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26/03/2015 | FRANCE | N°14/05918

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 26 mars 2015, 14/05918


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 97C



1re chambre 1re section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 26 MARS 2015



R.G. N° 14/05918



AFFAIRE :



[S] [I]





C/



Société d'avocats TAJ









Décision déférée à la cour : Décision rendu le 10 Juillet 2014 par le Bâtonnier de l'ordre des avocats des Hauts de Seine







Expéditions exécutoires

Expéditions>
Copies

délivrées le :

à :

Me Michel HENRY, avocat au barreau de PARIS



Cabinet DE PARDIEU BROCAS MAFFEI, avocat au barreau de PARIS



Notifié aux parties

le :







REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE VINGT SIX MARS DEUX MILLE QUINZE,

...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 97C

1re chambre 1re section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 26 MARS 2015

R.G. N° 14/05918

AFFAIRE :

[S] [I]

C/

Société d'avocats TAJ

Décision déférée à la cour : Décision rendu le 10 Juillet 2014 par le Bâtonnier de l'ordre des avocats des Hauts de Seine

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Michel HENRY, avocat au barreau de PARIS

Cabinet DE PARDIEU BROCAS MAFFEI, avocat au barreau de PARIS

Notifié aux parties

le :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT SIX MARS DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire, après prorogation entre :

Monsieur [S] [I]

né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Comparant, assisté de Me Michel HENRY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0099 développant oralement ses conclusions écrites

APPELANT

****************

Société TAJ

société d'exercice libéral à forme anonyme immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 434 480 273

dont le siège social

[Adresse 1]

[Localité 2]

prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège

Représentant : Me Philippe ROZEC (DE PARDIEU BROCAS MAFFEI), Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire R 45, plaidant par Maitre Nicolas CANTENOT, avocat au barreau de PARIS développant oralement ses conclusions écrites.

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 Janvier 2015, Madame Odile BLUM président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Odile BLUM, Président,

Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller,

Madame Agnès TAPIN, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT

Vu la décision d'arbitrage rendue le 10 juillet 2014 par le bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau des Hauts-de-Seine qui a :

- débouté M. [I] de sa demande de reconnaissance d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- débouté celui-ci de ses demandes d'indemnisation,

- débouté le cabinet Taj de ses demandes reconventionnelles ;

Vu l'appel relevé le 29 juillet 2014, dans les formes et délais prévus par les alinéas 1 et 2 de l'article 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, par M. [I] qui, par ses dernières conclusions, reprises oralement à l'audience, demande à la cour d'infirmer la décision d'arbitrage et de :

- dire que les injures, brimades et vexations qu'il a subies dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail constituent un harcèlement moral et justifiaient en toutes hypothèses la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts et griefs de l'employeur,

- condamner en conséquence le cabinet Taj à lui payer les sommes de :

*indemnité de licenciement : 2.423 €,

*indemnité compensatrice de préavis : 18.176 €,

* indemnité de congés payés : 1.817 €,

* indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 72.700 €,

*dommages et intérêts pour harcèlement moral : 50.000 €,

*dommages et intérêts pour congés payés abusivement annulés : 6.248 €,

- débouter le cabinet Taj de sa demande reconventionnelle en paiement du préavis,

- condamner le cabinet Taj à lui payer une indemnité de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions, reprises oralement à l'audience, de la société d'exercice libérale à forme anonyme Taj (cabinet Taj) qui demande à la cour de :

- constater que M. [I] n'a pas été victime d'agissements de harcèlement moral au sein de la société Taj,

- dire que les griefs invoqués par M. [I] à l'appui de sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail ne sont pas fondés, que ladite prise d'acte de la rupture s'analyse en une démission et que M. [I] lui est redevable d'une indemnité compensatrice correspondant au préavis d'une durée de trois mois qu'il n'a pas effectué sans en être dispensé,

- infirmer la décision seulement en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande reconventionnelle au titre de l'indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 18.052,24 €,

- condamner M. [I] à lui verser ladite somme à ce titre,

- condamner M. [I] à lui verser la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et statuer ce que de droit sur les dépens ;

