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12/03/2015 | FRANCE | N°14/00608

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 12 mars 2015, 14/00608


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES



Code nac : 4DF



13e chambre



ARRET N°



PAR DÉFAUT



DU 12 MARS 2015



R.G. N° 14/00608



AFFAIRE :



[C] [X] [L] DIVORCEE [N]

...



C/



SAS SAFFIR Au capital de 480 000 € RCS PARIS N° 331 503 375, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège



...



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Novembre 2013 par le Tribuna

l de Commerce de CHARTRES

N° chambre :

N° Section :

N° RG : 2012/00181



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 12.03.15



à :



Me Emmanuel GUEILHERS



Me Christophe DEBRAY,



TC CHARTRES



...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 4DF

13e chambre

ARRET N°

PAR DÉFAUT

DU 12 MARS 2015

R.G. N° 14/00608

AFFAIRE :

[C] [X] [L] DIVORCEE [N]

...

C/

SAS SAFFIR Au capital de 480 000 € RCS PARIS N° 331 503 375, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Novembre 2013 par le Tribunal de Commerce de CHARTRES

N° chambre :

N° Section :

N° RG : 2012/00181

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 12.03.15

à :

Me Emmanuel GUEILHERS

Me Christophe DEBRAY,

TC CHARTRES

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE DOUZE MARS DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

- Madame [C] [X] [L] DIVORCEE [N]

née le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 3]

- SELARL SMJ. SOCIETE DE MANDATAIRES JUDICIAIRES, représentée par son Gérant, Maître [K] [T], agissant en qualité de Liquidateur de la Société FERME DU CHATILLON-DISTRIBUTION, société à responsabilité limitée au capital de 30.489,80 €, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de CHARTRES sous le numéro 413 382 532, dont le siège social est [Adresse 6].

Fonction à laquelle elle a été nommée par jugement du Tribunal de Commerce de CHARTRES en date du 4 février 2009 comme venant aux droits de Maître [K] [T] à titre personnel, précédemment désigné en qualité de liquidateur de SARL FERME DU CHATILLON DISTRIBUTION par jugement du Tribunal de Commerce de DREUX en date du 20 avril 2006.

[Adresse 2]

[Adresse 2]

- SELARL S.M.J, SOCIETE DE MANDATAIRES JUDICIAIRES, au capital de 250.000 €, immatriculée au RCS VERSAILLES 509 405 635, dont le siège social est sis [Adresse 2], représentée par son Gérant, Maître [K] [T], agissant en qualité de Liquidateur de Monsieur [Q], [S] [N], de nationalité française, né le [Date naissance 1]/1946 à [Localité 3] gérant de société demeurant [Adresse 1]

Fonction à laquelle elle a été nommée par jugement du Tribunal de Commerce de VERSAILLES en date du 15 JANVIER 2009, venant aux droits de Maître [K] [T] à titre personnel, précédemment désigné en qualité de Liquidateur de Monsieur [N] par jugement du Tribunal de Commerce de VERSAILLES en date du 7 avril 2006.

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentés par Maître Emmanuel GUEILHERS de la SCP GUEILHERS & ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 96

APPELANTES

****************

SAS SAFFIR Au capital de 480 000 € RCS PARIS N° 331 503 375, prise en

la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représenté(e) par Maître Christophe DEBRAY, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 14121 et par Maître A.ALBERTINI, avocat plaidant au barreau de PARIS

SELARL MAITRE PASCAL JOULAIN - SELARL PJA Maître Pascal JOULAIN, mandataire judiciaire, mandataire ad hoc de la SARL FERME DE CHATILLON DISTRIBUTION,

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Défaillante

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 Janvier 2015, Madame Annie VAISSETTE, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente,

Madame Anne BEAUVOIS, Conseiller,

Madame Annie VAISSETTE, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER

M. [N] et Mme [L] étaient mariés sous le régime de la séparation de biens et propriétaires indivis à Saint Martin de Nigelles d'un ensemble immobilier à usage d'habitation et de laboratoire de découpe, commerce en gros de volailles et gibiers.

Par jugement du tribunal de commerce de Versailles du 27 octobre 2005, M. [N] a été mis en redressement judiciaire au titre d'un commerce qu'il exploitait en nom personnel, la procédure a été convertie en liquidation judiciaire le 29 novembre 2005. La selarl SMJ est devenue liquidateur judiciaire de M. [N].

