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11/09/2014 | FRANCE | N°12/04149

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 11 septembre 2014, 12/04149


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 63B



1re chambre 1re section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 11 SEPTEMBRE 2014



R.G. N° 12/04149



AFFAIRE :



[Y] [W]





C/



SCP [K]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Juin 2009 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS

N° Chambre : 01

N° Section : A

N° RG : 07/6370













Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :











Me Emmanuel JULLIEN de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE-FLICHY-MAIGNE-DASTE & ASSOCIÉS, avocat au barreau de VERS...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 63B

1re chambre 1re section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 SEPTEMBRE 2014

R.G. N° 12/04149

AFFAIRE :

[Y] [W]

C/

SCP [K]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Juin 2009 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS

N° Chambre : 01

N° Section : A

N° RG : 07/6370

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Emmanuel JULLIEN de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE-FLICHY-MAIGNE-DASTE & ASSOCIÉS, avocat au barreau de VERSAILLES -

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE ONZE SEPTEMBRE DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDEUR devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (1ère chambre civile) du 16 mai 2012 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris ( Pôle 2 - chambre 1) le 22 février 2011 sur appel d'un jugement rendu par le tribunal de grande instance de PARIS, 1ère chambre 1ère section le 10 juin 2009 RG 07/6370

Monsieur [Y] [W]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

assisté de Me Emmanuel JULLIEN de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617

Plaidant par Maitre Xavier BEAUFUME, avocat au barreau de PARIS,

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

SCP [K]

précédemment dénommée SCP [K], société civile professionnelle titulaire d'un office notarial

Inscrite au RCS de PARIS sous le numéro 308 377 456

ayant son siègre [Adresse 2]

[Adresse 2]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

assistée de Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE-FLICHY-MAIGNE-DASTE & ASSOCIÉS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C 52 - N° du dossier 016164,

Plaidant par Me Guillaume MORTREUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0490

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Juin 2014 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie Gabrielle MAGUEUR, président, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Président,

Madame Dominique LONNE, Conseiller,

Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT,

- Par acte authentique du 09 juillet 2004, passé par devant M. [B] [K], notaire à [Localité 2], associé de la SCP [K], M. [Y] [W] a acquis deux parcelles de terrain sises à [Localité 3], [Adresse 1], cadastrées section [Cadastre 2], désignée comme étant bâtie et [Cadastre 3] désignée comme terrain à bâtir.

La vente a été réalisée pour un prix global de 381.122 euros, le prix étant ventilé à raison de 358.254,64 euros pour la parcelle section [Cadastre 2] et 22.867,35 euros pour la parcelle section [Cadastre 3].

Reprochant au notaire d'avoir manqué à son devoir de conseil et d'information en ne l'informant pas du caractère inconstructible de la parcelle [Cadastre 3], M. [W] l'a assigné en responsabilité devant le tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 10 juin 2009, l'a débouté de toutes ses demandes.

Sur appel de M. [W], par arrêt du 22 février 2011, la cour d'appel de Paris a confirmé ce jugement en toutes ses dispositions, et condamné M. [Y] [W] à payer à la SCP [K] la somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Sur pourvoi de M. [W], par arrêt du 16 mai 2012, la première chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 06 février 2011, au visa de l'article 1382 du code civil, et aux motifs suivants :

«  Attendu que pour rejeter l'ensemble des demandes de M.[W], l'arrêt, après avoir relevé que l'acquéreur reconnaissait dans l'acte que le notaire lui avait donné lecture des documents d'urbanisme, annexés à la convention et revêtus de sa signature, mentionnant que la parcelle vendue se trouvait dans une zone naturelle classée par le plan d'occupation des sols en secteur Ndb et en zone rouge sur le plan de prévention des risques de mouvements de terrain, en déduit que M.[W] disposait d'éléments d'information suffisants lui permettant d'appréhender l'exacte portée de son acquisition en sorte que le notaire a satisfait à son devoir de conseil et à son obligation d'information ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la contradiction constatée entre les mentions figurant dans l'acte de vente, qualifiant la parcelle [Cadastre 3] de terrain à bâtir et les documents d'urbanisme annexés à l'acte, dont il résultait que la parcelle litigieuse ne pouvait recevoir aucune construction, imposait au notaire, tenu d'éclairer les parties sur la portée, les effets et les risques des actes auxquels il prête son concours, d'attirer l'attention de l'acquéreur sur le fait que le terrain, bien que qualifié de terrain à bâtir,était inconstructible en l'état, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ; ».

Par déclaration du 13 juin 2012, M. [Y] [W] a saisi la cour de Versailles désignée comme cour de renvoi.

