COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 4DF
13e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 11 SEPTEMBRE 2014
R.G. N° 13/05160
AFFAIRE :
Association DES ASSYRO CHALDEENS EN FRANCE
C/
[E] [Z] es-qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de l'Association DES ASSYRO CHALDEENS
...
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendu(e) le 13 Juin 2013 par le Juge commissaire de PONTOISE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 11/00004
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 11.09.14
à :
Me Mélina PEDROLETTI,
Me Anne laure DUMEAU,
Me Armelle CARNE DE CARNAVALET,
Me Michel AKLI,
TC PONTOISE
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE ONZE SEPTEMBRE DEUX MILLE QUATORZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Association DES ASSYRO CHALDEENS EN FRANCE - Représentant : M. Naman ADLUN (Président)
[Adresse 1]
Représenté(e) par Maître Mélina PEDROLETTI, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - N° du dossier 22402 et par Maître G.ZOGHAIB, avocat plaidant au barreau du VAL D'OISE
APPELANTE
****************
Maître [E] [Z] es-qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de l'Association DES ASSYRO CHALDEENS
[Adresse 4]
Représenté(e) par Maître Anne laure DUMEAU, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 - N° du dossier 40804 et par Maître E.BOURLION, avocat plaidant au barreau du VAL D'OISE
Société CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE Société coopérative de banque à forme anonyme à capital fixe sigle CEIDF
N° SIRET : 382 900 942
[Adresse 2]
Représenté(e) par Maître Armelle CARNE DE CARNAVALET (DE), avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 415 - N° du dossier 13/1663 et par Maître C.CHABOUD, avocat plaidant au barreau de PARIS
Fédération DES CENTRES CULTURELS TURCS représentée par son Président Monsieur [L] [O]
[Adresse 3]
Représenté(e) par Maître Michel AKLI, avocat au barreau de VAL DOISE, vestiaire : 44
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 Juin 2014 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Laure BELAVAL , présidente, et Anne BEAUVOIS, conseiller, chargés du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente,
Madame Anne BEAUVOIS, Conseiller,
Madame Annie VAISSETTE, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER,
Par jugement en date du 17 mai 2011, le tribunal de grande instance de Pontoise a
ouvert la liquidation judiciaire de l'Association des assyro-chaldéens en France (l'AACF) et désigné Maître [Z] en qualité de liquidateur.
L'association était propriétaire d'un immeuble anciennement à usage d'hôtel situé à [Localité 1] sur lequel des créanciers avaient inscrit des hypothèques conventionnelles ou légales, à savoir la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France et le comptable du trésor [1]. Cet immeuble a fait l'objet d'un arrêté de péril le 28 décembre 2012.
Le liquidateur a reçu des offres de reprise de l'immeuble émanant de la Sci des érables, de la société E. Leclerc Gonesdis, et de la Fédération des centres culturels turcs (la FCCT). Il a présenté au juge-commissaire une requête en date du 13 juin 2013.
Par ordonnance en date du 13 juin 2013, le juge-commissaire a rejeté les offres de la Sci des érables et de la société E. Leclerc et autorisé Maître [Z] ès qualités à céder amiablement l'immeuble à la FCCT moyennant le prix de 1 000 001 euros HT payable comptant le jour de la cession. La FCCT avait de fait réglé la somme de 1 000 001 euros entre les 4 et 13 juin 2013.
L'AACF a fait appel de l'ordonnance.
Aux termes de ses dernières conclusions du 13 juin 2014, l'AACF demande à la cour de :
- déclarer recevable son appel,
- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance et notamment en ce qu'elle a autorisé la vente de gré à gré de ses actifs,
- statuant à nouveau, constater la remise par elle des fonds totalisant la somme de 928 000 euros,
- dire que les fonds remis permettent de procéder à l'extinction du passif,
- dire n'y avoir lieu à cession de ses actifs,
- débouter la FCCT de ses demandes,
- dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective avec droit de recouvrement direct.
Pour l'essentiel, l'AACF soutient qu'elle a qualité à agir en vertu de son droit propre lui permettant de relever appel d'une ordonnance du juge-commissaire et intérêt à agir en raison de la différence entre le prix de cession fixé par le juge-commissaire et les conclusions d'un rapport d'expertise ayant évalué le bien à la somme de 1 500 000 euros. Elle indique que le passif global de la liquidation judiciaire s'élève finalement à la somme de 875 627,53 euros en ce compris les frais de procédure de 51 000 euros, qu'elle a versé entre les mains de Maître [Z] plusieurs chèques de banque d'un montant total de 880 000 euros qui permettent d'éteindre le passif, qu'elle ne cherche nullement à acquérir l'immeuble mais à apurer son passif grâce aux dons de ses membres et que la cause de la vente de gré à gré se trouve manifestement éteinte. Elle souligne que la FCCT doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts puisque l'offre d'acquisition contenait un aléa attaché au caractère même de la procédure dont elle ne saurait être tenue pour responsable.
