COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 88C
1re chambre 1re section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 05 MAI 2014
R.G. N° 12/05282
AFFAIRE :
[I] [F]
C/
SA CREDIT LYONNAIS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Mai 2012 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
Pôle famille 3 ème section
N° RG : 10/00660
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
- Me Pierre GUTTIN, avocat au barreau de VERSAILLES
la SCP LISSARRAGUE DUPUIS & ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE CINQ MAI DEUX MILLE QUATORZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [I] [F]
née le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 3] (59)
demeurant [Adresse 3]
[Localité 2]
Représentant : Me Pierre GUTTIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623 - N° du dossier 12000486
Plaidant par Maitre Bettina BORALEVI, substituant Me Philippe TROUCHET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0084 -
APPELANTE
****************
SA CREDIT LYONNAIS
agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège inscrite au RCS de LYON, sous le numéro B 954 509 741
dont le siège social est situé [Adresse 1]
[Localité 1] et le siège central [Adresse 2]
Représentant : SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD, LEXAVOUE PARIS VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1250683
Plaidant par Maitre AGUIE de la SCP SCP TUFFAL- NERSON DOUARRE et Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0505 -
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Mars 2014, Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Président,
Madame Dominique LONNE, conseiller,
Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT
Vu l'appel interjeté par [I] [F] du jugement rendu le 25 mai 2012 par le tribunal de grande instance de Nanterre qui a : - condamné [I] [F] à payer à la société Le Crédit Lyonnais la somme de 83.113,40 € avec intérêts au taux légal à compter du jugement capitalisés selon les modalités de l'article 1154 du code civil, - condamné Le Crédit Lyonnais à lui payer la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts pour trouble de jouissance, - laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 26 février 2014 par lesquelles [I] [F], poursuivant l'infirmation du jugement entrepris, demande à la cour au terme d'une série de «dire et juger» et «constater» qui ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code civil, de condamner la société Le Crédit Lyonnais à lui payer :
- la somme de 15.000 € à titre de dommages-intérêts pour non remise des bulletins de paie rectifiés,
- la somme de 59.218,03 € à titre de dommages-intérêts au titre des retraites non perçues pour la période du 1er avril 2008 au 1er septembre 2011,
- la somme de 49.107,63 € au titre des retraites non perçues pour la période du 1er septembre au 30 juin 2014,
- la somme de 830.000 € à titre de dommages-intérêts du fait de la non -exécution de l'arrêt relatif à la régularisation de sa situation auprès des organismes de retraite et subsidiairement la somme de 541.300 €,
- la somme de 20.000 € en réparation du trouble de jouissance dans la disposition de ses revenus,
- la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et une amende civile qu'il plaira à la cour de fixer, - condamner la société Le Crédit Lyonnais aux dépens ;
Vu les dernières écritures signifiées le 3 mars 2014 aux termes desquelles la société Le Crédit Lyonnais prie la cour de : - à titre principal, confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il l'a condamné au paiement de dommages-intérêts pour trouble de jouissance et, y ajoutant, condamner [I] [F] à lui payer la somme de 10.000 € pour résistance abusive, celle de 10.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au remboursement de la somme de 83.113,40 € outre intérêts, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, - à titre subsidiaire, dire que le montant de 10.000 € retenu par le tribunal constitue une juste appréciation du préjudice de [I] [F] ;
