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18/09/2014 | FRANCE | N°12/08932

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 18 septembre 2014, 12/08932


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 53B



13e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 18 SEPTEMBRE 2014



R.G. N° 12/08932





AFFAIRE :



[O] [P]

...



C/



SA BNP PARIBAS









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Décembre 2012 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2010F01997



Expéditions exÃ

©cutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 18.09.2014



à :



Me Martine DUPUIS



Me Séverine RICATEAU,



TC de NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53B

13e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 18 SEPTEMBRE 2014

R.G. N° 12/08932

AFFAIRE :

[O] [P]

...

C/

SA BNP PARIBAS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Décembre 2012 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2010F01997

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 18.09.2014

à :

Me Martine DUPUIS

Me Séverine RICATEAU,

TC de NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

- Monsieur [O] [P]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentés par Maître Martine DUPUIS de la SCP LISSARRAGUE DUPUIS & ASSOCIES, avocat Postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1251158 et par Maître F. LOPEZ, avocat plaidant du barreau de PARIS

- Monsieur [T] [J]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentés par Maître Martine DUPUIS de la SCP LISSARRAGUE DUPUIS & ASSOCIES, avocat Postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1251158 et par Maître J. ZOUKER, avocat plaidant du barreau de PARIS

APPELANTS

****************

SA BNP PARIBAS

N° SIRET : 662 042 449

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Maître Séverine RICATEAU, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Juin 2014 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente,

Madame Anne BEAUVOIS, Conseiller,

Madame Annie VAISSETTE, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER,

La Snc Améthyste a été constituée le 23 décembre 1994 entre M. [O]

[P] et M. [T] [J], détenant chacun la moitié du capital social . La Snc Améthyste a acquis un lot dans un ensemble immobilier à usage d'hôtel à [Localité 1].

Suivant contrat du 31 décembre 1994, la Banque Nationale de Paris, aujourd'hui BNP Paribas, (la BNP) a prêté à la Snc Améthyste une somme de 1 383 000 francs destinée à financer l'acquisition remboursable en 120 versements mensuels de 17 549,21 francs.

En garantie de ce prêt, la BNP inscrivait un privilège de prêteur de deniers et une hypothèque conventionnelle sur l'immeuble . En outre, MM. [P] et [J] se sont rendus cautions de la Snc Améthyste le 31 décembre 1994 à concurrence chacun de la somme de 691 500 francs soit 105 418,50 €uros, comprenant le capital, les intérêts, les frais et les accessoires.

Les échéances de remboursement du prêt ont cessé d'être honorées courant 2001 de sorte que la BNP s'est prévalue de la déchéance du terme puis a poursuivi MM. [P] et [J].

Par jugement en date du 6 décembre 2012, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- dit la BNP recevable en ses demandes,

- dit que la prescription de l'action en paiement à l'encontre du débiteur principal la Snc Améthyste n'est pas acquise et que la créance de la BNP n'est pas éteinte,

- dit que les dispositions du code de la consommation ne sont pas applicables et que la nullité du prêt n'est pas acquise,

- condamné M. [P] à payer à la BNP la somme de 47 847,24 €uros arrêtée au 9 mars 2010 correspondant à 41 913,73 €uros au titre de 50% du capital restant dû au 14 août 2008 après encaissement de l'acompte de 27 450,17 €uros perçu de M. [P] et à 5 933,81 €uros au titre des intérêts au taux de 9,04 % du 15 août 2008 au 9 mars 2010 courus sur 41 913,43 €uros, outre intérêts au même taux depuis le 10 mars 2010 jusqu'au paiement définitif,

- condamné M. [J] à payer à la BNP la somme de 75 507,01 €uros arrêtée au 9 mars 2010 correspondant à 43 393,78 €uros au titre de 50% du capital, la somme de 32 113,23 €uros au titre des intérêts au taux de 9,04% au 9 mars 2010 courus sur 43 393,78 €uros, outre intérêts au même taux depuis le 10 mars 2010 jusqu'au paiement définitif,

- avec capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du code civil,

- dit n'y avoir lieu à donner acte,

- dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement MM. [P] et [J] en tous les dépens lesquels comprendront les frais des saisies conservatoires pratiquées à l'égard de chacun,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

MM. [P] et [J] ont fait appel du jugement.

