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19/02/2015 | FRANCE | N°13/02841

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 19 février 2015, 13/02841


COUR D'APPEL DE VERSAILLES

Code nac : 56C

13e chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 19 FEVRIER 2015
R. G. No 13/ 02841
AFFAIRE :
SA VACANCES BLEUES PATRIMOINE
...
C/
SA ALLIANZ IARD venant aux droits de la SA GAN EUROCOURTAGE...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Février 2013 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE No Chambre : 1 No Section : No RG : 2010F1925

Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : 19. 02. 2015

à :
Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU
Me Christophe DEBRAY,
M

e Pierre GUTTIN,
TC NANTERRE RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX NEUF FEVRIER DEUX MILLE QUINZE, La cou...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

Code nac : 56C

13e chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 19 FEVRIER 2015
R. G. No 13/ 02841
AFFAIRE :
SA VACANCES BLEUES PATRIMOINE
...
C/
SA ALLIANZ IARD venant aux droits de la SA GAN EUROCOURTAGE...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Février 2013 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE No Chambre : 1 No Section : No RG : 2010F1925

Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : 19. 02. 2015

à :
Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU
Me Christophe DEBRAY,
Me Pierre GUTTIN,
TC NANTERRE RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX NEUF FEVRIER DEUX MILLE QUINZE, La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

- SA VACANCES BLEUES PATRIMOINE Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège 60 rue St Jacques et 32 rue Edmond Rostand-13006 MARSEILLE-SA VACANCES BLEUES HOLDING Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège 60 rue St Jacques et 30 rue Edmond Rostand-13006 MARSEILLE-SAS DIFFUSION TOURISME Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège 60 rue St Jacques et 32 rue Edmond Rostand-13006 MARSEILLE

Représentées par Maître Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, avocat Postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620- No du dossier 001046 et par Maître Jean-Louis BONNABEL, avocat plaidant au barreau de MARSEILLE
APPELANTES ****************

SA ALLIANZ IARD venant aux droits de la SA GAN EUROCOURTAGE et prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité 87 rue de Richelieu-75002 PARIS

Représentée par Maître Christophe DEBRAY, avocat Postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627- No du dossier 13000265 et par Maître P. PATRIMONIO, avocat plaidant au barreau de PARIS
SA UFFI REAL ESTATE ASSET MANAGEMENT 20/ 24 rue Jacques Ibert-92300 LEVALLOIS PERRET

Représentée par Maître Pierre GUTTIN, avocat Postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623- No du dossier 13000215 et par Maître H. MAZINGUE, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMEES ****************

Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 09 Décembre 2014 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente, Madame Anne BEAUVOIS, Conseiller, Madame Annie VAISSETTE, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER,

Au cours de l'année 2001, la société Vacances bleues patrimoine (la société VBP) a confié à la société Cofigest forestière trinité (la société Cofigest), société de gestion agréée par la commission des opérations de bourse devenue depuis la société Uffi real estate asset management (la société Uffi), la création d'une société civile de placement immobilier ayant pour objet l'acquisition d'immeubles et hôtels que la société VBP devait gérer.

La Scpi Résidences pierre et loisirs a été créée en avril 2002 à partir de la transformation de la Sci Floréal détenue par la société VBP.
Le 5 août 2002, a été ouverte une souscription à une augmentation de capital de la Scpi consistant dans l'émission de 4 238 parts nouvelles d'une valeur nominale de 456 euros, émises au prix de 1 000 euros, pour porter le capital de 1 067 040 euros à 2 999 568 euros.
Un an plus tard, le montant des souscriptions ne représentait que 778 parts soit 11, 82 % du capital maximum statutaire, soit un pourcentage inférieur aux 15 % exigés par l'article L 214-54 du code monétaire et financier.
Après de multiples démarches et discussions avec l'Autorité des marchés financiers, les associés ayant participé à l'augmentation de capital ont été remboursés et la Scpi a été dissoute le 26 juin 2007.
La société VBP, la société Vacances bleues holding, et la société Diffusion tourisme, ont assigné en responsabilité et paiement de dommages-intérêts la société Uffi et son assureur, la société Gan eurocourtage Iard (le Gan) devant le tribunal de commerce de Nanterre.
Par jugement en date du 6 février 2013, le tribunal a :
- donné acte à la société Gan eurocourtage Iard de sa nouvelle dénomination Gan eurocourtage,- retenu l'entière responsabilité de la société Uffi,- condamné in solidum les sociétés Uffi et Gan dans les limites de sa police à payer à la société VBP la somme de 45 217 euros,- débouté les sociétés Vacances bleues holding et Diffusion tourisme de leurs demandes d'indemnisation,- débouté la société VBP de sa demande de dommages-intérêts,- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,- ordonné l'exécution provisoire du jugement,- condamné les sociétés Uffi et Gan aux entiers dépens.

