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03/04/2014 | FRANCE | N°13/04293

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 03 avril 2014, 13/04293


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 59C



13e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 03 AVRIL 2014



R.G. N° 13/04293



AFFAIRE :



SA GEFCO





C/

Me [O] [H] - Mandataire liquidateur de SELARL [H]

...







Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 30 Mai 2013 par le Cour de Cassation de PARIS

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 11-27-352



Expéditions ex

écutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 03.04.14



à :



Me Martine DUPUIS



Me Jean-yves VINCOT



C.Cassation



12e Chambre C.A Versailles,



TC NANTERRE





REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE TROIS AVRIL DEUX MILLE QUA...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 59C

13e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 03 AVRIL 2014

R.G. N° 13/04293

AFFAIRE :

SA GEFCO

C/

Me [O] [H] - Mandataire liquidateur de SELARL [H]

...

Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 30 Mai 2013 par le Cour de Cassation de PARIS

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 11-27-352

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 03.04.14

à :

Me Martine DUPUIS

Me Jean-yves VINCOT

C.Cassation

12e Chambre C.A Versailles,

TC NANTERRE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE TROIS AVRIL DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation () du 30 Mai 2013 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de VERSAILLES12e Chambre Section 1 le 09 Mars 2010 et 22 Septembre 2011

SA GEFCO

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représenté(e) par Maître Martine DUPUIS de la SCP LISSARRAGUE DUPUIS & ASSOCIES, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

et par Maître N.BARETY, avocat plaidant au barreau de PARIS

****************

DEFENDERESSES DEVANT LA COUR DE RENVOI

SELARL [H] es-qualités de mandataire liquidateur de la Sté TRANSPORTS FRIGO 7 - LOCATEX, mission conduite par Maître [O] [H]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Maître Jean-yves VINCOT de la SCP JEAN-YVES & ANNE VINCOT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 18 et par Maître P.LE GOFF, avocat plaidant au barreau de RENNES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Février 2014, Madame Annie VAISSETTE, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente,

Madame Anne BEAUVOIS, Conseiller,

Madame Annie VAISSETTE, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER

La société Gefco est filiale à 100% de la société PSA ; commissionnaire de transports, elle entretenait depuis 1972 avec la société Locatex des relations commerciales non formalisées, lui confiant notamment l'exploitation de lignes régulières de transport de pièces détachées automobiles ; en 2000 l'activité de Locatex pour Gefco représentait près de 70% de son chiffre d'affaires.

Compte tenu de ses difficultés pour l'exercice de son activité, la société Locatex au cours de l'année 2005 s'est rapprochée de la société Frigo 7 LGL avec laquelle elle a finalement fusionné en 2006.

Après un accord intervenu selon lettres des 21 et 23juin 2005, les sociétés Gefco et Frigo 7- Locatex se sont opposées sur l'augmentation des tarifs de cette dernière, et n'ont pu trouver d'accord sur les conditions de la poursuite de leur collaboration ; la société Gefco a alors adressé le 8 février 2008 à la société Frigo 7 - Locatex un courrier recommandé mettant fin aux relations contractuelles.

La société Frigo-7 Locatex a engagé trois actions à l'encontre de la société Gefco pour prix abusivement bas, pour rupture de relations commerciales établies et au titre de l'indexation du prix du transport au regard de la variation du prix du gazole. L'action exercée au titre des prix abusivement bas a été rejetée par un arrêt infirmatif de cette cour du 12 juin 2013 et la société Frigo 7-Locatex indique avoir formé un pourvoi. L'action relative à la rupture de relations commerciales établies est, après cassation par décision de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 4 octobre 2011 d'un arrêt de cette cour du 30 avril 2010, pendante devant la cour de Versailles autrement composée.

C'est la dernière action relative à l'indexation des prix au regard de la variation du prix du carburant qui intéresse la présente instance.

Ainsi, par acte du 11 mars 2008, la société Frigo 7 Locatex a saisi le juge des référés aux fins d'obtenir le versement d'une provision au titre d'une insuffisance d'indexation gazole et la désignation d'un expert ; par ordonnance du 18 avril 2008, le juge des référés a désigné M. [I] en qualité d'expert et pour le surplus renvoyé les parties devant le juge du fond.

