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11/12/2014 | FRANCE | N°13/01265

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 11 décembre 2014, 13/01265


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 50A



13e chambre



ARRET N°.



CONTRADICTOIRE



DU 11 DECEMBRE 2014



R.G. N° 13/01265





AFFAIRE :





[P] [B]

...



C/



[R] [D] VEUVE [H]











Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 15 Janvier 2013 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE

N° Chambre : 03

N° Section :

N° RG : 11/00675



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 11-12-14



à :



- Me Véronique BUQUET-ROUSSEL,



- Me Philippe ROLLAND,



TC PONTOISE.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE ONZE DECEMBRE DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d'appel de Versaille...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 50A

13e chambre

ARRET N°.

CONTRADICTOIRE

DU 11 DECEMBRE 2014

R.G. N° 13/01265

AFFAIRE :

[P] [B]

...

C/

[R] [D] VEUVE [H]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 15 Janvier 2013 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE

N° Chambre : 03

N° Section :

N° RG : 11/00675

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 11-12-14

à :

- Me Véronique BUQUET-ROUSSEL,

- Me Philippe ROLLAND,

TC PONTOISE.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE DECEMBRE DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

- Monsieur [P] [B]

né le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 6] - ITALIE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

- SARL CHEZ MARIO DA SILVIO Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentés par Maître Véronique BUQUET-ROUSSEL, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 - N° du dossier 8713 et par Maître Etienne. RIONDET, avocat plaidant au barreau de PARIS

APPELANTS

****************

Madame [R] [D] VEUVE [H]

née le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 4] - de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Maître Philippe ROLLAND de la SCP FINKELSTEIN/DAREL/AZOULAY/ROLLAND/CISSE, avocat postulant au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 10 - N° du dossier 2110952 et par Maître HECART Charles, avocat plaidant au barreau de SOISSONS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 Octobre 2014 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente,

Madame Anne BEAUVOIS, Conseiller,

Madame Annie VAISSETTE, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER,

Le 1er octobre 1996, [O] [D] et M. [P] [B] se sont associés et ont

fait l'acquisition des 500 parts sociales composant le capital de la Sarl Chez Mario exploitant un restaurant. [O] [D] en a acquis 375 et M. [B] 125.

Les 18 octobre 2006, 21 juin 2007 et 23 septembre 2008, [O] [D] a cédé à M. [P] [B] en trois fois 126 parts de la société Chez Mario . [O] [D] est décédé le [Date décès 1] 2009, laissant pour lui succéder sa fille, Mme [R] [D].

Prétendant que ces parts, acquises par [O] [D] pendant son mariage passé sans contrat le 31 août 1957 avec [C] [W] pré-décédée le [Date décès 2] 1997, dépendaient pour partie de la succession de cette dernière dont elle était l'héritière, Mme [R] [D] a contesté la régularité des cessions passées par son père sans son consentement. Elle a saisi le tribunal de commerce de Pontoise d'une action en annulation des cessions litigieuses.

Par jugement en date du 15 janvier 2013, le tribunal de commerce de Pontoise a :

- Vu l'article 815-3 du code civil,

- ordonné la résolution de la vente de parts sociales en date du 18 octobre 2006 numérotées de 336 à 375,

- ordonné la résolution de la vente de parts sociales en date du 21 juin 2007 numérotées de 238 à 295,

- ordonné la résolution de la vente de parts sociales en date du 23 septembre 2008 numérotées de 210 à 237,

- ordonné la restitution par Mme [D] à M. [B] des sommes reconnues et payées par M. [B] à [O] [D] d'un montant de 13 200 €uros et de 19 140 €uros,

- condamné M. [B] à payer à Mme [D] la quote-part des bénéfices de la société Chez Mario attachés aux parts sociales numérotées de 210 à 237 à compter du 23 septembre 2008 et jusqu'à la signification du jugement,

- condamné M. [B] à payer à Mme [D] la quote-part des bénéfices de la société Chez Mario attachés aux parts sociales numérotées de 238 à 295 à compter du 21 juin 2007 et jusqu'à la signification du jugement,