Les sociétés VBP, Vacances bleues holding et Diffusion tourisme ont fait appel du jugement.
Par dernières conclusions du 5 novembre 2014, les sociétés appelantes demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu l'entière responsabilité de la Société Uffi et en ce qu'il a alloué à la société VBP la somme de 45 217 ¿ représentant les stricts frais de liquidation de la SCPI (cf. pièce 24 attestation notariée de la SCP A...¿ B... et associés),
- infirmer pour le surplus le jugement déféré,- et statuant à nouveau :- condamner la société Uffi et son assureur le Gan à payer à la société VBP la somme de 203 014. 93 ¿ se décomposant en :- rémunération de la société Cofigest 53. 000, 00,- honoraires du commissariat aux comptes 44. 000, 00,- frais de constitution et augmentation de capital 100. 014, 93,- commissions de la société Cofigest 6. 000, 00, sous réserve de la réclamation concernant les dividendes versés aux investisseurs de la part de la société Cofigest lesquels auraient dû rester propriété de la Société VBP sans la réalisation de l'opération désastreuse, ce chef de préjudice devant être ultérieurement affiné dès lors qu'il sera répondu par les sociétés intimées à la sommation en communication de pièces destinée à obtenir tous les éléments historiques de la part de la société Cofigest permettant d'évaluer avec précision lesdits dividendes,

- subsidiairement, vu les dispositions de l'article 11 du code de procédure civile, condamner sous astreinte de 500 ¿ par jour de retard la société Uffi à produire au débat le détail des grands livres annuels permettant d'évaluer la rémunération de la société Cofigest, les honoraires du commissaire aux comptes, les frais de constitution et d'augmentation de capital, les commissions de la société Cofigest,- ordonner sous la même astreinte de 500 ¿ par jour de retard la production des P. V. d'assemblées générales et les feuilles de présence par la société Uffi à la société VBP concernant les exercices comptables 2002 à 2008, en vue de la détermination exacte des dividendes versés aux investisseurs,- condamner la société Uffi et son assureur le Gan à payer à la société Vacances bleues holding la somme de 113 000 ¿ au titre de la réparation des frais internes sur 4 années, incluant les frais de commercialisation de plaquettes et les salaires de Monsieur Y..., attaché à l'opération Scpi pierre et loisirs,- condamner la société Uffi et son assureur le Gan à payer à la société Diffusion tourisme la somme de 150 000 ¿ pour préjudice d'image.

- très subsidiairement ordonner telle mesure d'expertise comptable qu'il appartiendra aux fins d'évaluer avec précision les chefs de préjudice,- condamner la société Uffi et son assureur à payer à la société VBP la somme de 100 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour résistance manifestement abusive à reconnaître notamment une faute constituée à l'évidence au visa de l'application des dispositions des articles 1134, 1147 du code civil, L 214-54 du code monétaire et financier ; L 214-68 du code monétaire et financier ; 321-43 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers ; L 214-83. 1 du code monétaire et financier ;- condamner la société Uffi et son assureur à payer la somme de 5 000 ¿ à chacune des sociétés appelantes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit du cabinet AVOCALYS représenté par Me Hongre Boyeldieu, sur ses offres de droit.