Le tribunal de commerce de Nanterre, par jugement rendu le 22 janvier 2009, a :

- dit que l'indice CNR de décembre 2003 sera retenu comme base de calcul de l'indexation des prix du gazole des prestations de transport effectuées au titre des lignes régulières par Frigo 7-Locatex pour Gefco,

-dit que la prescription annale usuelle en matière de transports ne s'applique pas à ces contrats et que ce calcul d'indexation s'appliquera à toutes les prestations postérieures au 5 janvier 2006,

-désigné M. [I] en qualité d'expert afin de réaliser le calcul de l'indexation gazole en fixant le point de départ de l'indexation au mois de décembre 2003,

-condamné Gefco à payer à Frigo 7-Locatex une somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

L'expert a déposé son rapport le 31 mars 2009 et a conclu à un déficit d'indexation de 1.804.650,98 €.

En ouverture de ce rapport, le tribunal de commerce de Nanterre, refusant de surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt à intervenir sur appel formé contre son précédent jugement concernant le point de départ de l'indexation, a, par jugement rendu le 30 juillet 2009, partiellement assorti de l'exécution provisoire, condamné la société Gefco à payer à la société Frigo 7- Locatex la somme de 1.559.482,10 € outre celle de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour d'appel de Versailles, par arrêt en date du 9 mars 2010, a confirmé le jugement du 22 janvier 2009 en ce qu'il a écarté la prescription annale, l'a infirmé pour le surplus, a fixé le point de l'indice de départ de l'indexation à la moyenne de l'indice CNR de janvier à avril 2005 et désigné M. [I] en qualité d' expert afin de procéder au calcul d'indexation correspondant.

En ouverture du rapport déposé le 29 octobre 2010, la cour, par arrêt rendu le 22 septembre 2011, a fixé le montant du complément d'indexation dû par la société Gefco à la société Frigo 7- Locatex à la somme de 122.662,10 € pour la période de janvier 2006 à juillet 2008.

La société Frigo 7-Locatex a été mise en sauvegarde par jugement du tribunal de commerce de Rennes du 19 octobre 2011, procédure convertie en redressement judiciaire le 19 décembre 2012. Le plan de cession de la société a été arrêté le 10 avril 2013 et la liquidation judiciaire prononcée le 22 mai 2013.

Par arrêt du 22 mai 2013 (pourvoi n° 11-27.352), la chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 9 mars 2010 et a constaté l'annulation par voie de conséquence en toutes ses dispositions de l'arrêt de la même cour du 22 septembre 2011. La cause et les parties ont été renvoyées devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

S'agissant de la prescription de l'article L.133-6 du code de commerce , la Cour de cassation, après avoir dit que sont également soumises à la prescription annale, sauf au cas de fraude ou d'infidélité, toutes les autres actions auxquelles le contrat de transport peut donner lieu, a retenu que c'est donc à bon droit que la cour d'appel avait énoncé que la fraude ou l'infidélité pouvaient faire échec à la prescription annale des actions auxquelles peuvent donner lieu le contrat de transport, aussi bien que celles qui naissent de l'article 1269 du code de procédure civile.

Mais elle a censuré la cour d'appel, en ce qu'elle avait retenu que le mode de révision du prix par les sociétés Gefco et Frigo 7 - Locatex était unilatéral, non concerté et purement potestatif, ce qui suffisait à démontrer une dissimulation malicieuse de la part de la société Gefco, en jugeant qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser un cas de fraude ou d'infidélité en présence d'une convention dont elle a relevé qu'elle avait été mise en place d'un commun accord à la demande de la société Frigo 7 - Locatex, la cour d'appel avait privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 133-6 du code de commerce.

