COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 50Z
13e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 03 AVRIL 2014
R.G. N° 12/05988
AFFAIRE :
[G], [Z] [J]
...
C/
[A] [I]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Juillet 2012 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° chambre :
N° Section :
N° RG : 2010F2585
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 03.04.14
à :
Me Claire RICARD,
Me Emmanuel JULLIEN,
Me Martine DUPUIS,
TC NANTERRE.
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE TROIS AVRIL DEUX MILLE QUATORZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [G], [Z] [J]
né le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 1]
Monsieur [L], [C], [Z] [J]
né le [Date naissance 3] 1957 à [Localité 9]
de nationalité Française
c/o [B] [E] - [Adresse 2]
[Localité 1]
Madame [K] [V]
née le [Date naissance 4] 1952 à [Localité 8] - VIETNAM
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 1]
Monsieur [S] [V]
né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5] USA
Monsieur [X] [J]
né le [Date naissance 5] 1955 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté(e) par Maître Claire RICARD, avocat postulant au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 2012382 et par Maîtres M.BIZOT et G. AUGENDRE, avocats plaidants au barreau de PARIS
APPELANTS
****************
Monsieur [A] [I]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représenté(e) par Maître Emmanuel JULLIEN de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20120771 et par Maître Georges TERRIER, avocat plaidant au barreau de PARIS
SAS ENDEMOL FRANCE anciennment ASP ENDEMOL,
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représenté(e) par Maître Martine DUPUIS de la SCP LISSARRAGUE DUPUIS & ASSOCIES, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1250774 et par Maître Céline DILMAN de l'AARPI VIVIEN & Associés, avocat plaidant au barreau de PARIS,
-SAS ENDEMOL PRODUCTIONS anciennement ENDEMOL DEVELOPPEMENT,
[Adresse 7]
[Localité 4]
-Société ENDEMOL INVESTMENT BV et également domicilié [Adresse 6], Pays-Bas,
[Adresse 6]
[Localité 6] PAYS-BAS
Représenté(e) par Maître Martine DUPUIS de la SCP LISSARRAGUE DUPUIS & ASSOCIES, avocat popstulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1250774 et par Maître Céline DILMAN de l'AARPI VIVIEN & Associés, avocat plaidant au barreau de PARIS,
INTIMES
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 Janvier 2014, Madame Annie VAISSETTE, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente,
Madame Anne BEAUVOIS, Conseiller,
Madame Annie VAISSETTE, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER
MM [I] et [N] (ce dernier connu sous le nom d'[R]) ont créé en 1994 la société Case Productions, qui a produit plusieurs émissions de télévision. En 1996, ils ont constitué la société ASP Participations qui est devenue la société mère de nombreuses sociétés de production qu'ils avaient créées.
En 1998, le groupe Endemol, souhaitant s'implanter en France, a acheté à MM. [I] et [N] 50% du capital d'ASP Participations qui est devenue la société ASP- Endemol, les 50% restants étant toujours détenus par MM [I] et [N] via la société Niouco dont ils possédaient ensemble la totalité du capital social.
La société ASP-Endemol est ensuite devenue la société Endemol France.
De leur côté, M. [G] [Z] [J], via la société [Z] productions qu'il détenait avec divers membres de sa famille, et M. [P] [U] (connu sous le nom de [Q] ), via la société Orevi, ont co-produit des émissions télévisées, notamment « Drôle de jeux » et « Bigdil ».
Les sociétés [Z] Productions et Orevi ont été cédées à la société Endemol Développement, filiale d'ASP- Endemol, aux termes d'un même acte du 25mai 2000, moyennant un prix destiné à être partagé par moitié entre les consorts [J], d'une part, et M. [Q] d'autre part, se décomposant de la façon suivante :
-prix fixe de 30.489.803 €,
-premier complément de prix de 10.671.430 € si les résultats cumulés d'[Z] productions et d'Orevi au cours des exercices 2000 à 2004 étaient supérieurs à 17.531.636,98 €,
- deuxième complément de prix dont le montant était fonction des résultats cumulés d'[Z] productions et d'Orevi au cours des exercices 2000 à 2007 et plafonné à 19.818.370 €.
Il était prévu que les acquéreurs, les consorts [J], d'une part, et M. [Q], d'autre part, devaient se partager par moitié les diverses composantes du prix de cession.
Déclarant avoir appris après la cession l'existence de différentes opérations intervenues entre Endemol France, unique actionnaire d'Endemol Développement, détenue à parts égales par la société Niouco et la société Endemol Entertainment BV, ainsi que l'OPE de Telefonica, les consorts [J] ont soutenu que la cession à Endemol Développement du capital de la société [Z] Productions était intervenue à un prix dérisoire.
Estimant que M. [I] s'est rendu coupable de plusieurs fautes à leur détriment, ils l'ont assigné par acte délivré le 25 mai 2010 en paiement de la somme principale de 201 627 223 euros à titre de dommages-intérêts et subsidiairement de la somme principale de 154 277 780 euros à titre de dommages-intérêts.
M. [I] a appelé en garantie les sociétés Endemol France, Endemol productions et Endemol investment BV.
Par jugement du 6 juillet 2012, le tribunal de commerce de Nanterre a :
-joint les instances principale et en garantie,
-débouté les parties de toutes leurs demandes,
-condamné les consorts [J] aux dépens.