La sarl La ferme du Chatillon distribution (la société Chatillon ) , dont le gérant était M. [N] et qui exploitait, selon bail du 9 février 1999, un fonds de commerce de découpe et commerce de volailles et gibiers, vente aux détail de plats alimentaires, ferme auberge, dans l'immeuble déjà cité appartenant aux époux [N], a été mise en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Dreux du 16 mars 2006, procédure convertie en liquidation judiciaire le 20 avril 2006 , la selarl SMJ devenant également liquidateur judiciaire pour cette procédure.

Le divorce des époux [N] a été prononcé le 8 novembre 2007.

Par ordonnance du 28 juillet 2006, le juge-commissaire de la liquidation judiciaire de la société Chatillon a ordonné la vente des éléments corporels et incorporels du fonds de commerce dépendant de la liquidation judiciaire au profit de la sarl Saffir moyennant le prix de 5 000 euros payable comptant et a fixé la date de la prise de possession à la date de sa décision.

Un différend est né devant le notaire chargé de la rédaction de l'acte de cession du fonds de commerce au sujet du montant du loyer à prendre en considération, Mme [N] et la selarl SMJ, ès qualités, soutenant que la société Saffir était redevable du montant du loyer résultant du bail initial soit annuellement 240 000 francs outre l'indexation, tandis que la société Saffir se prévalait d'un avenant au bail du 6 décembre 2000 ayant diminué le montant du loyer annuel à 36 000 francs dont Mme [N] et le liquidateur judiciaire contestaient la validité et l'opposabilité.

Me [Z], notaire associé à [Localité 2], a en conséquence dressé procès-verbal de défaut et de difficultés le 10 avril 2008.

Sur assignation délivrée par la selarl SMJ, en qualité de liquidateur judiciaire de M. [N], le tribunal de grande instance de Chartres, par jugement du 25 avril 2012, a dit recevable l'intervention volontaire de la société Saffir , irrecevables les demandes de résiliation judiciaire du contrat de bail du 9 février 1999 et d'expulsion présentée par la selarl SMJ, en qualité de liquidateur de M. [N], à l'encontre de la société Chatillon. La selarl SMJ, en qualité de liquidateur de M. [N], a relevé appel de ce jugement le 9 juillet 2012; l'appel enregistré sous le numéro 12/04927 a été déclaré caduc par ordonnance du conseiller de la mise en état de la douzième chambre de cette cour le 29 novembre 2012 et le déféré introduit contre cette ordonnance a été rejeté par arrêt du 12 mars 2013.

Par ailleurs, par acte du 20 avril 2012, la selarl SMJ, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Chatillon, a assigné devant le tribunal de commerce de Chartres la société Saffir pour obtenir la résolution de la vente du fonds de commerce, l'expulsion de la société Saffir, sa condamnation au paiement des loyers impayés, la fixation et le paiement d'une indemnité d'occupation et subsidiairement des dommages-intérêts. La selarl SMJ, en qualité de liquidateur de M. [N], et Mme [L] sont intervenues volontairement à cette instance.

Par jugement du 12 novembre 2013, le tribunal de commerce de Chartes a :

-donné acte à la selarl SMJ, en qualité de liquidateur de M. [N], et à Mme [L] de leur intervention volontaire,

-déclaré recevable mais mal fondés la selarl SMJ, en qualité de liquidateur de la société Chatillon et de M. [N], et Mme [L] dans l'ensemble de leurs demandes et les en a déboutées,

-donné acte à la société Saffir de ce qu'elle renonce à tout droit sur le fonds de commerce,

-condamné la selarl SMJ, en qualité de liquidateur de la société Chatillon , à rembourser à la société Saffir la somme de 5 000 euros,

- condamné la selarl SMJ, en qualité de liquidateur de la société Chatillon et de M. [N], et Mme [L] à payer à la société Saffir la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouté la société Saffir de toutes autres demandes,

-condamné la selarl SMJ, en qualité de liquidateur de la société Chatillon et de M. [N], et Mme [L] aux dépens.