Au visa des articles L. 3222-1 et L. 3222-2 du code de commerce, la Cour de cassation a encore reproché à la cour d'appel d'avoir violé le premier par fausse application et le second par refus d'application en retenant que l'indice initial était la moyenne de l'indice retenu par l'expert pour les mois de janvier à avril 2005. Elle a énoncé qu'à défaut de stipulations contractuelles identifiant les charges de carburant, celles-ci devaient, à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 5 janvier 2006, être déterminées, au jour de chaque commande de transport passée en exécution du contrat-cadre liant les parties, par référence au prix du gazole publié par le comité national routier et à la part des charges de carburant dans le prix du transport, telle qu'établie dans les indices synthétiques de ce comité, ce prix étant révisé de plein droit en appliquant aux charges de carburant la variation de l'indice gazole depuis la date de la commande, et non pas des mois de janvier à avril 2005, jusqu'à celle de sa réalisation.

La société Gefco a saisi la cour de renvoi le 31 mai 2013 et, par dernières conclusions signifiées le 2 décembre 2013 demande à la cour de :

Infirmer les jugements du tribunal de commerce de Nanterre en date des 22 janvier 2009 et 30 juillet 2009,

Statuant à nouveau,

Dire les prétentions antérieures au 11mars 2007 prescrites en application de l'article L 133-6 du code de commerce,

Dire que la Selarl [H], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Frigo 7- Locatex, ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'une quelconque fraude ou infidélité de la société Gefco,

En conséquence,

Déclarer les demandes de la Selarl [H], en qualité de liquidateur de la société Frigo 7- Locatex, relatives à des prestations de transport antérieures au 11 mars 2007 irrecevables comme prescrites,

Dire que la Selarl [H], en qualité de liquidateur de la société Frigo 7- Locatex, ne rapporte pas la preuve d'un prétendu manquement de la société Gefco dans l'application de la loi du 5 janvier 2006,

Dire que la société Frigo 7- Locatex ne démontre pas qu'en application des critères d'indexation fixés par la loi du 5 janvier 2006, un solde d'indexation lui serait dû par la société Gefco,

Dire que la société Frigo 7- Locatex ne rapporte pas la preuve qui lui incombe du montant de ses prétentions,

En conséquence,

Débouter purement et simplement la Selarl [H] ès qualités de l'intégralité de ses demandes,

Incidemment,

Dire que la procédure engagée par la société Frigo 7- Locatex revêt un caractère abusif,

Condamner la Selarl [H], en qualité de liquidateur de la société Frigo 7- Locatex, à payer à la société Gefco la somme de 30.000 € titre de dommages-intérêts de ce chef.

Condamner la Selarl [H] ès qualités à verser à la société Gefco la somme de 15.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner la même en tous les dépens dont distraction au profit de la SCP Lissarrague, Dupuis Boccon-Gibod, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Gefco fait valoir pour l'essentiel :

- que par application de la prescription de l'article L. 133-6 du code de commerce, l'assignation en référé ayant été délivrée le 11 mars 2008, la société Frigo 7-Locatex ne peut soumettre au juge de prétentions antérieures au 11 mars 2007,

-que la société Frigo 7-Locatex ne rapporte pas la preuve d'une fraude ou d'une infidélité de la société Gefco, le désaccord des parties sur les modalités d'application de la loi du 5 janvier 2006 ne pouvant constituer une fraude ou une infidélité, d'autant que les modalités d'indexation résultant des courriers des 21 et 23 juin 2005 avaient été rédigées et proposées par la société Frigo 7-Locatex,

-que pour calculer l'indexation du prix du transport conformément au dispositif instauré par la loi du 5 janvier 2006 rappelé par la Cour de cassation, il faut réviser le prix du transport en vigueur au jour de la commande en fonction de la variation de l'indice édité par le Comité national routier (CNR) entre la date où le prix a été négocié par les parties et la date à laquelle le transport a été réalisé,

-que dans le cas de lignes régulières de transport, comme en l'espèce, il n'existe pas de commandes à proprement parler et l'indice de départ est obligatoirement celui en vigueur à la date à laquelle le prix initial a été convenu par les parties, étant précisé que la variation de l'indice, à la hausse ou à la baisse, est elle-même affectée du pourcentage de la part de carburant dans le prix du transport, pourcentage publié chaque année par le CNR,

