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12/02/2015 | FRANCE | N°13/00886

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 12 février 2015, 13/00886


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 53I



13e chambre





ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 12 FEVRIER 2015



R.G. N° 13/00886





AFFAIRE :



[M] [B]

...



C/



SA SOCIETE GENERALE











Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Janvier 2013 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 2

N° Section :

N° RG : 2010F04407


r>Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 12.02.2015



à :



Me Bertrand LISSARRAGUE



Me Patricia MINAULT



Me Frédérique LEPOUTRE



TC NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DOUZE FEVRIER DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'app...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53I

13e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 12 FEVRIER 2015

R.G. N° 13/00886

AFFAIRE :

[M] [B]

...

C/

SA SOCIETE GENERALE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Janvier 2013 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 2

N° Section :

N° RG : 2010F04407

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 12.02.2015

à :

Me Bertrand LISSARRAGUE

Me Patricia MINAULT

Me Frédérique LEPOUTRE

TC NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DOUZE FEVRIER DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [M] [B]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 3] (Chine)

de nationalité Française

[Adresse 3]

Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 13/01943 (Fond)

Représenté par Maître Bertrand LISSARRAGUE de la SARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat Postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629 - N° du dossier 1351315 et par Maître F. MILLOT, avocat plaidant au barreau de PARIS

Monsieur [F] [S]

né le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 4]-Chine)

de nationalité Chinoise

[Adresse 1]

Représenté par Maître Patricia MINAULT de la SARL MINAULT PATRICIA, avocat Postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20130173 et par Maître F. MILLOT, avocat plaidant au barreau de PARIS

APPELANTS

****************

SA SOCIETE GENERALE - N° SIRET : B55 212 022 2

[Adresse 2]

Représentée par Maître Frédérique LEPOUTRE de la SCP B.L.S.T., avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 709 - N° du dossier 102301

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Novembre 2014 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente,

Madame Anne BEAUVOIS, Conseiller,

Madame Annie VAISSETTE, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER,

Suivant actes des 12 février et 12 mars 2009, la société Concept café a obtenu un

prêt auprès de la Société générale (la SG) de 290 000 euros sur 7 ans assorti d'un taux

de 5,98 % l'an hors assurances et frais.

A la même date, MM. [M] [B] et [F] [S] se sont rendus, avec le consentement de leurs épouses respectives, cautions solidaires de la société Concept café au bénéfice de la SG dans la limite de 377 000 euros chacun pour une durée de 9 ans.

Le 31 Mai 2010, le tribunal de commerce d'Evry a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Concept café. La SG a déclaré au passif une créance échue de 770,30 euros et une créance à échoir de 257 135,59 euros.

La SG a poursuivi les cautions devant le tribunal de commerce de Nanterre.

Par jugement en date du 17 janvier 2013, le tribunal a condamné solidairement MM. [B] et [S] à payer à la SG la somme de 262 050,75 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel de 9,98 % à compter du 11 août 2010, avec capitalisation des intérêts pour une année entière, a débouté les défendeurs de leurs demandes reconventionnelles, a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, a ordonné l'exécution provisoire et a condamné solidairement les défendeurs aux dépens.

MM. [B] et [S] ont chacun interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions du 8 octobre 2014, M. [M] [B] demande à la cour de :

- infirmer l'ensemble des dispositions du jugement entrepris,

- statuant à nouveau, déclarer les demandes de la SG irrecevables,

- rejeter l'ensemble des demandes de la SG,

A titre subsidiaire,

- lui accorder un report de paiement de deux ans,

- à défaut, lui accorder un délai de paiement de deux ans.

En tout état de cause,

- juger que son engagement de caution ne porte que sur ses biens propres,

- rejeter les demandes de la SG tendant à contester le caractère solidaire des condamnations de M. [F] [S] et lui-même le cas échéant,

- condamner la SG à lui payer une somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SG aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct.

M. [B] fait valoir que le cautionnement était disproportionné au jour de sa conclusion, le 12 février 2009, en invoquant l'article L. 341-4 du code de la consommation et précise que l'appréciation des biens et revenus d'une caution ne se limite pas aux seuls éléments dont cette dernière informe l'établissement de crédit mais impose d'examiner la situation réelle de la caution.