La selarl SMJ, en qualité de liquidateur de la société Chatillon et de M. [N], et Mme [L] ont relevé appel de ce jugement le 23 janvier 2014.

Par dernières conclusions signifiées le 10 avril 2014, la selarl SMJ, en qualité de liquidateur de la société Chatillon et de M. [N], et Mme [L] demandent à la cour de:

-réformer le jugement,

-dire que l'avenant daté du 6 décembre 2000 au contrat de bail du 9 février 1999 est inopposable à la procédure collective de M. [N] et de la société Chatillon ainsi qu'à Mme [L] pour ne pas avoir date certaine et ne pas être signé par Mme [L] co-titulaire du bail,

-vu l'article 1108 du code civil, prononcer la nullité de cet avenant faute de consentement de l'un des propriétaires,

-juger que les rapports des parties sont uniquement soumis au bail authentique du 9 février 1999,

-dire qu'en vertu de l'ordonnance du juge-commissaire du 28 juillet 2006, la société Saffir était tenue de payer les loyers au liquidateur de M. [N] et à Mme [L] à compter de la date de jouissance,

-juger 'résolue l'ordonnance du juge-commissaire' du 28 juillet 2006 autorisant la cession du fonds de commerce au profit de la société Saffir qui n'a pas rempli ses obligations judiciaires et prononcer la résolution aux torts et griefs de la société Saffir,

-dire que cette dernière est responsable des préjudices subis par les bailleurs et par la selarl SMJ, liquidateur de la société Chatillon ,

-condamner la société Saffir à payer à la selarl SMJ, en qualité de liquidateur de M. [N], et à Mme [L] la somme de 400 000 euros à titre de dommages-intérêts pour la non-perception des loyers depuis le 28 juillet 2006,

Subsidiairement,

-condamner la société Saffir à payer à la selarl SMJ, en qualité de liquidateur de M. [N], et à Mme [L] la somme de 400 000 euros à titre d'indemnité d'occupation pour la période du 28 juin 2006 au 15 décembre 2014,

-fixer l'indemnité d'occupation provisionnelle postérieurement à cette date à la somme mensuelle de 4 000 euros et condamner la société Saffir au paiement de cette somme jusqu'à son départ effectif des lieux,

Plus subsidiairement, pour le cas où la cour déciderait que la résolution n'intervient qu'au jour de son arrêt,

-condamner la société Saffir à payer à la selarl SMJ, en qualité de liquidateur de M. [N], et à Mme [L] la somme de 358 100 euros représentant le montant du loyer pour la période du 28 juillet 2006 au 15 décembre 2014,

-condamner la société Saffir à payer à la selarl SMJ, en qualité de liquidateur de M. [N], et à Mme [L] la somme de 4 000 euros par mois à titre d'indemnité d'occupation postérieure à l'arrêt jusqu'au départ effectif des lieux,

-condamner la société Saffir à payer à la selarl SMJ, en qualité de liquidateur de la société Chatillon la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts,

-ordonner l'expulsion de la société Saffir et de tous occupants de son chef, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir,

-condamner la société Saffir à payer à la selarl SMJ, en qualité de liquidateur de la société Chatillon la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à la selarl SMJ, en qualité de liquidateur de M. [N], et Mme [L] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner la société Saffir aux dépens.

La société Saffir a conclu en dernier lieu le 2 décembre 2014 pour voir :

-déclarer irrecevables les demandes concernant l'avenant au contrat de bail, la nullité de l'avenant, visant à juger que les rapports entre les parties seraient uniquement soumis au contrat de bail du 9 février 1999 et la 'résolution de l'ordonnance du juge-commissaire' du 28 juillet 2006,

-ordonner la jonction avec la procédure portant sur l'appel du jugement du tribunal de grande instance de Chartres,

-dire que la selarl SMJ, en qualité de liquidateur de la société Chatillon , est dépourvue d'intérêt et de qualité à agir et la déclarer irrecevable en ses demandes,

-dire que les demandes de la selarl SMJ, en qualité de liquidateur de M. [N] et de la société Chatillon, se heurtent à l'autorité de la chose jugée,