MM. [G], [L] et [X] [J] , Mme [K] [V] et M. [S] [V] (les consorts [J]) ont relevé appel de ce jugement le 14 août 2012.
Par dernières conclusions signifiées le 8 novembre 2013, les consorts [J] demandent à la cour de :
Faisant application des dispositions des articles 1116, 1382, 1153-1 et 1154 du code civil ;
Déclarer leur appel recevable et bien fondé,
Déclarer non prescrite l'action des consorts [J] en raison des principes régissant l'application de la loi dans le temps,
Déclarer irrecevable au surplus non fondée la demande de dommages et intérêts formée par M. [I] à l'appui de son appel incident , l'en débouter,
Déclarer irrecevable la demande de dommages et intérêts formulée devant la cour par les sociétés du groupe Endemol , les en débouter,
Ce faisant, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes reconventionnelles et rejeter leur appel incident.
L'infirmant pour le surplus ;
Dire que M. [I] était gérant de fait de la société Endemol développement,
Dire qu'il s'est rendu coupable de dol en dissimulant les informations substantielles qui auraient dû être publiées et portées à la connaissance des consorts [J] concernant la valeur des parts cédées,
Dire que les man'uvres dolosives sont constitutives d'une faute délictuelle commise par M. [I] à l'origine du préjudice subi par les consorts [J], dont il leur doit réparation,
Le condamner à réparer l'entier préjudice subi par les consorts [J], par application de la formule de valorisation contenue dans les documents dissimulés,
Condamner M. [I] à verser à chacun des consorts [J], proportionnellement à sa participation dans le capital social de la société [Z] productions, la somme totale de 181.998.057 euros dont il convient de déduire le prix payé, soit 30.718.377 euros, et d'y ajouter la trésorerie de la société [Z] productions au 31 mai 2000 soit 2 998 200 euros aboutissant à un montant de 154 277 780 euros se répartissant comme suit :
138.747.150,15 euros pour M. [G] [J],
2.879.851,89 euros pour M. [J],
4.628.333,40 euros pour Madame [K] [V],
4.628.333,40 euros pour Monsieur [S] [V],
3.394.111,16 euros pour Monsieur [X] [J],
Dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de l'exploit introductif d'instance, soit du 25 mai 2010, avec anatocisme, comme demandé par l'exploit introductif d'instance.
Débouter M. [I] et les sociétés du groupe Endemol de leurs demandes formulées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Faire droit à la demande des consorts [J] sur le même fondement, et condamner M. [I] à verser à chacun des concluants la somme de 50.000 euros,
Le condamner en tous les dépens, dont distraction est requise au profit de Me Claire Ricard, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions du 3 janvier 2014, M. [I] requiert de la cour de :
Le recevoir en son appel incident et l'y dire bien fondé,
Déclarer l'action des consorts [J] irrecevable car prescrite ;
Déclarer M. [I] bien fondé en sa demande reconventionnelle et condamner chacun des consorts [J] à verser à M. [I] la somme de 300.000 euros de dommages et intérêts (i) pour procédure abusive et (ii) en réparation du préjudice moral que font subir à M. [I] les accusations graves et vexatoires témérairement portées à son encontre par les appelants ;
Subsidiairement, et pour le cas où la cour estimerait recevable l'action des consorts [J],
Dire que M. [I] n'a commis aucune faute séparable de ses fonctions de dirigeant social des sociétés du groupe Endemol et qu'il n'encourt à ce titre aucune responsabilité personnelle,
Débouter en conséquence les consorts [J] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
Encore plus subsidiairement, et pour le cas où par impossible la cour ferait droit à tout ou partie de l'argumentation développée par les consorts [J] dans leurs conclusions d'appel,
Dire et juger que les sociétés Endemol France (anciennement dénommée ASP-Endemol) et Endemol Productions (anciennement dénommée Endemol Développement) seront tenues solidairement de relever et garantir M. [I] de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées contre lui au titre de l'acquisition le 25 mai 2000 par la société Endemol Productions des titres de la société [Z] Productions,
Débouter en toute hypothèse les sociétés Endemol France, Endemol Productions et Endemol BV de leur appel incident tendant à voir juger abusif l'appel en garantie exercé à leur encontre par M. [I] et les débouter de leur demande de dommages et intérêts à son encontre,
En tout état de cause, condamner in solidum les consorts [J] à verser à M. [I] la somme de 150.000 euros au titre des frais irrépétibles et subsidiairement les sociétés Endemol France, Endemol Productions et Endemol BV à verser à M. [I] une somme de 30.000 euros sur le même fondement ;
Condamner sous la même solidarité les consorts [J] et subsidiairement les sociétés Endemol France, Endemol Productions et Endemol BV aux entiers dépens, qui seront recouvrés par l'AARPI JRF Avocats, prise en la personne de Me Jullien, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Les sociétés Endemol France, Endemol productions, anciennement dénommée Endemol développement, et Endemol BV, venant aux droits de la société Endemol Investment BV(les sociétés Endemol) ont conclu en dernier lieu le 16 janvier 2014 pour voir :
A titre principal
- Déclarer irrecevables les prétentions des consorts [J] ou, subsidiairement, les en débouter ;
- Confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré l'appel en garantie de M. [I] sans objet et l'en a débouté ;
A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour ferait droit à tout ou partie des prétentions des consorts [J],
- Constater que l'appel en garantie de M. [I] ne repose sur aucun moyen de droit et est dénué de tout fondement, le dirigeant d'une société dont la responsabilité personnelle est recherchée ne disposant, par principe, d'aucune action récursoire contre la société ;