Les appelantes soulignent les obligations générales d'une société de gestion de Scpi comme la société Uffi et les obligations particulières de cette société dans l'opération d'augmentation de capital dont elle était le chef d'orchestre, elles font valoir qu'elle seule pouvait connaître et maîtriser le nombre de parts souscrites dans le délai d'un an visé à l'article L 214-54 du code monétaire et financier et qu'il peut lui être imputé à faute le fait d'avoir commis une erreur dans le calcul du pourcentage du minimum souscrit au bout d'un an qui l'a conduite d'une part à considérer que les 15 % étaient atteints alors qu'ils ne l'étaient pas et d'autre part à ne pas respecter ses obligations d'agir dans l'intérêt exclusif des porteurs de parts de manière à assurer la sécurité des opérations d'augmentation de capital. Les appelantes font grief à la société Uffi de ne pas les avoir informées dans les meilleurs délais que le seuil de 15 % n'était pas atteint et qu'à défaut de souscriptions complémentaires avant le 5 août 2003, qu'elles auraient pu fournir elles-mêmes ou faire fournir par d'autres, la société serait dissoute.
Les sociétés Vacances bleues holding, gérant les ressources salariales du groupe, et Diffusion tourisme, commercialisant les produits " vacances bleues ", soutiennent qu'elles ont intérêt et qualité à agir contre la société Uffi et son assureur sur le fondement de la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle car les fautes commises dans l'exécution de la prestation confiée par la société VBP leur ont causé un dommage.
Sur le préjudice, la société VBP demande la réparation de trois chefs de préjudice : l'engagement de dépenses directement imputables à la société Cofigest et à l'existence d'une Scpi à la place d'une Sci (203 014, 93 euros), et les dividendes versés aux investisseurs qui seraient restés sa propriété sans la réalisation de cette opération (impossibles selon elle à chiffrer en l'état). Elle écarte le moyen de défense tiré de l'existence d'une seule perte de chance en soutenant que le principe de réparation est inéluctable et n'est frappé d'aucun aléa dès lors qu'à la suite de la faute, la liquidation de la Scpi était certaine.
La société Vacances bleues holding demande la réparation de son préjudice constitué des frais internes engagés à fonds perdus (frais de commercialisation, frais de plaquette, salaires de M. Y...attaché à l'opération), le tout sur une durée de quatre ans.
La société Diffusion tourisme demande la réparation de son préjudice d'image.
Dans ses dernières écritures du 27 novembre 2014, la société Fiducial gérance (la société Fiducial), anciennement dénommée Uffi, demande à la cour de :
- infirmer le jugement,- dire irrecevables et en tout cas mal fondées les sociétés appelantes en toutes leurs demandes,- condamner la société VBP à lui rembourser la somme de 1 524 euros en principal majorée des intérêts, réglée le 19 juillet 2013 en exécution du jugement,- infiniment subsidiairement, dire que la société Allianz Iard (la société Allianz) venue aux droits du Gan devra, en qualité d'assureur, la garantir de toute condamnation susceptible d'intervenir à son encontre, en principal, intérêts, frais et tous accessoires, au profit de quelque partie que ce soit,- condamner in solidum les sociétés appelantes à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Selon la société Fiducial, les sociétés Vacances bleues holding et