-confirmer le jugement en ses autres dispositions,

-condamner la selarl SMJ, en qualité de liquidateur de la société Chatillon distribution, à rembourser à la société Saffir la somme de 5 000 euros versés pour l'acquisition du fonds de commerce et la somme de 11 826, 39 euros versée pour l'acquisition de matériels,

-à titre subsidiaire, fixer les créances entre les mains de la selarl SMJ,

-à titre très subsidiaire, opérer la compensation des créances réciproques,

En tout état de cause,

-condamner in solidum la selarl SMJ, en qualité de liquidateur de la société Chatillon et de M. [N], et Mme [L] à lui payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi que la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

La selarl PJA, intimée en qualité de mandataire ad hoc de la société Chatillon, a été assignée devant la cour le 6 mars 2014 par acte remis à domicile puis a reçu signification des conclusions des parties les 28 mars et 15 octobre 2014, mais n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

DISCUSSION ET MOTIFS DE LA DÉCISION

-Sur les fin de non-recevoir soulevées par la société Saffir

' A plusieurs reprises, sans pour autant formuler de prétentions à ce titre dans le dispositif de ses dernières conclusions, la société Saffir invoque un conflit d'intérêts entre les deux qualités dans lesquelles la selarl SMJ agit dans le cadre du présent litige.

Mais l'exposé des demandes de la selarl SMJ, en qualité de liquidateur de M. [N], d'une part, et en qualité de liquidateur de la société Chatillon, d'autre part, exclut une telle contradiction d'intérêts et il faut relever en outre que la selarl PJA, a été intimée et assignée en qualité de mandataire ad hoc de la société Chatillon, ce qui exclut toute irrégularité de ce chef.

' La société Saffir se prévaut vainement de la nouveauté des demandes tendant à voir déclarer l'avenant au contrat de bail nul et inopposable aux appelants et à voir juger 'résolue' l'ordonnance du juge-commissaire du 28 juillet 2006.

En effet, la lecture du jugement déféré (page 4 notamment) démontre que ces demandes ont été soumises au tribunal, de sorte qu'elles ne sont pas nouvelles et sont recevables au sens de l'article 564 du code de procédure civile.

' La société Saffir invoque ensuite le défaut d'intérêt et de qualité pour agir de la société Chatillon en soulignant que le prix de cession qui lui était dû lui a été payé et qu'elle n'est pas créancière des loyers .

Mais si la cession du fonds de commerce est parfaite dès l'ordonnance du juge-commissaire l'autorisant, sous la condition suspensive que la décision acquière force de chose jugée, il n'en demeure pas moins que la vente de gré à gré d'un élément de l'actif mobilier du débiteur en liquidation judiciaire n'est réalisée que par l'accomplissement d'actes postérieurs à la décision du juge-commissaire, à savoir en l'espèce par la signature de l'acte de vente prévue devant le notaire, Me [Z]e, acte qui était seul susceptible d'opérer le transfert de propriété du fonds.

L'impossibilité de parvenir à un accord pour signer cet acte, en raison d'une divergence sur le montant annuel du loyer, est établie et empêche la réalisation de la vente. Il en résulte que, nonobstant la perception du prix de cession, la selarl SMJ, en sa qualité de liquidateur de la société Chatillon cédante, a intérêt et qualité pour agir en résolution de la cession du fonds de commerce qu'elle qualifie improprement de résolution de l'ordonnance du juge-commissaire. La fin de non-recevoir opposée à la selarl SMJ, représentant la société Chatillon, doit donc être rejetée.

' La société Saffir fait encore valoir que les demandes de la selarl SMJ, en qualité de liquidateur de M. [N] et de la société Chatillon, se heurtent à l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal de grande instance de Chartres du 25 avril 2012.

L'instance ayant abouti au jugement précité du tribunal de grande instance de Chartres a été initiée par la selarl SMJ en qualité de liquidateur de M. [N], au contradictoire de Mme [L], contre la société PJA, en sa qualité de mandataire ad hoc de la société Chatillon. La société Saffir est intervenue volontairement à cette instance dans le cadre de laquelle la selarl SMJ, représentant la liquidation judiciaire de M. [N], demandait la résiliation du bail du 9 février 1999 et l'expulsion de la société Chatillon et de tout occupant de son chef.

Ces demandes ont été déclarées irrecevables par le jugement du 25 avril 2012 au motif que la société Chatillon n'était plus titulaire du bail commercial en litige.