SUR QUOI, LA COUR

Considérant, à titre liminaire, que le cabinet Taj demande à ce que soient écartées des débats les pièces adverses n° 82 à 84 qui lui ont été communiquées le 20 janvier 2015, la veille de l'audience ainsi que la pièce n°79 ;

Mais considérant que l'affaire est venue une première fois à l'audience du 19 novembre 2014, date à laquelle elle a été renvoyée à la demande du Cabinet Taj à l'audience du 21 janvier suivant afin d'assurer la communication régulière des pièces ;

Qu'il apparaît que la pièce n° 79 de M. [I] a été communiquée au cabinet Taj le 16 décembre 2014 ce qui mettait celui-ci en mesure de l'analyser et d'y répondre ; que pour le surplus, les pièces n° 82 à 84 de M. [I] ne sont qu'en réponse aux conclusions adverses qui lui ont été notifiées la veille de l'audience ; que la demande tendant au rejet de ces pièces sera en conséquence rejetée ;

Considérant que M. [I] a été embauché à partir du 7 septembre 2009, en qualité d'avocat salarié, au grade de 'superviseur', statut cadre, par la société d'avocats Taj, suivant contrat à durée indéterminée daté des 15 et 24 juin 2009 ;

Que ce contrat de travail prévoit qu'à la rémunération fixe, s'ajoute une prime annuelle potentielle dont l'attribution dépend de l'atteinte d'une part 'par le salarié de ses objectifs fixés sur la feuille de route des principales missions de (son) grade et des résultats du processus d'évaluation des performances réalisé en fin d'exercice', d'autre part 'des marges budgétées sur l'exercice concerné au niveau du cabinet et du département ou ville dans laquelle le salarié travaille' ; que pour l'exercice 2009/2010, cette prime annuelle, au montant brut maximum de 7.000 €, était garantie à M. [I] en totalité prorata temporis depuis la date d'entrée ;

Considérant que M. [I] a été affecté au département Prix de transfert placé sous la responsabilité de M. [J], l'un des avocats associés ; qu'il a bénéficié d'une appréciation favorable à l'issue tant de sa deuxième période d'essai que des entretiens annuels d'évaluation pour l'exercice 2009/2010 ; qu'il s'est vu attribuer le montant brut maximum de la prime d'objectif convenu et a été promu au poste de Manager 1 avec une augmentation de 12% de sa rémunération forfaitaire à compter du 1er juin 2010 et la perspective, pour l'exercice 2010/2011, d'une prime d'objectif potentielle de 10.000 € bruts sur la base d'un travail à temps complet ;

Qu'à l'issue du processus d'évaluation pour l'exercice 2010/2011, M. [I] n'a reçu qu'une prime d'objectif de 5.000 € ce contre quoi il a protesté par lettre du 25 juillet 2011, en indiquant avoir accompli bien plus que ses objectifs propres, n'avoir pas démérité et ne pouvoir accepter 'la double sanction pécuniaire ... à savoir l'absence d'augmentation de salaire assortie d'un abattement de 50% sur (sa) prime, ni l'absence de justification du rejet de (sa) promotion ... au grade de Senior Manager visant à tenir compte de l'ampleur des prérogatives réellement confiées', alors qu'il pensait cette promotion convenue ;

Considérant que le 28 juillet 2011, M. [I] a consulté le médecin du travail qui a conclu à une inaptitude temporaire à toute activité et l'a renvoyé à son médecin traitant lequel a constaté le 29 juillet 2011 un 'syndrome anxieux réactionnel à des conflits professionnels - harcèlement' et lui a délivré un arrêt de travail renouvelé jusqu'au 31 décembre 2011 ;

Que le 10 octobre 2011, M. [I] a déposé plainte auprès des services de police pour insultes et harcèlement en mettant en cause M. [J] et M. [N], directeur nouvellement associé dans le cabinet ;

