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18/09/2014 | FRANCE | N°13/01408

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 18 septembre 2014, 13/01408


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 59A



13e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 18 SEPTEMBRE 2014



R.G. N° 13/01408





AFFAIRE :



SARL PANOPTIC agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



C/



SAS LYNX OPTIQUE





[C] [U] [C], pris en sa qualité de mandataire judiciaire

...





Décision déférée à la cour : Arrêt

rendu le 11 Décembre 2012 par le Cour de Cassation de PARIS

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 11/20/390



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 18.09.14



à :



Me Martine DUPUIS ,



Me Franck LAFON,



TC de NANTE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 59A

13e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 18 SEPTEMBRE 2014

R.G. N° 13/01408

AFFAIRE :

SARL PANOPTIC agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

C/

SAS LYNX OPTIQUE

[C] [U] [C], pris en sa qualité de mandataire judiciaire

...

Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 11 Décembre 2012 par le Cour de Cassation de PARIS

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 11/20/390

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 18.09.14

à :

Me Martine DUPUIS ,

Me Franck LAFON,

TC de NANTERRE,

CA VERSAILLES

12e Chambre,

C.CASSATION

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE DIX HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 11.12.2012 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de VERSAILLES 12e B le 07.04.2011

SARL PANOPTIC agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

Représenté(e) par Maître Martine DUPUIS de la SCP LISSARRAGUE DUPUIS & ASSOCIES, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1351382 et par Maître M.BEN SOUSSEN, avocat plaidant au barreau de PARIS

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

SAS LYNX OPTIQUE Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliiés en cette qualité de droit audit siège.

[Adresse 3]

Représenté(e) par Maître Franck LAFON, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20130116 et par Maître C.WARIN, avocat plaidant au barreau de PARIS

****************

- Maître [C] [U] [C], pris en sa qualité de mandataire judiciaire

[Adresse 2]

- Maître [S] [L], commissaire à l'exécution du plan

[Adresse 1]

Représenté(e) par Maître DUPUIS de la SCP LISSARRAGUE DUPUIS & ASSOCIES, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1351382 et par Maître M.BEN SOUSSEN, avocat plaidant au barreau de PARIS

PARTIES INTERVENANTES

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 Mai 2014 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Annie VAISSETTE, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente,

MadameMarie-Claude CALOT, Conseiller,

Madame Annie VAISSETTE, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER,

La société Lynx optique, spécialisée dans l'optique, (le franchiseur) a conclu avec la société Panoptic (le franchisé) un premier contrat de franchise en 2000, un deuxième le 14 mars 2002 pour une durée de sept ans et un troisième le 1er octobre 2006 avec effet au 21 mars 2004.

En sa qualité de franchiseur, elle réglait directement les fournisseurs référencés auprès desquels son franchisé s'approvisionnait.

Ce mécanisme de ducroire devait permettre au franchiseur d'obtenir des conditions plus avantageuses que celles que ses franchisés auraient pu obtenir s'ils traitaient directement et isolément avec les fournisseurs.

Le 10 mars 2009, le franchisé a assigné le franchiseur pour obtenir la résiliation du contrat de franchise et sa condamnation à lui verser des dommages-intérêts. A titre reconventionnel, le franchiseur a sollicité sa condamnation au paiement des factures arriérées au titre des relevés de franchise.

Par jugement en date du 19 janvier 2010, le tribunal de commerce de Nanterre a débouté le franchisé de ses demandes, l'a condamné à payer au franchiseur 228 830,14 euros, avec exécution provisoire, une somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

La société Panoptic a relevé appel de ce jugement et, en cours d'instance, elle a été mise en redressement judiciaire, par jugement du tribunal de commerce de Chartres du 10 février 2010. La société Lynx optique a déclaré sa créance le 15 mars 2010 pour un montant de 293 628,65 euros. Le plan de continuation de la société Panoptic a été arrêté par jugement du 6 avril 2011.