-que lorsque l'on reprend le tableau annexé au rapport de M. [I] du 29 octobre 2010, uniquement pour les transports postérieurs au 11 mars 2007, en prenant la variation de l'indice CNR entre le dernier prix convenu pour la prestation et la date de réalisation du transport, on obtient un écart de 97 276, 90 euros en faveur de Gefco entre les sommes effectivement payées à Frigo 7-Locatex et celles qui lui étaient dues après indexation,

-que l'attitude procédurale de Frigo 7-Locatex témoigne de sa mauvaise foi et du caractère abusif de son action, d'autant que tout en reprochant à Gefco sa politique de prix, elle n'hésite pas à sous-traiter les transports qui lui sont confiés et à ne payer au sous-traitant que moins de la moitié de ce qu'elle facture à Gefco.

Me [H], liquidateur judiciaire de la société Frigo 7-Locatex, a conclu en dernier lieu le 4 novembre 2013 pour voir :

-confirmer les jugements du tribunal de commerce de Nanterre des 22 janvier et 30 juillet 2009,

- y ajoutant, condamner la société Gefco à lui payer une somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner la société Gefco aux dépens en ce compris le coût des expertises de M. [I].

Me [H], ès qualités, soutient en substance :

-que la société Locatex s'est trouvée en forte difficulté financière en 2004-2005 face à la hausse des prix du gazole dont la répercussion sur les tarifs des transports n'était pas acceptée par Gefco, que sa proposition d'indexation formulée dans une lettre du 21 juin 2005 a recueilli l'accord de Gefco le 23 juin suivant, sans qu'aucune autre modalité d'indexation ne soit convenue,

-qu'il n'a été tenu aucun compte de cet accord, Gefco ayant mis en place sa propre indexation de façon générale et unilatérale en appliquant pour point de départ décembre 2004 et en appliquant la hausse à chaque ligne de transport,

-que la majoration ainsi accordée a été de 4 % alors que l'augmentation du prix du gazole atteignait 9, 54 %,

-que devant le refus des chargeurs de se voir répercuter cette hausse, est intervenue la loi du 5 janvier 2006 qui faisait suite à des dispositions antérieures destinées à corriger le déséquilibre entre les donneurs d'ordre peu nombreux et puissants et les transporteurs souvent de petite taille,

-que les modalités d'indexation prévues entre Frigo 7-Locatex et [L] ne sont pas conformes aux prévisions de cette loi puisqu'elles ne prévoient aucune part gazole,

-que faute de pouvoir obtenir une indexation conforme permettant de couvrir la forte hausse survenue en 2007, Frigo 7-Locatex a adressé à Gefco des factures d'indexation selon les modalités du CNR que Gefco a refusées ; que les relations tendues ont abouti à la rupture des relations commerciales notifiées par Gefco le 8 février 2008,

-que ces difficultés ont conduit Frigo 7- Locatex en procédure collective,

-que la prescription de l'article L.133-6 du code de commerce n'est pas encourue en l'espèce en raison de deux éléments constituant une infidélité de Gefco, un troisième élément caractérisant sa fraude :

.infidélité à la loi puisque la clause d'indexation convenue par l'échange des courriers des 21 et 23 juin 2005 n'est pas conforme à la loi du 5 janvier 2006 en l'absence de référence à la part gazole,

.infidélité au contrat puisque les modalités de l'accord n'ont pas été appliquées par Gefco qui a imposé un mécanisme unilatéral purement potestatif ou même n'a appliqué aucune indexation pour certaines lignes de transport,

.fraude dans la mesure où Gefco appliquait à ses clients une indexation très largement supérieure à celle octroyée au transporteur, augmentant ainsi sa marge,

- que les dispositions légales applicables en la cause sont celles de l'article 24 de la loi du 1er février 1995 dans sa rédaction issue de la loi du 5 janvier 2006,

-qu'en application de l'arrêt de la Cour de cassation, il convient de déterminer la date des commandes de transport et le point de départ de l'indexation,

-qu'en l'espèce, le seul élément pertinent pour la commande de transport est la notion de ligne de transport,