Que le 3 janvier 2012, le médecin du travail a prononcé, en une seule visite et dans le cadre de la procédure de danger immédiat, l'inaptitude totale et définitive de M. [I] au poste qu'il occupait ; que par lettre recommandée avec avis de réception du même jour, M. [I] a demandé à son employeur de prendre acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits de harcèlement dont il a été victime et qui ont conduit à un 'syndrome anxieux réactionnel' ;

Considérant qu'ayant vainement demandé à son employeur de le déclarer en accident du travail à compter du 28 juillet 2011 et la CPAM ayant refusé de prendre en charge ledit accident au titre de la législation sur les risques professionnels, M. [I] a formé un recours auprès de la commission des recours amiables laquelle l'a rejeté par décision du 22 mai 2012 ; que M. [I] a alors saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris qui, par jugement du 9 juillet 2013, après avoir retenu que la CPAM s'était prononcée hors délai, a dit que l'accident survenu à M. [I] le 28 juillet 2011, a été pris en charge de manière implicite par la CPAM de Paris au titre de la législation sur les risques professionnels et a mis hors de cause le cabinet Taj ;

Considérant que par lettre recommandée avec avis de réception du 5 novembre 2013, M. [I] a saisi le bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau des Hauts-de-Seine pour voir condamner son ancien employeur à lui payer les sommes de 2.423 € au titre de l'indemnité de licenciement, 18.176 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 3.905 € au titre de l'indemnité de congés payés, 72.700 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

Que par la décision déférée, M. [I] a été débouté de ses demandes au motif que les différents éléments invoqués étaient insuffisants pour caractériser une situation de harcèlement moral, que le certificat établi le 28 juillet 2011 par le médecin rencontré par M. [I] relate manifestement davantage les propos qui ont été tenus par celui-ci au médecin du travail que les constatations effectuées par celui-ci et qu'il ne permet pas d'établir un lien entre les griefs formulés et la dégradation de l'état de santé de M. [I] ; que la décision déférée a par ailleurs débouté le cabinet Taj de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis ainsi que de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, motif pris des circonstances particulières de l'affaire et en particulier du caractère parfaitement inapproprié des 'plaisanteries racistes' de l'entourage professionnel de M. [I] ;

Considérant que devant la cour, M. [I] maintient qu'il a été victime d'un harcèlement moral ayant conduit au prononcé par le médecin du travail, dans le cadre de l'article R4624-31 du code du travail, de son inaptitude totale et définitive au poste qu'il occupait et à la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur ;

Qu'il soutient que la motivation même de la décision déférée qui a relevé le caractère parfaitement inapproprié des 'plaisanteries racistes' émanant de l'entourage de M. [I], devait conduire à reconnaître le bien fondé de sa prise d'acte de la rupture ;

Considérant qu'en vertu de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Qu'aux termes de l'article L1152-2 dans sa rédaction de l'époque, 'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés' ;

Que l'article L1154-1 du code du travail précise que lorsque survient un litige relatif à l'application notamment des articles L. 1152-1 à L. 1152-3, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Considérant que pour caractériser le harcèlement moral dont il dit avoir été victime, M. [I] invoque, outre les certificats médicaux qui lui ont été délivrés :

- les propos désobligeants et dénigrants tenus à son encontre de façon répétitive par son chef de service ainsi que les moqueries déplacées voire injurieuses de la part de M. [N] et de Mme [D], assistante de direction auprès de M. [E], le directeur général,

- l'appropriation par M. [J] de deux articles juridiques dont il est seul auteur,

- la surcharge de travail combinée à la suppression de congés payés sans motifs légitimes,

- l'absence d'augmentation et la réduction injustifiée du bonus en fin d'exercice 2010/2011,

- son isolement,

- le déplacement injustifié de son bureau dans des conditions vexatoires ;

Considérant, sur la matérialité des griefs, que les propos désobligeants et dénigrants qui lui auraient été tenus par M. [J] ainsi que les moqueries répétées dont il aurait fait l'objet de la part de celui-ci ou de M. [N] ne ressortent que des déclarations que M. [I] en fait, ce qui ne saurait en constituer la preuve ;