Prétentions et moyens de M. [P] :

Aux termes de ses dernières conclusions du 10 juillet 2013, M. [P] demande à la cour de :

- Infirmer la décision déférée.

- IN LIMINE LITIS :

- Vu les dispositions des articles L 221-1 et L 110-4 du code de commerce ;

- Constater que la BNP n'établit pas l'origine du versement qu'elle allègue comme étant interruptif de prescription ;

- Constater la prescription de l'action en paiement à l'encontre du débiteur principal, la société AMETHYSTE ;

- Dire et juger la demande irrecevable car prescrite ;

- Débouter la BNP de toutes ses demandes ;

- SUBSIDIAIREMENT :

- Vu les dispositions des articles L 312-1, L 312-3, L 312-8 et suivants du code de la consommation

- Prononcer la nullité du contrat de prêt et du cautionnement consenti ;

- Débouter la BNP de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamner la BNP à lui restituer la somme de 2.933,58 €uros au titre du trop versé ;

- Dire et juger que la BNP PARIBAS a manqué à son obligation de conseil et pour le moins à commis une négligence préjudiciable ;

- Condamner la BNP PARIBAS à lui verser à titre de dommages-intérêts en application des articles 1382 et 1383 du code civil, la somme de 43 881,62 € correspondant au montant des intérêts contractuels à 9,04 % sur 50 % du capital, soit 32 113,23 € montant des intérêts contractuels arrêtés au 9 mars 2010 outre les intérêts courus jusqu'au 10 mars 2013 d'un montant de 11 768,39 €, soit ensemble 43 881,62 € ;

- En tout état de cause, débouter la BNP PARIBAS de l'ensemble de ses demandes ;

- Dans tous les cas, la condamner au paiement de la somme de 5.000,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- La condamner aux dépens dont distraction au profit de La SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD, Avocat, dans les termes des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile .

M. [P] soutient les moyens suivants :

- l'action en paiement à l'encontre de la Snc Améthyste, qui n'a toujours pas été engagée, est prescrite par l'acquisition de la prescription décennale prévue à l'article L 110-4 du code de commerce en sa version applicable en la cause, le point de départ de la prescription étant soit la lettre de mise en demeure adressée par la BNP à la Snc Améthyste le 31 octobre 2001, soit à la rigueur la lettre de mise en demeure du 19 février 2002,

- le fait que la BNP ait renoncé dans la convention à discuter les biens immobiliers de la Snc Améthyste pour sûreté du remboursement du prêt sauf en cas de défaillance de la totalité des associés ne privait pas la banque d'une action en paiement à l'encontre de la Snc Améthyste qu'elle n'a jamais entreprise et qui est désormais prescrite,

- il n'a jamais renoncé au bénéfice de la prescription et n'a jamais reconnu la dette, l'origine du versement en août 2008 d'une somme de 1 480,35 €uros dont s'empare la banque pour en déduire la reconnaissance de la dette demeurant inconnue, faute pour la BNP de s'en expliquer,

- seul un emprunteur réalisant à titre habituel des opérations immobilières peut souscrire des crédits immobiliers ayant la nature de crédits professionnels et ni lui-même ni M. [J] qui ont une profession médicale ou paramédicale et qui n'étaient pas gérants de la Snc Améthyste ne pratiquent à titre habituel une activité immobilière,

- le montage n'était destiné qu'à une seule opération de défiscalisation, ce que la banque n'ignorait pas,

- il est donc incontestable que la BNP ne pouvait échapper aux obligations issues des dispositions des articles L 312-1 et suivants du code de la consommation, lesquelles s'appliquent aussi aux personnes morales, et notamment à l'obligation de signifier à l'emprunteur et aux cautions avant la conclusion de l'opération une offre de crédit conforme aux dispositions des articles L 312-8 et suivants du même code,