A cet égard, M. [B] fait valoir que le 12 février 2009, date de souscription du cautionnement, sa situation était moins bonne qu'en 2008, qu'il ne pouvait plus compter sur les dividendes de sa précédente société, la société Arane, qu'il avait investi l'intégralité du solde des sommes issues de son précédent commerce en compte courant dans la société Concept café, que la SG connaissait nécessairement cette situation, qu'il n'avait plus de revenus fixes, que sa déclaration de revenus s'est élevée à 2 764 euros pour l'année 2009, qu'il devait par ailleurs faire face aux échéances de remboursement d'un prêt de 160 000 euros souscrit en 2004 pour financer la propriété d'un modeste appartement à [Localité 2] d'une valeur de 280 000 euros dans lequel il réside avec sa famille, qu'il était caution du remboursement d'un prêt consenti à la société Concept café par la société Heineken entreprises à concurrence de 60 480 euros, et qu'il a quatre enfants à charge.

Au surplus, il souligne que les éléments relatifs à la rentabilité future de Concept café sont indifférents à l'appréciation de sa solvabilité, qu'en tout état de cause sa pérennité était incertaine.

De surcroît, il soutient qu'au moment où il a été appelé, sa situation avait empiré, que la liquidation judiciaire de la société Concept café avait provoqué la disparition de sa seule source de revenus et l'irrépétibilité des sommes investies, que depuis il n'a plus de revenus, qu'en 2013 il a reçu une rémunération de 2 283 euros, que sa femme a perçu 3 629 euros, qu'il supporte toujours le remboursement de l'emprunt de 160 000 euros en capital souscrit pour acheter son appartement précité, et qu'il fait face aux réclamations de Heineken entreprises qui lui demande une somme de 45 027,82 euros au titre de son engagement de caution.

A titre subsidiaire, l'appelant entend invoquer l'article 1244-1 du code civil pour bénéficier d'un report de paiement de deux ans ou un échelonnement de paiement de deux ans au vu de sa situation et au regard des besoins de son créancier.

En tout état de cause, il fait valoir que son épouse, Mme [G] [B], commune en biens avec lui, a contresigné l'engagement de caution en y inscrivant une formule de style: 'bon pour consentement exprès au cautionnement', que cela ne caractérise pas son consentement exprès éclairé au sens de l'article 1415 du code civil et par conséquent seuls ses biens propres peuvent être engagés.

Par dernières conclusions signifiées le 29 octobre 2014, M. [S] demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 17 janvier 2013 et débouter la SG de toutes ses demandes,

- constater les manquements commis par la SG qui a engagé sa responsabilité contractuelle sur la base de l'article 1147 du code civil, qui n'a pas demandé à rencontrer les associés de la société Concept café sauf le gérant, M. [B], et n'a pu leur fournir aucun conseil ni mise en garde sur les risques inhérents au prêt alors qu'elle aurait dû vérifier les capacités financières de la société Concept café et de ses associés avant de lui apporter son concours, de façon à alerter les associés sur les risques de l'endettement né de l'octroi du prêt de 290 000 euros,

- constater que la SG s'est démise de ses obligations et a engagé sa responsabilité en confiant la signature des documents par les associés cautions à son seul interlocuteur M. [M] [B], alors que les actes de prêt et caution auraient dû être signés à la banque, et alors que la SG a exigé que les prêts des 12 février et 12 mars 2009 soient signés par les trois associés qu'elle ne connaissait pas et dont elle ignorait tout, et ce malgré l'immatriculation de la société Concept café au RCS d'Evry dès janvier 2009,

- constater que la SG a engagé sa responsabilité contractuelle en ne remplissant pas son devoir d'information et de conseil auprès des emprunteurs, les associés signataires du prêt et de lui-même, caution et de son épouse Mme [S],

- débouter la SG de toutes ses demandes concernant tant la demande en paiement du principal pour un montant de 262 050,75 euros augmenté des intérêts au taux conventionnel que de la demande en application de l'article 700 du code de procédure civile, la 'caution' étant nulle et non opposable du fait d'une part de la disproportion existant ses ressources et le montant de l'engagement et d'autre part parce qu'il n'a pu donner sa 'caution' en toute connaissance de cause puisque la SG ne l'a jamais reçu, l'acte de caution lui ayant été apporté à son par le gérant (sic),

- constater qu'il n'a pas été reçu à la SG, n'a donc eu aucune information sur le risque lié à l'importance de l'endettement résultant du prêt, ni sur les conséquences ni sur la portée de l'acte de caution,

- constater qu'il a subi un préjudice né du manquement de la SG à son obligation de mise en garde et d'information, s'analysant comme la perte d'une chance de ne pas contracter et de ne pas donner sa caution,