Que son isolement des autres membres du cabinet d'avocats n'est en outre pas prouvé; qu'il n'est pas non plus démontré que le renouvellement rapide des salariés soit imputable à l'ambiance régnant au sein du département Prix de transfert ni aux mauvaises relations avec M. [J] et [N], les courriels produits par M. [I] montrant au contraire que les membres de ce département se recevaient entre eux à leur domicile et que chaque départ d'un salarié donnait généralement lieu à un 'pot d'adieu' avec remise de cadeau dans les locaux de l'entreprise y compris dans le bureau de M. [J] ;

Que par ailleurs, les circonstances entourant la reprise, le 11 janvier 2012, par M. [I] de ses effets personnels et la restitution par celui-ci au cabinet Taj de ses clés, badges, cartes, téléphone et ordinateur à usage professionnel sont indifférentes à la solution du litige, dès lors qu'elles sont postérieures à la prise d'acte de la rupture du contrat de travail ; qu'il en est de même des qualificatifs dont a usé M. [J] à son endroit après cette prise d'acte et une fois connu ce que M. [I] lui reprochait ;

Que M. [I] n'établit pas non plus avoir été constamment relancé par son employeur soit durant ses vacances, le seul élément produit sur ce point étant un courriel qui lui a été adressé le vendredi soir 27 mai 2011, veille de congés, pour une urgence, soit durant ses congés maladie, les courriels produits ne faisant principalement que l'interroger sur sa présence ou non dans les locaux alors qu'il n'avait pas encore fait parvenir d'arrêt de travail, sur la date de son retour ou sur la possibilité qu'il avait de tenir à son retour les engagements antérieurement pris ;

Considérant en revanche que M. [I] établit d'une part, que M. [N] a prononcé son nom avec S final ce qui aurait été perçu par M. [I] comme étant une allusion au dignitaire nazi Goebbels, d'autre part que Mme [D], l'assistante du directeur général, lui a adressé le 18 juillet 2011, en réponse à un de ses courriels, le courriel suivant : 'Bonjour [S], En hébreu ou yiddish, cela donne quoi ' Bien cordialement' ;

Qu'Il ressort par ailleurs des pièces que M. [I] produit :

- que les deux articles 'Prix de Transfert : un benchmark est-il une preuve '' et 'établissement stables et perquisitions, de l'abstrait au concret' sont parues dans des revues juridiques sous les deux noms de M. [J] et M. [I] comme coauteurs,

- que M. [I] fournissait un important travail avec d'importantes responsabilités, dans des conditions stressantes,

- qu'il n'a pas pu bénéficier de la totalité des quinze jours de congés payés à prendre avant le 30 avril 2010 prévus par son contrat de travail et que plusieurs de ces jours congés payés dits 'contractuels' ont été imputés sur des congés pour maladie figurant comme tels sur ses fiches de salaires,

- qu'il n'a perçu pour l'exercice 2010/2011 que la moitié du montant maximum de la prime d'objectif et n'a pas eu la promotion qu'il espérait pour 2011,

- que son bureau a été réaménagé le 28 juillet 2001 en son absence sans tenir compte de ses souhaits ;

Considérant que même en les replaçant dans l'ensemble constitué par les autres faits établis ainsi que par les certificats médicaux attestant de l'altération sérieuse de l'état de santé de M. [I], le lapsus de M. [N] sur le nom de M. [I] et les termes du courriel de Mme [D] ne peuvent être retenus, ainsi que l'a fait à tort le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau des Hauts-de-Seine, au titre des plaisanteries 'racistes' ni même d'un dénigrement participant du harcèlement moral allégué ;

Que la déformation du nom de M. [I] par M. [N] n'est prouvée qu'à une seule reprise au cours d'une conférence téléphonique avec un client américain qui se tenait dans le bureau de M. [N] et à laquelle M. [I] participait également ; que seul M. [I] a noté et a pris ombrage de la déformation de son nom qui, dans un tel contexte, n'a pu être qu'accidentelle ;