Diffusion tourisme n'ont aucun lien contractuel avec la Scpi ni avec elle de sorte que le fondement contractuel de leur action est irrecevable. Elle ajoute que la responsabilité d'un gérant ne peut être recherchée à l'égard des tiers que s'il a commis une faute détachable de ses fonctions, que cette règle s'applique aux actions en responsabilité dirigées contre les sociétés de gestion, que l'erreur commise relative au calcul du pourcentage souscrit ne peut recevoir une qualification qui réponde aux caractéristiques de la faute détachable dès lors que c'est la faible attractivité de l'augmentation de capital proposée qui a conduit au fait que le seuil requis de 15 % n'a pas été atteint dans le délai d'un an et ce quelle qu'ait été l'assiette prise pour son calcul, qu'en l'absence de faute détachable les sociétés tierces ne pourraient obtenir réparation de leur préjudice, à le supposer établi, qu'en agissant en responsabilité contre la Scpi, ce qu'elles n'ont pas fait, et qu'elles sont donc irrecevables en leur action contre la gérante.
Subsidiairement, la société Fiducial soutient qu'elle n'était pas débitrice d'une obligation d'avoir en faire en sorte que la souscription ait atteint le seuil de 15 % au terme de la période de souscription, que l'obligation d'atteindre les 15 % sur le montant maximum du capital statutaire figurait dans la note d'information de la Scpi qui a reçu le visa de la COB le 23 juillet 2002 et qui a été envoyée à la société VBP avec l'avis d'avoir à souscrire, et que la société VBP était donc avertie et ce d'autant plus qu'elle était dirigée par une personne compétente.
La société Fiducial relève l'absence de lien de causalité entre son erreur de calcul, la dissolution intervenue et les dommages allégués, elle soutient qu'il appartenait à la société VBP, devenue associée unique après remboursement des souscriptions, d'agir en application du principe de minimisation des dommages en transformant la Scpi en Sci ce qui aurait supprimé toutes les incidences financières et fiscales dont elle demandait réparation devant le tribunal, que l'article L 214-54 n'instaure pas une dissolution de plein droit, surtout après remboursement des associés ayant participé à la souscription comme ce fut le cas en l'espèce, que si la société VBP en a décidé autrement et s'est prononcée en faveur de la dissolution en dépit de la recommandation que lui a fait la cabinet Gide Loyrette Nouel le 15 mai 2006, les conséquences de cette décision n'ont aucun lien direct avec la faute reprochée à la société Uffi.
Sur les préjudices, la société Fiducial fait valoir qu'ils ne sont pas démontrés ou sont étrangers à la faute reprochée.
Aux termes de ses dernières conclusions du 10 novembre 2014, la société Allianz demande à la cour de :
- déclarer les sociétés appelantes irrecevables en leur appel et en tout cas mal fondées en l'ensemble de leurs demandes ;- donner acte de ce qu'elle vient aux droits du Gan ;- dire irrecevables les demandes formées par les sociétés Vacances bleues holding et Diffusion tourisme, celles-ci ne justifiant en tout état de cause, ni d'une qualité, ni d'un intérêt à agir ;- dire mal fondées les sociétés VBP, Vacances bleues holding et Diffusion tourisme de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, celles-ci ne rapportant la preuve ni d'une faute qui aurait été commise par la société Uffi, ni d'un préjudice, ni d'un lien de causalité ;- les en débouter ;