- dire que la signature de la caution a été privée du caractère solennel qu'elle aurait dû revêtir si elle avait été signée à l'agence bancaire,

- dire qu'en conséquence les circonstances de la signature de l'acte de cautionnement privent celui-ci de tout effet et de toute valeur, la SG ne l'ayant jamais reçu ni Mme [S],

- constater qu'il y a lieu à application de l'article L. 341-4 du code de la consommation compte tenu de ses ressources tant au moment de la 'caution' qu'à ce jour,

- dire en conséquence que l'acte de cautionnement est nul et de nul effet comme l'acceptation donnée par Mme [S],

- constater que son épouse qui a accepté sa 'caution' et n'a reçu aucune information sur sa portée et celle de son acceptation par le conjoint ne peut avoir accepté valablement d'autant que l'acte de prêt n'était pas joint à la caution ni le montant mentionné dans l'acceptation de l'épouse à laquelle la SG n'a pas précisé qu'en acceptant la caution donnée par son époux, elle engageait les biens communs, Mme [S] ignorant donc totalement les conséquences de son acceptation,

- dire qu'en tout état de cause et si la cour reconnaissait valide la caution, l'acceptation de celle-ci par son épouse est nulle et de nul effet, le montant de l'engagement n'apparaissant pas,

- dire ses demandes reconventionnelles recevables et bien fondées.

A titre subsidiaire et pour le cas où la cour entrerait en voie de condamnation contre lui ou déclarerait valable l'acceptation de son épouse au cautionnement consenti :

- condamner la SG à lui verser à titre de dommages et intérêts la somme de 377 000 euros, montant pour lequel il a donné sa caution englobant la somme de 262 000 euros et les intérêts au taux de 9,98 % depuis le 11 août 2010, caution qu'il n'aurait pas donnée si la banque lui avait expliqué le fonctionnement et les conséquences de cette caution sur ses biens personnels et sur ceux de la communauté.

En tout état de cause,

- condamner la SG à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral que lui-même et son épouse ont subi du fait des négligences professionnelles graves de la SG,

- condamner la SG à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile compte tenu des frais irrépétibles qu'il a dû engager,

- condamner la SG aux dépens avec droit de recouvrement direct.

Suivant conclusions du 14 novembre 2014, la SG demande à la cour de :

- débouter MM. [S] et [B] de l'ensemble de leurs demandes,

- constater que la demande de M. [S] relative au manquement de la SG à son devoir de mise en garde et ses obligations d'information et de conseil sont formulées pour la première fois en cause d'appel,

En conséquence,

- la juger irrecevable,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les moyens tirés de la disproportion et de la limitation de l'engagement, ainsi que les demandes de report et délai de paiement,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la condamnation solidaire de MM. [M] [B] et [F] [S] à lui payer la somme de 262 050,75 euros en principal et les intérêts au taux conventionnel de 9,98 % l'an à compter du 11 août 2010,

Statuant à nouveau,

- condamner M. [S], en sa qualité de caution solidaire de la société Concept café, à lui payer la somme de 262 050,75 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel de 9,98% l'an à compter du 11 août 2010 jusqu'à complet paiement,

- condamner M. [B], en sa qualité de caution solidaire de la société Concept café, à lui payer la somme de 262 050,75 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel de 9,98% l'an à compter du 11 août 2010 jusqu'à complet paiement,

- ordonner la capitalisation des intérêts qui seront échus depuis plus d'un an par application de l'article 1154 du code civil.

En tout état de cause,

- condamner M. [S] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [B] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

- condamner solidairement MM. [S] et [B] aux entiers dépens d'appel avec droit de recouvrement direct.

La SG soutient qu'elle a informé Mme [S] à l'occasion d'un entretien verbal de sorte qu'elle a pu comprendre la portée de son engagement, que la mention de sa main suivant celle de son mari rappelle le montant du cautionnement, qu'elle n'a pas pu ne pas en connaître les conséquences, qu'il en est de même pour Mme [B] qui ne pouvait ignorer la portée de sa signature.

Par ailleurs, elle invoque les articles 564 et 565 du code de procédure civile pour faire valoir que les demandes de M. [S] relatives à l'engagement de sa responsabilité pour un manquement à son devoir de mise en garde sont nouvelles puisqu'elles n'étaient pas présentées dans le dispositif des écritures de première instance, de sorte qu'elles doivent être déclarées irrecevables.