Par arrêt du 7 avril 2011, la cour d'appel de Versailles a infirmé le jugement, condamné Lynx optique à payer à Panoptic la somme de 110 000 euros , fixé la créance de Lynx optique au passif de Panoptic à la somme de 100 000 euros et condamné le franchiseur à payer au franchisé 110 000 euros et condamné le franchisé à payer au franchiseur 300 euros.

Cet arrêt a été cassé en toutes ses dispositions par la chambre commerciale de la Cour de cassation par un arrêt du 11 décembre 2012 (n° 11-20.390) qui a renvoyé l'affaire devant la même cour autrement composée .

Pour annuler l'arrêt, la Cour de cassation a retenu :

Vu les articles 1134 et 1147 du code civil ;

Attendu que pour condamner le franchiseur à payer au franchisé la somme de 110 000 euros et fixer sa créance au passif du franchisé à la somme de 100 000 euros seulement, l'arrêt retient que le franchiseur ne s'est pas prévalu et n'a pas respecté les strictes conditions et notamment la mise en demeure préalable que le contrat stipulait, de sorte qu'il a décidé de façon arbitraire de ne plus exécuter ses engagements de ducroire, cette faute justifiant à elle seule la demande du franchisé de diminution correspondante des redevances dues au franchiseur ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la lettre du 20 juin 2008 ne constituait pas la mise en demeure prescrite par l'article 5-3 du contrat de franchise prévoyant la suspension de l'obligation de ducroire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

Devant la cour de renvoi, la société Panoptic, par dernières conclusions signifiées le 14 mai 2014, demande de :

-infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

-constater que la déclaration de créance de la société Lynx optique ne prouve pas sa créance et rejeter sa demande tendant à voir fixer sa créance au passif de la société Panoptic pour la somme de 293 628, 48 euros,

-condamner la société Lynx optique à payer à la société Panoptic la somme de 70 000 euros sauf à parfaire au titre des redevances versées sans contrepartie,

-condamner la société Lynx optique à verser à la société Panoptic une somme de 200 000 euros à titre de dommages-intérêts,

-débouter Lynx optique de l'ensemble de ses demandes,

-condamner la société Lynx optique à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La société Panoptic fait valoir en substance :

-que malgré deux renouvellements du contrat de franchise, Lynx optique n'a jamais remis la moindre information précontractuelle à Panoptic qui n'a pu apprécier la rentabilité du fonds,

-qu'en outre, Lynx optique a manqué à la plupart des obligations essentielles lui incombant,

-que malgré les lourdes redevances versées par le franchisé, elle n'a mené aucune campagne de publicité nationale contrairement aux prévisions de l'article 6-2 du contrat, de sorte que le franchisé n'a pu bénéficier de la forte notoriété de l'enseigne attendue,

-que l'article 3 du contrat met à la charge du franchiseur une obligation d'assistance commerciale et d'appui permanent ainsi que d'information sur le réseau, ses actions publicitaires et ses produits dont la société Panoptic non dotée du logiciel LG3 n'a pu bénéficier,

-que le coût prohibitif du logiciel précité l'a rendu inaccessible à la société Panoptic,

-que malgré ses importantes difficultés, elle n'a pas reçu l'appui de son franchiseur qui s'est borné à soutenir abusivement l'encours des redevances et dont les tarifs pratiqués par la centrale d'achat n'étaient pas compétitifs,

-que Lynx optique l'a évincée en la privant du système ducroire et en lui refusant l'accès à la réorganisation en coopérative du réseau en 2009,

-qu'à supposer même que la lettre du 20 juin 2008 constitue la mise en demeure exigée par le contrat, la dénonciation de l'engagement ducroire reste abusive, les lettres des 20 juin et 17 juillet 2008 étant contradictoires, la première visant une suppression du ducroire tandis que la seconde notifie sa suspension, de sorte qu'il n'y a pas eu en réalité de mise en demeure ; qu'en outre, l'arriéré de redevances était largement dû aux carences du franchiseur et que Lynx optique a mis en oeuvre la suspension du paiement ducroire de manière très brutale,