Cette décision ne fait pas obstacle à la recevabilité de la demande de résolution de la vente du fonds de commerce et des demandes indemnitaires consécutives formées dans le cadre de la présente instance qui n'a ni le même objet , ni le même fondement et qui est dirigée contre la société Saffir, de sorte que les conditions de l'article 1351 du code civil ne sont pas réunies.

-Sur la demande de jonction

La société Saffir demande la jonction de la présente instance avec celle relative à l'appel du jugement rendu le 25 avril 2012 par le tribunal de grande instance de Chartres.

Cette demande est désormais dépourvue d'objet dès lors qu'une ordonnance du conseiller de la mise en état de la douzième chambre de cette cour du 29 novembre 2012 a déclaré caduc l'appel formé contre ce jugement et que le déféré introduit contre cette ordonnance a été rejeté par arrêt de la douzième chambre du 12 mars 2013.

-Sur la demande de résolution de la cession du fonds de commerce

En dépit de la perfection de la vente du fonds de commerce par l'effet de l'ordonnance du juge-commissaire l'autorisant passée en force de chose jugée, la conclusion de l'acte de vente prévue devant notaire n'a pu avoir lieu, le liquidateur judiciaire de M. [N] et Mme [L], en leurs qualités de bailleurs dont l'intervention était prévue à l'acte pour agréer la cession exigeant que le bail soit cédé aux conditions du contrat initial (loyer annuel de 240 000 francs soit 36 587, 76 euros) , tandis que la société Saffir se prévalait du montant du loyer réduit par l'avenant du 6 décembre 2000 (loyer annuel de 36 000 francs soit 5 488, 16 euros).

Devant la cour, la situation demeure identiquement bloquée et aucune des parties ne sollicite que la régularisation forcée de la vente soit ordonnée, le liquidateur judiciaire de la société Chatillon demandant la résolution de la cession tandis que la société Saffir précise dans ses dernières conclusions (en page 18) demander la confirmation du jugement en ce qu'il lui a donné acte de ce qu'elle avait renoncé à tous droits sur le fonds de commerce et ajoute qu'elle doit être considérée comme ayant renoncé à tous ses droits sur le fonds à compter du 9 juillet 2013, date de clôture des débats devant le premier juge.

Dans ces conditions, la résolution de la vente du fonds de commerce ordonnée par la décision du juge-commissaire du 28 juillet 2006 doit être prononcée.

Les parties s'opposent en revanche sur l'imputabilité de cette résolution.

Le bail initial a été établi par acte authentique du 9 février 1999 entre les époux [N]-[L] et la société Chatillon et il prévoit expressément que toute cession devra avoir lieu moyennant un loyer égal à celui fixé aux présentes et devra être réalisée par acte authentique auquel le bailleur sera appelé.

L'avenant sous seing privé, qui a réduit le loyer à la somme annuelle de 36 000 francs au lieu des 240 000 francs stipulés par l'acte authentique, a été signé entre le seul M. [Q] [N], pour le bailleur, et la société Chatillon représentée par son gérant M. [Q] [N].

Ce document est daté du 6 décembre 2000 mais il n'a pas date certaine, faute d'avoir été enregistré.

Il ne peut , en tout état de cause, valoir avenant au contrat de bail initial, faute d'avoir reçu l'approbation et la signature de Mme [L], bailleresse au même titre que M. [N], eu égard à la propriété indivise de l'immeuble objet du bail.

Force est de constater l'imprécision de l'offre d'acquisition du fonds de commerce émanant de la société Saffir qui se bornait le 9 juin 2006 à proposer l'acquisition du fonds de commerce de la société Chatillon pour ses éléments incorporels (dénomination, clientèle, droit au bail) et pour le matériel d'exploitation, imprécision reproduite par la requête du liquidateur judiciaire et par l'ordonnance du juge-commissaire.

