COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
15ème chambre
ARRET N°
contradictoire
DU 09 AVRIL 2014
R.G. N° 12/04527
AFFAIRE :
SAS AC NIELSEN
C/
[Z] [J]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 28 Septembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CERGY PONTOISE
Section : Activités diverses
N° RG : 11/00395
Copies exécutoires délivrées à :
Me Pascale RAYROUX
Me Michel HENRY
Copies certifiées conformes délivrées à :
SAS AC NIELSEN
[Z] [J]
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE NEUF AVRIL DEUX MILLE QUATORZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SAS AC NIELSEN
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Pascale RAYROUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C275
APPELANTE
****************
Madame [Z] [J]
[Adresse 1]
[Localité 1]
comparante en personne, assistée de Me Michel HENRY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0099
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 10 Février 2014, en audience publique, devant la cour composé(e) de :
Madame Patricia RICHET, Présidente,
Monsieur François LEPLAT, Conseiller,
Madame Nathalie BOUTARD, Vice-Président placé,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Mohamed EL GOUZI
FAITS ET DEMANDES DES PARTIES
La SAS AC Nielsen, employant habituellement plus de 11 salariés et soumise à la convention collective nationale du 15 décembre 1987 applicable aux bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseils et sociétés de conseils, dite SYNTEC, a pour activité principale la réalisation d'études de marchés, la fourniture d'information, le mailing, les opérations de marketing et de promotion.
Mme [Z] [J] a été engagée en qualité d'enquêteur vacataire par cette société à compter de 1986 sous contrats à durée déterminée successifs dits 'd'usage' de manière occasionnelle puis, à compter du 1er janvier 2007, son activité s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée dit CEIGA ( Chargé d'Enquête Intermittent à Garantie Annuelle) lui garantissant annuellement une rémunération brute minimum de 9 796 €.
Mme [J] fait toujours partie des effectifs de la société AC Nielsen.
Mme [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Cergy Pontoise le 23 juin 2011 aux fins de voir, dans le dernier état de ses demandes et sous le bénéfice de l'exécution provisoire, requalifier la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein et la société AC Nielsen condamnée à lui payer, avec intérêts au taux légal, les sommes de:
- 2 838 € d'indemnité de requalification,
- 6 797 € de rappel de prime de 13 ème mois,
- 25 623,48 € de rappel de salaire à temps plein,
- 2 562,34 € de congés payés y afférents,
- 4 800 € de prime de vacances à titre principal ou de 817,44 € à titre subsidiaire,
- 6 304,02 € de rappel d'indemnité kilométrique,
- 10 000 € de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,
- 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle a également sollicité la remise des bulletins de paye conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document.
Par jugement du 28 septembre 2012, la juridiction prud'homale a
- rejeté l'exception d'incompétence soulevée in limine litis par la société AC Nielsen,
- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire de Mme [J] à 1 419 € bruts,
- ordonné la requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein,
- condamné l'employeur à verser à Mme [J] les sommes de
* 2 838 € nets d'indemnité de requalification,
* 25 623,48 € bruts de rappel de salaires sur la base d'un temps complet pour les années 2007 à 2011,
* 2 562,34 € bruts de congés payés afférents,
* 817,44 € de rappel de prime de vacances pour les années 2007 à 2011,
* 1 000 € nets de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,
* 1 000 € nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rappelé que ces sommes emportent intérêts au taux légal à compter du 24 juin 2011, date de réception par la défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation, pour les créances salariales et à compter du jugement pour les créances indemnitaires,
- ordonné à l'employeur de remettre à Mme [J] l'ensemble des bulletins de paie conformes au jugement pour les années 2007 à 2011,
- débouté Mme [J] du surplus de ses demandes et la société AC Nielsen de ses demandes relatives à l'exception d'incompétence et à l'indemnité de procédure,
- mis les dépens de l'instance, y compris ceux afférents aux actes et frais d'exécution éventuels à la charge de la société AC Nielsen.