- condamné M. [B] à payer à Mme [D] la quote-part des bénéfices de la société Chez Mario attachés aux parts sociales numérotées de 336 à 375 à compter du 18 octobre 2006 et jusqu'à la signification du jugement,

- déclaré M. [B] mal fondé en toutes ses demandes et l'en a débouté,

- déclaré Mme [D] mal fondée en sa demande en paiement de dommages-intérêts et l'en a déboutée,

- déclarée Mme [D] mal fondée en sa demande de publication du jugement et l'en a déboutée,

- condamné M. [B] à tous les frais y compris fiscaux inhérents à la restitution des parts sociales numérotées de 210 à237, 238 à 295 et 336 à 375,

- dit que le jugement est commun et opposable à la société Chez Mario,

- condamné M. [B] à payer à Mme [D] la somme de 2 000 €uros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclaré M. [B] mal fondé en sa demande en paiement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et l'en a débouté,

- condamné M. [B] aux dépens de l'instance ainsi qu'aux frais d'acte et de procédure d'exécution s'il y a lieu,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement .

M. [B] et la société Chez Mario ont fait appel du jugement.

Aux termes de leurs conclusions signifiées le 28 août 2014, M. [B] et la société Chez Mario demandent à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Pontoise en date du 15 janvier 2013,

- débouter purement et simplement Mme [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- juger les cessions intervenues valables,

- condamner Mme [D] à la somme de 30.000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l'article 1382 du code civil,

- condamner Mme [D] au paiement de la somme de 7.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Véronique BUQUET-ROUSSEL, Avocat, application de l'article 699 du code de procédure civile.

Ils soutiennent les moyens d'appel suivants :

- il résulte de l'article 1832-2 du code civil que, même dans le cadre du régime de la communauté, seul l'époux apporteur ou acquéreur des parts sociales a la qualité d'associé sauf en cas de notification par l'autre époux de sa volonté d'être personnellement associé ; [C] [W] n'a jamais notifié une telle intention de sorte qu'elle n'a jamais bénéficié de la qualité d'associée de la société Chez Mario ; dans ces conditions les parts ne sont entrées dans la communauté que pour leur valeur patrimoniale et [O] [D] pouvait les transmettre sans recueillir l'accord de sa fille Mme [D] ; après le décès de sa mère, Mme [D] ne pouvait prétendre à l'égard de la succession qu'à une créance représentant la moitié de la valeur patrimoniale des parts sociales ; aujourd'hui en sa qualité d'héritière unique de [O] [D], Mme [D] n'a plus de créance à faire valoir contre la succession de [C] [W] ; Mme [D] n'a aucun droit sur les titres qui ne sauraient constituer des biens indivis ; l'article 815-3 du code civil n'a aucune vocation à s'appliquer en l'espèce;

- à titre subsidiaire, à supposer que les parts sociales étaient soumises au régime de l'indivision entre [O] [D] et sa fille, la cession d'un bien indivis par un seul indivisaire est valable pour la portion indivise qui lui appartient et opposable aux autres indivisaires à concurrence de la quote-part de son auteur ; dans ces conditions, les parts cédées par [O] [D] l'ont été de façon régulière, le nombre des parts cédées entrant dans la quote-part lui revenant ;

- concernant la cession du 23 septembre 2008, le prix a été payé par le remise d'un chèque à [O] [D] ; M. [B] ne peut être tenu pour responsable du fait que [O] [D] ne l'a pas encaissé ; ce dernier n'a d'ailleurs jamais réclamé le paiement ;

- les facultés mentales de [O] [D] n'étaient pas altérées au moment de la cession du 23 septembre 2008 même s'il venait de subir, le 8 septembre, une intervention chirurgicale sous anesthésie générale ; deux expertises, l'une du docteur [M], l'autre du docteur [G], réalisées sur pièces ont conclu à l'absence de troubles neurologiques ayant pu altérer son jugement ; il a pu fournir un consentement libre et éclairé ;