- à titre infiniment subsidiaire, et s'agissant des demandes formées à son encontre, quel qu'en soit l'auteur :- dire que le coût de la prestation de la société Cofigest est exclu de la garantie ;- dire que le préjudice d'image au titre duquel il est sollicité réparation est également exclu de la garantie ;- dire qu'aucune garantie ne serait due en cas de condamnation de la société Uffi à une astreinte, telle que sollicitée par les sociétés appelantes ;- dire qu'en aucune façon la garantie ne pourrait jouer au-delà des limites de garantie contractuelles, opposables tant à l'assuré qu'aux appelantes (plafond de 5. 000. 000 Frs, soit 762. 245 ¿, avec une franchise de 10 % du montant des condamnations avec un minimum de 152, 45 ¿ et un maximum de 1. 524, 49 ¿) ;

- en tout état de cause, débouter tous contestants de toutes demandes, fins et conclusions contraires aux présentes ;- condamner in solidum les sociétés VBP, Vacances bleues holding et Diffusion tourisme à lui payer la somme de 5. 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;- condamner in solidum les sociétés VBP, Vacances bleues holding et Diffusion tourisme aux entiers dépens de la présente instance, dont distraction au profit de Maître Christophe DEBRAY, Avocat au Barreau de Versailles conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Allianz soulève l'irrecevabilité des demandes de la société Diffusion tourisme pour défaut de précision du fondement juridique sur lequel elle se place, et l'irrecevabilité des demandes des deux autres sociétés faute d'avoir recherché la responsabilité de la Scpi et faute de démontrer que la société Uffi aurait commis une faute détachable de sa gestion de la Scpi.
Subsidiairement, elle soutient que la société Uffi anciennement Cofigest n'a pas commis de faute, que la société VBP était parfaitement informée du mode de calcul applicable du seuil de 15 %, que la société Cofigest avait mandaté un commissaire aux comptes, le cabinet PWC de renommée internationale, pour vérifier que les conditions de seuil étaient respectées, que la société PWC a certifié que le seuil était atteint le 22 juillet 2003, que la propre lettre de la société Cofigest du 23 juillet 2003 transmettant les données chiffrées à la COB ne saurait constituer une reconnaissance de responsabilité, et que le fait d'avoir demandé un délai complémentaire de souscription après l'expiration du délai d'un an pour tenter d'obtenir une appréciation tolérante de la COB accompagné d'autres actions de nature à attirer de nouveaux investisseurs démontre que la société Cofigest a mis en oeuvre toutes les diligences pour sauver l'opération d'appel public à l'épargne.
Très subsidiairement, la société Allianz ajoute qu'il n'est pas démontré que si l'erreur de calcul n'avait pas été commise, l'augmentation de capital aurait pu intervenir dans un délai aussi court, que la dissolution prévue par l'article L 214-54 du code monétaire et financier n'est pas une dissolution de plein droit mais une mesure destinée à protéger les épargnants censés être plus facilement remboursés dans le cadre d'une dissolution et que la société VBP, devenue actionnaire unique après le remboursement des souscripteurs, pouvait parfaitement s'opposer à cette dissolution en votant la transformation de la Scpi en Sci et en déduit qu'il n'existe aucun lien de causalité entre la faute reprochée et les préjudices invoqués.
Enfin, elle discute les préjudices prétendus en soulignant qu'il ne pourrait s'agir tout au plus que de réparer une perte de chance d'avoir pu éviter la liquidation de la Scpi et que selon elle les justificatifs ayant valeur probante nécessaires à la démonstration des préjudices ne sont pas produits et elle demande in fine qu'il soit fait application des exclusions et des limites de garantie stipulées par la police souscrite.