SUR QUOI, LA COUR
Considérant que [I] [F] a été engagée en qualité de psychologue graphologue par le Crédit Lyonnais à compter du 4 janvier 1988 ;
Qu'à la suite d'un différend entre les parties sur la qualification du contrat de travail, [I] [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris et cette procédure qui a donné lieu à plusieurs décisions de justice s'est achevée par un arrêt de cette cour du 20 mars 2008, statuant sur renvoi après cassation ;
Que cet arrêt a :
- prononcé la résolution judiciaire du contrat conclu entre [I] [F] et le Crédit Lyonnais aux torts de ce dernier et l'a condamné au paiement de sommes et d'indemnités à titre de rappels de salaires, congés payés, dommages-intérêts pour privation du droit à l'intéressement et à la participation, indemnité compensatrice de préavis, congés payés sur préavis, indemnité conventionnelle de licenciement et indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal dont le point de départ diffère selon les sommes, - ordonné au Crédit Lyonnais de régulariser la situation de [I] [F] auprès de l'ensemble des organismes sociaux correspondant à son statut et, notamment, auprès des organismes de retraite et de régulariser les cotisations et charges correspondantes, - ordonné au Crédit Lyonnais de lui remettre des bulletins de salaire rectifiés conformes aux dispositions de l'arrêt ;
Qu'estimant avoir commis une erreur matérielle dans le calcul des cotisations de retraite complémentaire et d'avoir trop versé à [I] [F] en exécutant l'arrêt du 20 mars 2008, soit les sommes de 511.401,87 €, le 13 juin 2008 et 1.200.689,90 €, le 11 juillet 2008, le Crédit Lyonnais a écrit à son conseil, le 2 avril 2009, puis l'a mise en demeure par LRAR du 3 août suivant de procéder au règlement de la somme de 22.607,20 €, représentant le trop versé ;
Que ces demandes étant restées vaines, par acte du 31 décembre 2009, le Crédit Lyonnais l'a assignée en remboursement de cette somme devant le tribunal de grande instance de Nanterre ;
Que de son côté, [I] [F], reprochant au Crédit Lyonnais de n'avoir pas rectifié les bulletins de salaire et de n'avoir pas régularisé sa situation auprès des organismes de retraites complémentaires s'est rapprochée du groupe TAIBOUT, par LRAR du 15 juillet 2008 ;
Que le Crédit Lyonnais a, en cours de procédure devant le tribunal, le 1er septembre 2011, procédé au règlement de la somme de 161.957,85 € pour régulariser les cotisations retraite de [I] [F] pour les années 1994 à 2008, en exécution de l'arrêt du 20 mars 2008, et précompté les cotisations sociales salariales incombant à celle-ci à concurrence de la somme de 83.113,40 €, dont le montant s'est ajouté à sa demande initiale ;
Que c'est dans ces circonstances que le jugement entrepris a été rendu ;
'Sur la demande principale formée par le Crédit Lyonnais
Considérant que les premiers juges ont condamné [I] [F] à payer au Crédit Lyonnais la somme de 83.113,40 € ;
Que pour s'opposer à toute condamnation, [I] [F] expose qu'en exécution de l'arrêt du 20 mars 2008, la cour d'appel de Versailles a mis la charge de la régularisation auprès des organismes de retraite des cotisations et charges correspondantes sur le seul Crédit Lyonnais et que si le salarié supporte une partie des charges sociales, cette règle s'applique lorsque les cotisations sont prélevées et versées en leur temps ; qu'elle relève qu'à ce jour, elle ne perçoit pas la retraite qu'elle devrait percevoir en exécution de l'arrêt ;
Que le Crédit Lyonnais se fondant sur les articles 1376 et 1377 du code civil, conclut à la confirmation du jugement et réplique qu'il a commis une erreur en exécutant l'arrêt du 20 mars 2008 s'agissant du calcul des cotisations de retraite complémentaire ce qui conduit à un trop versé de 22.607,20 € ;