- [O] [D] n'a jamais eu de troubles psychiatriques ; aucune preuve d'un prétendu trouble mental ne résulte de l'acte de cession lui-même passé le 23 septembre 2008 comme l'exige l'article 414-2 du code civil ; aucun des différents griefs intrinsèques soulevés par Mme [D], comme l'indication dans l'acte que les parts sociales sont des biens propres, la stipulation finale du lieu de conclusion de la cession à [Localité 5] alors que [O] [D] était à [Localité 3], la date manuscrite, la signature dont l'authenticité a été confirmée par une expertise et la mention relative à la bonne et valable quittance du prix, ne démontrent l'insanité d'esprit de [O] [D] ;

- l'expertise comptable versée aux débats par Mme [D] est contestée tant dans sa forme que sur le fond ; l'évaluation des parts est exorbitante et sans commune mesure avec la réalité économique ; les parts ont été évaluées à la même somme que dans le cadre des deux donations contemporaines dont a bénéficié Mme [D] de la part de son père ; le prix de 330 €uros ne constitue en rien une preuve d'un trouble mental de [O] [D] sauf à considérer qu'il était atteint d'un tel trouble de 2006 à son décès en 2009 et que c'est aussi sous l'empire de ce trouble qu'il a consenti deux donations à sa fille et une cession de parts le 21 octobre 2008.

Par ses dernières conclusions du 12 septembre 2014, Mme [D] demande à la cour de :

- Vu l'article 815-3 du code civil :

- ordonner l'annulation de la cession de parts sociales de la SARL Chez Mario, en date du 18 octobre 2006, numérotées de 336 à 375,

- ordonner l'annulation de la cession de parts sociales de la SARL Chez Mario, en date du 21 juin 2007, numérotées de 238 à 295,

- ordonner l'annulation de la cession de parts sociales de la SARL Chez Mario, en date du 23 septembre 2008, numérotées de 210 à 237 ;

- Vu les articles 1184 et 1654 du Code civil :

- ordonner la résolution de la cession de parts sociales de la SARL Chez Mario, en date du 23 septembre 2008, numérotées de 210 à 237, à titre subsidiaire, au cas où l'annulation de cette cession ne serait pas ordonnée ;

- Vu l'article 1109 du Code civil :

- ordonner l'annulation de la cession de parts sociales de la SARL Chez Mario, en date du 23 septembre 2008, numérotées de 210 à 237 ;

- Vu l'article 414-2 du Code civil :

- ordonner l'annulation de la cession de parts sociales de la SARL Chez Mario, en date du 23 septembre 2008, numérotées de 210 à 237 ;

- Vu l'article 1116 du Code civil :

- ordonner l'annulation de la cession de parts sociales de la SARL Chez Mario, en date du 18 octobre 2006, numérotées de 336 à 375,

- ordonner l'annulation de la cession de parts sociales de la SARL Chez Mario, en date du 21 juin 2007, numérotées de 238 à 295,

- ordonner l'annulation de la cession de parts sociales de la SARL Chez Mario, en date du 23 septembre 2008, numérotées de 210 à 237 ;

- Vu les articles 1131 et 1591 du Code civil :

- ordonner l'annulation de la cession de parts sociales de la SARL Chez Mario, en date du 18 octobre 2006, numérotées de 336 à 375,

- ordonner l'annulation de la cession de parts sociales de la SARL Chez Mario, en date du 23 septembre 2008, numérotées de 210 à 237 ;

- par conséquent :

- sur la cession du 18 octobre 2006 :

- ordonner la restitution à M. [B] des sommes reconnues et payées par celui-ci à [O] [D], d'un montant de 13.120 €uros pour la cession de parts sociales du 18 octobre 2006,

- condamner M. [B] à lui restituer la quote-part des bénéfices de la SARL Chez Mario attachée aux parts sociales numérotées de 336 à 375 à compter du 18 octobre 2006 et jusqu'à la signification du présent arrêt,

