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26/03/2015 | FRANCE | N°14/07331

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 26 mars 2015, 14/07331


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 4ID



13e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 26 MARS 2015



R.G. N° 14/07331



AFFAIRE :



[L] [Z] épouse [K]





C/



LE PROCUREUR GENERAL

...









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Octobre 2014 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° chambre : 02

N° Section :

N° RG : 14/00018



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 26.03.2015



à :



Me Patricia MINAULT



Me Fabienne

FOURNIER-

LATOURAILLE



TGI VERSAILLES



Ministère Public





REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE VINGT SIX MARS DEUX MIL...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 4ID

13e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 26 MARS 2015

R.G. N° 14/07331

AFFAIRE :

[L] [Z] épouse [K]

C/

LE PROCUREUR GENERAL

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Octobre 2014 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° chambre : 02

N° Section :

N° RG : 14/00018

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 26.03.2015

à :

Me Patricia MINAULT

Me Fabienne

FOURNIER-

LATOURAILLE

TGI VERSAILLES

Ministère Public

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT SIX MARS DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [L] [Z] épouse [K]

née le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Maître Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, avocat Postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20140497 et par Maître P.-Y. SOULIE, avocat plaidant au barreau d'EVRY

APPELANTE

****************

LE PROCUREUR GENERAL

COUR D'APPEL

[Adresse 2]

[Localité 1]

Maître [P] [T] es qualité de liquidateur judiciaire de la SCI LE FOCH

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Maître Fabienne FOURNIER-LATOURAILLE de la SELARL CABINET FOURNIER LA TOURAILLE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 506 - N° du dossier 12.999

INTIMES

VISA DU MINISTERE PUBLIC LE : 16 JANVIER 2015

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 Février 2015, Madame Marie-Laure BELAVAL, présidente, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente,

Madame Anne BEAUVOIS, Conseiller,

Madame Annie VAISSETTE, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER

Sur déclaration préalable de cessation des paiements régularisée le 25 juillet 2013 par

Mme [L] [Z], la procédure de liquidation judiciaire de la SCI Le Foch a été ouverte par jugement du tribunal de grande instance de Versailles en date du 18 octobre 2013, la date de cessation des paiements étant fixée au 18 avril 2012.

Le 14 février 2014, le ministère public a saisi le tribunal d'une requête aux fins de voir prononcer à l'encontre de M. [M] [K], dirigeant de fait et de Mme [L] [Z], sa mère gérante de droit, en application des articles L. 653-1 et suivants du code de commerce, une faillite personnelle ou une interdiction de gérer toute entreprise.

Par jugement du 3 octobre 2014 (RG n° 14-18), le tribunal a prononcé à l'encontre de Mme [L] [Z] une interdiction de diriger pour une durée de 5 ans et a ordonné l'exécution provisoire aux motifs qu'en tant que dirigeante de droit elle avait omis de déclarer la cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours . En revanche, le tribunal n'a pas retenu un second grief soutenu par le ministère public tenant à l'absence de remise de mauvaise foi au mandataire judiciaire de la situation comptable de l'exercice social 2013.

Mme [Z] a relevé appel du jugement.

Par dernières conclusions signifiées le 22 janvier 2015, Mme [Z] demande à la cour de :

- vu les articles 6 et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales,

- vu le principe du droit à un procès équitable,

- vu le principe d'individualisation des peines,

- vu le principe d'interdiction d'automaticité des sanctions,

- à titre principal, infirmer la décision entreprise,

- statuant à nouveau, dire que l'article R.653-1 alinéa 2 du code de commerce n'est pas conforme aux dispositions des articles 6 et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et aux principes sus-énoncés,

- écarter son application,

- constater son absence de mauvaise foi,

- constater l'absence de faute dans la déclaration de cessation des paiements,

- constater l'absence d'aggravation du passif de la SCI Le Foch,

- en conséquence, dire n'y avoir lieu à sanction personnelle à son encontre,

- infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé une sanction d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale pour une durée de 5 ans à son encontre en sa qualité de dirigeant de droit de la SCI Le Foch,

- à titre subsidiaire, si la cour devait retenir un principe de responsabilité,

- surseoir à statuer dans l'attente que soit tranchée la question préjudicielle relative à la légalité de l'article R. 653-1 alinéa 2 du code de commerce au regard des dispositions des articles 6 et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des principes sus-énoncés,

- en tout état de cause, débouter le ministère public de toutes ses demandes,

- débouter Maître [T], mandataire judiciaire, de toutes ses demandes,

- les condamner solidairement aux entiers dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct.