En tout état de cause, elle prétend démontrer que M. [S] est une caution avertie et que par conséquent elle n'était tenue d'aucun devoir de mise en garde à son égard. Elle fait valoir qu'il était associé fondateur de la société Concept café, qu'il possédait une expérience certaine dans le domaine de la restauration et qu'il avait été gérant de restaurant de 1991 à 2007, qu'enfin elle ne pouvait avoir des informations sur ses revenus que lui-même aurait ignorées.

Sur la disproportion alléguée par M. [S], la SG souligne que celui-ci avait déclaré le 8 décembre 2008 disposer de ressources mensuelles globales de 1 200 euros, être propriétaire de 3 véhicules pour une valeur de 30 000 euros, être propriétaire à [Localité 1] d'une maison d'une valeur de 650 000 euros et rembourser un prêt d'un montant de 110 000 euros par mensualités de 750 euros et que son engagement n'était pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus dont en l'absence d'anomalie apparente, elle n'avait pas à vérifier l'exactitude.

Quant à M. [B], elle fait valoir qu'il a mentionné le 8 décembre 2008 disposer d'un revenu mensuel de 5 000 euros au titre de dividendes, d'un véhicule d'une valeur de 10 000 euros et d'un appartement à [Localité 2] d'une valeur de 280 000 euros et il a produit une attestation de la SARL Arena mentionnant le versement de 60 000 euros au titre de dividendes, un avis d'imposition sur les revenus de l'année 2007 faisant apparaître un salaire annuel de 40 000 euros pour lui-même et de 9 299 euros pour son épouse ainsi qu'une attestation de la société Concept café justifiant d'un apport personnel supplémentaire de 30 000 euros le 22 janvier 2009. Elle explique qu'il n'a pas fait état de la suppression prévisible des revenus provenant de la société Arena, ni de l'investissement de fonds propres dans la société Concept café ni encore d'un engagement de caution du remboursement du prêt consenti par Heineken entreprises dans la limite de 60 480 euros et qu'en l'absence d'anomalie apparente, elle n'avait pas à vérifier l'exactitude des renseignements fournis. Au surplus, elle souligne que les appelants ne produisent aucune évaluation de la valeur actuelle de leur bien immobilier.

Enfin, la banque soutient que les cautions se sont engagées par actes séparés de sorte qu'elles doivent chacune être condamnées sans solidarité entre elles, en qualité de caution solidaire de la société Concept café, à lui payer la somme de 262 050,75 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel de 9,98 % l'an à compter du 11 août 2010 jusqu'à complet paiement.

SUR CE,

Sur la disproportion du cautionnement souscrit par M. [B] :

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation applicable en la cause, qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; que la disproportion de l'engagement de caution s'apprécie à la date de la conclusion du cautionnement sur la base des éléments alors connus et l'appréciation de la disproportion doit être effectuée au vu des déclarations de la caution concernant ses biens et revenus dont le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier l'exactitude, et sans prendre en considération les revenus escomptés de l'opération garantie;

Considérant que le 8 décembre 2008, M. [B] a rempli et signé une fiche de renseignements confidentiels sur laquelle il a mentionné être marié, avoir trois enfants à charge, percevoir des dividendes à concurrence de 60 000 euros et disposer par conséquent de ressources mensuelles globales de 5 000 euros, être propriétaire d'une voiture de 10 000 euros, d'un appartement situé à [Localité 2] d'une valeur estimée de 280 000 euros, et subir une charge de remboursement d'emprunt de 1 073 euros par mois jusqu'en 2023 ; que tous les éléments relatifs à ce qu'il appelle sa situation réelle, à savoir le fait qu'il ne pouvait plus compter sur des dividendes de la société Arena, le fait qu'il avait investi la totalité de ses capitaux dans la société Concept café, le fait qu'il était engagé comme caution à l'égard de la société Heineken, ne figurent pas sur ce document dont les termes lui sont opposables ; qu'il n'est pas démontré que la banque connaissait ces éléments ou devait les connaître et que la fiche de renseignements présentait des anomalies dont la SG pouvait se convaincre, mettant à sa charge une obligation de vérification qu'elle n'aurait pas remplie ; que la fourniture par M. [B] à la SG de son avis d'imposition sur les revenus de l'année 2007 faisant apparaître un revenu annuel de 40 000 euros pour lui -même et un salaire annuel de 9 299 euros pour son épouse ne faisait que confirmer en substance les données mentionnées sur la fiche ;