Que sur sa demande complémentaire de remboursement des cotisations salariales incombant à [I] [F], il invoque sa bonne foi et fait valoir qu'il a procédé à une première régularisation le 18 mars 2009 en tenant compte des indications du Groupe TAITBOUT et des préconisations du manuel AGIRC-ARRCO et appliqué le régime dit des sommes isolées ; que dans un courriel du 18 mars 2011, soit deux ans plus tard, par l'intermédiaire du Groupe TAITBOUT, il a appris que ce mode de calcul était contesté ; qu'ainsi, selon le GIE AGIRC-ARRCO les arriérés de salaires dont a bénéficié [I] [F] doivent être traités comme afférant aux années civiles auxquels ils se rattachent et non comme une somme isolée afférente à l'année de versement ; qu'il avance que le 1er septembre 2011, il a procédé au règlement d'une somme de 161.957,85 € entre les mains du Groupe TAITBOUT permettant une régularisation des cotisations retraite de [I] [F] pour les années 1994 à 2008 et a, à cette occasion, payé non seulement la part des cotisations patronales mais également la part des cotisations salariales incombant à celle-ci dont il demande le remboursement à concurrence de 60.526,17 € ;
Sur la demande de remboursement de la somme de 22.607,20 €
Considérant qu'il ressort des pièces versées aux débats que le rappel de salaires sur les années antérieures à 2008 auquel a été condamné le Crédit Lyonnais par l'arrêt du 20 mars 2008 a fait l'objet d'un bulletin de salaire complémentaire année par année, que lors du versement du rappel de salaire relatif à l'année 2008, les cotisations de retraite complémentaire n'ont pas été précomptées alors que le précompte est réputé effectué à la date de paiement effectif du rappel de salaires, ce qui a justifié un bulletin de régularisation en mars 2009 ;
Qu'il s'ensuit que [I] [F] sera condamnée à rembourser au Crédit Lyonnais la somme de 22.607, 20 € ;
Sur la demande de remboursement de la somme de 60.526,17 €
Considérant que le Crédit Lyonnais justifie avoir effectué une première régularisation des droits de [I] [F], le 18 mars 2009, en se référant aux préconisations du guide AGIRC-ARRCO selon lesquelles les rémunérations versées à l'occasion d'un départ d'une entreprise sont allouées en dehors de la rémunération annuelle normale et donnent lieu au versement de cotisations sur une assiette spécifique qui s'ajoute à l'assiette applicable aux rémunérations normales de la période d'emploi ;
Que [I] [F] ne démontre pas que le choix de ce mode de calcul relèverait d'un comportement dilatoire alors que le Crédit Lyonnais a appliqué le régime des «sommes isolées» défini dans le guide AGIRC-ARCCO et que dans une lettre adressée au Crédit Lyonnais datée du 18 mars 2011, la responsable du Groupe NOVALIS TAITBOUT l'a informé qu'ensuite de la contestation par [I] [F] du règlement AGIRC-ARRCO, elle avait demandé l'avis des fédérations AGIRC et ARCCO dont elle attendait la réponse ; que ce n'est qu'en réponse à un courriel du 9 mai 2011 que le Crédit Lyonnais a été informé que les arriérés de salaires doivent être traités comme afférents aux années civiles auxquelles ils se rattachent et non comme une somme isolée afférente à l'année de versement ; que par chèque émis le 1er septembre 2011 à l'ordre de NOVALIS-TAITBOUT, le Crédit Lyonnais a régularisé les cotisations retraite de [I] [F] pour un montant de 161.957,85 € ;
Qu'il n'est pas contesté que lors de cette régularisation, il s'est acquitté non seulement de la part des cotisations patronales mais également de la part des cotisations salariales ;
Qu'il ne saurait être déduit de la lecture de l'arrêt du 20 mars 2008 qu'a été mis à la charge du Crédit Lyonnais la part salariale des cotisations de retraite éludées, comme les premiers juges l'ont exactement relevé ;
Que le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il condamné [I] [F] à rembourser au Crédit Lyonnais la somme de 60.526,17 € ;
Sur les demandes de [I] [F]
Sur la régularisation des bulletins de salaire
Considérant qu'elle soutient que les premiers juges ont dénaturé le dispositif de l'arrêt du 20 mars 2008 qui ordonne la rectification des bulletins de salaire en limitant son exécution à un récapitulatif annuel ;