La cour est régulièrement saisie d'un appel formé par la société AC Nielsen contre cette décision et, dans l'attente de l'arrêt à intervenir, les parties ont conclu, par 'avenant provisoire', un contrat de travail à durée indéterminée de droit commun à effet au 1er janvier 2013 stipulant un temps plein de 151,67 heures par mois, soit 35 heures par semaine réparties du lundi 14h30 à 18 h, du mardi au vendredi de 10H à 13h30 et de 14h30 à 18h et le samedi de 9h à 12h30.
Devant la cour, la société AC Nielsen demande
- la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté Mme [J] de ses demandes de prime de 13ème mois et de remboursement de frais sur la base d'un forfait d'indemnité kilométrique,
- l'infirmation du jugement sur l'ensemble des condamnations prononcées,
- en conséquence, le débouté de Mme [J] de l'ensemble de ses demandes,
- en tout état de cause et à titre reconventionnel, la condamnation de Mme [J] aux entiers dépens ainsi qu'à lui payer la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [J] demande à la cour
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé'la requalification des CDD en CDII dit contrat CEIGA en CDI de droit commun à temps complet' et sur les condamnations relatives à l'indemnité de requalification ( 2 838 € ), le rappel de salaire sur temps plein ( 27 574,75 € ) et les congés payés afférents ( 2 754,47 €) ainsi que sur la prime de vacances demandée à titre subsidiaire ( 817,44 € ),
- de le réformer pour le surplus et, faisant droit à son appel incident, de condamner la société AC Nielsen à lui payer les sommes de 6 304 € de rappel d'indemnités kilométriques, 10 000 € de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, 6 797 € de rappel de 13ème mois, 2 500 € supplémentaires au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à lui remettre les bulletins de salaire conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère expressément, pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.
SUR CE
La cour n'ayant pas autorisé la production de note en délibéré, la note en délibéré adressée à la cour par le conseil de la salariée et reçue le 11 mars 2014, sera écartée des débats.
Sur la demande de requalification en contrat à durée indéterminée:
Il convient préalablement de relever que la société AC Nielsen ne reprend pas devant la cour ses demandes formulées en première instance tendant à l'incompétence matérielle du conseil de prud'hommes, subsidiairement au sursis à statuer dans l'attente de la décision du TGI de Pontoise sur la validité de l'accord collectif (Annexe Enquêteurs du 16 décembre 1991 de la convention collective), et en tout état de cause, sur la prescription quinquennale de l'action en nullité ou en contestation de cet accord collectif.
La société AC Nielsen soulève tout d'abord la prescription de l'action en requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée introduite par Mme [J] sans indiquer le fondement juridique de ladite prescription, se contentant d'indiquer que la salariée n'a pas pris le soin de produire un seul de ces contrats.
La société AC Nielsen invoque également l'irrecevabilité de la demande d'indemnité de requalification dans le cadre de l'action en requalification d'un CEIGA en CDI en faisant valoir que les dispositions de l'article L 1245-2 du code du travail ne concernent que la seule action en requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, et que tel n'est pas le cas d'une action en requalification d'un contrat à durée indéterminée intermittent ( CEIGA) en contrat à durée indéterminée à temps plein.
De son côté, pour s'opposer à cette argumentation, Mme [J] fait valoir en page 6 de ses écritures, que l'indemnité de requalification n'est sollicitée que dans le cadre de la requalification des CDD, qu'elle ne sollicite pas d'indemnité de requalification du contrat CEIGA en CDI alors qu'il ressort des pages 6 et 11 de ses écritures qu'elle demande bien la requalification du contrat CEIGA en CDI à temps plein, la requalification des CDD antérieurs au CEIGA n'étant sollicitée qu'à titre surabondant ( page 12) tout en rappelant, au titre de sa demande d'indemnité de requalification, être restée près de 20 ans en CDD ( page 18).
Par ailleurs, elle sollicite dans le dispositif de ses écritures la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a 'prononcé la requalification des CDD en CDII dit contrat CEIGA en CDI de droit commun à temps complet'.