- à défaut pour la banque prêteuse d'avoir rempli cette obligation, le prêt est nul ainsi que les cautionnements,

- la nullité du prêt impose à la Snc Améthyste de restituer à la BNP le capital versé hors intérêts et frais, déduction faite des sommes versées, et il résulte des décomptes que l'intégralité du capital a été remboursée, que les demandes de la BNP concernent uniquement des intérêts contractuels que la nullité du contrat rend sans objet et que la BNP doit rembourser un trop-perçu de 2 933,58 €uros,

- enfin, la banque a commis des fautes à son égard caractérisées par une absence totale d'informations économiques, financières et juridiques, la mise en oeuvre d'un montage juridique à hauts risques alors que la signature des actes avait lieu à distance et par mandataires, la présentation de partenaires qui feront tous l'objet de procédures collectives les rendant incapables d'exécuter les garanties, et l'absence de tout conseil, qui ont causé un préjudice et justifient sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil l'allocation de dommages-intérêts.

Prétentions et moyens de M. [J] :

Suivant conclusions du 18 juillet 2013, M. [J] demande à la cour de :

- Vu les articles 122 du code de procédure civile, L 221-1 alinéa 2 et L 110-4 du code de commerce,

- Vu les articles 1382, 1383 et 2289 du code civil,

- Vu les articles L 312 - 1, L 312 - 2, L 312 - 7 et suivants du code de la consommation d'ordre public,

- Infirmer le jugement entrepris,

- Constater l'absence d'instance formée par la BNP à l'encontre de la Snc AMETHYSTE et de tout acte interruptif de prescription dans le délai de 10 ans de l'échéance impayée du 30 octobre 2001 ou la lettre de clôture du compte du 19 février 2002 ;

- En conséquence constater la prescription de l'action en paiement à l'encontre de la Snc AMETHYSTE, débiteur principal et dire la créance alléguées par la BNP éteinte ;

- Dire la BNP irrecevable en ses demandes à son encontre en sa qualité de caution ou d'associé.

- Constater l'absence d'offre écrite de prêt préalable à l'acte de prêt du 31 décembre 1994 et par voie de conséquence l'absence de toute information préalable de l'emprunteur et l'absence de tout délai de réflexion avant la signature par mandataire de l'acte de prêt.

- En conséquence, constater la nullité de l'acte de prêt du 31 décembre 1994, prononcer la nullité dudit acte et par voie de conséquence de l'acte de caution solidaire souscrit par lui

- En conséquence, ordonner la restitution par la BNP des sommes indûment perçues jusqu'à l'échéance de septembre 2001 soit la somme de 216 704,16 € dont la moitié pour lui soit 108 352,08 €.

- Ordonner la compensation entre ladite somme de 108 352,08 € et la moitié du capital du crédit consenti par la BNP le 31 décembre 1994 soit la somme de 210 836,99 € : 2 = 105 418,49 €.

- Constater que la BNP est redevable envers lui de la somme de 2 933,58 €,

- Condamner la BNP à lui payer ladite somme augmentée des intérêts au taux légal,

- Dire et juger que la BNP a manqué à son obligation de conseil et pour le moins à commis une négligence préjudiciable,

- Condamner la BNP à lui verser à titre de dommages-intérêts en application des articles 1382 et 1383 du code civil, la somme de 43 881,62 € correspondant au montant des intérêts contractuels à 9,04 % sur 50 % du capital, soit 32 113,23 € montant des intérêts contractuels arrêtés au 9 mars 2010 outre les intérêts courus jusqu'au 10 mars 2013 d'un montant de 11 768,39 €, soit ensemble 43 881,62 €.

- En tout état de cause, débouter la BNP de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- La condamner à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction en ce qui concerne les dépens d'appel au profit de la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD avocat.

