COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 23A
1re chambre 1re section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 15 JANVIER 2015
R.G. N° 13/06814
AFFAIRE :
[T] [O] [Y]
C/
[L] [D]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Juillet 2013 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
Pôle famille
N° Section : 2 ème
N° RG : 12/12918
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Sami SKANDER, avocat au barreau de VAL D'OISE
SELARL LUDOVIC TARDIVEL CABINET D'AVOCAT, avocat au barreau de VERSAILLES
MP
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE QUINZE JANVIER DEUX MILLE QUINZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [T] [O] [Y]
né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentant : Me Sami SKANDER, avocat postulant et plaidant au barreau du VAL D'OISE, vestiaire : 202
APPELANT
****************
Madame [L] [D]
née le [Date naissance 2] 1981 à [Localité 7] (Corée du Sud)
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentant : Me Ludovic TARDIVEL de la SELARL LUDOVIC TARDIVEL CABINET D'AVOCAT, avocat postulant et plaidant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 539
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/002125 du 17/06/2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)
INTIMEE
En présence du Ministère Public, représenté par Monsieur le Procureur général près la cour d'appel de Versailles, lui-même représenté à l'audience par Mme SCHLANGER, substitut général.
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 novembre 2014 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Odile BLUM Président et Monsieur Dominique PONSOT, conseiller, chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Odile BLUM, Président,
Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller,
Madame Anne BEAUVOIS, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT,
*
Vu le jugement du tribunal de grande instance de NANTERRE du 12 juillet 2013 ayant, notamment :
- rejeté la demande de nullité de mariage,
- rejeté les autres demandes d'[T] [Y],
- rejeté la demande de dommages-intérêts présentée par [L] [D],
- condamné [T] [Y] à verser à [L] [D] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu la déclaration du 5 septembre 2013, par laquelle [T] [Y] a formé à l'encontre de cette décision un appel de portée générale ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 28 mars 2014, aux termes desquelles [T] [Y] demande à la cour de :
- le recevoir en son appel et le déclarer bien fondé,
- infirmer la décision entreprise, et statuant à nouveau :
A titre principal :
- prononcer la nullité du mariage conclu entre Monsieur [Y] et Madame [D] le 22 mai 2009 par devant l'Officier d'Etat Civil de la Mairie de [Localité 4] (92) sur le fondement de l'absence de consentement au mariage ;
A titre subsidiaire :
- prononcer la nullité dudit mariage sur le fondement de l'erreur sur les qualités substantielles de l'épouse ;
En tout état de cause :
- déclarer [L] [D] mal fondée en toutes autres demandes,
- l'en débouter purement et simplement,
- condamner [L] [D] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions du 8 octobre 2014 aux termes desquelles [L] [D] demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [T] [Y] de sa demande de nullité du mariage
En conséquence :
- débouter [T] [Y] de l'ensemble de ses demandes,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive
Statuant à nouveau :
- condamner [T] [Y] à lui régler la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
En tout état de cause :
- le condamner à lui régler la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu l'avis écrit du ministère public du 19 juin 2014, concluant à la confirmation du jugement ;
SUR QUOI, LA COUR
Considérant qu'[T] [Y], de nationalité française, et [L] [D], de nationalité coréenne, ont contracté mariage le [Date mariage 1] 2009 devant l'officier d'état civil de [Localité 4] (92) ; qu'aucun enfant n'est issu de cette union ;
Que par acte du 6 février 2012, [T] [Y] a fait assigner [L] [D] devant le tribunal de grande instance de NANTERRE en nullité du mariage ;
Que par le jugement entrepris, le tribunal de grande instance de NANTERRE a débouté [T] [Y] de ses demandes, et a également rejeté la demande en dommages-intérêts de [L] [D] ;
Sur la loi applicable
Considérant qu'[T] [Y] reproche aux premiers juges d'avoir décidé qu'il ne rapportait pas la preuve du défaut d'intention matrimoniale, alors qu'il leur appartenait de recherche la teneur de la loi coréenne applicable s'agissant de l'appréciation de l'existence d'un tel consentement, sans se contenter de l'article du code civil coréen qui prévoit le cas du nullité du mariage pour défaut de consentement ;