Toutefois, il résulte des écritures de Mme [J] en première instance qu'elle a demandé au conseil de prud'hommes de dire qu'elle était liée avec la société Nielsen par un contrat de travail à durée indéterminée intermittent à temps plein ( pages 12 et 13), qu'elle a également demandé la requalification en CDI des CDD conclus par la société Nielsen ( page 15), avant d'indiquer qu 'en tout état de cause, les contrats de travail à durée déterminée ainsi que le contrat CEIGA doivent être requalifiés en un contrat de travail de droit commun, à durée indéterminée et à temps complet' ( page 16), de solliciter en conséquence, en application de l'article 'R' 1245-1 du code du travail, une indemnité de requalification au titre des CDD exécutés durant près de 20 années (page 17) et de rappeler enfin que ses demandes portent, entre autres, sur la 'requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein' ( page 23).
Il s'ensuit qu'en réalité, devant le conseil de prud'hommes, Mme [J] a demandé tout à la fois la requalification en CDI des CDD et du CEIGA.
En l'absence de toute précision dans le dispositif du jugement attaqué, il convient de se reporter aux motifs selon lesquels ( page 4) ' le contrat de travail intermittent de Madame [J] doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun à temps complet' et qu' 'en application des dispositions de l'article L 1245-2 du code du travail, Madame [J] est bien fondée en sa demande de versement d'indemnité de requalification'.
La décision attaquée n'a donc requalifié en CDI que le seul contrat CEIGA.
Mme [J], pour s'opposer à la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par la société AC Nielsen, fait également valoir qu'à la date d'introduction de l'instance, le délai de prescription de l'action en requalification et de l'action en paiement de l'indemnité de requalification était trentenaire, sans toutefois mentionner le fondement juridique de ses assertions.
- Sur la prescription de l'action en requalifiation:
Il convient de rappeler que la demande de requalification d'un contrat de travail n'entre pas dans le champ de la prescription quinquennale de l'article L 3245-1 du code du travail qui ne vise que l'action en paiement ou en répétition du salaire, mais constitue une action personnelle, laquelle se prescrivait par 30 ans sous l'empire de l'ancien article 2262 du code civil, sans que la loi du 17 juin 2008 n'ait eu pour effet d'abréger ce délai.
Mme [J] ayant introduit son action en requalification le 23 juin 2011, cette demande n'était pas prescrite et la fin de non-recevoir soulevée par la société AC Nielsen doit être écartée.
- Sur la demande principale en requalification du CEIGA en CDI à temps complet:
C'est tout à fait vainement que pour s'opposer à la demande, la société AC Nielsen fait tout d'abord valoir que:
- l'action de Mme [J] est fondée sur une législation relative au temps de travail inapplicable au cas d'espèce, dès lors que tant contractuellement que conventionnellement, la rémunération est prévue uniquement à la tâche et non au temps de travail (chaque tâche étant toutefois réglée sur la base d'un temps théorique évalué au préalable pour chacune d'elles) et ne peut, comme le prétend Mme [J], permettre à l'employeur de modifier unilatéralement la rémunération, le contrat de travail et l'article 5 de l'Annexe 'Enquêteurs' de la convention collective dite SYNTEC stipulant une rémunération minimale garantie et cet article 5 prévoyant une révision tous les 2 ans de la rémunération annuelle garantie qui sera égale à 60% de la rémunération moyenne des 3 années précédentes laquelle ne pourra cependant en aucun cas être inférieure à la rémunération annuelle garantie initialement définie lors de la première année d'existence du contrat, réévaluée sur la valeur du point ETAM;
- les dispositions conventionnelles applicables sont exclusives de toute notion de 'temps de travail', l'article 13 de l'Annexe 'Enquêteurs' de la convention collective dite SYNTEC spécifiant que les enquêteurs CEIGA sont rémunérés chaque mois en fonction du travail accompli, c'est-à-dire que seule la remise de l'étude déclenche leur rémunération et l'article 8 stipulant que l'employeur adresse à l'enquêteur CEIGA une proposition écrite dénommée contrat d'enquête contenant les indications nécessaires et fixant le délai imparti pour son exécution, la détermination de la rémunération de l'enquêteur ( prix du questionnaire) tenant compte d'une durée théorique moyenne de travail fondée sur les 2 éléments que sont la durée des relevés de prix et le temps de recherche, de préparation et de mise en forme, évalués de manière forfaitaire;