-que le prix ne peut constituer un élément pertinent de formation de la commande de transport puisque les prix ont été fixés par Gefco en violation de la loi et que Frigo 7-Locatex n'avait aucune liberté de facturation,

-qu'il convient de fixer le point de départ de l'indexation en décembre 2003 comme l'a retenu le tribunal en estimant qu'il s'agissait de la dernière date correspondant à un accord sur le prix des contrats non écrits, ce qui aboutit à allouer à la société Frigo 7-Locatex la somme de 1 559 482, 10 euros retenue par les premiers juges.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

DISCUSSION ET MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur la prescription

L'article L. 133-6 du code de commerce prévoit que les actions pour avaries, pertes ou retards, auxquelles peut donner lieu contre le voiturier le contrat de transport, sont prescrites dans le délai d'un an, sans préjudice des cas de fraude ou d'infidélité.

Sont également soumises à la prescription annale , sauf en cas de fraude ou d'infidélité, toutes les autres actions auxquelles le contrat de transport peut donner lieu .

En conséquence, l'action en paiement née des contrats de transport conclus par la société Frigo 7-Locatex avec la société Gefco relève de la prescription annale. Ce point n'est plus discuté devant la cour de renvoi.

En revanche, les parties s'opposent sur les exceptions au jeu de la prescription prévues par le texte, en cas de fraude ou d'infidélité.

Le mécanisme d'indexation mis en place d'un commun accord par échange de courriers des 21 et 23 juin 2005 ne peut être qualifié d'unilatéral ni de potestatif de la part de la société Gefco qui a accepté les propositions faites par la société Frigo 7-Locatex. Intervenu avant l'entrée en vigueur de la loin du 5 janvier 2006, il ne peut lui être reproché de ne pas lui être conforme.

S'agissant du non-respect de cet accord par la société Gefco, il est seulement allégué par la société Frigo 7-Locatex qui ne verse aux débats aucun élément de nature à établir un tel manquement, sa lettre du 13 décembre 2007 retraçant l'exécution de cet accord ne se prévalant d'ailleurs d'aucune inexécution de la part de la société Gefco. A supposer même avérée cette inexécution, elle ne constituerait pas une déloyauté de nature à empêcher l'action en justice de la société Frigo 7-Locatex qui était en capacité de vérifier au fil du temps les paiements reçus de son donneur d'ordre et de s'assurer de leur conformité à l'accord.

Il ressort seulement des correspondances et documents produits, spécialement entre le 6 décembre 2007 et le 8 février 2008 qu'à partir de cette période, la société Gefco a notifié à son cocontractant des augmentations des tarifs décidées par ses soins qui n'apparaissent pas avoir été préalablement négociées et qui n'étaient pas conformes au dispositif instauré par la loi du 5 janvier 2006. Et la société Frigo 7-Locatex, de son côté, a unilatéralement adressé des factures appliquant la hausse qui lui semblait convenable, sous forme d'un 'pied de facture gasoil' à compter du 1er décembre 2007, comme elle l'a annoncé à son donneur d'ordre par lettre du 13 décembre 2007. Le désaccord des parties sur l'indexation a abouti à la rupture de leurs relations contractuelles notifiée le 8 février 2008 par la société Gefco.

L'absence d'acceptation par le donneur d'ordre des augmentations de tarifs sollicitées par le transporteur ne peut constituer une fraude, ni une déloyauté et la seule absence d'application de l'indexation résultant de la loi par le donneur d'ordre ne les caractérise pas davantage.

La position économiquement forte de la société Gefco et la dépendance de la société Frigo 7-Locatex à son égard ne constituent en effet pas à elles seules la fraude ou l'infidélité visées qui doivent s'interpréter strictement.

Enfin, la fraude ne peut davantage être trouvée dans les tarifs pratiqués pour ses propres clients par la société Gefco qui aurait appliqué une indexation très supérieure à celle octroyée au transporteur. En effet, ce fait à le supposer exact, est étranger aux relations existant entre la société Frigo 7-Locatex et la société Gefco et n'a pu avoir aucune conséquence sur la possibilité de mise en oeuvre par la société Frigo 7-Locatex d'une action en paiement contre le commissionnaire de transport.