Mais considérant qu'étant rappelé qu'en application de l'article 3 du code civil, les conditions de fond du mariage sont régies par la loi personnelle de chacun des époux, c'est de manière pertinente et suffisante que les premiers juges ont constaté que le code civil coréen prévoit dans la section 3 du chapitre 3 relatif au mariage qu'un mariage est nul et non avenu (...) quand il n'y a eu aucun accord de se marier entre les parties ; qu'à cet égard, [T] [Y] n'allègue ni ne démontre que les premiers juges auraient méconnu le droit coréen, le seul fait de ne pas avoir fait droit à la demande de nullité ne signifiant pas qu'ils n'ont pas appliqué le droit coréen ;
Qu'à cet égard, les éléments produits aux débats, en langue anglaise, par [T] [Y], qui portent sur les formalités préalables à la célébration et les modalités de transcription d'un mariage à l'étranger par un ressortissant coréen, ne révèlent aucune particularité dont il n'aurait été tenu compte concernant les exigences de fond du droit coréen relatives à la réalité du consentement à mariage ;
Qu'en toute hypothèse, il appartient désormais à la cour, par l'effet dévolutif de l'appel, d'apprécier les éléments de la cause au regard du droit applicable ;
Sur la nullité du mariage pour absence d'intention matrimoniale de [L] [D]
Considérant qu'[T] [Y] reproche au jugement de ne pas avoir pris en compte les éléments dont il faisait état pour démontrer que son épouse n'était pas animée d'une intention matrimoniale véritable, mais souhaitait tout d'abord se constituer un patrimoine à ses frais ;
Qu'il soutient que la preuve de cette absence d'intention matrimoniale résulte d'un ensemble d'indices parmi lesquels le fait que [L] [D] ait insisté pour que les époux choisissent le régime légal, qui lui aurait été plus favorable ; qu'il soutient également, que son épouse se serait détournée de lui dès lors que, à la suite d'un accident cardiaque dont il a fait l'objet, il a dû abandonner le projet d'acheter un appartement à [Localité 6] pour opter pour un appartement plus modeste à proximité de son lieu de travail à [Localité 3];
Que, selon lui, les premiers juges n'ont pas tiré les conséquences des justificatifs qu'il produisait aux débats, démontrant qu'il avait offert de nombreux effets personnels coûteux à son épouse ;
Qu'il ajoute que [L] [D] lui a témoigné un désintérêt manifeste lorsque, de retour d'une croisière sur le Nil, il a dû être hospitalisé en urgence ;
Qu'en second lieu, il soutient que [L] [D] l'aurait épousé en vue de régulariser sa situation sur le territoire national ; qu'à l'appui de cette affirmation, il prétend qu'elle aurait quitté le domicile conjugal le 22 juin 2010, dès qu'elle aurait reçu sa carte de séjour ; qu'il produit aux débats la retranscription d'une conversation téléphonique au cours de laquelle [L] [D] lui aurait indiqué 'Et le mariage, on le garde jusqu'à ce que j'obtienne la nationalité, si ça ne te gène pas ' ;
Que sur ce point, il fournit différents indices établissant, selon lui, une concordance entre l'avancement de la procédure administrative d'obtention de son permis de séjour, et son attitude plus ou moins coopérative dans le cadre de la procédure de divorce engagée ;
Qu'en réponse, [L] [D] reconnaît qu'un divorce devrait mettre terme à leur mariage mais soutient qu'il ne saurait y avoir nullité de leur mariage ; qu'elle estime qu'[T] [Y] a multiplié les actes vexatoires à son encontre allant même, par courrier du 17 avril 2011 versé au dossier par le demandeur, informer la préfecture des Hauts-de-Seine qu'elle semblait retarder la procédure de divorce pour obtenir un titre de séjour français ;
Mais considérant qu'[T] [Y] ne démontre pas le défaut d'accord pour se marier exigé du droit coréen pour justifier la nullité du mariage qu'il sollicite ;
Qu'il sera tout d'abord noté que les circonstances de la célébration du mariage ne révèlent pas par elles-mêmes que le mariage serait intervenu dans des conditions suspectes, l'événement ayant, au contraire, associé les familles et, en particulier, motivé le déplacement de la famille de [L] [D] depuis la Corée ; qu'il n'y a, à cet égard, aucune conséquence à tirer du peu d'intérêt qu'aurait manifesté la famille de la mariée à l'égard de celle d'[T] [Y], cette attitude, à la supposer établie, pouvant s'expliquer par des différences culturelles et par l'obstacle de la langue ;