Sur l'omission de déclaration de cessation des paiements, Mme [Z] s'estime bien fondée à contester la fixation de la date de cessation des paiements au mois d'avril 2012 et soulève à cette occasion l'inconventionnalité de l'article R. 653-1 alinéa 2 du code de commerce en vertu duquel « pour l'application de l'article L. 653-8, la date retenue pour la cessation des paiements ne peut être différente de celle retenue en application de l'article L. 631-8 » et ce au regard des dispositions de la CEDH notamment des articles 6 et 7 dont il ressort qu'une peine ne peut être prononcée qu'à la condition que soient respectés le principe du droit à un procès équitable et des droits de la défense, de même que le principe de légalité des délits et peines, le principe de la nécessité des peines et le principe de non-rétroactivité de la loi, ce qui implique que soit respecté le principe de l'individualisation des peines et qu'est interdite tout automaticité des sanctions. Elle considère que l'article R.653-1 alinéa 2 du code de commerce rend impossible la remise en cause de la date effective de cessation des paiements, fixée dans le jugement d'ouverture d'une procédure collective, ce qui est susceptible d'entraîner une sanction automatique et rétroactive du dirigeant.

A titre subsidiaire, si la cour retient un principe de responsabilité à son encontre, Mme [Z] entend soulever une question préjudicielle relative à la légalité de l'article R. 653-1 alinéa 2 du code de commerce au regard des principes sus-énoncés de sorte qu'il est demandé à la cour de surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir.

En outre, elle nie le retard dans la déclaration de cessation des paiements au motif qu'en avril 2012 la SCI Le Foch ne se trouvait pas dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, que c'est en raison de l'augmentation du coût de l'opération de construction et de l'absence de règlement intégral par les acquéreurs à la suite de l'arrêt des travaux qu'elle s'est trouvée contrainte de déclarer la cessation des paiements au mois de juillet 2013 et non en avril 2012. Elle soutient qu'en aucun cas le fait d'avoir déclaré la cessation des paiements en juillet 2013 n'a contribué à aggraver le passif de la société dont elle conteste le montant.

Mme [Z] prenant acte du soutien par Maître [T] ès qualités d'un grief nouveau tenant à l'absence de communication de situation comptable de l'exercice 2013, dont elle soulève l'irrecevabilité, souligne que l'exercice comptable 2013 a été communiqué à Me [P] [T] le 23 janvier 2015.

En outre, selon elle, c'est dans l'intérêt des acquéreurs, des entreprises et de la banque notamment que l'activité s'est poursuivie et non dans son intérêt personnel, elle-même et son fils n'ayant perçu aucune rémunération sur cette opération immobilière, que cela n'a pas contribué à l'aggravation du passif de la société puisqu'elle a permis de régler les entreprises et les banques ainsi que de livrer les acquéreurs, qu'aucune mauvaise foi, ni aucune faute ne peuvent lui être imputées de sorte qu'aucune sanction personnelle ne doit être prononcée à son égard.

Par dernières conclusions en date du 16 janvier 2015, le Selarl Mars prise en la personne de Maître [T] ès qualités demande à la cour de :

- constater l'existence de griefs à l'encontre de Mme [L] [Z] au visa des articles L.653-1 et suivants du code de commerce,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- y ajoutant, condamner l'appelante à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

Le liquidateur fait valoir que la date retenue pour la cessation des paiements dans le

cadre d'une interdiction de gérer ne peut être différente de celle fixée par le tribunal en application des dispositions de l'article L.631-8 du code de commerce et qu'en l'espèce, le jugement prononçant l'ouverture de la liquidation judiciaire en date du 18 octobre 2013 et fixant la date de la cessation des paiements au 18 avril 2012 est définitif.

Il soutient qu'il n'a pas eu la communication d'une comptabilité sur le dernier exercice 2013, qu'il semble qu'aucune comptabilité n'ait été tenue durant cette année, que ce grief doit être aussi imputé à faute à Mme [L] [Z].

Le 16 janvier 2015, le ministère public a conclu à la confirmation du jugement en raison du passif important, à savoir 464 464 euros, encore augmenté par l'absence de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours.

SUR CE,

Sur l'absence de communication de la situation comptable de l'exercice 2013 :

Considérant que l'article L 653-5 du code de commerce donne pouvoir au tribunal de prononcer la faillite personnelle d'un dirigeant qui n'a pas tenu de comptabilité ou qui a tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière ; que l'article L 653-8 prévoit que dans ce cas, le tribunal peut prononcer à la place de la faillite personnelle une interdiction de gérer ;

Considérant que Maître [T] ès qualités soutient qu'il n'a pas eu la communication d'une comptabilité sur le dernier exercice 2013, 'qu'il semble qu'aucune comptabilité n'a été tenue durant cette année' et que c'est un grief à retenir à l'encontre de Mme [Z] ; qu'il demande la confirmation du jugement qui a écarté ce moyen ; qu'en soutenant de nouveau ce moyen qui a été écarté, le liquidateur ne soumet pas à la cour une prétention nouvelle qui serait comme telle irrecevable ;