- Débouter M. [I] de toutes les demandes qu'il formule à l'encontre des sociétés Endemol France et Endemol Productions ;
En toute hypothèse
Vu les articles 32-1, 559 et 700 du code de procédure civile , ensemble l'article 1382 du code civil,
- Constater que l'action engagée par les consorts [J] et leur appel dirigé contre les sociétés Endemol France, Endemol Productions et Endemol BV sont abusifs au même titre que l'appel en garantie exercé par M. [I] à l'encontre desdites sociétés ;
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les concluantes de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et de leur demande au titre des frais irrépétibles;
Et statuant à nouveau et y ajoutant,
- Condamner les consorts [J] et M. [I], in solidum, à payer aux sociétés Endemol France et Endemol Productions la somme de 80.000 euros chacune à titre de dommages-intérêts pour procédure et appel abusifs ;
- Condamner les consorts [J] et M. [I], in solidum, à payer aux sociétés Endemol France et Endemol Productions la somme de 80.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d'appel ;
- Condamner les consorts [J] et M. [I], in solidum, aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'incident de procédure
Par conclusions signifiées le 17 janvier 2014, les consorts [J] ont demandé le rejet des débats des conclusions signifiées le 16 janvier précédent par les sociétés Endemol en se prévalant des dispositions des articles 15 et 16 du code de procédure civile et en faisant valoir qu'elles étaient accompagnées d'une nouvelle pièce et étaient tardives eu égard à la date du 21 janvier 2014 prévue tant pour la clôture que pour les plaidoiries, alors que le calendrier de procédure était connu depuis le 4 février 2013 et que leurs dernières conclusions d'appelant remontaient au 8 novembre 2013.
Par conclusions du 20 janvier 2014, les sociétés Endemol ont demandé le rejet de l'incident et subsidiairement le renvoi de l'affaire avec fixation d'une nouvelle date de clôture et de plaidoirie à une audience ultérieure. Elles observent qu'alors que la clôture était prévue pour le 14 novembre 2013, selon le calendrier établi le 4 février 2013, et que toutes les parties avaient conclu, les consorts [J] ont signifié de nouvelles écritures le 12 novembre 2013 et communiqué 16 nouvelles pièces, obligeant ainsi au report de l'ordonnance de clôture. Elles relèvent en outre que ces conclusions étaient totalement refondues par le nouveau conseil des appelants modifiant leur thèse principale et même le dispositif de leurs conclusions, de sorte que M. [I], en premier lieu , a été contraint de répondre et a signifié de nouvelles conclusions le 3 janvier 2014 puis elles-mêmes ensuite le 16 janvier 2014.
' Dans le dernier état de leurs écritures signifiées le 8 novembre 2013, les consorts [J] ne forment plus de demandes à l'encontre des sociétés Endemol et se bornent à se défendre sur les demandes formées par ces sociétés à leur encontre du chef de procédure abusive et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .
La signification par voie de conséquence de nouvelles conclusions le 16 janvier 2014 par les sociétés Endemol, intimées appelées en garantie par M. [I] lequel avait conclu de nouveau le 3 janvier précédent, ne constitue ainsi pas une violation du principe de la contradiction, ni des droits de la défense, étant d'ailleurs observé que les consorts [J] n'indiquent pas sur quels points ils auraient souhaité répondre à ces écritures.
En conséquence, la demande tendant à voir écarter des débats les conclusions signifiées par les sociétés Endemol le 16 janvier 2014 a été rejetée par le conseiller de la mise en état qui a prononcé la clôture de l'instruction à l'audience du 21 janvier 2014.
***
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
DISCUSSION ET MOTIFS DE LA DÉCISION
-Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action des consorts [J]
M. [I] fait valoir que s'agissant de la cession litigieuse de la société [Z] productions, il n'a jamais agi autrement que comme mandataire social, non pas de l'acquéreur des titres, Endemol développement, mais de la société ASP-Endemol, caution des engagements de sa filiale Endemol développement, et il souligne que la décision d'acquérir les titres de la société [Z] productions ne lui est pas personnellement imputable mais qu'il s'agit d'une décision sociale ; il observe que les appelants cherchent en réalité à contourner les effets du protocole transactionnel qu'ils ont conclu avec Endemol en février 2006, à la suite d'une action exercée devant le tribunal de commerce de Paris, leur interdisant de former une nouvelle réclamation contre cette dernière.
Il conteste avoir eu la qualité de dirigeant de fait d'Endemol développement.
M. [I] prétend en conséquence qu'engagée contre un mandataire social, l'action en responsabilité des consorts [J] est soumise aux dispositions des articles L. 223-23, L.225-254 et L. 227-8 du code de commerce et se trouve donc prescrite puisque les faits invoqués par les appelants pour fonder leur action étaient publics plus de trois ans avant l'introduction de la présente instance.
Les consorts [J] rétorquent que M. [I], dirigeant de droit jusqu'en février 2000, des sociétés Niouco, ASP-Endemol, Case productions et Endemol développement, a conduit lui-même l'ensemble des négociations avec les vendeurs, en particulier avec M. [G] [J] et son avocat Me [M]. Ils prétendent que M. [I] a ensuite, par personne interposée, dirigé de fait la société Endemol développement, par la mise en place d'un homme de paille, M. [H], nommé président le 13 février 1999, alors que M. [I] avait quitté 'malicieusement' la gérance de la société Endemol développement après la signature d'une lettre d'intention.