Considérant que même en l'état des renseignements fournis par M. [B], il est démontré que son engagement de caution, à due concurrence de 377 000 euros, apparaît manifestement disproportionné au jour de la souscription du cautionnement à ses revenus de 5 000 euros par mois pour une famille de cinq personnes et à son patrimoine, étant relevé que l'appartement d'une valeur de 280 000 euros était financé par un emprunt courant jusqu'en 2023 assorti d'une inscription d'hypothèque ;

Considérant que la SG n'invoque pas un retour à meilleure fortune de M. [B] ; que si elle le faisait, il lui appartiendrait de démontrer que la disproportion avait disparu au moment où elle a appelé M. [B] sans pouvoir utilement s'emparer de l'absence de production par M. [B] d'une évaluation actuelle de sa maison, seul argument qu'elle développe relativement à la situation actuelle de M. [B] ;

Considérant que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné M.[B] à payer à la Société générale la somme de 262 050,75 euros augmentés des intérêts au taux conventionnel de 9,98 % à compter du 11 août 2010, avec capitalisation des intérêts pour une année entière, et qu'il sera jugé que la SG ne peut se prévaloir du cautionnement souscrit par M. [B] ;

Sur la disproportion du cautionnement de M. [S] dont l'examen est préalable:

Considérant qu'il résulte de la fiche de renseignements confidentiels concernant M. [S] en date du 8 décembre 2008, dont il n'est pas démontré qu'elle serait de la main de deux personnes différentes et qu'elle ne serait pas signée par M. [S] lui-même, qu'au moment du cautionnement, celui-ci, marié et père de quatre enfants à charge, avait déclaré percevoir un salaire annuel de 14 198 euros, soit un salaire mensuel de 1 200 euros, ce qui est confirmé par ses déclarations de revenus versés aux débats, possédait trois véhicules d'une valeur de 30 000 euros et une maison à [Localité 1] estimée à 650 000 euros, achetée au moyen d'un emprunt de 110 000 euros courant jusqu'en 2020 et entraînant une charge de remboursement de 750 euros par mois ; qu'en l'absence d'anomalies apparentes, la banque n'avait pas à vérifier ces renseignements qui sont opposables à la caution, laquelle ne peut se prévaloir des erreurs ou des lacunes qu'ils recèlent ; que le simple fait que M. [S] ait déclaré avoir quatre enfants à charge ne suffisait pas à rendre la banque débitrice d'une obligation renforcée de vérification de l'exactitude des renseignements fournis ;

Considérant qu'en l'état de ces déclarations, le cautionnement souscrit n'était pas disproportionné aux revenus et au patrimoine de M. [S] au moment de sa conclusion de sorte que la SG peut s'en prévaloir ;

Sur l'acceptation de Mme [S] :

Considérant que selon l'article 1415 du code civil, chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement, à moins que celui-ci n'ait été contracté avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres ; qu'en l'espèce, sous la mention « bon pour consentement exprès au cautionnement », figure la signature non contestée de Mme [S], juste en dessous de l'engagement de caution et de la mention écrite de la main de son époux mentionnant la limite de l'engagement de 377 000 euros en principal, intérêts et le cas échéant les pénalités et intérêts de retard ; que pour l'acceptation du conjoint entraînant droit de poursuite du créancier sur les biens communs, aucune règle n'impose l'écriture d'une mention particulière de la main du conjoint; qu'il est établi que le consentement de Mme [S], qui n'est pas partie à la procédure et qui pourrait seule se prévaloir d'un vice de son consentement ou d'un manquement à une obligation de conseil à son égard, a été expressément donné ; que par conséquent c'est à bon droit que les premiers juges ont débouté M. [S] de sa demande tendant à ce que l'acceptation de son épouse soit déclarée nulle et de nul effet ;

Sur la nullité du cautionnement souscrit par M. [S] et la responsabilité de la banque à son égard :

Considérant qu'en application des articles 564 et 565 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions à peine d'irrecevabilité relevée d'office, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ; qu'en vertu de l'article 567 du même code, les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel à la condition posée par l'article 70 qu'elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ; que l'article 563 quant à lui autorise l'invocation de moyens nouveaux ;

Considérant qu'il résulte du jugement dont appel que devant le tribunal M. [S], défendeur à l'action en paiement introduite par la SG, a conclu au rejet des demandes de la banque en raison de la nullité de son engagement de caution pour disproportion, défaut de signature de l'acte de cautionnement dans les locaux de la banque, et défaut d'information sur la portée de l'acte, et présenté, subsidiairement, une demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts du montant de la somme réclamée fondée sur la responsabilité de la SG ; que ces demandes sont reprises dans des termes identiques devant la cour ; qu'elles sont recevables car elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant, même si M. [S] soutient un moyen nouveau tenant au manquement à l'obligation de mise en garde qui est lui aussi recevable en application de l'article 563 susvisé ;