Considérant que le défaut de remise de la comptabilité au liquidateur ne suffit pas à constituer le défaut de tenue de la comptabilité qu'en l'occurrence le liquidateur ne fait que supposer ; que Mme [Z] produit aux débats un bordereau de remise du bilan 2013 signé pour ordre par un préposé de la Selarl Mars le 23 janvier 2015 ; qu'au surplus, la comptabilité n'entre pas dans les documents visés par l'article L 622-6 que le débiteur doit fournir de sorte que l'absence de remise de la comptabilité ne peut être sanctionnée en application de l'article L 653-8, alinéa 2 ;

Considérant que le grief ne saurait en conséquence donner lieu à sanction à l'égard de Mme [Z] ;

Sur le retard de déclaration de la cessation des paiements :

Considérant que l'article L 653-8, alinéa 3, du code de commerce dispose qu' une interdiction de gérer peut être prononcée à l'encontre d'un dirigeant qui a omis de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante cinq jours à compter de la cessation des paiements ; que dans ce dernier cas, l'article R 653-1, alinéa 2, énonce que la date retenue pour la cessation des paiements ne peut être différente de celle retenue par le jugement d'ouverture ou par un jugement de report ;

Considérant que l'article R 653-1, alinéa 2, ne contrevient pas aux articles 6 et 7 de la CEDH car la date de cessation des paiements est fixée par le tribunal au terme d'une procédure contradictoire devant un tribunal impartial présentant toutes les garanties d'un procès équitable et permettant l'exercice des droits de la défense ; qu'ainsi la société débitrice, représentée par son dirigeant, dispose du droit propre de contester la date de cessation des paiements retenue par le tribunal dans le jugement d'ouverture ou à l'occasion d'une action en report ; qu'a été en outre reconnu par la Cour de cassation le droit du dirigeant, susceptible de subir une sanction, à faire appel personnellement du jugement de report de la date de cessation des paiements ;

Considérant qu'au surplus, la sanction de l'interdiction de gérer qui poursuit le but d'écarter de la vie des affaires les personnes incompétentes voire malhonnêtes, ne constitue pas une peine de sorte que le principe de la légalité des délits et des peines ne trouve pas à s'appliquer ; qu'enfin, la sanction même prononcée dans ce cas précis visé par l'article L 653-8, alinéa 3, du code de commerce ne revêt aucun caractère d'automaticité dès lors que le juge dispose d'un pouvoir d'appréciation de son opportunité, de sa durée et de son étendue;

Considérant qu'il n'y a pas lieu de poser une question préjudicielle à la Cour européenne des droits de l'homme ni de surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir concernant la question préjudicielle relative à la 'légalité' de l'article R 653-1, alinéa 2, comme le demande l'appelante ;

Considérant que le tribunal ayant irrévocablement fixé la date de cessation des paiements de la SCI Le Foch au 18 avril 2012 alors que Mme [Z] n'a procédé à la déclaration de cet état que le 25 juillet 2013, il est établi qu'il peut être imputé à faute à cette dernière l'omission d'avoir déclaré la cessation des paiements dans un délai de quarante cinq jours à compter de sa survenance ;

Considérant qu'il n'est pas nécessaire pour prononcer la sanction de l'interdiction de gérer sur ce fondement que le retard apporté ait aggravé le passif de l'entreprise ; qu'en revanche, les répercussions du retard sur la situation de la Sci Le Foch méritent d'être appréhendées pour apprécier la gravité de l'incompétence de Mme [Z] et la nécessité de l'écarter ou pas de la vie des affaires ; que même en admettant que la poursuite de l'activité pendant plus d'une année après la survenance de l'état de cessation des paiements a permis de livrer l'immeuble en cours de construction, il faut relever qu'il en serait allé de même si la Sci avait été mise plus tôt en redressement judiciaire dans des circonstances qui auraient rendu possible un redressement de l'entreprise comme cela aurait été le cas si Mme [Z] avait rempli ses obligations légales ; qu'en outre il résulte de l'état des déclarations de créances que des acquéreurs ont déclaré au passif des créances relatives à l'existence de désordres ou de non-conformités, lesquelles sont toutefois contestées ;

Considérant que Mme [Z] a démontré son incompétence dans des proportions qui ont été exactement appréciées par le premier juge et qui justifient la confirmation du jugement dont appel en ce qu'il a prononcé une interdiction de gérer pendant cinq ans ;

Considérant que l'équité commande de condamner Mme [Z] à payer à la Selarl Mars la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Versailles en date du 3 octobre 2014 (RG n° 14-18),

Y ajoutant,

Rejette la demande de sursis à statuer présentée par Mme [L] [Z],

Condamne Mme [L] [Z] à payer à la Selarl Mars ès qualités, en la personne de Maître [T], la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [L] [Z] aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 14/07331
Date de la décision : 26/03/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 13, arrêt n°14/07331 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-03-26;14.07331 ?
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