Que le courriel du 18 juillet 2011 de Mme [D] ('En hébreu ou en yiddish, cela donne quoi '') est en réponse à celui adressé le 15 juillet par M. [I] uniquement en langue allemande à un client allemand mais mis en copie à M. [E], le directeur général, ainsi qu'à trois autres associés ; qu'alors que Mme [D] l'avait rendu seul destinataire de son message du 18 juillet, M. [I] a entendu lui répondre le 26 juillet suivant, mettant le directeur général et les autres associés en copie, pour l'interroger sur le 'sens caché' de sa moquerie ; que le directeur général a alors rappelé M. [I] à la règle de l'entreprise qui est de limiter les communications professionnelles au cabinet aux langues française et anglaise, seules langues 'qui peuvent être revues par tous les associés' ;

Que M. [I] n'est pas fondé à chercher dans le message de Mme [D] la preuve d'un sens caché trahissant un harcèlement moral alors que son propre message en allemand était mis en copie à des associés ne parlant pas cette langue, qu'en méconnaissant une règle du cabinet qu'il ne pouvait ignorer, il excluait de fait ceux-ci et qu'au surplus, Mme [D] qui ne comprend pas l'allemand, parle couramment l'hébreu ce qui explique qu'elle ait cité cette langue ou le yiddish plus proche de l'allemand ;

Que M. [I] tente vainement par le rapprochement incongru de ces deux faits accidentels, anodins en eux-mêmes, de donner à son dossier une coloration qui ne ressort d'aucune autre pièce produite et qu'il n'a en conséquence pas ;

Considérant que s'agissant des deux articles 'Prix de Transfert : un benchmark est-il une preuve '' et 'Établissement stables et perquisitions, de l'abstrait au concret', M. [I] indique expressément dans sa pièce 18 que certaines pistes et idées du premier article lui ont été fournies par M. [J] et qu'il a, en tout état de cause, soumis ces deux articles, à la relecture de celui-ci qui l'a validé ; que M. [I] n'avait, en effet, à la date de parution de ces articles que quelques mois d'expérience dans le domaine qu'il abordait et le cabinet Taj fait valoir à juste titre que ces articles n'auraient pu être publiés sous son seul nom en tant que collaborateur novice du cabinet et que seule la mention de M. [J] comme coauteur et avocat associé du cabinet ouvrait à M. [I] la voie d'une publication pour laquelle il a été rémunéré ; que cette mention de M. [J] comme coauteur ne procède pas d'un harcèlement moral y compris au regard de l'ensemble des autres faits allégués ;

Considérant que le cabinet Taj prouve par les pièces qu'elle produit qu'aucun des collaborateurs du cabinet ne bénéficie d'un bureau pour lui tout seul ; que M. [I] n'établit à l'inverse pas qu'il lui avait été assuré, lors de son embauche, que contrairement aux usages de l'entreprise, il bénéficierait d'un bureau individuel ;

Que M. [I] verse aux débats les photographies qu'il a lui-même prises depuis novembre 2009 de ses bureaux successifs ; que les photographies de son dernier bureau révèlent qu'il avait déplacé le mobilier de Mme [X] avec laquelle il partageait le bureau, contre un des murs de la pièce pendant que celle-ci était absente pour congé de maternité ; que l'employeur prouve que la remise des bureaux face à face le 28 juillet 2011 s'explique par l'annonce du retour de Mme [X] après les congés d'été ;

Considérant pour le surplus que M. [I] a été promu manager 1 le 1er juin 2010 ; qu'il a lu et approuvé la description de poste mentionnant notamment sur le plan du 'management (sous la supervision de son associé)', la 'responsabilité opérationnelle d'une mission' et sur le terrain technique, sans supervision, l'intervention 'sur des missions de manière autonome' ainsi que la gestion 'des dossiers présentant des difficultés techniques accrues' ; que sa feuille de route individuelle pour l'exercice 2010/2011 prévoyait des objectifs quantitatifs ainsi que des objectifs qualitatifs dont le développement de sa capacité technique et méthodologique en prix de transfert ainsi que sa participation à des mission lourde avec les directeurs ;