SUR CE,

Sur la recevabilité des demandes des sociétés VBP, Vacances bleues holding et Diffusion tourisme :
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L 214-98 du code monétaire et financier, les Scpi sont obligatoirement gérées en externe par une société de gestion spécialisée qui doit bénéficier d'un agrément de l'AMF ; que ces sociétés de gestion qui fournissent des prestations de services d'investissement sont soumises à des obligations comptables et prudentielles qui leur sont propres et à des règles d'organisation, de conduite et de protection de l'intégrité des marchés les rendant personnellement débitrices d'obligations notamment d'information et de conseil à l'égard des investisseurs ; que leur rôle ne se résume pas à la simple gestion/ représentation des véhicules de placements qu'elles gèrent comme on l'entendrait de la gestion d'une entreprise par ses organes de direction ;
Considérant que vis-vis de la Scpi et des associés de celle-ci, la société Cofigest, devenue Uffi puis Fiducial, est responsable des fautes qu'elle a le cas échéant commises dans l'accomplissement des actes relevant de l'exécution de son mandat de gestion, incluant les opérations de commercialisation des placements, sur le fondement de la responsabilité contractuelle ; que vis-vis des tiers, elle est responsable de ces mêmes fautes si elles leur ont causé un préjudice sur le fondement de l'article 1382 du code civil sans qu'elle puisse leur opposer la jurisprudence relative à la responsabilité des dirigeants personnes physiques pour faute séparable des fonctions sociales ;
Considérant dès lors, qu'indépendamment de la question de savoir si des fautes ont été commises, la société VBP, associée de la Scpi Pierre loisirs I, est recevable, ainsi qu'elle le fait, à rechercher la responsabilité contractuelle de la société Cofigest, devenue Uffi, aujourd'hui Fiducial et que les sociétés Vacances bleues holding et Diffusion tourisme sont recevables à rechercher, ainsi qu'elles le font expressément, la responsabilité délictuelle de la société Fiducial, y compris alors même qu'elles n'ont pas recherché celle de la Scpi ;
Considérant que les demandes sont recevables ;
Sur la responsabilité contractuelle de la société Fiducial :
Considérant que la Scpi Pierre loisirs I était issue de la transformation de la Sci Le Floréal décidée le 3 avril 2002 ; que son capital fixé à 1 067 040 euros était divisé en 2 340 parts de 456 euros chacune dont 2 332 souscrites par la société VBP ; que la société Cofigest a reçu mandat de gérer la Scpi, les statuts prévoyant dès la formation de la société qu'elle pourrait porter le capital social en une ou plusieurs fois à 3 000 000 euros et les associés délégant tous pouvoirs à la société de gestion pour ce faire ; qu'en application des dispositions de l'article L 215-54 du code monétaire et financier dans sa rédaction applicable en la cause (aujourd'hui article L 214-116 du même code) qui dispose qu'à concurrence de 15 % au moins, le capital maximum des sociétés civiles de placement immobilier, tel qu'il est fixé par leurs statuts, doit être souscrit par le public dans un délai d'une année après la date d'ouverture de la souscription, et que s'il n'est pas satisfait à cette obligation, la société est dissoute et les associés sont remboursés du montant de leur souscription, la Scpi Pierre loisirs I était tenue de procéder au plus tard dans un délai d'un an à compter de la date d'ouverture de souscription, à une offre au public de ses titres à concurrence de 15 % au moins de son capital maximum ;
Considérant que le 23 juillet 2002, la COB a visé la note d'information relative à une opération d'augmentation de capital par appel public à l'épargne ; que l'opération a été ouverte le 5 août 2002 avec émission de 4 238 parts venant s'ajouter aux 2 340 parts originaires ;
Considérant qu'il est constant qu'un an plus tard, soit le 5 août 2003, le capital maximum de la Scpi n'avait pas été souscrit par le public à concurrence de 15 % au moins mais seulement à concurrence de 11, 82 % ;
Considérant que la société Cofigest, qui aux termes de l'article 7 des statuts de la Scpi avait reçu délégation de tous pouvoirs notamment pour procéder à l'augmentation du capital social aux époques, pour la durée et le montant qu'elle aviserait, déterminer les conditions de souscription et d'entrée en jouissance des parts, reporter la date de clôture d'une augmentation de capital, a écrit à la COB le 23 juillet 2003 pour l'informer qu'au 30 juin précédent, elle avait reçu un montant de souscription correspondant à 708 parts soit plus de 15 % du capital et qu'au 23 juillet le nombre de parts souscrites est de 737 ; qu'elle a fourni cette information après avoir rappelé dans la même lettre qu'un capital maximum de 3 000 000 euros devait être souscrit à concurrence de 15 % dans le délai d'une année ; qu'ainsi, loin de pouvoir se méprendre sur le contenu de ses obligations résultant de son mandat qui lui imposaient effectivement de tout mettre en oeuvre pour obtenir une souscription par le public de 15 % de parts représentant 3 000 000 euros soit 987 parts, il lui suffisait d'être moyennement diligente ou attentive pour s'apercevoir que l'information qu'elle communiquait à la COB était erronée, voire totalement fantaisiste, et que le seuil légal n'était pas atteint contrairement à ce qu'elle écrivait ;
