COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
15e chambre
ARRET N°
contradictoire
DU 01 AVRIL 2015
R.G. N° 14/00454
AFFAIRE :
[L] [W]
C/
SAS SDEP
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 18 Décembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT
N° RG : F 12/02143
Copies exécutoires délivrées à :
Me Florence BOURGOIS
Me Benjamin MERCIER
Copies certifiées conformes délivrées à :
[L] [W]
SAS SDEP
POLE EMPLOI
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE UN AVRIL DEUX MILLE QUINZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [L] [W]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
comparant en personne, assisté de Me Florence BOURGOIS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : 95 - N° du dossier [W]
APPELANT
****************
SAS SDEP
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Benjamin MERCIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0138
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Janvier 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Hélène MASSERON, Conseiller chargé(e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :
Madame Michèle COLIN, Président,
Madame Marie-Hélène MASSERON, Conseiller,
Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Brigitte BEUREL,
EXPOSE DU LITIGE
M. [L] [W] a été engagé le 30 juin 1977 par la société Sas Popin suivant contrat à durée indéterminée, en qualité de monteur soudeur.
La société Sas Sedep reprenait son contrat de travail le 1er octobre 1996.
En février 2012, en raison de son état de santé (maladie de Parkinson), M. [W] devenait magasinier.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective du bâtiment.
Le contrat de travail était rompu le 6 juillet 2012 à la suite d'une démission que le salarié aurait notifiée par lettre datée de la veille, mais qu'il conteste.
La société Sedep comptait au moins onze salariés au moment de la rupture du contrat de travail.
M. [W] a saisi le conseil des prud'hommes de Boulogne-Billancourt le 31 décembre 2012 afin de voir juger que sa démission s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir la condamnation de la société Sedep à lui payer les sommes suivantes :
* 98 723,88 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 5 484,66 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 548,46 euros de congés payés afférents,
* 17 139,56 euros à titre d'indemnité légale de licenciement (29 251,52 euros dans les motifs des conclusions reprises à l'oral),
* 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
avec intérêts au taux légal, capitalisation des intérêts et remise sous astreinte de documents de fin de contrat conformes.
La société Sedep a conclu au débouté et à la condamnation de M. [W] à lui payer la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 18 décembre 2013, le conseil des prud'hommes de Boulogne-Billancourt a débouté M. [W] de l'ensemble de ses demandes, l'a condamné aux dépens et à payer à la société Sedep la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [W] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Il sollicite son infirmation, réitère ses demandes de première instance, portant à 3 500 euros celle formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Sedep sollicite la confirmation du jugement entrepris et la condamnation du salarié à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Elle fait valoir que M. [W] a démissionné après avoir reconnu qu'il avait volé du matériel à l'employeur, qu'il a notifié sa démission par lettre du 5 juillet 2012 dans laquelle il reconnaît avoir volé 20 litres de carburant, qu'en outre il a reconnu par lettre du 24 juillet 2012 avoir volé une colonne de douche. Elle produit aussi une plainte pénale qu'elle a déposée à son encontre.
M. [W] conteste avoir rédigé la lettre du 5 juillet 2012 et n'avoir jamais souhaité démissionner. Il soutient que son employeur l'a contraint de le faire à la suite des vols qu'il reconnaît avoir commis.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.
MOTIFS DE LA DECISION
La démission ne se présume pas et elle ne peut résulter que d'une manifestation de volonté claire et non équivoque du salarié de mettre un terme à la relation de travail.
Il résulte des écritures des parties et des pièces au dossier, notamment une plainte pénale déposée le 27 août 2012 par la société Sedep à l'encontre de M. [W], que la rupture du contrat de travail est intervenue dans un contexte de vol de matériaux par le salarié au préjudice de son employeur.
D'autres salariés étaient d'ailleurs impliqués, notamment M. [Q] [Q] qui a donné sa démission par lettre du 17 septembre 2012.
S'agissant de M. [W], la société Sedep produit une lettre datée du 5 juillet 2012 et signée par M. [W] qui écrit : Je soussigné, M. [W] [L], déclare avoir rempli un jerricane de gas oil de 20 litres pour utilisation à des fins personnelles. Je reconnais le détournementt et vous demande d'accepter ce jour ma démission.