En l'absence de toute preuve de manoeuvre , dissimulation, action délibérée ou même de comportement déloyal émanant de la société Gefco de nature à empêcher la société Frigo 7-Locatex d'agir en justice dans le délai utile, aucune fraude ou infidélité au sens de l'article L. 133-6 du code de commerce n'est rapportée en l'espèce, la société Frigo 7-Locatex .

En conséquence, l'assignation en référé ayant été délivrée le 11 mars 2008, la prescription est acquise pour toutes les prestations de transport effectuées avant le 11 mars 2007, aucun supplément de prix ne pouvant plus être sollicité. Le jugement du 22 janvier 2009 sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté l'exception tirée de la prescription.

-Sur l'indexation applicable aux transports effectués entre le 11 mars 2007 et le 31 juillet 2008

La demande en paiement de la société Frigo 7-Locatex doit être examinée au regard des dispositions de l'article 23 de la loi n°2006-10 du 5 janvier 2006, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 , qui a modifié l'article 24 de la loi du 1er février 1995 ; ces dispositions ont été incluses dans le code des transports aux articles L. 3222-1 et L.3222-  2 qui disposent :

Article L. 3222-1: Lorsque le contrat de transport mentionne les charges de carburant retenues pour l'établissement du prix de l'opération de transport, le prix de transport initialement convenu est révisé de plein droit pour prendre en compte [devenu 'couvrir' à compter de la loi du 4 août 2008 ] la variation des charges liée à la variation du coût du carburant entre la date du contrat et la date de réalisation de l'opération de transport. La facture fait apparaître les charges de carburant supportées par l'entreprise pour la réalisation de l'opération de transport.

Article L. 3222-2 : À défaut de stipulations contractuelles identifiant les charges de carburant dans les conditions définies par l'article L. 3222-1, celles-ci sont déterminées, au jour de la commande de transport, par référence au prix du gazole publié par le Comité national routier et à la part des charges de carburant dans le prix du transport, telle qu'établie dans les indices synthétiques du Comité national routier. Le prix du transport initialement convenu est révisé de plein droit en appliquant aux charges de carburant la variation de l'indice gazole publié par le Comité national routier sur la période allant de la date de la commande de l'opération de transport à sa date de réalisation. La facture fait apparaître les charges de carburant.

Il est constant et non discuté que les parties n'ont pas contractuellement identifié les charges de carburant retenues pour l'établissement du prix de l'opération de transport, de sorte que l'article L. 3222-2 est applicable en l'espèce . Aucune des parties ne discute devant la cour l'application de ses dispositions d'ordre public imposant un dispositif de révision du prix.

Par son arrêt du 22 mai 2013, la Cour de cassation a énoncé qu'à défaut de stipulations contractuelles identifiant les charges de carburant, celles-ci devaient, à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 5 janvier 2006, être déterminées, au jour de chaque commande de transport passée en exécution du contrat-cadre liant les parties, par référence au prix du gazole publié par le comité national routier et à la part des charges de carburant dans le prix du transport, telle qu'établie dans les indices synthétiques de ce comité, ce prix étant révisé de plein droit en appliquant aux charges de carburant la variation de l'indice gazole depuis la date de la commande, et non pas des mois de janvier à avril 2005, jusqu'à celle de sa réalisation.

Sur renvoi, les parties s'opposent toujours sur la date de référence permettant de déterminer les indices de départ afin de fixer les charges du carburant dans le prix du transport et le prix du gazole.

Conformément à la loi, la Cour de cassation a jugé qu'il y avait lieu de les déterminer à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 5 janvier 2006 au jour de chaque commande de transport passée en exécution du contrat-cadre liant les parties dont il faut rappeler qu'il s'agit d'un contrat verbal (à l'exception de deux contrats écrits pour deux lignes de transport dont les parties ne tirent aucune conséquence juridique ou factuelle).

La difficulté réside dans le fait que les 'commandes de transport' visées par la loi n'ont pas été formalisées en l'espèce et, en tous cas, les parties ne fournissent aucun élément, ni aucune explication permettant d'en déterminer l'existence et la date.

