companhia de Seguros conclut au rejet des demandes formées à son encontre et, très subsidiairement, à la limitation à la somme de 5.740,53 euros de sa garantie.
Elle réclame la condamnation in solidum des sociétés Norbert Dentressangle Portugal et Helvetia au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société invoque la clause d'exclusion stipulée à l'article 6 de la police excluant toute garantie si le véhicule, la remorque ou les marchandises « sont laissés sans garde » sauf s'ils sont stationnés « à l'intérieur d'un édifice ou d'une cour totalement intérieure dûment fermée à clef ou sous vigilance humaine constante, assistée ou non de moyens électroniques ». Elle en infère que les vols sont exclus de la police si les marchandises sont laissées sans garde sauf si elles sont à l'intérieur d'un édifice fermé à clefs ou sous vigilance humaine. Elle souligne qu'il existe des aires de surveillance sécurisées pour les camions sur les aires d'autoroute.
Elle invoque le rapport du cabinet Laborde et Courteilles et les explications du chauffeur selon lesquelles le vol aurait été commis sur l'aire de la station service BP à [Localité 2]. Elle souligne qu'il n'a pas abandonné le camion dans un espace sécurisé. Elle estime donc remplies, au vu du rapport, les conditions de la clause d'exclusion précitée.
Elle vise également la clause d'exclusion générale prévue à l'article 6 et estime que la société a, « par action ou omission commis des fautes » relevées par le rapport précité justifiant cette exclusion.
Subsidiairement, elle affirme que la société Helvetia ne garantissait pas la société Pataugas. Elle excipe de l'article 17 de la police souscrite et les exclusions relatives aux « transports pour propre compte » en cas de vol commis dans les circonstances de l'espèce. Elle soutient que cet article est applicable dans la mesure où il vise les cas dans lesquels l'assuré « fait exécuter ses transports », pas seulement par le moyen du louage de véhicules. Elle fait valoir qu'il s'agit en l'espèce de l'exécution d'un transport pour autrui soit le transport confié par la société Pataugas à la société Norbert Dentressangle par un contrat d'affrètement.
Elle affirme que la société Helvetia ne rapporte pas la preuve du préjudice de l'expéditeur. Elle déclare qu'elle ne verse pas aux débats le détail de la marchandise volée pour laquelle elle a apporté sa garantie. Elle indique qu'elle ne produit que les factures relatives à la totalité de la commande ainsi que la preuve de son règlement. Elle souligne que le cabinet Laborde et Courteilles lui-même a indiqué avoir effectué vainement des démarches pour connaître le contenu, le nombre et la valeur des cartons effectivement volés.
A titre très subsidiaire, elle invoque la limitation de la responsabilité à la somme de 6.378,37 euros en application de l'article 23 de la CMR et excipe de la franchise contractuelle de 10%.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 février 2015.