-que ces manquements lui ont causé de lourds préjudices justifiant la mise en oeuvre de la responsabilité du franchiseur,

-que Panoptic a ainsi versé près de 200 000 euros en exécution du contrat sans bénéficier réellement des services prévus en contrepartie, que le préjudice de ce chef peut être évalué 70 000 euros,

-que les lourdes pertes enregistrées par Panoptic d'un total de 426 271 euros entre 2003 et 2009 procèdent des fautes de Lynx optique qui ne lui a pas permis d'exploiter un fonds rentable et que le franchisé peut avancer un préjudice à ce titre de 200 000 euros , étant observé que Panoptic n'est bénéficiaire que depuis la résiliation de la franchise qui la liait à Lynx optique,

-que la déclaration de créance de Lynx optique n'est pas valable, n'étant pas certifiée par un commissaire aux comptes ou un expert comptable et ne fournissant aucune explication quant aux modalités de calcul des intérêts contrairement aux exigences de l'article R.622-23 du code de commerce, que les pièces annexées à la déclaration sont difficilement utilisables,

-que Panoptic conteste la demande relative aux frais financiers dont l'assiette et le taux ne sont pas justifiés ( 44 659, 95 euros ) et aux redevances pour 20 577, 73 euros , de sorte qu'en toute hypothèse, la créance ne peut excéder 93 577, 73 euros,

La société Lynx optique, par dernières conclusions signifiées le 30 avril 2014, demande à la cour de :

-confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Panoptic de l'intégralité de ses demandes, jugé que la créance de Lynx optique est certaine, liquide et exigible, fixé la créance de Lynx optique à 275 220, 17 euros , condamné Panoptic à payer à Lynx optique la somme de 1 238, 08 euros au titre des créances postérieures,

-en toute hypothèse, fixer à 30 000 euros la créance chirographaire de Lynx optique au titre de l'article 700 du code de procédure civile en complément de la condamnation prononcée par le tribunal,

-condamner Panoptic aux entiers dépens.

La société Lynx optique soutient pour l'essentiel :

-qu'elle demande la fixation de sa créance antérieure au redressement judiciaire de Panoptic à 275 220, 17 euros représentant le montant des sommes dues au titre de commandes qu'elle a réglées en vertu du mécanisme ducroire et les redevances arriérées, les frais et intérêts, cette demande étant justifiée par les relevés de franchise reçus par Panoptic qui ne les a jamais contestés et a même reconnu sa dette à plusieurs reprises,

-que la certification des créances déclarées n'est pas une condition de validité de la déclaration et qu'elle justifie du montant réclamé par la production des factures,

-que Panoptic doit en outre être condamnée à lui payer 1 232, 08 euros pour solde du relevé franchisé au 28 février 2010 (créance postérieure au jugement d'ouverture du redressement judiciaire),

-que sa faute délictuelle n'est pas démontrée puisque MM. [Y] et [N] ont accusé réception en février 2002 du document d'information précontractuel (DIP) et que le contrat de franchise liant les parties n'est que la reprise stricte du contrat du 14 mars 2002 et équivaut en réalité à un avenant,

-que le franchiseur n'a commis aucune faute contractuelle,

-que les allégations de Panoptic sur la politique tarifaire du réseau sont fausses et non étayées,

-que la notoriété du réseau Lynx optique n'est pas contestable, que ce réseau privilégie une politique commerciale attractive axée sur les produits hauts de gamme et des marques réputées et relaie la publicité à un échelon local dont Panoptic a profité et dont elle devait tirer profit en consacrant un budget à sa propre publicité locale comme le prescrit l'article 6.3 du contrat,

-que le devoir d'assistance visé par le contrat concerne l'aide apportée au franchisé pour la mise en oeuvre du savoir-faire et pour l'utilisation des signes distinctifs de la marque mais est étranger au défaut de soutien financier allégué,

-qu'en l'espèce malgré les efforts de Lynx, Panoptic n'a pu améliorer, ni même stabiliser sa situation,