Suivant conclusions du 4 juin 2014, la FCCT demande à la cour de :
- débouter l'AACF de toutes ses demandes,
- dire l'appel irrecevable et mal fondé,
- subsidiairement pour le cas où l'ordonnance serait déclarée caduque ou infirmée, condamner solidairement Maître [Z] ès qualités et l'AACF à lui rembourser la somme de 1 000 001 euros,
- dire que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 13 juin 2013, date des dernières remises de chèques de banque au liquidateur, que le montant de ces intérêts devra être inscrit au passif de la liquidation,
- ordonner le remboursement des intérêts qu'elle a versés sur les prêts contractés par elle en vue de la vente de gré à gré, soit la somme de 80 000 euros sauf à diminuer ou à parfaire, et dire que ce montant devra être inscrit au passif de la liquidation,
- ordonner le remboursement des sommes versées au titre des assurances souscrites pour les prêts précités et dire que ce montant devra être inscrit au passif de la liquidation,
- condamner l'AACF à payer à la FCCT la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'AACF aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct.
La FCCT soulève l'irrecevabilité et le mal fondé de l'appel aux motifs que l'AACF ne porte l'affaire devant la cour qu'en sa qualité de débiteur et non comme auteur d'une offre d'acquisition 'recalé', que c'est plusieurs mois après la procédure d'appel d'offres et sa validation au profit du mieux disant que l'AACF tente de récupérer son bien immobilier en grevant le patrimoine de ses membres, que la proposition de l'appelante faite pour la première fois en cause d'appel aboutit à remettre en question les termes et conditions de la vente de gré à gré qui avait été ordonnée et que n'ayant aucune prétention à soutenir, l'AACF n'est pas recevable à exercer un recours contre la décision du juge-commissaire. Elle soutient que le décompte actualisé du passif de l'AACF s'élève à la somme de 948 274,04 euros de sorte que seule sa proposition de rachat à concurrence de 1 000 001 euros permet de couvrir le passif et que le versement de l'AACF à concurrence de 800 000 euros ne permet pas d'éteindre le passif . Elle ajoute que la cession de gré à gré est parfaite dès l'ordonnance du juge-commissaire en application des dispositions de l'article 1583 du code civil.
La FCCT fait valoir que quelle que soit l'issue de la liquidation judiciaire, l'AACF est vouée à disparaître avec sa personnalité morale et que, si l'ordonnance était déclarée caduque, se poserait alors la question de la qualité de propriétaire d'un bien immobilier d'une association dissoute et celle du préjudice subi par la FCCT qui aurait vu une somme de 1 000 001 euros bloquée pendant un an aux termes d'une offre d'achat parfaitement régulière.
Par ses dernières conclusions, Maître [Z] ès qualités s'en rapporte à justice quant à la réformation ou la confirmation de l'ordonnance et demande à la cour de statuer ce que de droit concernant le remboursement des sommes versées en conformité de l'ordonnance en cas de confirmation de celle-ci et de débouter la FCCT de ses autres demandes reconventionnelles.
Pour l'essentiel, le liquidateur observe que l'AACF a versé entre ses mains une somme de 880 000 euros, qu'il ressort de l'état des créances arrêté au 17 novembre 2013 que ces créances représentent une somme de 824 627,53 euros dont 809 627,53 euros à titre définitif et que des frais à hauteur de 51 000 euros sont à prévoir . Il fait valoir qu'il est dans l'impossibilité de prendre part à un conflit instrumentalisé entre deux communautés et qu'il ne peut que s'en rapporter à justice. Il confirme qu'en cas d'infirmation de l'ordonnance, il ne présentera pas de nouvelle requête aux fins de voir ordonner la cession de l'immeuble ou d'être autorisé à vendre l'immeuble de gré à gré.
Suivant conclusions en date du 10 décembre 2013, la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France s'en rapporte à justice et demande la condamnation de l'AACF à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec droit de recouvrement direct.
La Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France relève que sa créance a été admise au passif à concurrence de 649 114,91 euros à titre privilégié outre intérêts à échoir au taux de 4,60 % et de 655,38 euros à titre chirographaire.
La trésorerie [1], la Sci des érables et la société E. Leclerc Gonesdis, auxquelles la déclaration d'appel et les conclusions ont été valablement signifiées, n'ont pas constitué avocat . L'arrêt sera rendu par défaut.
SUR CE,
Considérant que le débiteur en liquidation judiciaire est recevable en vertu de son droit propre à faire appel d'une ordonnance du juge-commissaire ayant autorisé la vente de gré à gré d'un actif immobilier dépendant de sa liquidation en application des dispositions de l'article L 642-18, 3°, du code de commerce ; que l'AACF , qui prétend d'une part être en mesure d'éteindre son passif et d'éviter la vente litigieuse et qui soutient d'autre part que le prix fixé par le juge-commissaire est inférieur à la valeur réelle de l'immeuble, a un intérêt à agir ; que l'appel de l'AACF est recevable ;
Considérant qu'il résulte de l'article L 643-9, alinéa 2, du code de commerce que lorsqu'il n'existe plus de passif exigible ou que le liquidateur dispose de sommes suffisantes pour désintéresser les créanciers, la clôture de la liquidation judiciaire est prononcée par le tribunal ; que le débiteur, comme le liquidateur ou le ministère public, ont la faculté de saisir le tribunal à tout moment aux fins de prononcé de la clôture ;
Considérant qu'il résulte des dernières écritures des parties que le liquidateur dispose de la somme de 880 000 euros qui a été versée entre ses mains par l'AACF et qu'en considération de l'état des créances qui révèle un passif de 824 627,53 euros et du montant des frais avoisinant la somme de 51 000 euros, cette somme apparaît suffisante pour désintéresser totalement les créanciers ; que compte tenu de cet élément qui est de nature à justifier le prononcé prochain par le tribunal d'une clôture pour extinction du passif de la liquidation judiciaire de l'AACF, la cession des actifs immobiliers du débiteur se trouve privée de cause dès lors que le désintéressement des créanciers peut être opéré par un autre moyen que la répartition entre eux du produit de la cession ; que la requête du liquidateur doit être rejetée ;
Considérant que le sort de l'immeuble pourra être réglé dans le cadre des opérations de dissolution de l'AACF ; que les fonds déposés par la FCCT entre les mains du liquidateur seront restitués par Maître [Z], ès qualités, dans un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt, condamnation étant prononcée contre lui en tant que de besoin, faute de quoi la somme due produira intérêts au taux légal jusqu'à restitution ; que la condamnation étant prononcée ès qualités, il n'y a pas lieu à condamnation solidaire avec l'AACF ;
Considérant que la réunion par l'AACF des sommes nécessaires au désintéressement des créanciers, qui a nécessairement pris quelque temps, n'apparaît pas suspecte en soi ; que la démonstration d'une faute de l'AACF ou d'une volonté de nuire à la FCCT n'est pas faite; que le simple fait de formuler une offre d'acquisition d'un actif d'une procédure de liquidation judiciaire suppose un certain nombre de contraintes comme celle de réunir les fonds avant même le résultat de l'appel d'offres ou l'autorisation du juge-commissaire et fait courir un certain nombre de risques comme celui de ne pas être le candidat retenu ou de subir une immobilisation des fonds qui sont connus et acceptés par le candidat ; que la demande indemnitaire de la FCCT doit être rejetée ;
Considérant qu'il convient en équité de rejeter les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; que l'AACF, qui a laissé se dérouler la procédure devant le juge-commissaire sans réagir en temps utile et qui a ainsi rendu nécessaire l'exercice de l'appel sera condamnée aux dépens du recours ;
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par défaut, en dernier ressort,
Déclare recevable l'appel formé par l'Association assyro-chaldéenne en France,
Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance dont appel,
Statuant à nouveau,
Rejette la requête présentée par Maître [Z] ès qualités le 13 juin 2013,
Condamne Maître [Z], ès qualités, à restituer à la Fédération des centres culturels turcs la somme de 1 000 001 euros versée entre ses mains au titre du prix de cession dans un délai d'un mois à compter de la signfication du présent arrêt, faute de quoi cette somme produira intérêts au taux légal jusqu'à restitution,
Rejette les autres demandes de la Fédération des centres culturels turcs,
Rejette les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne l'Association assyro-chaldéenne en France aux dépens d'appel et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,La présidente,