Considérant que sa qualité de professionnelle de la gestion de véhicules de placements collectifs faisait obligation à la société Cofingest de s'assurer elle-même du succès de l'opération dans les termes de la loi au fur et à mesure de l'écoulement du délai d'un an sans se borner à s'en tenir à l'analyse tout aussi erronée de son commissaire aux comptes, la société PWC Audit, lequel n'a fait que répondre à la mission inopérante qui lui avait été confiée par la société Cofingest et qui est décrite dans sa note au 22 juillet 2003 dans les termes suivants " vérification des éléments constitutifs de la situation nette et de la souscription d'au moins 15 % du nombre de parts ouvertes à la souscription (à savoir 4 238 parts) sur la période du 5 août 2002 au 5 août 2003, soit 636 parts " ; que la société Cofingest ne saurait non plus utilement se retrancher derrière la propre connaissance des contraintes, risques ou aléas de l'opération dont la société VBP était informée grâce à la note d'information visée par la COB ;
Considérant que contrairement à ce que soutiennent les intimées, la sanction du défaut de détention de titres par le public à concurrence de 15 % du capital maximum à l'issue de la période d'un an à compter de l'ouverture de la souscription réside dans la dissolution de la Scpi, sans qu'il soit possible d'envisager une autre issue, ainsi que l'a rappelé l'AMF à la société Cofigest par une lettre du 19 février 2004 lui indiquant que le texte des résolutions qu'elle envisageait de soumettre aux associés qui laissait à ceux-ci le choix de décider ou non la dissolution de la Scpi n'était pas conforme à l'article L 214-54 du code monétaire et financier ; qu'en effet, l'objet exclusif des Scpi consiste dans l'acquisition et la gestion d'un patrimoine immobilier locatif grâce à l'émission de parts dans le public ; qu'après remboursement des souscripteurs à l'augmentation de capital, le capital de la Scpi n'était plus détenu que par la société VBP ce qui n'était pas conforme à son objet ;
Considérant que l'erreur d'appréciation inexplicable commise par la société Cofigest a maintenu celle-ci dans la croyance du succès de l'augmentation de capital alors qu'il n'en était rien ; qu'elle ne démontre pas avoir alerté la société VBP à un quelconque moment de la situation ; que lorsqu'elle l'a fait, elle lui a fait miroiter des négociations illusoires avec l'AMF en vue d'éviter la dissolution ; qu'ainsi, le rapport de gestion de la société Cofigest devenue Uffi à l'assemblée générale des associés de la Scpi en 2006 pour approbation des comptes au 31 décembre 2005, soit trois ans après l'expiration du délai, mentionne que " l'AMF a été consultée sur le sort définitif à réserver à la Scpi et devrait très prochainement nous donner sa position sur la question qui sera suivie par la société de gestion " ; que la position de l'AMF n'a jamais varié ; que c'est exactement que le premier juge a retenu la responsabilité de la société Cofigest devenue Uffi devenue Fiducial ;
Considérant toutefois que la faute commise par la société Cofigest est seulement à l'origine d'une perte de chance pour la société VBP de réussir l'opération d'augmentation du capital de la Scpi, opération qui devait être suivie d'une cession de ses titres, et de ne pas devoir procéder à la dissolution de la Scpi ; qu'en effet, il n'est pas établi que si la société Cofigest avait correctement apprécié la situation le seuil de 15 % aurait été atteint avant le 5 août 2003 ; qu'en revanche, a été perdue avec certitude une éventualité favorable du succès de l'appel public à l'épargne car la société VBP n'a pas été en mesure de réagir à temps et d'envisager des actions supplémentaires de recherche d'investisseurs, lesquelles ont porté leurs fruits en septembre 2003, puisque le seuil a été finalement atteint à la suite de souscriptions de filiales de la société VBP, mais trop tard pour que la dissolution puisse être empêchée ;
Considérant que la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue sans pouvoir être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; que la société VBP qui présente des demandes indemnitaires fondées sur les frais et dépenses qu'elle a engagés en pure perte à concurrence de 203 014, 95 euros pour constituer la Scp, réaliser l'augmentation de capital et dissoudre la Scpi, et sur les dividendes qu'elle a versés aux investisseurs et qui seraient restés sa propriété sans la réalisation de cette opération qualifiée de désastreuse, sollicite par ce biais la réparation d'un préjudice causé par la décision de créer la Scpi qu'elle a prise elle-même, sans lien avec la perte de chance retenue ; qu'eu égard aux éléments de la cause et à l'avantage qu'aurait procuré à la société VBP le succès de l'opération à savoir le refinancement de son patrimoine immobilier auprès de ses propres clients qui bénéficiaient en investissant de réductions sur les séjours achetés, avec une redistribution massive des revenus des actifs concernés, la perte de chance sera réparée par l'allocation de la somme de 80 000 euros ; qu'aucun autre préjudice ne pouvant donner lieu à réparation, les demandes de communication de pièces ou de condamnation sous astreinte à produire des pièces, ainsi que la demande subsidiaire d'expertise, sont sans objet ;
Considérant que la société VBP manque à faire la démonstration du caractère abusif de la résistance de la société Fiducial ; que sa demande de dommages-intérêts sur ce fondement doit être rejetée ;