Considérant que sans invoquer un vice du consentement, M. [S] soutient que le cautionnement serait nul pour avoir été signé sur son lieu de travail et non dans les locaux de la banque et avoir ainsi échappé à la solennité et à la réflexion requises ; que force est de constater que la solennité requise, à savoir la rédaction de la mention manuscrite exigée par l'article L 341-3 du code de la consommation, a été respectée, M. [S] ne contestant pas être le rédacteur de la mention et le signataire de l'acte ; que le cautionnement est régulier ;

Considérant que le banquier n'est tenu d'aucun devoir de conseil à l'égard de la caution ; qu'il est tenu en revanche à l'égard de la caution non avertie d'un devoir de mise en garde à raison de ses capacités financières et des risques d'endettement nés de l'opération cautionnée ; que la sanction d'un manquement du banquier dispensateur de crédit à son obligation de mise en garde réside dans la réparation de la perte de chance pour la caution de ne pas contracter donnant lieu le cas échéant à l'octroi de dommages-intérêts sans priver le banquier de la possibilité de se prévaloir du cautionnement ;

Considérant que M. [S] était associé fondateur de la société Concept café, avec M. [B] et Mme [G] ; que la société Concept café étant en cours d'immatriculation à la date de la signature du contrat de prêt, celui-ci a été signé par les trois associés ; que si le gérant de la société emprunteuse était M. [B], il résulte du curriculum vitae de M. [S], produit par la SG, que ce dernier avait été gérant d'une Sarl Jumbo de 1996 à 1997, puis directeur d'une société spécialisée dans l'alimentation générale de 1997 à 2000, puis gérant d'une société d'habillement de 2000 à 2001, puis gérant de la Sarl Arena exploitant un restaurant de 2002 à 2007 ; que ses fonctions successives ont fait de lui une personne avertie dans les domaines de la gestion et de la restauration ; qu'il n'a pu devenir associé fondateur de la société Concept café, signataire du prêt et du cautionnement accessoire au prêt, sans avoir disposé lui-même de tous les éléments de décision ; qu'il ne démontre pas que la banque avait ou aurait eu sur la situation de la société Concept café des éléments que lui-même aurait ignorés ; que M. [S] étant une caution avertie au moment du cautionnement, peu important qu'il ait cédé ses parts quelques mois plus tard, à l'égard de laquelle la SG n'était débitrice d'aucun devoir de mise en garde ; que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté M. [S] de ses demandes de nullité et de dommages-intérêts ;

Considérant qu'aucune contestation n'est élevée à titre subsidiaire sur le montant de la créance de la SG ; qu'il convient de confirmer la condamnation prononcée contre M. [S] ;

Considérant que l'équité commande de condamner la SG à payer à M. [B] la somme de 2 000 euros et de condamner M. [S] à payer à la SG la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,

Sur l'action de la Société générale en tant que dirigée contre M. [M] [B] :

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 17 janvier 2013 en ce qu'il a condamné M. [M] [B] à payer à la Société générale la somme de 262 050,75 euros augmentés des intérêts au taux conventionnel de 9,98 % à compter du 11 août 2010, avec capitalisation des intérêts pour une année entière, et a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

Dit que la Société Générale ne peut se prévaloir du cautionnement souscrit par M. [M] [B],

Ajoutant au jugement,

Condamne la Société Générale à payer à M. [M] [B] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Société Générale aux dépens de première instance et d'appel relatifs à l'action dirigée contre M. [M] [B] et dit que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par la Selarl Lexavoué Paris-Versailles conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Sur l'action de la Société Générale en tant que dirigée contre M. [F] [S] :

Déclare M. [F] [S] recevable en ses demandes mais l'en déboute,

Confirme le jugement en ce qu'il a condamné M. [F] [S] à payer à la Société générale la somme de 262 050,75 euros augmentés des intérêts au taux conventionnel de 9,98 % à compter du 11 août 2010, avec capitalisation des intérêts pour une année entière, et a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Ajoutant au jugement,

Condamne M. [F] [S] à payer à la Société Générale la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [F] [S] aux dépens de première instance et d'appel relatifs à l'action dirigée contre lui et dit que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par la Scp BLST conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 13/00886
Date de la décision : 12/02/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 13, arrêt n°13/00886 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-02-12;13.00886 ?
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