Vu les dernières conclusions signifiées le 23 mai 2014 par M. [Y] [W], auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et par lesquelles il demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions la décision entreprise,

- dire que M.[B] [K], notaire associé de la SCP [K], a commis une faute professionnelle et a engagé sa responsabilité civile à son égard,

- dire que cette faute lui a causé un préjudice,

- en conséquence, condamner la SCP [K] à réparer l'intégralité de ce préjudice et à lui payer :

*la somme de 6.872.289 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel subi,

*la somme de 1.000.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi,

*ainsi que la somme de 40.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SCP [K] aux dépens de première instance et d'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions signifiées le 26 mai 2014 par la SCP [K], précédemment dénommée SCP [K], auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et par lesquelles elle demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris,

- dire :

qu'il ne ressort ni du classement de la parcelle [Cadastre 3] en zone NDb du POS ni du plan de prévention des risques naturels classant ladite parcelle en zone rouge une impossibilité légale non plus que réglementaire de construire,

que la qualification de terrain à bâtir donnée à la parcelle [Cadastre 3] dans l'acte de vente du 09 juillet 2004 n'a pu apparaître en contradiction avec son classement en secteur NDb non plus qu'avec la mention de la dite parcelle en zone rouge sur le PPRN,

qu'elle n'a pas manqué à son devoir de conseil à l'occasion de l'établissement de l'acte d'acquisition du 09 juillet 2004,

- plus subsidiairement, dire que M. [W] ne fait pas la preuve des préjudices qu'il allègue,

- débouter M. [W] de toutes ses demandes,

- y ajoutant, le condamner au paiement de la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, y compris ceux de l'arrêt cassé, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 juin 2014 ;

MOTIFS DE LA DECISION

Le notaire est tenu d'éclairer les parties sur la portée, les effets et les risques des actes auxquels il prête son concours.

Dans ce cadre, le notaire en tant que rédacteur de l'acte est tenu d'un devoir de conseil qui se traduit par une obligation d'information, de vérification et d'efficacité de l'acte qu'il reçoit.

En cas de manquement à l'une de ses obligations, il engage sa responsabilité quasi-délictuelle ou délictuelle.

Alors même que l'acte de vente du 09 juillet 2004 qualifie la parcelle section [Cadastre 3] de « terrain à bâtir », il est avéré que cette parcelle non bâtie est classée en zone NDb correspondant à une zone naturelle sur laquelle aucune construction nouvelle à usage d'habitation n'est autorisée ainsi qu'en zone rouge sur le plan de prévention des risques naturels prévisibles de mouvements de terrain, zone dans laquelle sont interdites toute installation ou construction nouvelle à usage d'habitation, éléments ayant d'ailleurs motivé l'arrêté de refus de permis de construire du 04 janvier 2010 versé aux débats.

Il résulte du paragraphe « Urbanisme » de l'acte de vente du 09 juillet 2004 qu'étaient annexés à cet acte une note de renseignements d'urbanisme en date du 07 juin 2004 et un plan de situation dont il résultait que le terrain litigieux était situé dans le secteur NDb et en zone rouge du plan de prévention des risques naturels prévisibles.

La SCP [K] oppose qu'aux termes de l'acte de vente du 09 juillet 2004 l'acquéreur a reconnu que le notaire lui a donné lecture du document annexé , qu'il a déclaré en avoir pris parfaite connaissance et a visé les annexes dont la note de renseignements d'urbanisme, que M. [W] a donc été parfaitement informé de la situation des biens vendus au regard du PLU alors en vigueur, que le classement en zone rouge du plan de prévention des risques naturels n'implique pas l'inconstructibilité du terrain et qu'en zone NDb la constructibilité est seulement restreinte.

Mais les renseignements d'urbanisme ci-dessus exposés étant en contradiction avec le fait que la parcelle [Cadastre 3] était vendue à M. [W] comme étant « un terrain à bâtir », il appartenait à la SCP [K] d'attirer l'attention de M. [W], acquéreur, et de l'éclairer pleinement sur la situation d'urbanisme du bien vendu.

La SCP [K] ne démontre pas qu'elle a alerté l'acquéreur sur le caractère non constructible de la parcelle vendue section [Cadastre 1], et en tous cas sur la portée des restrictions substantielles de construction par l'effet des classements sus visés, et ce contrairement à la définition qui était donnée à la dite parcelle, sans aucune réserve, de « terrain à bâtir ».

Elle a donc manqué à son obligation d'information et à son devoir de conseil. Sa responsabilité doit être retenue.