- sur la cession du 21 juin 2007 :

- ordonner la restitution à M. [B] des sommes reconnues et payées par celui-ci à [O] [D], d'un montant de 19.140 €uros pour la cession de parts sociales du 21 juin 2007,

- condamner M. [B] à lui restituer la quote-part des bénéfices de la SARL Chez Mario attachée aux parts sociales numérotées de 238 à 295 à compter du 21 juin 2007 et jusqu'à la signification du présent arrêt,

- sur la cession du 23 septembre 2008 :

- constater que le prix de cession n'a jamais été payé par M. [B] (cessionnaire) à [O] [D] (cédant),

- condamner M. [B] à lui restituer la quote-part des bénéfices de la SARL Chez Mario attachée aux parts sociales numérotées de 210 à 237 à compter du 23 septembre 2008 et jusqu'à la signification du présent arrêt,

- en tout état de cause :

- condamner M. [B] à lui payer la somme de 30.000 €uros au titre du préjudice moral subi pour dol,

- condamner M. [B] à lui payer la somme de 13.156 €uros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [B] aux entiers dépens, dont distraction est requise au profit de la SCP Finkelstein Darel Azoulay Rolland, avocat aux offres de droit,

- dire l'arrêt commun et opposable à la SARL Chez Mario,

- ordonner la publication de l'arrêt.

Mme [D] soutient que :

- les trois cessions litigieuses ont eu lieu en période d'indivision post communautaire qui comprenait les 375 parts de la société Chez Mario ; l'article 1870-1 du code civil est spécifique aux sociétés civiles et dérogatoire, il n'est pas transposable aux sociétés à responsabilité limitée comme la société Chez Mario ; la distinction du titre et de la finance n'intéresse que les règles de propriété et non les règles de pouvoir ; ce n'est pas parce que l'on est associé et que la distinction du titre et de la finance permet, à l'issue du partage, de se voir alloti des parts dépendant de l'indivision, que l'on a pour autant le pouvoir de consentir seul à la cession de ces parts ; en période de communauté, ce sont les articles 1424 et 1427 du code civil qui viennent exiger le consentement de l'autre conjoint non associé et en période d'indivision post communautaire, c'est l'article 815-3 du code civil qui vient exiger le consentement de l'autre co-indivisaire ;

- l'inopposabilité de la cession qui n'a pas été faite du consentement de tous les indivisaires est la sanction provisoire dans l'attente du partage ; en l'espèce, il ne peut y avoir de partage, Mme [D] étant seule héritière ; les trois cessions doivent donc recevoir leur sanction définitive, qui est la nullité ;

- quoi qu'il en soit, la dernière cession du 23 septembre 2008 n'entrerait pas dans la quote-part indivise revenant à [O] [D] puisqu'à cette date, il avait déjà transmis plus de la moitié des 375 parts lui appartenant à raison de 151 à sa fille et de 98 à M. [B] ;

- à défaut d'annulation, la cession de contrôle du 23 septembre 2008 peut être résolue pour inexécution en raison du défaut de paiement du prix par le cessionnaire ; la preuve du paiement du prix par la remise d'un chèque qui n'a pas été débité du compte de M. [B] comme celui-ci l'a reconnu devant le premier juge ne saurait résulter de la production d'un talon de chèque ;

- la nullité de la cession de contrôle du 23 septembre 2008 peut être prononcée pour absence de consentement de [O] [D] ; à cette date, il était hospitalisé après avoir reçu vingt quatre heures auparavant une anesthésie générale pour une reprise chirurgicale et n'est jamais rentré à son domicile après cette date ; son affaiblissement est corroboré par le certificat médical du docteur [Y], le compte rendu opératoire, son dossier d'hospitalisation, l'évaluation du docteur [A], un compte rendu d'hospitalisation à [1], etc...; les expertises produites par M. [B] sont contraires à la réalité des faits ;

