COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 92D
1ère chambre 1ère section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 20 MARS 2014
R.G. N° 12/08826
AFFAIRE :
[P] [H]
C/
LE COMPTABLE DES IMPOTS DE SAINT QUENTIN EST
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Décembre 2012 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES
N° chambre : 1
N° Section :
N° RG : 12/04752
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Pascale REGRETTIER-GERMAIN de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE VINGT MARS DEUX MILLE QUATORZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [P] [H]
né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 3]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentant : Me Christophe DEBRAY, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 12000635 -
Plaidant par Me Jean HESS, (SELARL SCPS) avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0457
APPELANT
****************
Monsieur LE COMPTABLE DES IMPOTS
du service des Impôts des Entreprises de SAINT QUENTIN EST
dont les bureaux sont situés [Adresse 1]
[Localité 2]
Représentant : Me Pascale REGRETTIER-GERMAIN de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 - N° du dossier 1200590 - Plaidant par Me WOLFF du même cabinet, avocat au barreau de VERSAILLES.
INTIME
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Février 2014, Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Président,
Madame Dominique LONNE, Conseiller,
Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT
Vu l'appel interjeté le 21 décembre 2012 par [P] [H] du jugement rendu le 12 décembre 2012 par le tribunal de grande instance de VERSAILLES qui :
- l'a condamné à payer à Monsieur le Comptable des Impôts du Service des Impôts des Entreprises de SAINT-QUENTIN EST, solidairement avec la société CRYSTALLI, la somme de 176.677,17€ à titre d'impôts impayés et de pénalités de retard,
- l'a condamné à payer au demandeur une indemnité de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- l'a condamné aux dépens ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 5 décembre 2013 par lesquelles [P] [H] poursuivant l'infirmation du jugement entrepris, demande à la cour de condamner le Comptable des impôts du service des impôts des entreprises de Saint Quentin Est à lui payer la somme de 100.000 € pour procédure inappropriée et préjudiciable, la somme de 7.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 22 juillet 2013 par lesquelles Monsieur le Comptable des Impôts du Service des Impôts des Entreprises de SAINT-QUENTIN EST, conclut à la confirmation du jugement déféré et demande à la cour de débouter [P] [H] de ses demandes, le condamner à payer solidairement avec la société CRYSTALLI la somme de 176.677,17 € correspondant aux impositions éludées et aux pénalités fiscales correspondantes, le condamner au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
Vu l'ordonnance de clôture du 9 janvier 2014 ;
SUR QUOI, LA COUR
Considérant que la société CRYSTALLI, constituée le 14 octobre 1992 sous la forme d'une SARL, avait pour objet social la création, la location et la vente de mobilier destiné aux salons d'exposition ;
Que par jugement du 16 mars 1999, le tribunal de commerce de Versailles a ouvert à son égard une procédure de redressement judiciaire ; qu'un plan de continuation a été arrêté par jugement du tribunal de commerce du 23 mai 2000, qui a ensuite constaté l'exécution complète du plan et prononcé la clôture des opérations du redressement judiciaire, par jugement du 11 mars 2008 ;
Que [P] [H] a exercé les fonctions de gérant de la SARL CRYSTALLI du 1er janvier 1994 au 5 janvier 2010, à l'exception de la période située entre le 16 mars 1999 et le 23 mai 2000, période de mise en redressement judiciaire de la société ;
Qu'en raison de son activité commerciale, la société CRYSTALLI était soumise à la législation applicable en matière de taxe sur le chiffre d'affaires et d'impôt sur les sociétés ;
Que le 15 décembre 2005, l'administration des finances publiques a adressé à la société CRYSTALLI une proposition de rectification reprenant les rehaussements notifiés après la vérification de comptabilité réalisée du 19 septembre au 30 novembre 2005, portant sur le rappel de TVA collectée au titre de la période entre le 1er janvier 2003 et le 30 juin 2005, le rappel de TVA déductible au titre de l'année 2002 et de la période comprise ente le 1er janvier 2005 et le 30 juin 2005, et le redressement d'impôt sur les sociétés et de contribution à l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2002 , le montant total des sommes dues en droits, intérêts de retard et majorations s'élevant à 353.846 € ;