Mais considérant que le Crédit Lyonnais répond à juste titre qu'en l'absence de précision, l'employeur peut remettre un récapitulatif annuel ;
Qu'en outre [I] [F] ne justifie pas subir un préjudice de ce chef ;
Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté [I] [F] de sa demande de dommages-intérêts à ce titre ;
Sur la demande de dommages-intérêts pour inexécution de l'arrêt du 20 mars 2008
Considérant que [I] [F] reproche au Crédit Lyonnais de n'avoir pas exécuté de manière complète l'arrêt du 20 mars 2008 de sorte que : - pour la période antérieure à la régularisation du 1er septembre 2011, le montant des sommes non perçues au titre de ses retraites s'élève à 59.218,03 €, - pour la période du 1er septembre 2011 au 30 juin 2014, le manque à gagner s'élève à 49.107,63 € ;
Qu'elle demande également de condamner le Crédit Lyonnais à lui payer la somme de 830.000 € à titre de dommages-intérêts correspondant au capital qui placé dans un organisme lui permettra de percevoir chaque mois et jusqu'à son décès une rente dont le montant sera équivalent à la somme qui lui aurait été versée si le Crédit Lyonnais avait exécuté ses obligations ;
Que le Crédit Lyonnais conteste cette demande faisant valoir qu'elle a exécuté de bonne foi l'arrêt du 20 mars 2008, qu'il a versé à [I] [F] la somme de 1.712.091,84 €, qu'elle ne subit aucun préjudice dès lors qu'elle est rentrée dans ses droits ; qu'il relève qu'à ce jour, [I] [F] perçoit une retraite mensuelle de 2.522,50 € nets alors que celle-ci estime à 2.360,21 € le montant qu'elle aurait dû toucher ;
Considérant que [I] [F] ne verse aux débats aucun élément sur sa situation matérielle actuelle, tels des relevés de compte, déclaration fiscale et avis d'imposition qui, seuls permettraient d'apprécier le montant de ses revenus actuels et de déterminer un éventuel préjudice ; qu'elle sera donc déboutée de ses demandes ;
Sur le trouble de jouissance
Considérant que [I] [F] réclame l'allocation d'une indemnité de 20.000 € pour trouble de jouissance faisant valoir que l'attitude abusive du Crédit lyonnais l'a empêché de jouir de ses revenus alimentaires pendant les 4 premières années de sa retraite ;
Que le Crédit Lyonnais fait valoir qu'elle est totalement dépendante des diligences du Groupe TAITBOUT et qu'il s'est référé à la position exprimée par l'AGIRC-ARRCO dans son guide ;
Mais considérant que, par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont exactement retenu que le retard apporté à l'exécution de l'arrêt de la cour du 20 mars 2008 a causé à [I] [F] un trouble de jouissance dans la disposition des revenus auxquels elle pouvait légitimement prétendre ; qu'en effet, fût-il la conséquence d'une mauvaise interprétation des règles applicables en matière de calcul des cotisations, ce retard traduit un manque de coordination entre les services en charge de la liquidation des droits de retraite alors que dès le 19 juillet 2010, le groupe NOVALIS-TAITBOUT détenait cette information ainsi que cela ressort d'un courriel qui a été transmis au Crédit Lyonnais le 19 mai 2011 ;
Que le jugement entrepris doit donc être confirmé en toutes ses dispositions ;
Sur les autres demandes
Considérant que l'exercice d'une voie de recours est un droit qui ne dégénère en abus donnant lieu à l'allocation de dommages-intérêts que s'il constitue un acte de malice, de mauvaise foi ou une erreur équipollente au dol, ce qui n'est pas établi en l'espèce ;
Que la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive formée par le Crédit Lyonnais sera donc rejetée ;
Que les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile doivent bénéficier au Crédit Lyonnais ; qu'il lui sera alloué à ce titre la somme de 1.500 € ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Condamne [I] [F] à payer au Crédit Lyonnais la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne [I] [F] aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du c de de procédure civile .
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,