-que l'assistance a été fournie par la communication des outils nécessaires à la formation permanente et les visites de l'animateur réseau justifiées jusqu'en 2008 et qui n'ont cessé qu'en raison de l'impossibilité d'organiser un rendez-vous imputable à Panoptic,

-que Panoptic s'était engagée à s'équiper d'un matériel compatible avec le logiciel LG3 et qu'elle ne peut justifier du caractère prohibitif de cet équipement par la production d'un devis datant de février 2009 visiblement sur dimensionné et qu'en outre, les dates de formation étaient également diffusées par des supports papier que recevait Panoptic, de même que les informations sur l'évolution du marché ou les nouveautés Lynx accessibles aussi par des circulaires d'information et des réunions y compris régionales et par le bulletin d'information adressé par courrier et par courriel,

-que la suspension du ducroire a été effectuée conformément aux prévisions du contrat sans brutalité,

-que le passage en coopérative ne réduisait que légèrement les redevances et que la dette de Panoptic de 250 000 euros suffit à justifier le refus du conseil d'administration de la Guilde des lunetiers d'admettre la société Panoptic qui avait en outre assigné le franchiseur en résiliation du contrat de franchise ,

-que de toute façon, les préjudices invoqués ne sont pas justifiés, les difficultés financières du franchisé ayant des raisons structurelles (part des achats disproportionnée au chiffre d'affaires, charges en personnel trop lourdes).

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 mai 2014.

Le 20 mai 2014, la société Lynx optique a signifié des conclusions tendant au rejet des débats des conclusions signifiées le 14 mai précédant par Panoptic en faisant valoir que ces écritures comportent des nouveautés que la société Lynx optique n'a pu examiner et auxquelles elle n'a pu répliquer et constituent une violation du principe de la contradiction.

Panoptic a répondu sur l'incident par conclusions du 26 mai 2014 en demandant que ses dernières conclusions du 14 mai soient déclarées recevables dans la mesure où elles se contentent de développer des moyens déjà soulevés et d'insister sur des pièces déjà communiquées afin de répondre aux dernières écritures de Lynx optique.

L'incident a été joint au fond.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

DISCUSSION ET MOTIFS DE LA DÉCISION

-Sur la demande tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions signifiées le 14 mai 2014 par la société Panoptic

Comme le soutient la société Panoptic, ces conclusions ne sont pas accompagnées de la communication de nouvelles pièces et ne comportent aucune demande nouvelle. Elles contiennent quelques précisions nouvelles sur le plan factuel afin de répondre aux dernières écritures de Lynx optique principalement dans l'exposé du litige, mais ne comportent aucun moyen juridique nouveau.

Ces conclusions signifiées la veille de la clôture n'appelaient dès lors aucune réponse particulière de la société Lynx optique qui ne précise d'ailleurs pas sur quels points une réponse aurait été nécessaire.

En l'absence de violation du principe de la contradiction et des droits de la défense, ces conclusions ne peuvent être écartées des débats et l'incident doit être rejeté.

-Sur le défaut invoqué de remise d'un document d'information précontractuel (DIP)

L'article L. 330-3 du code de commerce dispose que toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause.

Ce document, dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné,l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités.

[...]

Le document prévu au premier alinéa ainsi que le projet de contrat sont communiqués vingt jours minimum avant la signature du contrat, ou, le cas échéant, avant le versement de la somme mentionnée à l'alinéa précédent.

En l'espèce, MM. [N] et [Y] qui représentaient la société Panoptic pour la signature du contrat de franchise ont signé l'accusé de réception des informations pré-contractuelles le 22 février 2002 avant la signature du contrat de franchisage le 14 mars suivant. En revanche, il n'est pas contesté qu'un nouveau DIP n'a pas été remis à la société Panoptic avant la signature du dernier contrat le 1er octobre 2006 avec prise d'effet au 21 mars 2004.

Le caractère impératif de la remise de l'information exigée par l'article précité rend inopérante la renonciation par le franchisé à la remise du DIP en page 6 du contrat du 1er octobre 2006.