Les consorts [J] en déduisent que le contrat de cession de parts a été signé par M. [H] qui ne faisait que représenter M. [I], dirigeant de fait de la société acquéreur.
Les consorts [J] rappellent qu'en présence d'actes relevant de la gestion de fait, le délai de prescription triennale de l'action contre les représentants légaux des sociétés commerciales s'efface au profit du délai de prescription décennal de droit commun en matière extracontractuelle, de sorte que leur action n'est pas prescrite.
'Sur ce :
Il est constant que M. [I] n'a signé l'acte de cession des parts de la société [Z] production du 25 mai 2000 qu'en qualité de président de la société ASP-Endemol qui s'est rendu caution solidaire du paiement à bonne date de toutes sommes pouvant être due par l'acquéreur Endemol développement aux vendeurs. Comme cela a déjà été indiqué, l'acte de cession a été signé pour la SAS Endemol développement par son président M. [H].
Il résulte des dernières conclusions des consorts [J] qu'ils ne recherchent pas la responsabilité de M. [I] en sa qualité de dirigeant social antérieure ou contemporaine de l'acte de cession du 25 mai 2000, étant observé qu'une telle action serait prescrite, par application des articles L. 225-54 et L.227-8 du code de commerce.
En revanche, la responsabilité d'un dirigeant de fait d'une société doit être recherchée dans les conditions du droit commun et la prescription triennale prévue par l'article L. 225-254 du code de commerce, rendu applicable à la société par actions simplifiée par l'article L. 227-8 du même code, n'est pas applicable à l'action dirigée contre M. [I] en sa qualité invoquée de dirigeant de fait de la société Endemol développement.
En l'espèce, comme ils le précisent expressément, les consorts [J] agissent sur le fondement de l'article 1382 du code civil, de sorte que la prescription de leur action est soumise à un délai de dix ans par l'application combinée des articles 2270-1 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, de l'article 26 II de cette loi et de l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi de 2008.
Introduite, par assignation du 25 mai 2010, dans le délai de 10 ans de la signature de l'acte de cession, l'action des consorts [J] n'encourt donc pas la prescription en ce qu'elle est fondée sur la responsabilité délictuelle de M. [I].
-Sur la qualité de dirigeant de fait attribuée à M. [I]
Pour soutenir que M. [I] était le dirigeant de fait, par personne interposée, de la société Endemol développement lorsque la cession des parts a été conclue, les consorts [J] font valoir que M. [H], s'il était président de la société Endemol développement, a été placé à cette fonction en qualité de salarié de la société ASP-Endemol dont M. [I] était le dirigeant et que M. [H] rendait compte régulièrement à M. [I] véritable maître de l'affaire et dirigeant de fait de la société Endemol développement, comme le démontreraient les termes du contrat de travail de M. [H] dont la subordination résulterait aussi des statuts de la société Endemol développement (révocable ad nutum, limitations de ses pouvoirs, reprise de la subordination du contrat de travail).
Ils ajoutent qu'après la cession, M. [I] s'est ingéré dans la gestion de la société Endemol développement et de la société [Z] productions.
Pour contester avoir été gérant de fait, M. [I] indique que les prérogatives respectives de M. [H] et de lui-même au sein du groupe Endemol correspondent au fonctionnement habituel et régulier de tout groupe structuré. Il rappelle encore que, conformément aux statuts d'ASP-Endemol dont l'article 18 lui imposait de recueillir l'accord de sa direction hollandaise pour tout engagement supérieur à 1 million de francs, l'acquisition de la société [Z] productions n'a été décidée qu'avec l'accord exprès d'Endemol qui en assurait le financement, ce qui exclut de sa part un acte positif de gestion exercé en toute indépendance.
'Sur ce :
Le contrat de travail conclu le 13 décembre 1999 entre la société ASP-Endemol et M. [H], engagé en qualité de directeur du développement et chargé à ce titre de plusieurs mandats sociaux au sein des filiales, spécialement du mandat de président de la filiale à créer ASP-Endemol développement, stipule en son article 2-3 que le salarié exercera ses fonctions de directeur du développement ainsi que les mandats de direction générale qui lui auront été confiés par l'employeur sous l'autorité, le contrôle et la supervision de celui-ci auquel il rapportera régulièrement, ainsi qu'à toute demande du président, l'état d'avancement de ses travaux et l'exécution des instructions et directives de l'employeur.
Les statuts de la société Endemol développement reprennent ces dispositions quant à l'exercice de son mandat par le président.
Si le lien étroit entre le statut de salarié de la société ASP-Endemol de M. [H] et celui de président de la société filiale, dénommée Endemol développement au moment de la cession de parts litigieuse, ne peut être contesté et induit nécessairement une emprise de la société mère employeur sur son salarié, par ailleurs président d'une société fille, il reste que le lien de subordination existant entre M. [H] et son employeur n'implique pas M. [I] personnellement mais seulement la société ASP-Endemol, employeur.
Dans ces conditions, les allégations des consorts [J] quant à une direction de fait par personne interposée tirées des stipulations du contrat de travail de M. [H] sont dénuées de toute portée pour caractériser une gestion de fait personnelle de M. [I] relative à la société Endemol développement.