M. [W] conteste avoir rédigé lui-même cette lettre de démission et en veut pour preuve une autre lettre, qu'il reconnaît avoir écrite et signée le 24 juillet 2012, elle aussi produite par l'employeur, dans laquelle il reconnaît d'autres détournements frauduleux de matériel, en l'occurrence une colonne de douche d'une valeur de 320 euros.
Le salarié souligne à juste titre que les deux lettres n'apparaissant pas écrites de la même main, non seulement sur le plan de l'écriture mais aussi de l'orthographe.
Il produit par ailleurs une attestation de M. [Q] qui explique avoir été contraint par l'employeur de rédiger une lettre de démission et s'être fait confier par M. [W] que celui-ci avait dû faire de même, alors qu'il n'avait pas l'intention de démissionner.
Il existe donc un doute sur le fait que M. [W] ait bien signé la lettre de démission du 5 juillet 2012. Ce doute, ajouté au fait que cette démission est donnée en raison de faits fautifs qui auraient pu être la cause d'un licenciement, rend équivoque la démission exprimée qui, dès lors, doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
M. [W] est en conséquence bien fondé à solliciter le paiement des indemnités de rupture (indemnité compensatrice de préavis et indemnité de licenciement), ainsi qu'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail, le salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise qui compte au moins onze salariés, dont le montant doit être au moins égal au salaire des six derniers mois.
Sur la base d'un salaire de référence de 2 742,33 euros au vu des bulletins de salaires produits et d'une ancienneté de 5 ans, deux mois et 6 jours (incluant le préavis), l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L 1234-1 du code du travail, égale à deux mois de salaire, se chiffre à 5 484,66 euros bruts (outre 548,46 euros de congés payés afférents) ; l'indemnité légale de licenciement prévue aux articles L 1234-9 et R 1234-2 se chiffre à 28 575,07 euros bruts, étant précisé que si dans le dispositif de ses conclusions écrites le salarié sollicite paiement à ce titre de la somme de 17 139,56 euros, dans les motifs de ces conclusions, reprises à l'oral, il demande, calcul détaillé à l'appui, le paiement de la somme de 29 251,52 euros.
En raison de l'âge du salarié au moment de son licenciement (53 ans), de son ancienneté dans l'entreprise (35 ans), du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi ainsi que des justificatifs produits, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral qu'il a subi, la somme de 17 000 euros (net) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Les sommes allouées à titre d'indemnité compensatrice de préavis et à titre d'indemnité de licenciement sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation (4 janvier 2013) ; l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est productive d'intérêts au taux légal compter du présent arrêt.
La capitalisation des intérêts est de droit dans les conditions de l'article 1154 du code civil : pour les intérêts échus par années entières à compter du jour de la demande qui en est faite (4 septembre 2013).
La société Sedep devra remettre des documents de fin de contrat conformes au présent arrêt, dans le mois de cet arrêt ; le prononcé d'une astreinte n'est pas nécessaire.
En application de l'article L.1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la société Sedep aux organismes concernés, parties au litige par l'effet de la loi, des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à M. [W] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de 1 mois.
Partie succombante, la société Sedep sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à payer à M [W] la somme de 1 000 euros pour chaque instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La COUR, Statuant, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement du 18 décembre 2013 du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt et statuant à nouveau :
Dit que la démission de M. [L] [W] s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la société Sedep à payer à M. [W] les sommes suivantes :
* 5 484,66 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 548,46 euros bruts de congés payés afférents,
* 28 575,07 euros bruts à titre d'indemnité de licenciement,
ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2013, et capitalisation des intérêts,
* 17 000 euros net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, et capitalisation des intérêts,
* 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Y ajoutant :
Dit que la société Sedep devra remettre à M. [W], dans le mois du présent arrêt, des documents de fin de contrat conformes,
Dit n'y avoir lieu de prononcer une astreinte,
Ordonne le remboursement par la société Sedep aux organismes concernés des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à M. [W] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de 1 mois ;
Déboute la société Sedep de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamne à payer à M. [W] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamne aux dépens.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l'avis donné aux parties à l'issue des débats en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, et signé par Mme Michèle Colin, président, et par Mme Brigitte Beurel, greffier.
Le GREFFIER Le PRESIDENT