Pour autant, la société Panoptic était liée à la société Lynx optique par des contrats de franchise depuis plus de six ans lorsqu'elle a signé cette nouvelle convention dont les parties et les conditions étaient pour l'essentiel inchangées, la signature d'un nouveau contrat étant proposée dans un but d'harmonisation, à la suite de l'intégration de Lynx optique dans la guilde des lunetiers, afin notamment d'introduire le mécanisme ducroire.

La société Panoptic qui se prévaut du défaut de communication d'un DIP en 2006, sans toutefois demander l'annulation du contrat, se contente de prétendre qu'elle n'a pu apprécier la rentabilité du fonds mais ne précise pas les informations qui lui ont fait défaut en 2006 pour donner un consentement éclairé au contrat amendé et qui pourraient être à l'origine des préjudices qu'elle invoque devant la cour, étant répété qu'elle exploitait alors le fonds depuis plusieurs années.

En conséquence, si le manquement formel de la société Lynx optique aux exigences de l'article L.330-3 du code de commerce est établi pour le contrat signé en 2006, la société Panoptic n'établit aucun préjudice en lien avec ce manquement qui ne peut donner lieu à dommages-intérêts.

-Sur les fautes contractuelles imputées au franchiseur

S'agissant de l'allégation de tarifs non compétitifs pratiqués par la centrale d'achat du franchiseur et de la prétention suivant laquelle le franchisé était capable d'obtenir de meilleurs prix en individuel, elles ne reposent que sur les affirmations de la société Panoptic et ne sont étayées par aucun élément probant. Ces griefs ne peuvent donc être retenus.

Le franchisé reproche ensuite à Lynx optique un défaut de notoriété et une insuffisance de campagnes publicitaires pour lesquelles des redevances de 3% du chiffre d'affaires étaient pourtant perçues.

L'article 3.5.3 du contrat stipulait que 'pour aider chaque franchisé à se développer, le franchiseur organisera des campagnes d'action publicitaire et promotionnelle définies à l'article 6 des présentes.'

Cet article 6 prévoit quant à lui une publicité de lancement, d'une publicité nationale et une publicité locale cette dernière à la charge du franchisé pour un budget minimum d'1% du chiffre d'affaires.

La société Lynx optique ne conteste pas l'absence de réalisation de campagnes de publicité dans les grands media nationaux mais elle rapporte la preuve de l'accomplissement de ses obligations publicitaires au lancement du magasin de [Localité 1] (sa pièce 54) et de l'envoi à ce magasin de supports publicitaires et de communication (pièce n° 55), ainsi que de la communication au franchisé des supports destinés aux quatre campagnes publicitaires nationales organisées de manière récurrente chaque année sur l'ensemble du réseau.

De son côté, la société Panoptic n'établit pas avoir réalisé la publicité locale qui lui incombait, l'attestation signée de son gérant M. [Y] récapitulant les budgets publicitaires qui n'est étayée d'aucune autre pièce, étant insuffisamment probante.

Dans ces conditions, la réalisation de campagnes publicitaires sur des supports nationaux n'étant pas expressément prévue par le contrat et la société Panoptic n'ayant adressé aucune réclamation ni aucune observation à ce sujet au franchiseur pendant l'exécution du contrat, il ne peut être fait grief à la société Lynx optique, sur ce seul fondement, de ne pas avoir accompli ses obligations publicitaires.

Panoptic se plaint encore d'un défaut d'assistance en se référant à l'article 3.5 du contrat qui prévoit une assistance commerciale et un appui permanent. Sous cette rubrique, le contrat détaille, pour ce qui intéresse le présent litige, l'existence d'informations régulières et permanentes du franchisé, la communication des prix du réseau, la communication réciproque de données via le logiciel LG3 et les visites-bilans du magasin franchisé par un représentant du franchiseur. Panoptic déplore que la majeure partie des services visés nécessitait l'acquisition du logiciel LG3 qu'elle n'a pu acquérir puisqu'il coûtait 17 000 euros et elle se fonde sur les attestations de ses salariés pour soutenir qu'elle ne recevait les informations par la voie du courrier qu'irrégulièrement.