- la cession de contrôle du 23 septembre 2008 est nulle pour trouble mental révélé par l'acte; cet acte est rédigé comme les deux précédents alors qu'il avait de tous autres effets ; certaines mentions ou stipulations comme la clause stipulant que le prix a été payé comptant alors qu'il n'en est rien, le prix dérisoire, l'indication du lieu de signature à 85 km du lieu d'hospitalisation de [O] [D], la mention de l'établissement de 7 exemplaires originaux alors qu'un nombre réduit a été présenté au cédant, l'automatisme de la signature qui n'a pas joué sur l'acte déposé à la recette des impôts, démontrent que l'acte porte en lui-même la preuve du trouble mental ;

- les trois cessions peuvent être annulées pour dol, M. [B] ayant manoeuvré pour arracher le consentement de [O] [D] à l'acte du 23 septembre 2008 en profitant de son état de santé critique , tout comme le 21 juin 2007 à une date où [O] [D] était hospitalisé à Arpajon en le trompant sur le véritable montant des dividendes qui seraient distribués en 2007 pour le pousser à vendre les parts afin de financer le remboursement du prêt destiné à financer l'acquisition d'un bien immobilier par la Sci Le Champtier , tout comme le 18 octobre 2006 en le persuadant que son petit-fils n'était pas digne de s'occuper des dossiers de la société Chez Mario pour l'isoler et mieux le circonvenir et en profitant de sa grande fragilité psychologique, son déclin médical ayant débuté au moins à partir de janvier 2006; la tendance naturelle de [O] [D] était pourtant de ne pas se séparer de ses biens même à des conditions avantageuses ;

- la conclusion des deux donations et la cession des parts en sa faveur respectivement les 5 décembre 2006, 8 août 2007 et 21 octobre 2008, destinée à purger tous les vices atteignant les cessions litigieuses, constitue en elle-même une manoeuvre supplémentaire pour créer l'illusion que [O] [D] était insusceptible d'être trompé ;

- les cessions du 18 octobre 2006 et du 23 septembre 2008peuvent être annulées pour absence de cause et vileté du prix ; le prix stipulé dans l'acte de cession du 18 octobre 2006 de 330 €uros par part est inférieur au revenu annuel des parts cédées, le dividende potentiellement distribuable pour 2006 s'élevant à 346 €uros par part ; l'acte comporte une clause selon laquelle le cessionnaire aura seul droit à tous les dividendes mis en distribution sur ces parts après la date de cession sans prorata ; l'expertise comptable des parts cédées le 23 septembre 2008que le prix de vente représente uniquement 2,40% de la valeur vénale ;

SUR CE

Sur les demandes de Mme [D] fondées sur les dispositions de l'article 815-3 du code civil :

Considérant que Mme [D] se prévaut de l'article 815-3, alinéa 3, du code civil qui dispose que le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que pour payer les dettes et charges de l'indivision ;

Considérant que [O] [D] et [C] [W] se sont mariés sans contrat le 31 août 1957 de sorte que leur régime matrimonial était la communauté de meubles et acquêts, obéissant depuis le 1er juillet 1986 par application de l'article 58, alinéa 2, de la loi du 23 décembre 1985 aux règles applicables au régime de la communauté conventionnelle de meubles et acquêts des articles 1498 à 1501 du code civil ; que selon l'article 1498 l'actif commun comprend notamment les biens qui en feraient partie sous le régime de la communauté légale, soit en vertu de l'article 1401, les acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage ;

Considérant que dès lors que [O] [D] s'est vu attribuer personnellement les 375 parts acquises dans le capital de la Sarl qu'il a constituée avec M. [B], sans qu'il soit démontré que ces parts sociales avaient été acquises au moyen de biens communs et que [C] [W] ait notifié à la société son intention d'être personnellement associée en application de l'article 1832-2, alinéa 3, du code civil pour acquérir ainsi la qualité d'associée pour la moitié des parts acquises, les parts litigieuses ne peuvent être qualifiées de biens communs aux époux [D]/[W] ;