Quant aux limitations invoquées des pouvoirs statutaires du président de la société Endemol développement résultant de l'exigence de l'accord de l'associé unique pour les engagements excédant un certain montant et quant à la possible révocation ad nutum du président, elles relèvent de clauses usuelles et, en tout état de cause, ne sont que de nature à créer une dépendance de la filiale vis à vis de la société mère actionnaire unique, à l'exclusion d'une dépendance vis à vis de la personne du président de cette dernière.
Au travers des moyens de fait développés par les consorts [J], il s'agit d'examiner si la preuve est rapportée de l'accomplissement par M. [I], agissant à titre personnel et en toute indépendance, d'un acte positif de direction de la société Endemol développement, en relation avec la cession conclue le 25 mai 2000.
En effet, les seuls actes accomplis par M. [I] en relation avec cette cession sont ceux qu'il a pu mener dans la négociation ayant précédé l'acte de cession lui-même qui a commencé selon les consorts [J] en octobre 1999.
M. [I] était alors le président de la société ASP-Endemol, détenue à 50 % par la société Niouco (holding de MM [I] et [N]) , d'une part, et à 50 % par la société Endemol entertainment BV (fililale du groupe néerlandais Endemol), d'autre part ; les pourparlers se sont concrétisés par la signature le 19 janvier 2000 d'une lettre d'intention entre la société ASP-Endemol représentée par M. [I] et les consorts [J], représentés par M. [G] [Z] [J].
Ensuite, le 14 février 2000, la société ASP international, dirigée par M. [I], a été transformée en SAS dénommée Endemol développement, a vu son capital augmenter et M. [H] devenir son président , à la suite de la démission de M. [I] dont aucun élément du dossier n'établit le caractère 'malicieux' que lui prêtent les consorts [J].
Et l'acte de cession a été finalement signé le 25 mai 2000 par M. [H], en sa qualité de président de la société Endemol développement.
Ainsi, les actes de gestion ou direction imputables à M. [I] en relation avec la cession de la société [Z] production ont été accomplis par lui en sa qualité de dirigeant de droit des sociétés Niouco puis ASP-Endemol et il faut rappeler que les consorts [J] ne recherchent plus sa responsabilité en qualité de dirigeant de droit, selon les termes de leurs dernières écritures, et qu'ils ne le pourraient au demeurant pas, en raison de la prescription triennale encourue en ce cas et de l'absence de toute faute de M. [I] détachable de ses fonctions sociales, comme l'ont pertinemment retenu les premiers juges.
Les consorts [J] se prévalent encore d'une gestion de fait directe de M. [I] lui imputant une immixtion dans la gestion de la société Endemol développement.
Outre que les faits visés sont postérieurs à la cession du 25 mai 2000, ils ne caractérisent pas la gestion de fait alléguée puisqu'aucun acte positif de direction n'est prouvé, notamment par les pièces 176 à 179 visées par les appelants, qui ne font référence qu'à des demandes ou des directives émanant de M. [I] et adressées aux dirigeants des filiales de la société ASP-Endemol qu'il dirigeait , ce qui correspond au fonctionnement usuel d'un groupe et ne caractérise, en tous cas pas, l'immixtion personnelle de M. [I] qui agit, au travers de ces correspondances, pour le compte de la société ASP-Endemol.
Finalement, aucun acte positif de direction ou de gestion de la société Endemol-développement, accompli personnellement et en toute indépendance par M. [I], en relation avec la cession de la société [Z] productions, n'est prouvé par les consorts [J].
M. [I] ne peut donc être considéré comme le dirigeant de fait de la société ASP-Endemol.
-Sur le dol invoqué
Aux termes de leurs dernières conclusions (cf notamment p 23) , les consorts [J] précisent expressément que les faits dolosifs reprochés à M. [I] sont établis dans la mesure où il a eu la qualité de dirigeant de fait par interposition de la personne de M. [H] pour exercer la fonction de président de la société Endemol développement. Ils en déduisent qu'ils n'invoquent donc pas le dol d'un tiers comme l'ont retenu les premiers juges.
Mais la qualité de dirigeant de fait de M. [I] n'étant pas caractérisée, il doit être considéré comme un tiers à la convention litigieuse.
La victime d'un dol pouvant engager la responsabilité civile délictuelle du tiers auteur de ce dol en exerçant à son encontre une action indemnitaire, et les consorts [J] fondant leur action sur les dispositions de l'article 1382 du code civil , il convient d'examiner dans ce seul cadre le grief tiré de la réticence dolosive de M. [I] à l'égard des consorts [J].
Il faut rappeler que l'acquéreur, même professionnel, n'est pas tenu d'une obligation d'information au profit du vendeur sur la valeur du bien acquis. A fortiori, M. [I], tiers à l'acte, ne pouvait être tenu d'une telle obligation à l'égard des consorts [J], représentés par M. [G] [Z] [J], homme d'affaires avisé et dirigeant social expérimenté dans le secteur de la production d'émissions pour la télévision.
La jurisprudence contraire citée par les appelants est sans application en la cause car elle vise l'obligation de loyauté à laquelle est tenu le dirigeant social qui s'entremet dans une opération de cession de droits sociaux de la société qu'il dirige à l'égard de l'associé cédant lorsqu'il omet de l'informer de l'existence de circonstances de nature à influer sur son consentement et spécialement de négociations conduites parallèlement en vue de la revente ou de l'apport des titres pour une valeur supérieure au prix de cession.