Lynx optique relève à juste titre que Panoptic a bien reconnu avoir reçu le manuel opérationnel et indique sans être contredite que les mises à jour du manuel ont ensuite été envoyées. Il est de même établi que l'animateur réseau, chargé des visites-bilans s'est rendu chez Panoptic jusqu'en 2007 et a établi des comptes-rendus de visite avec des préconisations en conformité avec les prévisions du contrat. La société Lynx optique soutient , sans être démentie, qu'à partir de 2008, les rendez-vous n'ont pas été honorés parce qu'annulés par Panoptic.

S'agissant du défaut d'équipement du logiciel G3, Panoptic avait déclaré vouloir l'utiliser au contrat (4.6.9) et s'était engagé à disposer d'un matériel informatique agréé par le franchiseur apte à exploiter le logiciel.

Contrairement aux affirmations de Panoptic, le logiciel LG3 n'était pas payant mais mis à la disposition du franchisé pourvu que celui-ci dispose d'un matériel agréé par le franchiseur.

En dépit de son engagement, Panoptic ne s'est pas équipé d'un tel matériel et ne peut sérieusement arguer de son coût 'prohibitif' en se bornant à produire un devis du 5 février 2009 largement postérieur à la signature du contrat et dont la relation et l'adéquation avec l'utilisation du logiciel litigieux ne sont pas établis.

Dès lors, en n'accomplissant pas les diligences nécessaires à la mise à disposition du logiciel auxquelles elle s'était pourtant engagée, Panoptic s'est sciemment privée d'une partie des prestations d'assistance proposées par le franchiseur et de la rapidité des envois d'informations.

Pour autant, ce dernier établit l'envoi d'informations (notamment des bulletins d'information du réseau) par courriers ou courriels et les attestations des salariés de Panoptic destinées à prouver le contraire , outre leur imprécision, ont une faible valeur probante en raison du lien de subordination qui les lie à Panoptic.

Quant aux obligations de formation permanente des salariés de Panoptic ou de tenue de réunions annuelles, aucun élément probant ne démontre que le franchiseur ne les aurait pas remplies;

Finalement, aucun manquement à ses obligations d'assistance, d'information ou de formation ne peut être retenu à l'encontre du franchiseur, étant d'ailleurs observé que les premières doléances de Panoptic n'ont été formulées que par une lettre du 9 janvier 2009 .

Panoptic soutient encore une absence de soutien et une suppression irrégulière et abusive de l'engagement ducroire.

Les documents produits par chacune des parties montrent que la société Panoptic a éprouvé des difficultés pour payer les redevances dues au franchiseur ainsi que les factures dont le paiement avait été avancé par le franchiseur en exécution du ducroire dès l'année 2004. La société Lynx optique a consenti des délais de paiement à plusieurs reprises acceptant la mise en place d'échéanciers que la société Panoptic n'a que partiellement respectés.

La société Panoptic est dès lors mal fondée à invoquer un défaut d'appui du franchiseur et à lui reprocher en même temps un soutien abusif sur l'encours des redevances alors qu'elle a sollicité elle-même plusieurs fois des délais de paiement.

Le contrat prévoit, quant au compte ducroire, que 'le franchisé reconnaît que le mandat aux fins de sélection, référencements et paiement ducroire peut être suspendu ou résilié par le franchiseur si la situation financière du franchiseur se trouvait fragilisée et ne permettait plus au franchiseur d'être lui-même garanti par le franchisé pour assurer le mandat de paiement ducroire et en tout état de cause en cas d'impayé du franchisé.