Considérant que même à retenir que les parts sociales de la Sarl Chez Marion étaient des biens communs, seule la valeur patrimoniale de ces parts est entrée en communauté ; que même à retenir que [C] [W] avait la qualité d'associée, cette qualité n'est pas tombée dans l'indivision successorale à son décès, qui n'a recueilli que la valeur des parts; qu'il en résulte que dans tous les cas, [O] [D] pouvait disposer seul des parts sociales après le décès de [C] [W] et les céder sans recueillir l'accord de sa co-indivisaire, Mme [D] ; que les demandes de Mme [D] fondées sur les dispositions de l'article 815-3 du code civil doivent être rejetées ;

Sur la demande de résolution de la cession du 23 septembre 2008 pour défaut de paiement du prix :

Considérant que l'article 1654 du code civil autorise le vendeur à demander la résolution de la vente si l'acheteur ne paye pas le prix ;

Considérant que l'acte du 23 septembre 2008 mentionne expressément que la cession est consentie et acceptée moyennant le prix de 330 €uros par part soit au total 9 240 €uros pour les 28 parts cédées, 'laquelle somme a été payée comptant par M. [B] que le cédant reconnaît avoir reçue du cessionnaire pour le montant indiqué ci-dessus et lui en donne bonne et valable quittance' ;

Considérant qu'il appartient à celui qui a donné quittance de prouver qu'il n'a pas été payé ; que le défaut de paiement est acquis aux débats puisque M. [B] prétend qu'il a remis un chèque à [O] [D] dont il produit le talon mais reconnaît que le montant de ce chèque n'a jamais été débité de son compte; que la remise d'un chèque ne valant paiement qu'en cas d'encaissement, il faut retenir, à supposer que le chèque ait été remis, que le prix n'a pas été payé ;

Considérant que M. [B] offre de remettre un nouveau chèque du même montant; que cette offre, non assortie d'exécution, formulée pour la première fois à l'occasion du présent litige, alors qu'il résulte des stipulations contractuelles et de la quittance donnée par [O] [D] à M. [B] que les parties étaient convenues d'un paiement immédiat, ne saurait faire échec à la résolution de la cession ;

Considérant que Mme [D] est en conséquence fondée à obtenir la résolution de la cession litigieuse ; que la résolution doit entraîner une remise des parties en l'état où elles se seraient trouvées si la cession n'avait pas eu lieu ; qu'ainsi Mme [D] est fondée à obtenir la restitution par M. [B] des parts avec toutes les prérogatives qui y sont attachées, étant précisé que l'article 11-2 des statuts permet, en cas de décès d'un associé, la dévolution des parts sans soumission à un agrément des autres associés si elle bénéficie comme en l'espèce à une personne déjà associée, et de la quote-part des bénéfices distribués attachés aux parts sociales numérotées de 210 à 237 à compter du 23 septembre 2008 et jusqu'à la signification de l'arrêt ;

Considérant que la résolution de la cession du 23 septembre 2008 rend sans objet les demandes d'annulation de cette cession pour vice du consentement ou pour insanité d'esprit ou encore pour absence de cause dont les conséquences, à supposer ces demandes fondées, seraient identiques ;

Sur la demande d'annulation des cessions des 18 octobre 2006 et 21 juin 2007 pour dol :

Considérant qu'en application de l'article 1116 du code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par une partie sont telles qu'il est évident que sans ces manoeuvres l'autre partie n'aurait pas contracté ; que le dol ne se présume pas et doit être prouvé ;

Considérant que le fait que [O] [D] était au moment de la deuxième cession, le 21 juin 2007, affaibli par des problèmes de santé ayant provoqué une hospitalisation et préoccupé par son admission envisagée en maison de retraite est sans lien avec une quelconque manoeuvre, par action ou par omission, de la part de M. [B] sauf à démontrer, ce que ne fait pas Mme [D], qu'il aurait profité de ce contexte pour circonvenir son père ; qu'en effet, une simple coïncidence de date ne suffit pas à démontrer que la période a été spécialement choisie pour influencer un homme en état de faiblesse ; que cet état de faiblesse est au demeurant contesté, des certificats médicaux versés aux débats apportant des conclusions contradictoires sur la capacité de [O] [D] à user de ses facultés intellectuelles ;