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Sur la recevabilité de la demande formée par la société Helvetia contre la société Norbert Dentressangle Portugal
Considérant que la société Norbert Dentressangle Portugal est une société de droit portugais ; qu'elle est assignée en sa qualité de commissionnaire et non de transporteur ;
Considérant que l'article 5 du règlement de Rome 1 dispose que la loi applicable au transport de marchandises est « la loi du pays dans lequel le transporteur a sa résidence habituelle, pourvu que le lieu de chargement ou le lieu de livraison ou encore la résidence habituelle de l'expéditeur se situe aussi dans ce pays » ; qu'il énonce que, « si ces conditions ne sont pas satisfaites », la loi du pays dans lequel se situe le lieu de livraison, soit la loi française, s'applique ;
Considérant que la société Pataugas n'est pas le transporteur ;
Considérant que les sociétés Norbert Dentressangle Portugal et Transportes S Luis LDA ont leur « résidence habituelle » au Portugal ; que le chargement a eu lieu au Portugal ;
Considérant, dès lors, que la loi, subsidiaire, du pays de livraison n'est pas applicable ;
Considérant que, par sa nature et son champ d'application, dans tous les Etats signataires, la convention CMR est aussi une loi portugaise ;
Mais considérant qu'est en cause le contrat de commission conclu entre la société Pataugas et la société Norbert Dentressangle Portugal ; que ce contrat est régi par le droit national dont il relève ; que la convention CMR, propre au transport routier, ne s'applique pas à ce contrat ;
Considérant dès lors que seule la loi portugaise peut permettre à la société Helvetia de rechercher la responsabilité de la société Norbert Dentressangle Portugal ;
Considérant que la question de l'inapplicabilité de la loi française et de l'applicabilité de la seule loi portugaise était dans le débat ; que la société Norbert Dentressangle Portugal a même versé cette loi aux débats ;
Considérant, dès lors, que le respect de l'article 16 du code de procédure civile ne justifie pas une réouverture des débats afin de permettre aux parties de tirer les conséquences de l'application de cette loi ;
Considérant que la société Helvetia a visé la seule loi interne ;
Considérant que sa demande fondée sur une législation non applicable est irrecevable ;
Considérant que la demande formée par la société Helvetia contre la société Norbert Dentressangle Portugal est donc irrecevable ;
Sur la subrogation de la société Helvetia
Considérant qu'il appartient à la société Helvetia de démontrer que l'indemnité qu'elle a versée à la société Pataugas était justifiée ;
Considérant que la police souscrite auprès d'elle par le « Groupe André » pour le compte de la société Pataugas stipule, dans son article 17, que celle-ci « peut faire exécuter ses transports' à l'aide de véhicules qui lui auront été prêtés ou loués selon des contrats spécifiques » et exclut, dans cette hypothèse, la garantie en cas de vols commis de nuit ;
Mais considérant qu'il résulte des termes mêmes de cet article que sont concernés les transports réalisés par l'assuré lui-même par l'intermédiaire, notamment, de contrats de prêts ou de location de véhicules ; que les « contrats spécifiques » sont ceux qui permettent à la société de réaliser elle-même ses transports ; qu'il n'en est pas de même lorsqu'elle fait réaliser le transport de ses marchandises dans le cadre d'un contrat de transport ; qu'en l'espèce, elle a conclu un contrat de transport ; que les exclusions ne s'appliquent donc pas ; que l'intimée était, en conséquence, tenue à indemniser la société Pataugas ;
Considérant, en ce qui concerne la somme versée, que la société Helvetia verse aux débats un tableau indiquant le prix de revient de chaque paire de chaussures et un tableau détaillant le contenu des colis perdus ; que le rapprochement de ces deux tableaux permet de calculer le préjudice subi par la société Pataugas et, donc, de justifier le montant versé par la société Helvetia ;
Considérant que celle-ci démontre, en conséquence, qu'elle était tenue de verser à la société Pataugas la somme payée ;
Sur la responsabilité de la société Transportes Luis S LDA
Considérant que la responsabilité de la société est engagée de plein droit sur le fondement de la convention CMR ;
Considérant que la convention CMR limite l'indemnisation due par le transporteur ; que cette limitation est toutefois inopposable en cas de faute « équivalente au dol » soit de faute inexcusable ;
Considérant qu'aux termes de l'article L 133-8 du code de commerce, constitue une faute inexcusable une « faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable » ;
Considérant que l'auteur d'une faute délibérée a conscience de l'inexécution de son obligation mais ne veut pas créer le dommage ;