- la législation sur le temps plein est inapplicable aux salariés payés à la tâche, ces derniers n'étant pas soumis à un horaire de travail et que Mme [J] ne pouvait, sans se contredire, affirmer dans ses écritures de première instance, à la fois que le volume horaire des CEIGA était égal à la durée légale du travail et réclamer néanmoins un rappel de salaire en indiquant que sa propre durée du travail était en moyenne de 12 heures par semaine, durée dont elle ne justifie d'ailleurs pas et qui demeure inconnue de l'employeur;
- la totale liberté des enquêteurs pour organiser comme ils le souhaitent leurs journées de travail stipulée par l'article 10 de l'annexe 'Enquêteurs', s'oppose à toute possibilité de contrôle par l'employeur;
- les conditions contractuelles de la rémunération à la tâche prévues au contrat et à ses avenants relatifs à chacune des études réalisées, s'imposent à la salariée et au juge, lesquels ne peuvent se substituer aux partenaires sociaux en modifiant les termes d'une convention collective régulièrement étendue par décret ni les termes d'accords d'entreprise issus des NAO, la salariée ayant accepté ce système de rémunération en signant le contrat et ses avenants postérieurs et le juge étant lié par les dispositions contractuelles non contraires au droit en vigueur quant à la rémunération à la tâche;
- en tout état de cause, la requalification d'une rémunération à la tâche en une rémunération à temps plein est impossible.
Cette argumentation est en effet totalement inopérante dès lors que le litige ne porte pas sur les conditions matérielles dans lesquelles Mme [J] a exercé ses fonctions, qu'il s'agisse de sa rémunération ou des horaires pratiqués à l'occasion des enquêtes réalisées, ni sur l' annulation d'une convention collective ou la modification d'un contrat par le juge mais porte, ainsi qu'il ressort des écritures de l'intimée, sur une requalification formelle tenant aux indications que doit obligatoirement comporter un contrat de travail intermittent.
A cet égard, il convient de relever que le contrat CIEGA en cause ayant été conclu le 15 janvier 2007 avec effet au 1er janvier précédent, se trouve donc soumis aux dispositions légales en vigueur à cette date, en l'espèce les dispositions de l'article L 212-4-13 du code du travail issu de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 reprenant les dispositions de l'ancien article L 212-4-9 du code du travail introduit par l'ordonnance n° 86-948 du 11 août 1986 prévoyant que le contrat de travail intermittent doit comporter un certain nombre de mentions obligatoires relatives à la qualification du salarié, les éléments de sa rémunération, la durée annuelle minimale du travail du salarié, les périodes pendant lesquelles celui-ci travaille ainsi que la répartition des heures de travail à l'intérieur de cette période et que dans les cas où la nature de l'activité ne permet pas de fixer avec précision les périodes de travail et la répartition des heures de travail au sein de ces périodes, la convention collective ou l'accord collectif étendu détermine les adaptations nécessaires et notamment les conditions dans lesquelles le salarié peut refuser les dates et les horaires de travail qui lui sont proposés.
Par ailleurs, l'Annexe 4 'Enquêteurs' de la convention collective SYNTEC, du 16 décembre 1991 étendue par arrêté du 27 avril 1992, conclue sous l'empire des articles L 212-4-8 à L 212-4-11 du code du travail, dont l'article 3 précise, au titre des adaptations nécessaires, que lorsque l'employeur recourt aux enquêteurs CEIGA pour les enquêtes qui ne permettent pas un délai de prévenance de 3 jours ouvrables, la non acceptation du salarié ne pourra être considérée comme un refus de travail et sera sans conséquence sur la relation contractuelle, a été maintenue en vigueur par l'article 43 de la loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993 ayant abrogé le régime de l'intermittence issu de l'ordonnance n° 86-948 du 11 août 1986.
Il en résulte donc que le contrat GEIGA prenant effet au 1er janvier 2007 à l'égard de Mme [J] est irrégulier, comme n'ayant jamais comporté les mentions relatives à la durée annuelle minimale de travail, ni à la période de travail, ni à la répartition des heures de travail au sein des périodes travaillées, sans qu'il soit nécessaire de statuer plus avant sur les exceptions prévues à l'article D 3123-4 actuel du code du travail dès lors qu'il n'est pas contesté que l'activité de la salariée ne relève pas du secteur du spectacle vivant et enregistré.
En outre est inopérant l'argument invoqué par la société AC Nielsen pour affirmer que Mme [J] ne se trouvait pas dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler au motif qu'il n'y a pas lieu de se référer au 'contrat cadre' du 1er janvier 2007 mais à ses 'avenants' que constituent les propositions d'intervention, lesquelles comportent des plannings très précis avec, pour chaque enquête, la répartition proposée par jour de travail sur la semaine et le mois ainsi qu'une estimation de durée maximale en jours de la mission de telle sorte qu'elle connaissait au moins, un mois à l'avance et pour chaque semaine, l'activité prévue qui lui était proposée et pouvait, ainsi, s'organiser en conséquence.
En effet, les exemplaires de contrats d'enquête CEIGA produits par l'employeur ( pièces n° 4, 5 et 6) afférents aux années 2009, 2010 et 2011, mentionnent uniquement au paragraphe 4 'durée et rémunération': le type d'enquête à réaliser, le jour à compter duquel doit être réalisée l'enquête, le nombre d'enquêtes du même type à réaliser. De même, les 3 exemplaires d'enquête CEIGA ( pièce n° 6) afférents à l'année 2011, ne mentionnent, en fonction du type d'enquête à réaliser, que le nombre de jours à y consacrer. Il s'ensuit que ces documents ne sont pas de nature à correspondre aux prescriptions légales quant aux mentions obligatoires relatives au temps de travail. Il en va de même pour les propositions de planification par semaines en 2010 et 2011( pièce n° 7), mentionnant uniquement un nombre d'heures pré-planifiées ainsi que le temps horaire qui doit être passé dans chaque magasin visité par l'enquêteur CEIGA.
Il s'ensuit qu'en réalité Mme [J] devait se trouver en permanence à la disposition de l'employeur susceptible de la solliciter à tout moment, de telle sorte que son contrat de travail doit être présumé à temps complet, ainsi que l'ont à bon droit estimé les premiers juges dont la décision sera confirmée sur le principe de la requalification, sans qu'il y ait lieu de statuer surabondamment sur les arguments avancés par la société AC Nielsen relatifs notamment aux contrats écrits à temps partiels et aux contrats régissant les VRP et peu important le mode de rémunération, l'exercice d'une activité syndicale, l'exercice d'une activité associative et l'éloignement géographique du domicile de la salariée.
Il y a également lieu de relever que les avis d'imposition produits par Mme [J] au titre des revenus 2007, 2008 et 2009 sont en concordance avec les sommes mentionnées sur ses bulletins de salaire édités par la société AC Nielsen. S'il résulte des pièces produites que la salariée a effectué également quelques enquêtes pour le compte d'une société TVS en 2010 ( du 6 au 22 avril, du 8 au 25 novembre et du 6 au 15 décembre) et en 2011 ( du 7 au 24 novembre et du 5 au 9 décembre), il convient toutefois de noter, d'une part, que contrairement aux assertions de la société appelante, qui n'en rapporte pas la preuve, Mme [J] n'a pas refusé des propositions d'enquête émanant de la société AC Nielsen, d'autre part, qu'il ne saurait lui être reproché d'avoir travaillé pour le compte de la société TVS dès lors que Mme [J] ne se voyait plus confier d'enquêtes par la société AC Nielsen à cette période, ainsi que cela ressort de ses bulletins de salaire, des attestations de ses fils qui ont dû se substituer à elle pour payer son loyer et d'un courrier de la société AC Nielsen en date du 22 février 2011 lui rappelant que pour l'année 2010, sa charge de travail a été bien plus faible que l'année précédente.
C'est donc vainement que la société AC Nielsen prétend que Mme [J] ne serait pas resté à sa disposition durant l'exécution de la relation de travail
Dès lors que la cour fait droit à la demande principale de la salariée de requalification de son contrat CEIGA en contrat à durée indéterminée de droit commun à temps plein, il n'y a pas lieu de statuer sur sa demande, qu'elle qualifie elle-même de 'surabondante', de requalification des CDD antérieurs au contrat CEIGA.