Me [H], ès qualités, soutient que le seul élément pertinent pour définir en l'espèce la commande de transport est la 'ligne de transport' ; elle précise que 54 lignes ont été confiées par Gefco à Locatex et se réfère aux deux seuls contrats écrits signés entre les parties qui prévoient un paiement lié à des prestations régulières et significatives ce qui constitue la définition d'une ligne de transport ; elle précise que l'expert judiciaire a analysé ces lignes de transport et qu'elle retire sa demande pour les lignes considérées comme nouvelles par Gefco. Elle ajoute que le prix imposé par Gefco ne peut caractériser la commande de transport et elle demande la confirmation du jugement qui a fixé le point de départ de l'indexation en décembre 2003, date correspondant selon elle à la ratio legis.

La société Gefco rétorque que la date de départ de l'indexation est celle à laquelle le prix du transport a été initialement déterminé et qu'il convient de se référer à l'indice en vigueur à la date de l'accord des parties sur le prix du transport en précisant que le dernier accord global intervenu est celui auquel elle a consenti le 23 juin 2005.

Les lignes de transport auxquelles Me [H] fait référence, et dont elle fournit les listes dressées par chacune des parties, correspondent à des prestations régulières et significatives confiées par Gefco au transporteur sur une agence Gefco et un secteur donnés. Elles permettent de déterminer un chiffre d'affaires ligne par ligne que l'expert judiciaire a pris en compte pour établir ses calculs mais ces listes ne donnent aucun renseignement sur les dates auxquelles elles ont été mises en place et ne peuvent constituer une référence pour déterminer les indices de départ recherchés. Il en va de même s'agissant du tableau des lignes de transport inséré dans les dernières conclusions de Me [H] en page 22.

Et, eu égard aux dispositions légales et aux principes énoncés par la Cour de cassation, la date du 30 décembre 2003 retenue par les premiers juges, et dont Me [H] ès qualités requiert la confirmation, ne peut être adoptée. L'envolée des prix du gazole à cette date visée par le jugement du 22 janvier 2009 ne peut constituer un critère admissible et le tribunal ne peut davantage être suivi lorsqu'il indique que cette date est celle du dernier accord entre les parties sur les prix des contrats non écrits.

En revanche, la lettre de la société Frigo 7- Locatex du 21 juin 2005, se référant expressément à son précédent courrier du 25 avril 2005, propose pour toutes les lignes de transport existantes une indexation consécutive à la hausse du prix du gasoil de 1 % du chiffre d'affaires à partir d'un prix du m3 de gazole à 808 euros et son application à compter du mois de juin en cours. Cette proposition a été acceptée par la société Gefco selon lettre du 23 juin 2005 (à l'exception du périmètre géré par M. [E], exception dont les parties ne tirent aucune conséquence).

Il en résulte que le 23 juin 2005 constitue la date du dernier accord global des parties sur les prix et leur indexation pour l'ensemble des lignes de transport. En conséquence, à défaut de toute autre donnée pertinente, cette date doit être retenue en l'espèce comme celle de la commande de transport passée en exécution du contrat-cadre liant les parties.

Et la société Frigo 7-Locatex ne peut être suivie lorsqu'elle soutient que l'accord prétendu correspond en réalité à un prix abusivement bas imposé par la société Gefco en violation de la loi.

En effet, outre que la loi du 5 janvier 2006, dont l'application est en l'espèce revendiquée, n'a pu être violée par l'accord acquis le 23 juin 2005 plusieurs mois avant son entrée en vigueur, il faut répéter qu'il a été proposé dans toutes ses modalités par la société Frigo 7-Locatex qui a joint à ses envois des 25 avril et 21 juin 2005, les indices du CNR, les explications émanant de ce comité , un relevé de ses coûts de carburant ainsi que la grille d'indexation proposée et il n'est aucunement démontré que les tarifs et indexation ainsi proposés seraient le résultat de pressions de Gefco ou de rabais que cette dernière aurait imposés, comme l'a d'ailleurs jugé cette cour autrement composée par l'arrêt du 11 juin 2013 qui a rejeté les demandes de la société Gefco au titre de prix anormalement bas.