Aucun de ces actes ou décision ne vise la date du bail dont la reprise est en cause, non plus que le montant du loyer. Néanmoins, il appartenait au cessionnaire de se renseigner précisément sur les conditions de son acquisition, et spécialement sur les conditions du bail qu'il entendait reprendre, et à supposer comme elle le soutient, que la société Saffir ait présenté son offre en considération du montant du loyer résultant du document improprement qualifié avenant, il lui appartenait de faire de ce montant très réduit, en l'absence de signature de l'un des propriétaires indivis, une condition de son offre. A défaut de toute précision en ce sens, il ne peut qu'être considéré qu'elle a repris le bail, dans ses conditions initiales non valablement modifiées.

La société Saffir ne peut davantage prétendre que sa seule obligation résidait dans le paiement du prix de cession de 5 000 euros alors que la prise en charge du paiement des loyers dès son entrée en jouissance, fixée à la date de son ordonnance par le juge-commissaire, constitue une obligation majeure du repreneur.

En conséquence, le refus de régulariser l'acte de cession du fonds de commerce aux conditions du bail du 9 février 1999 est imputable à faute à la société Saffir et la résolution de la cession doit donc être prononcée à ses torts.

-Sur les conséquences de la résolution

La restitution du fonds de commerce n'est pas comme telle demandée par le liquidateur de la société Chatillon. Il demande en revanche l'expulsion des lieux de la société Saffir qui doit être ordonnée en tant que de besoin, sans qu'il y ait lieu de l'assortir d'une astreinte.

La restitution à la société Saffir par la société Chatillon du prix de cession du fonds de commerce, soit la somme de 5 000 euros , doit corrélativement intervenir.

La société Saffir demande en outre le remboursement d'une somme de 11 826, 39 euros qu'elle aurait payée pour l'acquisition de matériels dont elle verse les factures aux débats.

Cette demande ne peut prospérer dès lors que le défaut de réalisation de la cession du fonds de commerce est exclusivement imputable au refus de la société Saffir de prendre en charge les loyers pour leur montant contractuel, c'est-à-dire d'assumer la principale contrepartie à la cession ordonnée en sa faveur, étant rappelé que l'ordonnance du juge-commissaire avait fixé la date de la prise de possession à la date de sa décision.

-Sur les demandes en paiement de loyers et de dommages-intérêts des appelants

L'effet rétroactif attaché à la résolution de la cession du fonds de commerce incluant le droit au bail interdit toute demande en paiement de loyers contractuels échus depuis l'ordonnance du juge-commissaire, telle que formée par les bailleurs, c'est-à-dire par Mme [L] et par la selarl SMJ, en qualité de liquidateur de M. [N].

En revanche, la demande subsidiaire en paiement d'indemnités d'occupation est recevable et destinée à compenser le préjudice subi par les propriétaires de l'ensemble immobilier en raison de l'occupation ders lieux sans paiement d'une quelconque contrepartie.

La société Saffir conteste contre l'évidence avoir pris possession des lieux objets du bail.

S'il est vrai que Me [T], en qualité de liquidateur de M. [N], a tenté dans un premier temps de faire 'rapporter' l'ordonnance du juge-commissaire du 28 juillet 2006, comme en témoigne le jugement du tribunal de commerce de Dreux du 4 octobre 2007 ayant rejeté cette demande , force est de constater que, par ordonnance du 29 mai 2008, rendue sur la demande de la société Saffir, le caractère effectif de la vente du fonds de commerce a été réaffirmé par le juge-commissaire sans susciter de recours de la selarl SMJ.

Depuis cette date, la société Saffir ne rapporte la preuve d'aucun obstacle mis à sa prise de possession et elle verse elle-même aux débats un constat d'huissier établi sur sa requête le 19 septembre 2008 pour officialiser l'état des lieux à sa prise de possession, ainsi que des factures pour l'équipement du site en matériel professionnel, des bons de livraison de peinture , des devis détaillés de réfection de l'immeuble, le tout s'échelonnant d'octobre 2008 à décembre 2009 .

Il est ainsi démontré que la société Saffir a été avec certitude en mesure de prendre possession des lieux à compter du mois de juin 2008. Elle est donc redevable d'une indemnité d'occupation dont le montant mensuel doit être fixé à 3 048, 98 euros (20 000 francs) c'est-à-dire une somme équivalente au montant du loyer contractuel, dont la société Saffir n'établit aucunement le caractère démesuré, l'absence éventuelle de paiement des loyers antérieurs à la cession par la société Chatillon ne constituant nullement une telle preuve.