Sur la responsabilité délictuelle de la société Fiducial :

Considérant que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ;

Considérant pour les raisons mentionnées ci-dessus, que les sociétés Vacances bleues holding et Diffusion tourisme peuvent uniquement demander réparation du dommage causé par le manquement contractuel de la société Fiducial, à savoir l'erreur dans l'appréciation du déroulement de l'opération d'augmentation de capital ayant fait perdre une chance de voir effectivement réussir cette opération et de voir éviter la dissolution de la Scpi ; que les sociétés Vacances bleues holding et Diffusion tourisme peuvent donc obtenir réparation du dommage qui leur a été le cas échéant causé par cette perte de chance ;
Considérant que la société Vacances bleues holding demande réparation des frais de commercialisation et des salaires qu'elle estime avoir dépensés en pure perte puisque l'opération a échoué ; que la même observation sur l'absence de lien de causalité doit être faite au sujet de l'invocation de ce préjudice que celle qui a été développée ci-dessus au sujet du préjudice invoqué par la société VBP relativement aux frais et dépenses engagés ; que la société VBP ne s'explique pas sur l'avantage que lui aurait procuré le succès de l'opération ;
Considérant que la société Diffusion tourisme demande réparation du préjudice d'image causé par l'opération qualifiée de désastreuse sans s'expliquer sur son activité au sein du groupe, sur ses liens avec la société VBP, ni sur le gain en terme d'image que le succès de l'opération lui aurait rapporté et qui aurait été perdu ;
Considérant que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les sociétés Vacances bleues holding et Diffusion tourisme de leurs demandes d'indemnisation ;
Sur la garantie de la société Allianz :
Considérant que la société Allianz expose que sont exclus de la garantie la rémunération de la société de gestion et ses commissions, l'atteinte à l'image de marque d'un tiers, ou une éventuelle astreinte ; qu'aucune condamnation de son assurée n'étant prononcée à ces titres divers, le moyen tiré de l'exclusion de garantie est sans portée ;
Considérant que le montant de la condamnation, à savoir 60 000 euros, étant inférieur au plafond contractuel de garantie fixé à 762 245 euros, il y a lieu de prononcer à l'encontre de la société Allianz une condamnation à garantir la société Fiducial du paiement de cette somme, diminuée du montant de la franchise de 1 524, 49 euros ;
Considérant que l'équité commande de condamner la société Fiducial et la société Allianz à payer à la société VBP la somme globale de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les demandes des sociétés Vacances bleues holding et Diffusion tourisme présentées sur ce fondement étant rejetées ainsi que les demandes présentées contre elles ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,
Déclare recevables les demandes des sociétés Vacances bleues patrimoine, Vacances bleues holding et Diffusion tourisme,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 6 février 2013 sauf en ce qu'il a fixé le montant des dommages-intérêts alloués à la société Vacances bleues patrimoine à la somme de 45 217 euros,
Statuant à nouveau sur ce point,
Condamne la société Fiducial gérance à payer à la société Vacances bleues patrimoine la somme de 80 000 euros à titre de dommages-intérêts,
Condamne la société Allianz iard à garantir la société Fiducial gérance du montant de cette condamnation diminué du montant de la franchise, soit 1 524, 49 euros,
Y ajoutant,
Condamne la société Fiducial gérance et la société Allianz Iard à payer à la société Vacances bleues patrimoine la somme globale de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de toute autre demande,
Condamne la société Fiducial gérance et la société Allianz Iard aux dépens d'appel et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 13/02841
Date de la décision : 19/02/2015
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Analyses

SOCIÉTÉ CIVILE DE PLACEMENT IMMOBILIER - Article L. 214-98 du code monétaire et financier - Société de gestion spécialisée - Responsabilité - Responsabilité contractuelle vis à vis de la SCPI et des associés de celle-ci - Responsabilité délictuelle vis à vis des tiers - Obligations d'information et de conseil à l'égard des investisseurs - Faute dans le suivi de l'opération d'augmentation de capital de la SCPI. A manqué à son obligation de mener à bien l'opération d'augmentation du capital de la SCPI par appel public à l'épargne qui lui a été confiée, la société de gestion qui ne s'est pas assurée, au fur et à mesure, que le montant des souscriptions pourrait atteindre dans l'année le seuil de 15 % du capital maximum de la SCPI, exigé, à peine de dissolution, par l'article L. 214-54 du code monétaire et financier, qui n'a pas alerté ses mandants et qui, au contraire, leur a fait croire que ce seuil était atteint, en commettant une erreur d'appréciation manifestant son inattention et son manque de diligence. Les associés de la SCPI sont en droit de réclamer réparation du préjudice que cette faute leur a occasionné, et qui consiste en une perte de chance de voir réussir l'opération d'augmentation de capital et éviter la dissolution de la SCPI.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2015-02-19;13.02841 ?
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