Surabondamment, les dissimulations invoquées par les appelants sont sans portée, dans la mesure où les faits prétendument cachés ne sont, pour certains, pas établis et sont de toute façon sans lien avec la valorisation de la société [Z] productions au moment de la vente de ses titres comme le montre l'examen qui suit des dissimulations ou manoeuvres reprochées à M. [I] :
1) Les consorts [J] imputent à M. [I] des manoeuvres consistant en la dissimulation du plan de stock-options prévu au bénéfice de M. [H] comme salarié, notamment dans la société [Z] productions, dont les modalités ont été définies au plus tard en novembre 1999 et ils voient la preuve du dol dans la non-publication des informations comptables et financières et le non-dépôt au greffe du procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire d'ASP-Endemol du 24 novembre 1999 en violation des dispositions légales. Ils observent que le procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 26 janvier 2000 de la société précitée établit la connaissance par M. [I] dès novembre 1999 de la nouvelle valorisation de ses filiales par Endemol NV, et font valoir que, faute de publication des procès-verbaux d'assemblée et des comptes, la formule de valorisation de leurs parts contenue dans le plan de stock-options ne leur était pas accessible en 2000 lorsqu'ils ont négocié et conclu la vente, alors que ces éléments d'information contenaient les clés permettant aux cédants d'apprécier la valeur réelle des actions qu'ils vendaient . Ils affirment ainsi que la formule de valorisation du plan de stock-options appliquée à leurs actions aboutit à une valeur pour leurs titres de 181 998 057 euros au lieu des 30 718 477 euros effectivement perçus.
M. [I] rétorque que M. [J] est demeuré, après la cession, dirigeant de sa société jusqu'en mars 2008, qu'il avait connaissance du plan de stock-options devenu une information publique au moins à compter de la publication des comptes de l'exercice 2003 intervenue en octobre 2004 et qu'il n'ignorait donc rien de la formule de valorisation des actions prévue par ce plan quand il a saisi le tribunal de commerce de Paris de demandes tendant à obtenir l'exécution du contrat de vente dont il ne remettait pas en cause la validité (demandes au titre des compléments de prix). Il fait surtout valoir que la méthode de valorisation en cause ne reflète aucunement la valeur objective de la société [Z] productions , mais seulement une valeur contractuelle dans l'intérêt collectif de certains salariés destinée à les fidéliser et qu'il ne s'agit pas d'une information devant être communiquée aux tiers. Enfin, il note que le calcul par les consorts [J] de la valeur de leurs actions prétendument fondé sur la formule du plan de stock options [Z] est erroné puisqu'établi, non sur les chiffres de l'exercice précédant la cession mais sur ceux de l'exercice 2006, alors que si l'on procède au calcul avec les données de l'exercice 1999/2000, on obtient une valeur de 35 000 000 euros peu éloignée du prix de vente.
' Sur ce :
Comme le fait observer M. [I], rejoint sur ce point par les sociétés Endemol, le prix fixé dans le cadre d'un plan de stock-options pour le rachat des actions souscrites par des collaborateurs salariés importants d'un groupe ne peut constituer une référence pour déterminer la valeur objective du prix que le même groupe est prêt à payer pour acquérir une société. La formule de valorisation contenue dans le plan en cause ne constituait donc pas une information sur la valeur des biens cédés et le fait de ne pas l'avoir divulguée aux acquéreurs qu'elle ne concernait pas n'est ni dolosif, ni fautif.
En outre, le calcul proposé par les consorts [J] reposant sur des bases erronées, la différence de prix considérable dont ils se prévalent ne peut de toute façon être retenue.
2) Les consorts [J] font ensuite valoir un 'montage frauduleux' tenant à une quadruple interposition de personnes morales, à l'interposition de M. [H] et à une politique de manquement aux obligations de publicité légale des sociétés entrant dans le périmètre de contrôle de M. [I] durant la période allant de 1999 à 2007.
' Les points allégués à ce titre ont , pour certains, déjà été écartés par la cour, s'agissant de 'l'interposition' de M. [H] et de la non-publication des comptes et assemblées générales en relation avec le plan de stock-options. S'agissant des défauts de publication postérieurs à la cession, ils ne peuvent aucunement apporter la preuve d'un dol commis par M. [I] dans la période précédant la conclusion de la cession. Enfin, il faut encore rappeler que les consorts [J] n'étaient créanciers à l'égard du groupe Endemol comme de M. [I] d'aucune obligation d'information quant à la valorisation de la société [Z] productions qu'ils étaient les mieux placés pour apprécier.
3) Les consorts [J] invoquent encore un manquement à son obligation de loyauté par M. [I] au sujet de la situation de conflit d'intérêts de Me [M] , avocat qui les a assistés lors de la cession, alors qu'il avait précédemment été le conseil de la société Case productions présidée par M. [I] dans deux procédures.
' M. [I] est étranger au choix par les consorts [J] du conseil qui allait les assister pour la cession de leurs actions. Force est de constater qu'aucun grief précis n'est formulé à l'encontre de Me [M] qui n'est pas dans la cause et contre lequel les consorts [J] n'indiquent pas avoir exercé la moindre action. L'existence d'un conflit d'intérêts ne repose que sur la seule affirmation des appelants et n'est corroborée par aucun élément objectif du dossier , d'autant que M. [I] précise que les affaires pour lesquelles cet avocat était intervenu pour le compte de ses sociétés n'avaient aucune relation avec la cession de la société [Z] productions.