Que les charges de travail de M. [I] et la pression engendrée se sont donc objectivement accrues avec ce nouveau poste et les responsabilités nouvelles qu'il acceptait ; que le cabinet Taj prouve cependant que M. [I] a validé au cours de l'année 2010, 118 h de formation au lieu des 20h obligatoires alors qu'il n'est pas établi que l'intégralité de ces formations y compris celles étrangères à sa mission lui aient été imposées ;

Que par ailleurs, le compte rendu de ses entretiens annuels d'évaluations pour l'exercice 2010/2011 s'il indique une charge de travail 'homérique', l'explique par la conjonction de trois facteurs 'd'une part du fait des absences d'[S] liés à sa santé fragile, d'autre part, du fait qu'il ait eu à gérer autant de dossiers que s'il avait travaillé à temps plein toute l'année (aucun des associés avec qui il travaille ne lui ayant enlevé un seul dossier), enfin du fait que cette année [S] a été le seul manager présent dans l'équipe' ; qu'il révèle aussi au titre des objectifs quantitatifs un taux de 57% 'légèrement insuffisant par rapport au taux d'un manager 2ème année dans le cabinet' et au titre des axes de progrès, le fait de parvenir à une autonomie totale sur la gestion de dossiers vis-à-vis des clients ainsi qu'à 'approuver ou au moins accepter (et pas seulement subir) certaines règles organisationnelles de l'équipe et plus généralement du cabinet (répartition des collaborateurs dans les bureau; difficultés d'organisation et surcharge de travail liés à la structuration actuelle du groupe etc.) ;

Qu'en cet état, le montant de la prime d'objectif de M. [I] ainsi que l'absence d'une promotion qui ne lui était pas acquise et ne lui avait pas été promise, apparaissent étrangères à tout harcèlement moral ;

Considérant que si les certificats médicaux délivrés à M. [I] mentionnent que celui-ci a présenté un 'syndrome anxieux réactionnel à des conflits professionnels -harcèlement', ils ne peuvent être retenus que pour le diagnostic médical qu'ils posent, les médecins consultés ne pouvant sérieusement attester du lien de causalité entre le syndrome anxieux réactionnel dont souffrait M. [I] et des conflits professionnels prétendus ou le harcèlement allégué que M. [I] n'a fait que leur relater, et ce d'autant que dès son embauche, M. [I] s'est révélé être de santé fragile avec des migraines ophtalmiques récurrentes ;

Considérant que M. [I] sera en conséquence débouté de ses demandes au titre du harcèlement moral allégué ;

Considérant que si M. [I] réclame 22,5 jours de congés payés que son employeur aurait imputé indûment sur des jours d'absence pour cause de maladie justifiée ou d'absence autorisée, les parties sont convenues le 28 janvier 2011 de ce que 15 de ces jours s'imputaient sur les congés contractuels ; qu'au vu des pièces produites, il apparaît donc que 7,5 jours de congés payés lui restent dus ; qu'au vu de son salaire annuel de 67.209 € et de la répartition du temps de travail sur 217 jours, le préjudice de M. [I] à ce titre sera entièrement réparé par l'allocation d'une somme de 2.500 € à titre de dommages et intérêts; que M. [I] sera débouté du surplus de sa demande;

Considérant que si la prise d'acte de M. [I] s'analyse en une démission, il demeure que l'inaptitude totale et définitive de M. [I] à reprendre son poste a été prononcé par le médecin du travail le 3 janvier 2012 ; que la demande formée par le cabinet Taj au titre de l'indemnité compensatrice de préavis n'est en conséquence pas fondée et sera rejetée ;

Considérant que M. [I] qui succombe sur son recours, sera condamné aux dépens ; que vu l'article 700 du code de procédure civile, les demandes à ce titre seront rejetées ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme la décision déférée ;

Y ajoutant,

Condamne la société Taj à payer à M. [I] la somme de 2.500 € à titre de dommages et intérêts pour les congés payés ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne M.[I] aux dépens ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Odile BLUM, Président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 14/05918
Date de la décision : 26/03/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°14/05918 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-03-26;14.05918 ?
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