Les appelants versent au dossier une lettre de la société Saffir du 15 décembre 2011 adressée à M. [N] pour l'informer du fait qu'elle entendait cesser l'exploitation à compter du 31 décembre 2011. Pour autant, aucune pièce n'est fournie attestant de la libération effective des lieux à cette date et de la remise des clés aux bailleurs ou à la selarl SMJ ès qualités.

En revanche, la société Saffir, comme cela résulte du jugement déféré, a sans équivoque déclaré renoncer à tous ses droits sur le fonds de commerce ce dont le tribunal lui a donné acte et elle n'a pas varié sur ce point en cause d'appel.

Il en résulte que, depuis la date du jugement soit le 12 novembre 2013, il n'existe plus aucune ambiguïté sur la possibilité pour la selarl SMJ, en qualité de liquidateur de M. [N], et Mme [L], de disposer des lieux précédemment occupés par la société Saffir, étant observé que la selarl SMJ, en qualité de liquidateur de M. [N], et Mme [L] n'indiquent pas que la société Saffir occuperait encore les lieux.

En conséquence, la société Saffir est redevable à titre de dommages-intérêts envers la selarl SMJ, en qualité de liquidateur de M. [N], et Mme [L] d'une indemnité d'occupation à compter du mois de juin 2008 jusqu'au mois de novembre 2013 inclus soit 3 048, 98 euros x 66 mois =201232,68 euros , le surplus de la demande devant être rejeté.

La selarl SMJ, en qualité de liquidateur de la société Chatillon, forme une demande de dommages-intérêts à concurrence de 50 000 euros en faisant valoir qu'il s'agit du coût du maintien de la procédure de liquidation judiciaire qui aurait pu être clôturée rapidement si la société cessionnaire avait respecté ses obligations.

Une somme de 10 000 euros sera allouée pour compenser entièrement ce préjudice .

Comme sollicité par la société Saffir, la compensation sera ordonnée entre cette créance de dommages-intérêts de la société Chatillon et celle de la société Saffir relative à la restitution du prix de cession.

L'issue du litige exclut tout abus de procédure de la part de Mme [L] comme de la selarl SMJ en ses deux qualités. La demande de dommages-intérêts formée à ce titre par la société Saffir doit donc être rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par défaut et en dernier ressort,

Rejette les fins de non-recevoir soulevées par la société Saffir,

Déclare sans objet la demande de jonction,

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Chartres du 12 novembre 2013, sauf sur les actes donnés aux parties,

Statuant à nouveau,

Prononce la résolution de la vente du fonds de commerce de la société La ferme du Chatillon distribution ordonnée par ordonnance du juge-commissaire du 28 juillet 2006 au profit de la société Saffir, aux torts de cette dernière,

Condamne la selarl SMJ, en qualité de liquidateur de la société La ferme du Chatillon distribution , à restituer à la société Saffir le prix de cession de 5 000 euros,

Ordonne, en tant que de besoin, à la société Saffir et à tout occupant de son chef de quitter les lieux sis [Adresse 1]) dès la signification du présent arrêt et, à défaut, ordonne leur expulsion,

Condamne la société Saffir à payer à la selarl SMJ, en qualité de liquidateur de la société La ferme du Chatillon distribution, la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts,

Ordonne la compensation des créances réciproques précitées,

Déboute la société Saffir de sa demande de remboursement des factures d'acquisition de matériels,

Condamne la société Saffir à payer à la selarl SMJ, en qualité de liquidateur M. [N] et à Mme [L], la somme de 201 232,68 euros à titre de dommages-intérêts pour l'occupation des lieux,

Déboute les parties de toutes autres ou plus amples demandes de dommages-intérêts ,

Condamne la société Saffir à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile:

-à la selarl SMJ, en qualité de liquidateur de la société La ferme du Chatillon distribution, la somme de 3000 euros ,

- à la selarl SMJ, en qualité de liquidateur de M. [N] et à Mme [L], la somme globale de 3 000 euros,

Déboute la société Saffir de sa demande sur le même fondement,

Condamne la société Saffir aux dépens et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre, le droit de recouvrement conforme aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 14/00608
Date de la décision : 12/03/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 13, arrêt n°14/00608 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-03-12;14.00608 ?
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