Considérant que si M. [B] a procédé à une distribution de bénéfices les 18 et 19 mars 2007 en deux fois à concurrence de 15 000 €uros la première fois et de 79 000 €uros la seconde fois, et s'il a remis le premier chèque à [O] [D] et déposé lui-même le second chèque de 79 000 €uros sur le compte postal de [O] [D] dans une agence près de son domicile, il n'est nullement démontré que cette façon de faire pour aussi inhabituelle qu'elle fût soit assimilable à une 'mise en scène' imaginée par M. [B] à l'insu de [O] [D] destinée à lui faire accroire que les bénéfices distribués seraient très inférieurs à ses prévisions et à ceux de l'année précédente, alors qu'il avait accès aux comptes de l'entreprise, et à le décider comme le soutient Mme [D] à céder ses parts sociales à M. [B] pour disposer de la trésorerie suffisante pour rembourser les charges d'une Sci dont il était associé et qui venait d'emprunter des fonds ; qu'aucun lien n'est établi entre ces événements qui se sont déroulés en mars 2007 et la cession du 21 juin 2007 d'autant plus qu'il résulte des écritures de Mme [D] que son père vivait à son domicile avant son hospitalisation le 22 mai 2007 et qu'il n'est pas allégué qu'avant cette hospitalisation, il ne pouvait pas suivre les mouvements de sa trésorerie et surveiller ses comptes bancaires ; que la demande d'annulation de la cession du 21 juin 2007 sera rejetée ;

Considérant s'agissant de la cession 18 octobre 2006 qu'il n'est démontré par aucun élément que, comme l'affirme Mme [D], M. [B] a manoeuvré pour persuader [O] [D] que son petit-fils, M. [S] [H], était inapte à travailler dans la société Chez Mario, a créé un climat artificiellement conflictuel pour obtenir son départ de l'entreprise en 2005 mais aussi a été à l'origine de sa rupture affective avec son grand-père, le tout dans le but d'isoler [O] [D] de l'influence d'un jeune homme débutant dans la vie professionnelle étudiant de première année de capacité en droit, décrit par plusieurs témoins dont les attestations sont versées aux débats comme une personne qui était en conflit avec tout le monde, se disputait toujours avec quelqu'un (attestation de Mme [T]), prenait la caisse du restaurant pour son argent de poche (attestation de M. [I]), se bagarrait avec le personnel (attestation de [V]) ; qu'aucune preuve n'est encore apportée de ce que sans la rupture avec ce petit-fils, [O] [D] n'aurait pas cédé les parts sociales à M. [B] qui était l'animateur de la société depuis sa création et qui d'après les mêmes témoins avaient toute la confiance de [O] [D] ;

Considérant que la même observation doit être faite sur le caractère non probant de l'état de santé de [O] [D] en octobre 2006, le certificat médical produit par Mme [D] datant du 31 janvier 2007 et étant impropre à démontrer que M. [B] aurait profité d'un état de faiblesse persistant ;

Considérant que les incidents liés à la vie sociale courant 2007 évoqués par Mme [D] n'ont aucun rapport avec la commission de manoeuvres dolosives de la part de M. [B] à l'égard de [O] [D] et ce d'autant plus que depuis la première donation dont elle a bénéficié le 5 décembre 2006, Mme [D] était elle-même associée de la société Chez Mario et avait à ce titre la possibilité d'agir en cas de dysfonctionnements mettant en péril la société ; qu'elle ne peut être suivie lorsqu'elle parle de l'isolement de [O] [D] et de la mise à l'écart de sa famille lorsque l'on sait qu'elle a bénéficié de la part de son père de deux donations de parts sociales les 5 décembre 2006 et 8 août 2007 et d'une cession le 21 octobre 2008 et qu'elle était titulaire d'une procuration sur l'ensemble de ses comptes bancaires depuis le 28 octobre 2008 ;