Que le 10 janvier 2006, le comptable des impôts de Saint Quentin Est a adressé à la société CRYSTALLI l'avis de mise en recouvrement authentifiant les pénalités se rapportant à la déclaration de TVA du mois d'avril 2005 déposée 5 mois après la date légale de dépôt et les déclarations de juin et juillet 2005 déposées sans paiement ; qu'une mise en demeure a été adressée au redevable le 23 janvier 2006 ;
Qu'entre le 3 mars 2006 et le 13 mai 2009, le service des impôts a délivré des avis à tiers détenteur à la FORTIS BANQUE qui ont permis d'appréhender des fonds ;
Qu'ensuite du placement de la société CRYSTALLI en redressement judiciaire, le 5 janvier 2010, le comptable des impôts de Saint Quentin Est a déclaré à titre définitif une créance d'un montant de 437.785,99 € et à titre provisionnel une créance d'un montant de 58.000 € ; que la créance déclarée à titre définitif a été admise au passif de la société CRYSTALLI, le 29 octobre 2010 ;
Que le 13 février 2012, Maître [J], liquidateur de la SARL CRYSTALLI a remis au comptable des impôts un chèque d'un montant de 132.832,22 €, lui précisant que ce courrier valait certificat d'irrécouvrabilité pour le surplus de la créance fiscale ;
Que par jugement du 14 février 2012, le tribunal de commerce de Versailles a clôturé la procédure de liquidation judiciaire de la société CRYSTALLI pour insuffisance d'actif ;
C'est dans ces circonstances que, par acte du 24 mai 2012, le comptable des impôts du service des impôts des entreprises de Saint Quentin Est a fait assigner à jour fixe, devant le tribunal de grande instance de VERSAILLES, [P] [H], sur le fondement de l'article L.267 du livre des procédures fiscales, aux fins de le voir condamné à payer solidairement avec la société CRYSTALLI la somme de 176.677,17 € correspondant aux impositions éludées par la société et aux pénalités fiscales correspondantes, outre une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que le jugement entrepris a fait droit à la demande de l'administration fiscale ;
Considérant que selon l'article L.267 du livre des procédures fiscales, lorsqu'un dirigeant d'une société, d'une personne morale ou de tout groupement, est responsable des man'uvres frauduleuses ou de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société, la personne morale ou le groupement, ce dirigeant peut, s'il n'est pas déjà tenu au paiement des dettes sociales en application d'une autre disposition, être déclaré solidairement responsable du paiement de ces impositions et pénalités par le président du tribunal de grande instance, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article L.266 . A cette fin, le comptable de la direction générale de la comptabilité publique ou le comptable de la direction générale des impôts assigne le dirigeant devant le président du tribunal de grande instance du siège social ;
Considérant qu'au soutien de son recours, [P] [H] fait valoir, en premier lieu, que la mise en 'uvre des dispositions de l'article L.267 du LPF nécessite que l'administration ait été suffisamment diligente dans le recouvrement de l'impôt et qu'il ait vainement exercé des poursuites à l'encontre de la société ; qu'il expose, à cet effet, qu'une fois sortie du plan de redressement, le conseil de la société a demandé à deux reprises à l'administration fiscale une remise des pénalités et que c'est le refus opposé par l'administration qui a précipité sa mise en liquidation et a laissé subsister la dette fiscale ; qu'il soutient, en second lieu, que les éléments matériels et intentionnels permettant de le condamner font défaut, que le comptable des impôts, qui a toujours accepté les décalages de trésorerie pour soutenir l'entreprise, ne peut exciper d'une créance qu'il n'a pas voulu récupérer quand il le pouvait et qu'il a entretenue en l'aidant à étaler ses paiements ; que la mauvaise foi n'est donc pas caractérisée ;
Que le comptable des impôts de Saint Quentin Est réplique que les conditions de mise en oeuvre de l'article L.267 du LPF sont réunies ; qu'il fait valoir que [P] [H], dirigeant effectif de la SARL CRYSTALLI en qualité de gérant du 1er janvier 1994 au 5 janvier 2010 à l'exception de la période située entre le 16 mars 1999, date de la mise en redressement judiciaire de la société, et le 23 mai 2000, date du plan de redressement, a commis des inobservations graves et répétées de ses obligations fiscales en s'abstenant de déclarations de TVA, en déposant des déclarations avec retard et sans être accompagnées d'un paiement, en minorant les bases d'imposition, manquements d'autant plus graves qu'ils concernent la TVA qui