Dans ces conditions, étant rappelé qu'en raison de la prescription, seuls doivent être examinés pour révision éventuelle de leurs prix les transports réalisés par la société Frigo 7-Locatex à partir du 11 mars 2007, il y a lieu de constater que Me [H], ès qualités, ne propose aucun calcul prenant pour référence de départ les indices CNR en vigueur au 23 juin 2005 et qu'elle ne démontre nullement qu'un complément d'indexation lui serait dû en application des textes et principes qui viennent d'être retenus.

En revanche, la société Gefco verse aux débats un tableau établi sur les facturations intervenues entre mars 2007 et juillet 2008 inclus, à partir des données figurant au tableau élaboré par l'expert judiciaire (en page 25 de son rapport du 29 octobre 2010) et appliquant les variations des indices CNR entre le 23 juin 2005 (indices de départ) et la date de chaque facturation matérialisant la réalisation du transport.

Le tableau émanant de la société Gefco qui, en dehors de la date de référence prise pour déterminer les indices de départ, ne fait l'objet d'aucune critique quant aux calculs opérés et aux indices mis en oeuvre de la part de Me [H] ès qualités, montre que la comparaison des prix payés sur la période considéré par Gefco à Frigo 7-Locatex (en ce compris les indexations appliquées par Gefco) et de ceux résultant de l'application de l'indexation conforme aux dispositions de l'article L. 3222-2 du code de transports, aboutit à un total effectivement payé de 15 948 022, 46 euros face à un total résultant de l'indexation légale de 15 850 745 , 56 euros, soit une différence de 97 276, 90 euros en faveur de la société Gefco.

Il en résulte que Me [H], ès qualités, qui ne rapporte nullement la preuve qui lui incombe qu'une quelconque somme serait due à la société Frigo 7-Locatex au titre de l'indexation légale, doit être déboutée de toutes ses demandes.

-Sur la demande de dommages-intérêts de la société Gefco

La méprise de la société Frigo 7-Locatex sur l'étendue de ses droits, en considération de la technicité du dispositif de révision légale des prix relatifs aux charges de carburant, ne caractérise aucunement une faute faisant dégénérer en abus son droit d'ester en justice.

Quant aux tarifs prétendument appliqués par la société Frigo 7-Locatex à ses propres sous-traitants, ils ne peuvent fonder un abus préjudiciable à la société Gefco.

En conséquence, la demande de dommages-intérêts de cette dernière pour procédure abusive est dépourvue de fondement et doit être rejetée.

-Sur l'article 700 et les dépens

L'issue du litige commande d'accueillir partiellement la demande de la société Gefco au titre des frais irrépétibles et de rejeter celle de Me [H] ès qualités.

Enfin, les dépens seront également à la charge de cette dernière en ce compris le coût des deux expertises judiciaires .

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement , contradictoirement et en dernier ressort,

Vu l'arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 22 mai 2013 (n° 11-27.352),

Infirme les jugements rendus par le tribunal de commerce de Nanterre les 22 janvier 2009 et 30 juillet 2009, sauf, s'agissant du jugement du 22 janvier 2009, en ses dispositions ordonnant une expertise,

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevables comme prescrites les demandes de Me [H], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Frigo 7-Locatex, relatives aux prix des transports réalisés avant le 11 mars 2007,

Déclare recevables mais mal fondées les demandes en paiement de Me [H], ès qualités, pour les prestations réalisées à compter du 11 mars 2007 et l'en déboute,

Rejette la demande de dommages-intérêts de la société Gefco,

Condamne Me [H], ès qualités, à payer à la société Gefco la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de Me [H] ès qualités à ce titre,

Condamne Me [H], ès qualités, aux dépens qui comprendront notamment le coût des expertises de M. [I] des 31 mars 2009 et 29 octobre 2010 et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre, le droit de recouvrement conforme aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,La PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 13/04293
Date de la décision : 03/04/2014

Références :

Cour d'appel de Versailles 13, arrêt n°13/04293 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-04-03;13.04293 ?
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