Que les griefs sur lesquels repose la demande en nullité du mariage ne suffisent pas à démontrer l'absence de consentement de [L] [D] au moment de la célébration ; qu'aucune conséquence ne peut être tirée des largesses dont, sur sa demande, [T] [Y] aurait fait bénéficier son épouse, les éléments produits aux débats ne permettant, ni de considérer qu'elles aient dépassé en importance les présents qui sont d'usage dans le cadre d'une relation matrimoniale, ni qu'elles aient été déterminantes du consentement donné par l'intéressée ;
Que, pareillement, le projet d'acquisition d'un appartement à [Localité 6], qui est postérieur d'un an de la célébration du mariage, ne fournit aucun indication concernant la sincérité du consentement donné par [L] [D] ;
Que, de même, le manque d'empathie qu'aurait manifesté [L] [D] lors de l'accident cardiaque dont [T] [Y] a été victime en mai 2010, s'il est susceptible de constituer un manquement aux devoirs et obligations du mariage , ne suffit à démontrer l'absence, un an plus tôt, d'intention matrimoniale de l'épouse ;
Qu'enfin, les démarches accomplies par [L] [D] pour régulariser sa situation postérieurement au mariage ne démontrent nullement l'absence d'intention matrimoniale de l'intéressée ; qu'au contraire, il y a lieu de constater que celle-ci n'a pas poursuivi la vie commune comme il eût été de son intérêt de le faire si le mariage n'avait été motivé que par cette considération, s'exposant ainsi à ce qu'un arrêté l'obligeant à quitter le territoire soit pris à son encontre, ce qui sera effectivement le cas le 9 janvier 2012 ;
Considérant qu'au vu de ce qui précède, [T] [Y] ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, d'une absence d'accord pour se marier au sens de la section 3 du chapitre 3 relatif au mariage du code civil coréen ;
Sur la nullité du mariage pour erreur sur les qualités substantielles
Considérant qu'à titre subsidiaire, [T] [Y] demande la nullité du mariage pour erreur sur les qualités essentielles de son épouse, tenant à l'absence de sincérité des sentiments qu'elle prétendait nourrir à l'égard de son mari ; qu'il cite deux décisions de juridictions françaises selon lesquelles il y a erreur sur les qualités essentielles au sens de l'article 180 du code civil lorsque l'autre époux était dépourvu de la volonté de s'unir effectivement et durablement et d'en assumer les conséquences, et déduit de la brève durée de vie commune, soit un peu plus d'un an, le fait que [L] [D] se soit trouvée dans cette situation ;
Mais considérant que l'examen auquel a procédé la cour des dispositions de la loi coréenne ne révèle pas que l'erreur sur les qualités substantielles constitue une cause de nullité du mariage en droit coréen, à tout le moins dans le sens extensif donné à cette notion par les précédents tirés de la jurisprudence française et cités par [T] [Y] dans ses écritures ;
Qu'il convient de le débouter de sa demande et de confirmer le jugement entrepris ;
Sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive
Considérant que [L] [D] sollicite reconventionnellement l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile ;
Qu'elle estime que la procédure en nullité de mariage engagée à son encontre, fondée sur des allégations non corroborées par des éléments de preuve, est vexatoire en ce qu'elle insinue une attitude vénale de sa part ;
Que cette procédure est d'autant plus abusive, selon elle, qu'[T] [Y] avait par ailleurs introduit un procédure en divorce le 11 février 2011, laquelle a fait l'objet d'une procédure de radiation par ordonnance du 13 novembre 2012, puis d'une autre ordonnance de radiation le 24 juin 2014 ;
Mais considérant que l'action en justice ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière équipollente au dol ou encore de légèreté blâmable ; que ces exigences n'étant pas satisfaites en l'espèce, il convient de débouter [L] [D] de la demande en réparation qu'elle forme à ce titre ;
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Considérant qu'[T] [Y] succombant principalement dans ses prétentions doit supporter les dépens de la procédure d'appel ;
Considérant que l'équité commande d'allouer en cause d'appel à [L] [D] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt CONTRADICTOIRE et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement entrepris ;
CONDAMNE [T] [Y] à payer à [L] [D] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toute autre demande des parties,
CONDAMNE [T] [Y] aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Odile BLUM, Président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,