En conséquence, outre qu'il ne peut être fait grief à M. [I] de ne pas avoir informé les consorts [J] du fait que Me [M] avait été le conseil de ses sociétés à deux reprises, aucun lien n'est prouvé entre l'intervention de cet avocat et le niveau du prix de cession négocié.
4) Enfin, les consorts [J] reprochent à M. [I] de ne pas leur avoir révélé qu'il allait vendre au groupe Endemol, par l'intermédiaire de la société Niouco, les 50 % des actions qu'il détenait encore dans la société ASP-Endemol. Ils prétendent que M. [I] s'était engagé en ce sens par un acte du 1er décembre 1999 (dit 'Share Purchase Agreement' ci-après SPA ) moyennant un prix fixe et un complément de prix tiré d'une formule complexe dont le coeur consiste à appliquer un multiple aux résultats de ASP Endemol et de ses filiales acquises et non acquises, parmi lesquels en conséquence ceux de la société [Z] productions. En dépit des dénégations des intimés, ils maintiennent que cet acte existait bien antérieurement à la cession du 25 mai 2000 puisqu'il est cité dans le rapport annuel d'Endemol Holding NV en page 21-22 et que cette mention ne procède pas d'une erreur de plume, mais de la volonté délibérée de Telefonica, après son OPE sur Endemol, de ne pas endosser vis à vis de ses actionnaires ce SPA comportant des compléments de prix et ils font état de divers autres faits et 'aveux' corroborant selon eux l'existence de cet acte ainsi que des énonciations du SPA de 2000 faisant référence aux 'accords précédents, négociations, entente et accord préalable' que le nouvel accord indique remplacer , et à sa clause de substitution comme acquéreur de Endemol France à Endemol Investment BV qui prouverait l'existence d'un précédent accord. Ils ajoutent que la société Endemol BV a financé l'intégralité de l'acquisition de la société [Z] productions, à l'exclusion de tout apport de la société Niouco, preuve qu'elle avait l'assurance par la voie d'un accord antérieur d'une contrepartie à ces avantages consentis à la société Niouco.
Ils en déduisent que M. [I], informé de son profit à venir, avait l'intention de leur nuire en dissimulant activement ces informations et font valoir que s'ils avaient connu ces informations, ils auraient contracté à un prix supérieur à celui qui a été convenu. En relevant que le prix payé par le groupe Endemol pour acquérir Endemol France auprès de MM. [I] et [N] s'est élevé à 690 190 000 euros, ils indiquent que sur la période de référence du SPA allant du 1er septembre 1999 au 31 décembre 2005, la société [Z] productions a représenté 25, 73 % du chiffre d'affaires et 31, 89 % des résultats nets d'ASP Endemol et de ses filiales ; ils en déduisent que sur le prix perçu par MM. [I] et [N], 238 642 049 euros sont la conséquence directe des résultats de la société [Z] productions.
M. [I] rappelle que la cession par M. [N] et lui-même de leurs titres d'ASP-Endemol est une information publique depuis janvier 2001 et que M. [G] [Z] [J] , qui n'en ignorait rien lorsqu'il a saisi le tribunal de commerce de Paris, ne s'en est pas prévalu. Il ajoute que l'opération critiquée est sans lien avec la cession de la société [Z] productions en observant que les valeurs respectives des sociétés [Z] productions et ASP-Endemol ne sont pas comparables, compte tenu notamment de la valeur stratégique de cette dernière pour le groupe Endemol . Il soutient que de toute façon, la cession de la société ASP-Endemol n'a pas été conclue par un SPA du 1er décembre 1999 dont on ne trouve la mention que dans le rapport annuel 2004 publié par le groupe Endemol (SPA de décembre 1999) qui procède d'une erreur de frappe, mais seulement par le SPA du 21 décembre 2000 avec transfert effectif des titres en janvier 2001 et estime que les appelants ne rapportent aucunement la preuve de l'existence d'un accord en décembre 1999 dont il souligne l'impossibilité compte tenu de l'absence de mention de cet engagement dans les comptes consolidés 1999/2000 du groupe Endemol qui ont été certifiés sans réserve, au contraire des mêmes comptes pour l'exercice 2000/2001 également certifiés qui le mentionnent.
Les sociétés Endemol, sur l'existence et les conséquences du prétendu SPA de décembre 1999, concluent dans le même sens que M. [I] et relèvent que, tant le rapport annuel 2003 du groupe que le rapport annuel 2005 font référence au SPA du 21 décembre 2000, de sorte que l'indication d'un SPA de décembre 1999 n'est que le résultat d'une erreur de plume dommages-intérêts rapport 2004.
' Sur ce :
Au vu des moyens de fait invoqués et des pièces produites, les consorts [J], qui exploitent une mention unique figurant dans le rapport annuel 2004 du groupe Endemol démentie par les rapports antérieur et postérieur ainsi que par les comptes consolidés du groupe et se livrent à des extrapolations peu crédibles démenties par les éléments objectifs du dossier, manquent à rapporter la preuve qui leur incombe de l'existence d'un accord formel entre M. [I] et le groupe Endemol pour la cession de la participation de MM. [I] et [N] dans ASP-Endemol et diverses filiales dès décembre 1999.