Considérant que le stationnement de nuit sur une aire non clôturée ou gardiennée alors que les portes de la remorque n'étaient ni verrouillés ni plombées constitue une faute inexcusable ;
Mais considérant que cette faute inexcusable doit avoir un lien de causalité avec le dommage ;
Considérant que le rapport de la société Courteilles et Laborde retrace le trajet effectué, précise les deux arrêts de nuit sans précaution, relève que le chauffeur soupçonne que le vol a été commis lors du second arrêt mais estime « évident que d'autres hypothèses pour expliquer la disparition de ces 78 cartons peuvent être formulées mais elles ne sont que des hypothèses » ; qu'il conclut à la disparition des cartons en « circonstances inconnues » ;
Considérant qu'il résulte de ce rapport que la commission du vol de nuit alors que la remorque n'était pas protégée ne constitue qu'une hypothèse et que les circonstances de celui-ci sont inconnues ;
Considérant qu'il n'est, ainsi, pas établi qu'il existe un lien de causalité entre la faute inexcusable invoquée commise par le transporteur et le vol ;
Considérant, en outre, que l'incapacité du transporteur à fournir le moindre renseignement sur les circonstances de la disparition des colis ne constitue pas une faute inexcusable ;
Considérant, dès lors, que la société Helvetia ne rapporte pas la preuve d'une faute inexcusable du transporteur ayant un lien de causalité avec le vol ;
Considérant, par conséquent, que la clause limitative prévue à la convention CMR doit s'appliquer ; que l'indemnité ne peut « dépasser 8,33 unités de compte par kilogramme de poids brut manquant » soit, en l'espèce, 6.378,37 euros ;
Considérant que la société sera condamnée au paiement de cette somme ; que celle-ci portera intérêts conformément à la convention CMR au taux de 5% à compter de la délivrance de l'assignation ; que lesdits intérêts seront capitalisés ;
Sur les demandes formées à l'encontre de la société Axa Portugal
Considérant que l'article 6 de la police souscrite par la société Transportes S Luis LDA exclut de la garantie les « vols si la remorque et/ou les marchandises transportées sont laissées sans garde » sauf circonstances particulières non réunies en l'espèce ;
Mais considérant que les circonstances du vol sont inconnues ; qu'il n'est donc pas possible de déterminer s'il a été commis alors que les marchandises et la remorque étaient laissées « sans garde » ; que la clause d'exclusion précitée ne s'applique donc pas ;
Considérant que le même article exclut la garantie en cas d' « actions ou omissions frauduleuses » de l'assuré ;
Considérant qu'aucune pièce produite ne permet de retenir une telle occurrence ;
Considérant que la société Axa Portugal est, dès lors, tenue de garantir son assuré ; qu'elle sera également condamnée in solidum avec lui ;
Considérant qu'au regard de la franchise stipulée, elle sera tenue dans la limite de la somme de 5.740,53 euros ;
Sur les autres demandes
Considérant que le jugement sera donc infirmé du chef des condamnations prononcées en principal ; qu'il sera en conséquence également infirmé en ce qui concerne les condamnations accessoires ; que les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile devant le tribunal seront rejetées ; que les dépens seront mis à la charge in solidum de la société Transportes S Luis LDA et de la société Axa Portugal ; que la société Axa Portugal garantira son assuré ;
Considérant qu'en équité, les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel seront rejetées ;
PAR CES MOTIFS
Contradictoirement,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
Déclare irrecevables les demandes formées par la société Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances contre la société Norbert Dentressangle Portugal,
Condamne in solidum la société Transportes S Luis LDA et la société Axa Portugal 'Companhia de Seguros SA, celle-ci dans la limite de 5.740,53 euros, à payer à la société Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances la somme de 6.378,37 euros outre intérêts au taux de 5% à compter du 13 décembre 2011 et capitalisation de ceux-ci,
Condamne la société Axa Portugal 'Companhia de Seguros SA à garantir la société Transportes S Luis LDA dans la limite de 5.740,53 euros,
La condamne également à la garantir des dépens,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne in solidum la société Transportes S Luis LDA et la société Axa Portugal 'Companhia de Seguros SA aux dépens,
Autorise la SELARL Patricia Minault et l'AARPI JRF Avocats à recouvrer directement à leur encontre ceux des dépens qu'elles ont exposées sans avoir reçu provision,
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
signé par Monsieur Alain PALAU, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,