M. [J] soutient :

- que la BNP ne justifie pas avoir vainement mis en demeure la Snc Améthyste par acte extra-judiciaire de sorte qu'elle est irrecevable en ses demandes en application des dispositions de l'article L 221-1 alinéa 2 du code de commerce,

- que toute action de la BNP à l'encontre de la Snc Améthyste est prescrite faute pour la BNP d'avoir agi dans les dix ans de la première échéance impayée du 30 octobre 2001, voire de la lettre du 19 février 2002 notifiant sa décision de clôturer le compte,

- que ce n'est pas parce que l'acte de prêt subordonne l'exercice par la préteur de poursuites sur l'actif immobilier de la Snc à la constatation de la défaillance des cautions que le prêteur n'avait pas le droit d'engager des poursuites contre la Snc ni a fortiori de lui délivrer une mise en demeure,

- que les demandes de la BNP sont irrecevables en raison de la nullité de l'acte de prêt et de l'engagement de caution,

- que la nullité du contrat de prêt peut toujours être invoquée puisqu'elle est perpétuelle,

- que l'acte de prêt procède d'une fraude majeure destinée à priver l'emprunteur des garanties que les articles L 312-1 et L 312-2 du code de la consommation apportent aux particuliers qui empruntent pour financer un investissement notamment à caractère immobilier,

- qu'il n'est pas un professionnel de l'immobilier et qu'il n'a fait que répondre à l'offre ponctuelle d'un placement dans le cadre expressément reconnu par la banque de la loi Pons sur la défiscalisation,

- que le prêt n'est pas un prêt professionnel et que la BNP ne justifie pas lui avoir remis une quelconque offre écrite de crédit conforme aux exigences du code de la consommation,

- qu'il ignore tout du prétendu règlement d'un acompte par M. [P] qui lui est inopposable

- que l'annulation du prêt doit entraîner le remboursement des sommes perçues par la banque soit en ce qui le concerne la somme de 108 352,08 €uros, cette somme se compensant à concurrence de la moitié du capital prêté soit 105 418,49 €uros de sorte que la banque est redevable d'une somme de 2 933,59 €uros,

- que les mêmes reproches que ceux qui figurent dans les conclusions de M. [P] doivent être faits à la BNP qui doit réparer le préjudice causé sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil.

Prétentions et moyens de la BNP :

La BNP conclut, dans ses écritures du 10 mai 2013, à :

- la confirmation du jugement,

- subsidiairement, la réformation du jugement en ce qu'il n'a pas retenu l'acquisition de la prescription de la demande de nullité,

- l'irrecevabilité de la demande de dommages-intérêts de M. [J],

- le débouté des appelants de l'ensemble de leurs demandes,

- la condamnation solidaire à défaut in solidum des appelants à lui payer la somme de 2 500 €uros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

La BNP répond aux appelants que :

- ils se sont engagés envers elle non seulement en qualité d'associés mais aussi en qualité de cautions,

- il est sans incidence qu'aucun acte extrajudiciaire n'ait été envoyé à la Snc Améthyste pour les poursuivre en tant que cautions solidaires,

- par une clause du contrat de prêt dérogeant expressément aux dispositions de l'article L 221-1 du code de commerce dont les appelants ne peuvent se prévaloir, il a été convenu que les poursuites contre la société ne présentaient qu'un caractère subsidiaire à celles contre les associés,

- elle a renoncé à exercer ses poursuites à l'encontre de la société Améthyste sauf en cas de défaillance de la totalité des associés, elle ne pouvait donc se retourner contre la Snc Améthyste pour discuter ses biens immobiliers et mobiliers qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi les associés, de sorte que la prescription n'a pas couru à l'égard d'une créance qui dépendait d'une condition et a été de surcroît suspendue contre elle parce qu'elle était dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la convention,

- des règlements effectués par MM. [P] et [J] dont un règlement opéré en août 2008 et une demande de différé des poursuites en 2003 ont interrompu la prescription,

- l'action en nullité du prêt se prescrit par cinq ans conformément à l'article 1304 du code civil, la prescription de l'action en nullité du prêt souscrit le 31 décembre 1994 est prescrite depuis le 1er janvier 1999,