Dans ces conditions, le reproche fait à M. [I] d'avoir dissimulé ce fait aux consorts [J], qui ont cédé leur société en mai 2000, manque en fait.
En tout état de cause, même en admettant l'hypothèse d'un accord pour la cession d'ASP-Endemol antérieur à la cession de la société [Z] productions, aucune faute ne peut être imputée à ce titre à M. [I]. En effet, comme le soutiennent les intimés et comme l'ont retenu les premiers juges, les sociétés ASP-Endemol et [Z] productions n'étaient pas comparables quant à leurs tailles et à leurs résultats respectifs, aux filiales détenues supports d'émissions à succès, aux contrats d'exclusivité conclus avec des animateurs vedettes et donc à l'enjeu stratégique représenté par l'acquisition de chacune de ces sociétés pour le groupe Endemol soucieux d'introduire et de renforcer la télé-réalité en France.
Ainsi, les premiers juges ont pertinemment retenu, par des motifs que la cour adopte, que le lien entre le prix d'achat des actions d'[Z] productions par Endemol développement et le prix de cession du solde de leur participation dans ASP-Endemol par MM. [I] et [N] était loin d'être direct en soulignant que ce dernier prix de cession était fonction du nouveau patrimoine d'ASP-Endemol après l'acquisition de différentes sociétés de production télévisuelles indépendantes, dont la société [Z] productions n'était qu'une parmi plusieurs autres, connues et appréciées et représentant une ensemble mieux valorisé que chacune prise isolément .
En conséquence, outre qu'il faut répéter que M. [I], recherché ici au titre d'une faute délictuelle comme tiers à la cession conclue le 25 mai 2000, n'était tenu envers les vendeurs d'aucune obligation d'information sur la valeur des actions cédées, il ne peut de toute façon lui être fait grief de ne pas avoir révélé , à la supposer antérieure, la cession de sa participation dans ASP-Endemol au groupe Endemol dans la mesure où cette cession n'autorise pas à considérer que le prix reçu par les consorts [J] pour la vente de leurs actions a été dérisoire ou qu'ils auraient conclu la vente à des conditions significativement différentes s'ils avaient connu ce fait avant la signature de l'acte.
Aucune faute en lien avec un préjudice subi par les consorts [J] ne pouvant être retenue à l'encontre de M. [I], ils doivent être déboutés de toutes leurs demandes à son encontre.
-Sur l'appel en garantie
Compte tenu du rejet des prétentions des consorts [J] à l'égard de M. [I], les demandes de garantie dirigées par ce dernier contre les sociétés Endemol sont dépourvues d'objet et il n'y a pas lieu de statuer de ce chef.
-Sur les demandes de dommages-intérêts des intimés
Contrairement aux prétentions des consorts [J], ces demandes sont recevables par application de l'article 567 du code de procédure civile.
M. [I] n'établit aucun préjudice moral né de l'action exercée à son encontre par les consorts [J] , de sorte que la demande de dommages-intérêts qu'il forme à ce titre ne peut prospérer.
La méprise des consorts [J] sur l'étendue de leurs droits, même réitérée en appel, ne suffit pas à faire dégénérer en abus l'exercice de leur action en justice. Et, en tout état de cause, ni M. [I], ni les sociétés Endemol n'établissent un préjudice né de cette action distinct de celui compensé par l'indemnité de procédure qu'il convient de leur allouer en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Quant à l'abus imputé à M. [I] pour avoir appelé les sociétés Endemol en garantie, il n'est aucunement caractérisé, M. [I] ne pouvant avoir par anticipation judiciaire l'assurance du rejet des demandes formées contre lui par les consorts [J].
Ainsi, les demandes de dommages-intérêts formées par M. [I] et par les sociétés Endemol sur le fondement de l'abus du droit d'ester en justice doivent être rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Dit que l'action des consorts [J], en ce qu'elle est exercée à l'encontre de M. [I] sur le fondement de l'article 1382 du code civil, n'est pas prescrite et la déclare recevable de ce seul chef,
Dit que M. [I] n'a pas agi comme dirigeant de fait de la société Endemol développement pour la conclusion de la cession de la société [Z] productions,
Déboute les consorts [J] de toutes leurs demandes à l'encontre de M. [I],
Déclare en conséquence sans objet les demandes de garantie formée par M. [I] à l'encontre des sociétés Endemol,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déclare recevable mais mal fondée la demande de dommages-intérêts de M. [I] au titre d'un préjudice moral et l'en déboute,
Déclare recevables mais non fondées l'ensemble des demandes de dommages-intérêts fondées sur l'abus du droit d'agir en justice et les rejette,
Condamne in solidum MM. [G], [L] et [X] [J], Mme [K] [V] et M. [S] [V] à payer à M. [I] une somme de 40 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,
Condamne in solidum MM. [G], [L] et [X] [J], Mme [K] [V] et M. [S] [V] à payer aux sociétés Endemol France, Endemol productions et Endemol BV la somme globale de 40 000 euros sur le même fondement,
Rejette les autres demandes formées au titre des frais irrépétibles,
Condamne in solidum MM. [G], [L] et [X] [J], Mme [K] [V] et M. [S] [V] aux dépens et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre, le droit de recouvrement conforme aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,La présidente,