Le franchisé sera averti par lettre recommandée AR du franchiseur qu'il a l'intention sous 8 jours de suspendre ou résilier le mandat ducroire, sauf à ce qu'il porte les financements ou garanties réelles nécessaires sous 8 jours à réception ou première présentation de la lettre recommandée AR; à défaut, le fournisseur sera immédiatement informé que le franchiseur n'assume plus le mandat de paiement ducroire à l'égard du franchisé'.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 20 juin 2008, la société Lynx optique a écrit à la société Panoptic pour lui rappeler ses retards de paiement s'élevant à 164 609, 88 euros , les pénalités et majorations encourues et lui a indiqué que 'la suppression du ducroire de la société Lynx optique envers les fournisseurs référencés, faute d'une régularisation dans les 30 jours suivant la présentation de la présente par la Poste, sera mise en place.'

Aucune régularisation n'est intervenue et la société Lynx optique a envoyé une seconde lettre recommandée avec demande d'avis de réception le 17 juillet 2008 constatant des retards de paiement pour 177 209, 94 euros et notifiant que 'nous sommes dans l'obligation de suspendre notre position de facturier envers les fournisseurs référencés compte tenu du niveau de votre retard. La suspension du ducroire interviendra le 01.08.2008".

L'envoi de ces deux lettres est en parfaite conformité avec les exigences précitées du contrat, la première constituant la mise en demeure requise et la seconde notifiant la suspension du ducroire faute de toute régularisation. Le fait que la première lettre évoque la suppression du ducroire tandis que la seconde notifie sa suspension est sans emport dès lors que le contrat autorise la suspension ou la résiliation du ducroire. Et aucune brutalité ne peut être reprochée au franchiseur, qui avait auparavant fait preuve d'une grande patience et n'a suspendu le ducroire qu'au-delà du délai imparti par les dispositions contractuelles.

En conséquence, aucune faute ne peut être reprochée à la société Lynx optique dans la mise en oeuvre de la suspension du mécanisme ducroire.

Enfin, Panoptic reproche à Lynx optique de ne pas avoir permis son intégration dans la coopérative de la Guilde des lunetiers qu'elle proposait à ses partenaires franchisés et de l'avoir en conséquence privée de conditions financières plus avantageuses.

La proposition faite par Lynx optique à ses franchisés d'adhérer au système coopératif mis en place date du 3 avril 2009, époque à laquelle le mécanisme ducroire avait été supprimé pour Panoptic depuis près de 8 mois en raison del'importance de ses dettes envers le franchiseur et alors au surplus, que 10 mars 2009, le franchisé avait assigné le franchiseur afin d'obtenir la résiliation à ses torts du contrat de franchise et le paiement de dommages-intérêts élevés.

Dans ces conditions, il ne peut être reproché à Lynx optique de ne pas avoir proposé à Panoptic d'intégrer la nouvelle forme coopérative de son réseau.

Finalement, aucun manquement contractuel à l'origine des difficultés économiques et financières de la société Panoptic n'est établi à l'encontre de la société Lynx optique et le franchisé doit dès lors être débouté de ses demandes de réfaction sur le prix des redevances et de dommages-intérêts.

-Sur la déclaration de créance de la société Lynx optique

Au moment de l'ouverture du redressement judiciaire de la société Panoptic, l'instance opposant cette dernière à Lynx optique qui demandait le paiement des redevances et factures arriérées était en cours, la société Panoptic ayant relevé appel du jugement du tribunal de commerce de Nanterre.

Conformément aux dispositions de l'article L. 624-2 du code de commerce , il incombe donc à la cour de statuer sur la créance déclarée le 15 mars 2010 pour un montant de 293 628,65 euros par la société Panoptic au passif du redressement judiciaire.

S'agissant de la régularité de la déclaration de créance, l'absence de certification de la créance déclarée par un commissaire aux comptes ou un expert-comptable n'affecte aucunement la validité de la déclaration, l'article L. 622-25 du code de commerce prévoyant seulement la faculté pour le juge-commissaire de demander le visa de ces professionnels mais n'érigeant nullement ce visa en formalité obligatoire.