En revanche, c'est à bon droit que la société AC Nielsen conclut au débouté de la demande en paiement de l'indemnité de requalification dès lors que le contrat CEIGA est un contrat à durée indéterminée et que l'article L 1245-2 du code du travail ne prévoit d'indemnité de requalification qu'en cas de requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et non en cas de requalification d'un contrat à durée indéterminée intermittent en contrat à durée indéterminée à temps complet.
Le jugement sera en conséquence réformé de ce chef.
- Sur le rappel de salaire à temps plein et les congés payés afférents:
Pour s'opposer à la demande de Mme [J], la société AC Nielsen, qui indique que la salariée a sollicité et obtenu 25 623,48 € alors que la différence ne serait que de 22 119,28 € entre ce qu'elle a réellement perçu et ce qu'elle aurait pu percevoir entre janvier 2007 et avril 2012, et qu'en tout état de cause, le total éventuellement dû ne pourrait tout au plus être que de 24 046,65 € ( soit 22 119,28 € de salaires déjà perçus + 2 354,61 € de rappel de salaire pour la période de mai à décembre 2012 inclus), fait valoir que la salariée a, sans explication, minoré dans son tableau récapitulatif, certains des salaires qu'elle a perçus, par exemple en juin et systématiquement augmenté de quelques dizaines d'euros à chaque fois, les minima de la convention collective applicables aux ETAM ayant un coefficient 230. L'employeur reproche également au conseil de prud'hommes de ne pas avoir recherché si Mme [J] n'avait pas perçu d'autres rémunérations qu'il aurait dû déduire du rappel de salaire de 25 623,48 € bruts alloué, étant cependant relevé qu'en première instance, la société AC Nielsen n'avait pas invoqué l'argument tenant à la perception d'autres revenus que ceux de Nielsen.
De son côté, pour demander dans les motifs de ses écritures les sommes respectives de
27 574,75 € et 2 757,47 € au titre des rappels de salaires et de congés payés afférents réactualisés au 31 décembre 2012, ce qui ne saurait constituer une demande confirmative du jugement comme indiqué de manière inappropriée dans le dispositif de ses écritures, soit un rappel de salaire supplémentaire de mai à décembre 2012 outre les congés payés afférents, faisant l'objet du tableau communiqué en pièce n° 6 ( en réalité n° 24), Mme [J] allègue que l'employeur a fait une mauvaise application dans le temps de l'avenant n° 40 du 21 octobre 2011 prenant effet en février 2012 et non en mars 2012 et explique avoir parfois retenu un taux supérieur à celui du coefficient 230 lorsque ce taux était, sur certaines périodes, inférieur au SMIC, par exemple en 2007 ou lorsque la société AC Nielsen avait commis des erreurs de calcul, par exemple en ayant déduit en juin 2007 la somme de 633 € au motif que le salaire versé était supérieur à hauteur de ce montant aux minima alors qu'il s'agissait de rémunérer un horaire supérieur à la durée légale.
Mme [J], qui ne s'était jamais plainte jusqu'alors d'une rémunération inférieure aux minima conventionnels et dont le bulletin de salaire de juin 2007 ne fait état d'aucune déduction de 633 €, ne rapportant pas la preuve de ses allégations, la cour fera droit à la demande à hauteur de 20 083,45 € € à titre de rappel de salaire ( 22 119,28 € - 2035,83 € correspondant aux rémunérations brutes perçues de TVS en 2010 et 2011) et de 2 008,34 € de congés payés afférents.
La cour réformera donc le jugement déféré en ce sens.
- Sur la prime de 13 ème mois:
Les premiers juges ont rejeté la demande de Mme [J] de ce chef au motif qu'elle ne justifiait pas de ses allégations selon lesquelles la société AC Nielsen versait cette prime à l'ensemble des salariés engagés selon contrat à durée indéterminée.
La société appelante fait remarquer que le versement d'une telle prime n'est pas prévue contractuellement ni conventionnellement, que ce soit par la convention collective Syntec ou son Annexe 4 'enquêteurs' de 1991.
Devant la cour, pour étayer sa demande, la salariée se réfère à sa pièce n° 17, intitulée 'Questions Délégués du Personnel et Réponses de la Direction Novembre, décembre 2009, janvier, février 2010" aux termes duquel l'employeur aurait indiqué que ' les salariés permanents de l'entreprise bénéficient d'un 13ème mois'. Ce document s'apparentant à un tract syndical eu égard aux commentaires qui y sont mentionnés après les réponses de la direction, est dépourvu de force probante, faute d'indiquer la date de réunion au cours de laquelle auraient été posées les questions ainsi que les noms des participants à ladite réunion.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
- Sur le rappel de prime de vacances:
Les premiers juges ont rejeté cette demande à titre principal à hauteur de 800 € par année d'activité au motif que Mme [J] ne produisait aucun document justifiant du versement d'une telle prime mais fait droit à sa demande subsidiaire à concurrence de 817,44 €, correspondant à 10% du montant global des indemnités de congés payés au titre des années 2007 à 2011 inclus à laquelle lui ouvre droit la requalification de son contrat, en relevant que l'article 31 de la convention collective prévoit effectivement le versement à l'ensemble des salariés, d'une prime de vacances d'un montant au moins égal à 10% de la masse globale des indemnités de congés payés prévus par la convention collective.
Le contrat CEIGA étant requalifié en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein de droit commun, est inopérante l'argumentation de la société AC Nielsen consistant à prétendre que Mme [J] ne peut réclamer une telle prime aux motifs que l'annexe 4 ' Enquêteurs' du 16 décembre 1991 n'applique aux enquêteurs que 8 articles de la convention collective au nombre desquels ne figure pas l'article 31 et que l'accord collectif d'entreprise conclu le 19 juin 1996 relatif aux congés payés des enquêteurs n'instaure aucune prime de vacances au bénéfices des CEIGA.
S'agissant du montant de ladite prime, la société AC Nielsen allègue qu'elle ne peut s'élever, au plus, qu'à 569,33 € correspondant au 10ème des indemnités de congés payés versées au mois de juin de chaque année, ainsi qu'il résulte des bulletins de paie, soit 484,66 € en 2007, 1 502 € en 2008, 1 530,32 € en 2009, 1 238,42 € en 2010 et 937,99 € en 2011= 5 693,39 € et non, comme l'a calculé le conseil de prud'hommes, sur la base d'un salaire théorique de 805 € qui n'a jamais été versé à la salariée.
Contrairement à ces assertions, les premiers juges, dont la décision sera confirmée, ont retenu non un salaire théorique de 805 € mais ont repris la méthode de calcul proposée par la salariée consistant à fixer le montant des indemnités de congés payés, non en référence au salaire perçu dans le cadre du CEIGA, mais par référence au salaire réellement dû pour un travail à temps plein, soit 1 536 € en 2007 ( salaire de 1280 € x 12 = 15 360 € ), 1 573,20 € en 2008 ( salaire de 1 311 € x 12 = 15 732 € ), 1 669,20 € en 2009 ( salaire de 1 391 € x 12 = 16 692 € ), 1 657,20 € en 2009 ( salaire de 1 396 € x 12 = 16 752 € ), 1 720,80 € en 2011 ( salaire de 1 419 € x 12 = 17 208 € ) = 8 174,4 €.
- Sur le rappel d'indemnité kilométrique:
C'est à juste titre que l'employeur s'oppose à cette demande dès lors que la salariée ne justifie nullement du montant de sa réclamation, sa pièce n° 4 correspondant aux bulletins de salaire de janvier à octobre 2011 ( selon bordereau de communication de pièces du 17 janvier 2012), sa pièce n° 6 correspondant à un tableau récapitulatif des kilomètres parcourus chaque semaine en 2007, 2008, 2009, 2010, 2011 et 2012 ainsi que des frais exposés et remboursés et sa pièce n°18 étant constituée de reproductions de cartes Michelin avec l'indication des kilomètres parcourus.
Il convient de rappeler qu'en tout état de cause, dans le cadre de son pouvoir de direction, ainsi que le lui permet l'article 14 de l'Annexe 4 'Enquêteurs' de 1991,la société AC Nielsen a instauré un système de remboursement forfaitaire global des frais professionnels de toute nature exposés pour la réalisation des enquêtes, ainsi qu'il est mentionné à l'article 6 du contrat CEIGA.