Sur le préjudice

Il résulte de l'acte de vente du 09 juillet 2004 que M. [W] a acquis :

- d'une part des époux [N] la parcelle [Cadastre 2] d'une superficie de 45 ares 12 centiares comportant un pavillon d'habitation datant de 1981-1982, pour le prix de 358.254,64 euros ;

- d'autre part de la SCI La Croix Guenant « le terrain à bâtir » cadastré section [Cadastre 3] d'une superficie de 40 ares 11 centiares, pour le prix de 22.867,35 euros.

Le prix d'acquisition global de 381.122 euros a été financé par un prêt d'un montant de 330.635 euros contracté par M. [W] auprès de la société Nancéienne Varin-Bernier, remboursable en 240 mois à compter du 10 août 2004.

S'agissant de son préjudice matériel qu'il estime à la somme de 6.872.289 euros, M. [W] conclut  :

- que son projet était, après avoir acquis les deux lots au moyen d'un emprunt, de revendre à très brève échéance, à partir de mars 2005, « le terrain à bâtir » cadastré [Cadastre 3] en vue de financer les travaux importants de rénovation de la maison existante sur la parcelle contigue [Cadastre 2] et de rembourser par anticipation la totalité du prêt ;

- que ce projet s'est trouvé anéanti, que la maison en mauvais état et le terrain se sont révélés impossible à revendre ; que lui-même ne pouvant assumer le coût de remboursement des échéances du prêt, les parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 3] ont fait l'objet d'une saisie immobilière et ont été revendues à la suite d'un jugement d'orientation du 30 juillet 2009.

Toutefois la réalité d'un projet de revente rapide de la seule parcelle non bâtie cadastrée [Cadastre 3], tel que présenté par M.[W], n'est étayée par aucun document.

En outre, M. [W] ne s'explique pas sur le fait qu'il a déposé le 27 novembre 2009, soit plus de cinq ans après l'acquisition de la parcelle objet du litige, une demande de permis de construire un bâtiment à usage d'habitation (SHON de 132 m2) sur le terrain cadastré section [Cadastre 3], demande refusée par arrêté du maire de [Localité 3] du 04 janvier 2010, ainsi qu'il résulte de ses pièces 6 et 7.

M. [W] fait valoir que la parcelle [Cadastre 3] pouvait être évaluée au mois de novembre 2006 à 420 euros le mètre carré soit 1.600.000 euros et qu'à ce capital de base doit être ajoutée la somme de 5.273.107,92 euros correspondant aux intérêts du 1er avril 2005 au 30 juin 2014 calculés sur un taux d'intérêt moyen de 17% pratiqué en cas de découvert non autorisé.

Toutefois, s'agissant de l'évaluation alléguée, M. [W] ne produit qu'une revue de publicité immobilière Logic-Immo sur laquelle figure une offre de vente pour un terrain constructible de 600 m2 à [Localité 3] proposé au prix de 252.000 euros sans qu'aucun descriptif du terrain, de son emplacement, de ses caractéristiques ne permette d'affirmer qu'il est comparable au terrain objet du litige.

En outre, il résulte du jugement d'orientation du 30 juillet 2009 du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Meaux que ce dernier autorisait la vente amiable des deux parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 3] à un prix global qui ne pouvait être inférieur à 400.000 euros.

Or, il convient de rappeler que le prix d'acquisition global de 381.122,19 euros en 2004 n'avait été ventilé qu'à hauteur de 22.867,35 euros en ce qui concerne la parcelle litigieuse [Cadastre 3].

Au vu des éléments contradictoirement soumis à l'appréciation de la cour, le préjudice en lien direct et certain avec la faute du notaire sera évalué à la somme de 25.000 euros

Il y a lieu de débouter M. [W] du surplus de ses demandes au titre du préjudice matériel invoqué.

Le préjudice moral allégué par M. [W] n'est pas justifié en l'espèce.

Il convient d'allouer à M. [W] la somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement et contradictoirement, sur renvoi après cassation,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Condamne la SCP [K] (précédemment dénommée SCP [K]) à payer à M. [Y] [W] :

-la somme de 25.000 euros à titre de dommages-intérêts,

-la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [Y] [W] du surplus de ses demandes en dommages-intérêts,

Condamne la SCP [K] aux dépens de première instance et d'appel, comprenant ceux de l'arrêt cassé, avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Emmanuel Jullien AARPI JRF pour ceux la concernant.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Dominique LONNE, conseiller ayant assisté au délibéré, et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Pour le président empêché,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 12/04149
Date de la décision : 11/09/2014

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°12/04149 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-09-11;12.04149 ?
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