- à supposer que la prescription soit de dix ans, l'action est prescrite depuis le 1er janvier 2004

- le prêt ayant été exécuté, les appelants ne peuvent se prévaloir du caractère perpétuel de l'exception de nullité,

- l'exécution volontaire du prêt emporte ratification et renonciation aux moyens et exceptions qui pourraient être opposés contre le prêt,

- la Snc Améthyste n'est pas partie à l'instance alors qu'elle aurait dû être appelée par les appelants qui soulèvent la nullité du prêt,

- le prêt litigieux n'est pas régi par les articles L 312-1 et suivants du code de la consommation car il était destiné à financer l'activité de la Snc Améthyste,

- la demande indemnitaire de M. [J] est irrecevable comme nouvelle et comme prescrite, tout manquement à l'obligation de conseil devant être apprécié à la date de la conclusion du prêt et invoqué dans les dix ans du prêt,

- aucune preuve n'est apportée des fautes qui lui sont imputées par M. [J].

La BNP a signifié des conclusions le 4 avril 2014, soit le lendemain de l'ordonnance de clôture du 3 avril 2014, elles sont en conséquence irrecevables en application de l'article 783 du code de procédure civile et cette irrecevabilité sera relevée d'office .

SUR CE,

Sur la recevabilité de l'action de la BNP :

Considérant que la BNP poursuit MM. [P] et [J] tant en leurs qualités d'associés de la Snc Améthyste que de cautions solidaires de cette société ;

Sur la recevabilité de l'action de la BNP à l'encontre des associés en nom collectif :

Considérant que l'article L 221-1 du code de commerce dispose que les associés en nom collectif répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales et que les créanciers de la société ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir vainement mis en demeure la société par acte extrajudiciaire ; que la BNP ne peut poursuivre MM. [P] et [J] en leur qualité d'associés de la Snc Améthyste qu'après avoir vainement mis en demeure cette société par acte extrajudiciaire ; que tel n'est pas le cas, aucun acte extrajudiciaire n'ayant été délivré par la BNP ;

Considérant que le contenu des obligations des parties figure dans l'acte de prêt du 31 décembre 1994 ; que le chapitre 3 de l'acte de prêt du 31 décembre 1994 stipule que compte tenu des garanties conférées par ailleurs, la BNP renonce à discuter les biens immobiliers de la Snc Améthyste pour sûreté du remboursement du prêt sauf en cas de défaillance de la totalité des associés et renonce expressément au bénéfice de la responsabilité solidaire et indéfinie des associés par dérogation expresse aux dispositions de l'article 10 de la loi du 24 juillet 1966 et qu'en conséquence, en cas de défaillance de la Snc emprunteur, chacun des associés sera tenu individuellement et indéfiniment du paiement du capital et du remboursement des intérêts, frais et accessoires, à proportion de sa participation dans le capital de la Snc et le prêteur devra diviser ses recours éventuels contre les associés ;

Considérant que cette clause limite la renonciation de la BNP à la discussion sur les biens immobiliers de la Snc Améthyste et n'emporte renonciation de la banque qu'à la solidarité des associés en nom collectif et en cas de défaillance de la débitrice principale ; qu'il en résulte qu'en dépit de cette clause, MM. [P] et [J] sont demeurés des débiteurs subsidiaires de la banque et que la BNP ne pouvait les poursuivre qu'après accomplissement de la formalité de la mise en demeure par acte extrajudiciaire ; que les demandes de la BNP dirigées contre les appelants en tant qu'associés de la Snc sont irrecevables ; que le jugement sera réformé en ce sens ;

Sur la recevabilité de l'action de la BNP à l'encontre des cautions solidaires :

Considérant que selon l'article L 110-4-I du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes ; que la caution est recevable à invoquer la prescription de l'action dirigée contre le débiteur principal ;