La société Panoptic reconnaît elle-même que des pièces justificatives avaient été annexées à la déclaration de créance mais reproche au créancier de ne pas les verser aux actuels débats. Ce fait est sans emport puisque Panoptic et les mandataires judiciaires versent ces documents à leur dossier (pièce 30) et que Lynx optique fournit quant à elle les factures par elle avancées au titre de la clause ducroire (pièce 18) et les 'relevés franchisés'. Et il faut préciser, à toutes fins, que les éléments de nature à prouver l'existence et le montant de la créance peuvent être fournis jusqu'à ce que le juge statue.

Les montants résultant de ces documents ne font l'objet d'aucune contestation précise de la part de la société Panoptic qui a d'ailleurs reconnu le quantum de sa dette, alors très proche du quantum dont l'admission est demandée devant la cour, notamment par une lettre du 18 juillet 2008 proposant un nouvel échéancier et encore devant le juge des référés comme cela résulte de l'ordonnance de référé du tribunal de commerce de Nanterre du 9 avril 2009.

Pour les motifs ayant écarté toute faute contractuelle du franchiseur, la contestation des redevances ne peut prospérer. S'agissant de celle relative aux frais financiers, ces derniers étaient prévus par le contrat de franchise en cas de retard de paiement (article 7-2-5) et la société Panoptic, qui ne les a jamais contestés en recevant les relevés franchisés, n'expose pas en quoi leur calcul serait erroné;

Au vu des pièces produites et de l'explication du calcul de sa créance (page 12 de ses conclusions), après résiliation de la franchise par l'administrateur judiciaire et déduction du crédit figurant sur le compte de garantie ducroire, la créance de la société Lynx optique est justifiée à concurrence de 275 220, 17 euros.

S'agissant de la contestation de la société Panoptic quant à l'irrégularité de la déclaration des intérêts au regard des exigences de l'article R. 622-23 du code de commerce , elle est sans emport puisque la déclaration de créance de la société Lynx optique ne vise aucun intérêt à échoir et n'avait dès lors pas à en indiquer les modalités de calcul .

En conséquence, il y a lieu d'accueillir la demande de fixation au passif la société Panoptic de la créance de la société Lynx optique pour la période antérieure au jugement d'ouverture à concurrence de 275 220, 17 euros.

-Sur la créance postérieure

La société Lynx optique demande le paiement de 1232, 08 euros au titre des créances postérieures à l'ouverture du redressement judiciaire du franchisé en se fondant sur le solde du relevé franchisé au 28 février 2010, soit 2 251, 92 euros dont elle déduit un versement par chèque de 1 019, 84 euros du 13 avril 2010.

La société Panoptic n'élève aucune contestation contre cette demande par ailleurs justifiée par le relvé produit au dossier et qui doit donc être accueillie.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Vu le jugement du tribunal de commerce de Chartres du 10 février 2010 ayant ouvert le redressement judiciaire de la société Panoptic,

Statuant sur renvoi ordonné par arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 11 décembre 2012 (n° 11-20.390),

Rejette la demande tendant à voir écarter des débats les conclusions signifiées par la société Panoptic le 14 mai 2014 et les déclare recevables,

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la société Panoptic de l'intégralité de ses demandes et sur ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

En conséquence de l'ouverture du redressement judiciaire et de la déclaration de créance de la société Lynx optique, le réforme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Fixe la créance de la société Lynx optique au passif du redressement judiciaire de la société Panoptic à la somme de 275 220, 17 euros,

Condamne la société Panoptic à payer à la société Lynx optique la somme de 1232, 08 euros au titre de la créance postérieure à l'ouverture du redressement judiciaire,

Fixe la créance de la société Lynx optique au passif de la société Panoptic à une somme complémentaire de 6 000 euros au titre des frais d'appel non compris dans les dépens,

Déboute la société Panoptic de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Panoptic aux dépens et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre, le droit de recouvrement conforme aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, La PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 13/01408
Date de la décision : 18/09/2014

Références :

Cour d'appel de Versailles 13, arrêt n°13/01408 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-09-18;13.01408 ?
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