Quant à ses pièces communes F et O, elle sont tout aussi dépourvues de force probante, s'agissant, d'une part, d'une note de l'employeur aux salariés du 27 octobre 2009 leur rappelant les règles de déclaration du CR Hebdo et, d'autre part, de questions des délégués du personnel CGT de janvier 2012 et de réponses, concernant notamment la prise en charge d'une assurance professionnelle véhicule au titre des frais kilométriques.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté Mme [J] de ce chef de demande.
- Sur les dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail:
Au soutien de sa demande, Mme [J] fait valoir que la violation du droit commun des contrats à durée indéterminée et des dispositions conventionnelles applicables par la société AC Nielsen depuis le début de la relation de travail, l'a maintenue dans un état de précarité permanent, l'obligeant à se tenir constamment à la disposition de l'employeur sans bénéficier du salaire correspondant et l'a privée de toute possibilité d'obtenir un crédit, de telle sorte qu'elle s'est trouvée contrainte de vivre au jour le jour.
Pour lui allouer à ce titre une somme de 1 000 €, le conseil de prud'hommes a relevé que son préjudice était en partie réparé par le rappel de salaire précédemment ordonné.
Toutefois, un même préjudice ne pouvant être indemnisé deux fois et Mme [J], qui a attendu plusieurs années pour solliciter une requalification de la relation de travail, ne justifiant pas d'un préjudice autre que celui réparé par les rappels de salaire et de congés payés afférents déjà octroyés, la cour infirmera le jugement déféré et déboutera l'intéressée de ce chef de demande.
- Sur la remise des bulletins de salaires:
Compte tenu de ce qui précède, la cour ordonnera à la société AC Nielsen de remettre à Mme [J] les bulletins de paye afférents à la période 2007 à 2012 conformes au présent arrêt, sans que le prononcé d'une astreinte ne s'avère nécessaire, aucun élément de la procédure ne laissant présumer que l'employeur ne s'exécutera pas.
- Sur l'exécution provisoire:
Mme [J] sollicite dans les motifs de ces écritures que le 'conseil' ordonne l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile, sans toutefois reprendre ce chef de demande dans le dispositif.
Le pourvoi en cassation n'étant pas suspensif, la salariée sera déboutée de cette demande.
- Sur les intérêts légaux:
Bien que non reprise dans le dispositif de ses écritures, Mme [J] a formulé dans les motifs une demande d' intérêts au taux légal, à laquelle il sera fait droit.
- Sur l'indemnité de procédure et les dépens:
Dans le corps de ses écritures, Mme [J] sollicite l'octroi d'une somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, tout en sollicitant, dans le dispositif, la condamnation de la société AC Nielsen au paiement d'une somme 'supplémentaire' de
2 500 €.
La société AC Nielsen succombant pour l'essentiel en ses prétentions, sera condamnée aux entiers dépens et condamnée à payer à Mme [J], au titre de ses frais irrépétibles en cause d'appel, une somme que l'équité commande de fixer à 1 000 €.
L'employeur sera débouté de ses demandes formulées de ces chefs.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant contradictoirement,
Réforme partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau,
Déboute Mme [J] de sa demande en paiement d'une indemnité de requalification du contrat CEIGA en CDI,
Condamne la SAS AC Nielsen à payer à Mme [J] les sommes de 20 083,45 € bruts à titre de rappel de salaire sur la base d'un temps complet pour les années 2007 à 2012 et de
2 008,34 € bruts au titre des congés payés afférents,
Le confirme pour le surplus,
Y ajoutant,
Ecarte des débats la note en délibéré produite par Mme [J],
Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la SAS AC Nielsen au titre de la prescription,
Déboute Mme [J] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et de sa demande d'exécution provisoire du présent arrêt,
Ordonne à la SAS AC Nielsen de remettre à Mme [J] les bulletins de salaire afférents à la période 2007 à 2012 conformes au présent arrêt,
Dit que les sommes allouées à Mme [J] porteront intérêts au taux légal,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne la SAS AC Nielsen aux entiers dépens et à payer à Mme [J] la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Patricia RICHET, Présidente et par Monsieur Mohamed EL GOUZI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,