Considérant que la BNP a prononcé la déchéance du terme du prêt consenti le 31 décembre 1994 et mis en demeure la Snc Améthyste de payer la somme de 90 127,30 €uros devenue exigible par lettre recommandée en date du 19 février 2002 qui a été retournée à la banque aux motifs qu'elle n'a pas été réclamée ; que la banque n'a pas agi contre la Snc Améthyste alors qu'elle n'avait renoncé qu'à discuter ses biens immobiliers ainsi que cela a été relevé ci-dessus et n'avait nullement renoncé à exiger de la débitrice principale le paiement de la créance ; qu'il faut d'ailleurs observer que les échéances de remboursement étaient débitées sur le compte de la Snc Améthyste et que la banque n'a pas manqué d'adresser des lettres de mise en demeure à cette dernière ; qu'en conséquence, la créance de la banque à l'égard de la Snc Améthyste ne dépendait nullement d'une condition et la banque ne se trouvait pas davantage dans l'impossibilité d'agir ;

Considérant que la BNP se prévaut de règlements effectués par MM. [P] et [J] aux lieu et place de la société Améthyste tant en leur qualité d'associés que de cautions dont un acompte qui aurait été versé le 14 août 2008 par M. [P] ; qu'à les supposer démontrés, de tels règlements qui proviendraient des appelants, sujets de droit distincts de la Snc Améthyste, sans aucune preuve de ce qu'ils auraient agi pour le compte de la Snc Améthyste dont il faut rappeler qu'ils n'en étaient pas les gérants, ne sauraient valoir reconnaissance par la Snc Améthyste elle-même du droit de la BNP et avoir interrompu la prescription de la dette principale par application de l'article 2240 du code civil ;

Considérant que toute action en paiement de la BNP à l'égard de la Snc Améthyste, débitrice principale, est aujourd'hui prescrite ;

Considérant qu'en raison du caractère accessoire du cautionnement, les cautions peuvent se prévaloir de la prescription de la dette principale qui est une exception inhérente à la dette ; que si l'assignation qui a été délivrée contre MM. [P] et [J] le 2 avril 2010 a interrompu la prescription de l'action de la banque contre eux, elle n'a pas eu d'effet sur la prescription de l'action de la banque contre la débitrice principale ; que les demandes en paiement dirigées par la BNP contre MM. [P] et [J] en tant que cautions de la Snc Améthyste sont irrecevables ; que le jugement sera réformé en ce sens ;

Sur les autres prétentions et moyens des appelants :

Considérant qu'il résulte du dispositif des conclusions de M. [P] qu'il soulève la nullité du contrat de prêt et la responsabilité de la BNP à titre subsidiaire pour le cas où la cour n'accueillerait pas la fin de non-recevoir tirée de la prescription ; qu'il n'y a donc pas lieu de statuer sur ces prétentions ;

Considérant que M. [J] soulève la nullité du contrat de prêt pour en déduire que les demandes de la BNP formulées contre lui sont irrecevables ; qu'en l'état de l'irrecevabilité des demandes de la BNP pour cause de prescription, ce moyen ne sera pas examiné ;

Considérant que l'irrecevabilité des demandes de la BNP a aussi pour conséquence de réduire à néant tout préjudice dont M. [J] pourrait demander réparation en cas de manquement de la BNP à son obligation de mise en garde ;

Considérant que l'équité commande de condamner la BNP à payer à chacun des appelants la somme de 5 000 €uros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 6 décembre 2012,

Déclare irrecevables les demandes de la BNP Paribas à l'égard de M. [O] [P] et de M. [T] [J], qu'elles soient dirigées contre ces derniers en tant qu'associés ou en tant que cautions solidaires de la Snc Améthyste,

Condamne la BNP Paribas à payer à M. [O] [P] la somme de 5 000 €uros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la BNP Paribas à payer à M. [T] [J] la somme de 5 000 €uros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de tous autres chefs de demandes,

Condamne la BNP Paribas aux dépens de première instance et d'appel et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,La présidente,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 12/08932
Date de la décision : 18/09/2014

Références :

Cour d'appel de Versailles 13, arrêt n°12/08932 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-09-18;12.08932 ?
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