Considérant que la preuve d'un dol n'étant pas apportée pour les actes de cessions des 21 juin 2007 et 18 octobre 2006, il convient de rejeter la demande d'annulation présentée sur ce fondement ainsi que la demande de dommages-intérêts destinés à réparer 'le préjudice moral subi pour dol' ;

Sur la demande d'annulation de la cession du 18 octobre 2006 pour absence de cause et vileté du prix :

Considérant que les parts sociales vendues le 18 octobre 2006 ont été cédées moyennant le prix de 330 €uros par part ; qu'il résulte du propre rapport sur l'évaluation des parts produit par Mme [D] en date du 30 septembre 2011 émanant d'une société d'expertise comptable que pour l'année 2006, la société pouvait potentiellement distribuer 346 €uros par part au titre des seuls bénéfices comptables nets ; que la proximité entre ces deux chiffres, et le fait que la donation du 5 décembre 2006 évalue aussi à 330 €uros par part la valeur des biens donnés, interdit de considérer que le prix de la cession du 18 octobre 2006 était dérisoire et justifierait une annulation de la cession, l'absence d'attribution au cédant prorata temporis des bénéfices mis en distribution au titre de ces parts ne constituant pas une anomalie ou une irrégularité ;

Considérant que Mme [D] ne rapporte la preuve d'aucun préjudice devant être spécialement réparé ; qu'il en va de même pour M. [B] qui sera débouté de sa demande de condamnation de Mme [D] à lui payer des dommages-intérêts pour résistance abusive;

Considérant que le jugement sera confirmé en ses dispositions non critiquées et en ce qu'il a prononcé la résolution de la cession du 23 septembre 2008, l'infirmera pour le surplus et, statuant à nouveau, ordonnera la restitution par M. [B] à Mme [D] des parts numérotées de 210 à 237, la restitution des bénéfices distribués attachés à ces parts à compter du 23 septembre 2008 et jusqu'à la signification du présent arrêt, et déboutera les parties de toutes leurs autres demandes ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Pontoise en date du 15 janvier 2013 en ce qu'il a :

- ordonné la résolution de la vente de parts sociales en date du 23 septembre 2008 numérotées de 210 à 237,

- déclaré M. [B] mal fondé en toutes ses demandes et l'en a débouté,

- déclaré Mme [D] mal fondée en sa demande en paiement de dommages-intérêts et l'en a déboutée,

- déclarée Mme [D] mal fondée en sa demande de publication du jugement et l'en a déboutée,

- condamné M. [B] à tous les frais y compris fiscaux inhérents à la restitution des parts sociales numérotées de 210 à 237,

- dit que le jugement est opposable à la société Chez Mario,

- condamné M. [B] à payer à Mme [D] la somme de 2 000 €uros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclaré M. [B] mal fondé en sa demande en paiement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et l'en a débouté,

- condamné M. [B] aux dépens de l'instance.

Infirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Ordonne la restitution par M. [P] [B] à Mme [R] [D] des parts de la société Chez Mario numérotées de 210 à 237,

Ordonne la restitution par M. [P] [B] à Mme [R] [D] des bénéfices distribués attachés aux parts numérotées de 210 à 237 entre le 23 septembre 2008 et la signification du présent arrêt,

Déboute Mme [R] [D] de ses demandes d'annulation des cessions intervenues les 18 octobre 2006, 21 juin 2007 et 23 septembre 2008,

Déboute les parties de leurs demandes de dommages-intérêts et de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Fait masse des dépens d'appel et dit qu'ils seront supportés pour moitié par M. [P] [B] et la société Chez Mario d'une part et pour moitié par Mme [R] [D] d'autre part,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 13/01265
Date de la décision : 11/12/2014

Références :

Cour d'appel de Versailles 13, arrêt n°13/01265 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-12-11;13.01265 ?
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