est un impôt collecté par la société en vue d'être reversé spontanément au Trésor, qu'il a été condamné pour fraude fiscale par le tribunal correctionnel de Versailles, que ces manquements sont à l'origine de l'impossibilité de recouvrer la créance fiscale, que l'administration fiscale a entrepris des poursuites durant la période au cours de laquelle elle n'était pas empêchée d'agir, soit après la réception du courrier de liquidateur du 13 février 2012 valant certificat d'irrécouvrabilité ; qu'il ajoute que les services fiscaux n'étaient pas tenus de déférer à une demande de transaction et relève que durant les huit mois qui ont suivi cette demande, [P] [H] a déposé cinq déclarations de TVA sans les accompagner d'un paiement ;
Mais considérant que les inobservations reprochées à la SARL CRYSTALLI ont trait à des discordances entre le montant des encaissements réalisés au titre de la TVA et le montant des opérations imposables déclarées entre le 1er janvier 2003 et le 30 juin 2005, à l'absence de dépôt de déclaration de résultat pour l'année 2002, manquements à des obligations fiscales commises pendant l'exécution du plan de continuation arrêté par le tribunal de commerce de Versailles par jugement du 23 mai 2000 qui a été mené à son terme jusqu'au 11 mars 2008 ; que s'il ne peut être fait grief au comptable public de n'avoir engagé les poursuites, au visa de l'article L.267 du LPF, qu'après réception du certificat d'irrécouvrabilité, le 13 février 2012, il ressort de l'échange abondant de correspondance au cours des années 2004 et 2005, produit aux débats, que durant l'exécution du plan, les services fiscaux avaient accepté les paiement fractionnés consécutifs à des déclarations de TVA non accompagnées d'un paiement et ce, postérieurement à l'envoi de mises en demeure de payer et à la délivrance d'avis à tiers détenteur ; que cette attitude, qui a conforté la société CRYSTALLI et son gérant, [P] [H], dans la certitude de l'acceptation des délais de paiement et dans la croyance d'une possible remise des pénalités de retard, enlève à l'inobservation répétée des obligations fiscales son caractère de gravité ;
Que, par ailleurs, que si la mise en 'uvre des dispositions de l'article L.267 du LPF n'exige pas que soit établie la mauvaise foi du dirigeant, [P] [H], qui reconnaît le décalage dans le paiement de la TVA, une fois cet impôt collecté, fait valoir à juste titre, sans être contredit sur ce point, qu'elle était provisionnée au bilan de la société et qu'il n'en a pas contesté le quantum, sa réclamation étant limitée à la remise des pénalités ; que la lettre adressée le 24 juin 2009 par son conseil au procureur de la république près le tribunal de grande instance de Versailles, dans le cadre de la procédure pénale, confirme la volonté de son dirigeant de céder l'entreprise afin de pouvoir régler la dette fiscale, le succès de la cession étant subordonné à la remise des pénalités dans le cadre d'une transaction, qui n'a pas abouti alors qu'à l'issue du plan de continuation, les échanges se sont poursuivis entre les parties ; que la condamnation de [P] [H] pour fraude fiscale est sans incidence sur l'appréciation de l'application de l'article L.267 du LPF ;
Qu'au vu de ces éléments, le lien de causalité entre les inobservations des obligations fiscales de la société CRYSTALLI imputables à [P] [H] et l'impossibilité pour l'administration fiscale de recouvrer au moins partie du solde de sa créance n'est pas établi ;
Qu'il convient en conséquence, infirmant le jugement entrepris, de débouter le comptable des impôts du service des entreprises de Saint Quentin Est de sa demande de condamnation solidaire de [P] [H], sur le fondement de l'article L.267 du LPF ;
Considérant que le rejet de la demande ne saurait justifier l'allocation à [P] [H] de dommages-intérêts, faute par lui de justifier du préjudice qu'il invoque ;
Qu'en revanche, les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile doivent lui bénéficier ; qu'il lui sera alloué à ce titre la somme de 5.000 € ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Déboute le comptable des impôts du service des entreprises de Saint Quentin Est de sa demande de condamnation solidaire de [P] [H], sur le fondement de l'article L.267 du LPF,
Rejette la demande de dommages-intérêts formée par [P] [H],
Condamne le comptable des impôts du service des entreprises de Saint Quentin Est à payer à [P] [H] la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Laisse les dépens à la charge du comptable des impôts du service des entreprises de Saint Quentin Est et dit qu'ils pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT,