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30/01/2014 | FRANCE | N°13/03513

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1ère chambre 1ère section, 30 janvier 2014, 13/03513


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 29Z



1ère chambre 1ère section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 30 JANVIER 2014



R.G. N° 13/03513



AFFAIRE :



Monsieur [Z] [M] agissant pour lui-même et en qualité d'ayant-droit de Madame [L] [M]





C/

[N] [T]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Avril 2013 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° Chambre : 1

N° Section :

N° RG : 2010/06969



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Jean-michel REYNAUD de la SCP SCP REYNAUD & LAFONT-GAUDRIOT, avocat au barreau de VERSAILLES -





Me Raphaël MAYET de la SELARL ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 29Z

1ère chambre 1ère section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 30 JANVIER 2014

R.G. N° 13/03513

AFFAIRE :

Monsieur [Z] [M] agissant pour lui-même et en qualité d'ayant-droit de Madame [L] [M]

C/

[N] [T]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Avril 2013 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° Chambre : 1

N° Section :

N° RG : 2010/06969

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Jean-michel REYNAUD de la SCP SCP REYNAUD & LAFONT-GAUDRIOT, avocat au barreau de VERSAILLES -

Me Raphaël MAYET de la SELARL SELARL MAYET & PERRAULT, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE JANVIER DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [Z] [M]

agissant pour lui-même et en qualité d'ayant-droit de Madame [L] [M]

né le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 6] (SUISSE)

[Adresse 1]

[Localité 2] (SUISSE)

Représentant : Me Jean-michel REYNAUD de la SCP SCP REYNAUD & LAFONT-GAUDRIOT, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C 177 - N° du dossier 307200

- Représentant : Me Marc-Olivier DEBLANC, avocat plaidant au barreau de PARIS, vestiaire : C1843

APPELANT

****************

Monsieur [N] [T]

né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentant : Me Raphaël MAYET de la SELARL SELARL MAYET & PERRAULT,avocat postulant et plaidant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 393 - N° du dossier 09RM0348

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 Décembre 2013 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie Gabrielle MAGUEUR, Président chargé du rapport et Monsieur Dominique PONSOT, conseiller,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Président,

Madame Dominique LONNE, Conseiller,

Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT,

Vu l'appel interjeté par [Z] [M] agissant tant pour lui-même qu'en sa qualité d'ayant droit d'[L] [M], du jugement rendu le 16 avril 2013 par le tribunal de grande instance de Versailles qui a : - dit que par l'effet du testament du 13 juillet 2007, [N] [T] est titulaire de l'ensemble des droits patrimoniaux et du droit moral sur les 'uvres du compositeur [A] [A],

-débouté [Z] [M] de l'intégralité de ses demandes, - débouté [N] [T] de sa demande de condamnation de [Z] [M] au paiement de l'intégralité des frais de garde meubles liés à la succession d'[L] [M], - condamné [Z] [M] à payer à [N] [T] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 9 août 2013 par lesquelles [Z] [M], agissant tant pour lui-même qu'en qualité d'ayant droit d'[L] [M], poursuivant l'infirmation du jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté [N] [T] de sa demande reconventionnelle, demande à la cour de dire que :

- le testament ne mentionne à aucun moment les droits d'auteur et que le tribunal s'est livré à une interprétation erronée de cet acte,

- il est seul titulaire de l'ensemble des droits patrimoniaux et moraux sur les 'uvres de [A] [A], - subsidiairement, dire que le legs se limitait au transfert de l'exercice du droit moral au profit de [N] [T] en dehors des droits patrimoniaux, - débouter [N] [T] de l'ensemble de ses prétentions, - ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois publications du choix du demandeur à hauteur de 5.000 € par publication

- condamner [N] [T] à lui payer la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Vu les dernières écritures signifiées le 4 octobre 2013 aux termes desquelles [N] [T] conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a dit que par l'effet du testament du 13 juillet 2007, [N] [T] est titulaire de l'ensemble des droits patrimoniaux et du droit moral sur les 'uvres du compositeur [A] [A] et débouté [Z] [M] de l'intégralité de ses demandes et à son infirmation pour le surplus, et prie la cour de condamner [Z] [M] au paiement de l'intégralité des frais de garde meubles liés à la succession d'[L] [M] et à lui payer la somme de 20.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, celle de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture signée le 5 décembre 2013 ;

SUR QUOI, LA COUR

Considérant qu'[L] [M] est décédée le [Date décès 1] 2008 au [Localité 4], laissant pour seul héritier son fils unique, [Z] [M], né [Date naissance 1] 1945 ;

Qu' [L] [M] était l'épouse et unique ayant droit de [A] [A], compositeur de musique de films, d'illustrations sonores et pionnier de la musique électronique, sous le pseudonyme [W] [U], avec lequel elle s'est mariée en 1973 ;

Qu'après le décès de son époux, [L] [M] est entrée en relation avec [N] [T], musicologue, chef d'orchestre, animateur d'émissions radiophoniques ;

Que suivant testament authentique reçu le 13 juillet 2007 par Maître [Q], notaire à [Localité 5], [L] [M] a institué comme légataire universel, [N] [T], auquel elle a légué la quotité disponible de tous ses biens en ce qu'elle porte spécialement sur le patrimoine musical et précisément cc toutes les partitions, enregistrements, disques, magnétos, installations d'enregistrement, synthétiseurs, ondioline etc..., tout ce qui se trouve dans le studio d'enregistrement situé au premier niveau de son domicile et notamment l'orgue, le piano et tous les instruments de musique, ainsi que le piano situé à l'étage (piano Steinway); qu'il est ajouté que Monsieur [T] aura la charge de préserver et perpétuer tout le patrimoine musical attaché à la musique de [A] [A] ;

Que l'acte désigne ensuite des légataires à titre particulier ;

Qu'un codicille reçu le 28 novembre 2008 modifie le testament en ce que le piano Steinway est attribué à un tiers et en ce qui concerne d'autres légataires particuliers ;

Que par acte du 15 janvier 2010, [Z] [M] a assigné devant le tribunal de grande instance de Versailles [N] [T] et les légataires à titre particulier visés dans le codicille du 28 novembre 2008 en nullité de ce codicille ;

Que par un premier jugement du 16 avril 2013, le tribunal de grande instance de Versailles a déclaré nul et de nul effet le codicille du 28 novembre 2008 en raison de la présence en qualité de témoin de la mère de deux légataires à titre particulier ;

Que par acte du 5 mai 2010, modifié le 27 mai 2010, [Z] [M] a assigné [N] [T] devant le tribunal de grande instance de Versailles aux fins de voir dire que le testament n'emporte pas transmission des droits d'auteur de [A] [A] et qu'il est seul titulaire des droits patrimoniaux et moraux sur l'oeuvre de [A] [A] ;

Que par ordonnance du 11 janvier 2011, le juge de la mise en état a autorisé Maître [V], en qualité d'administrateur provisoire de la succession d'[L] [M], à faire entreposer en garde-meubles les meubles et objets garnissant la maison sise à [Localité 5] ayant appartenu à [L] [M], aux frais et risques de la succession et dit que Maître [V] devra veiller spécialement à ce que les partitions et enregistrements de l'oeuvre de [A] [A] ne puissent être appréhendés par aucune des parties ;

Que le jugement entrepris a dit que par l'effet du testament du 13 juillet 2007, [N] [T] est titulaire de l'ensemble des droits patrimoniaux et du droit moral sur les 'uvres du compositeur [A] [A] ;

Sur l'étendue des droits de [N] [T]

Considérant qu'au soutien de son recours, [Z] [M] expose que l'attribution à [N] [T] de l'intégralité des droits patrimoniaux sur l'oeuvre de [A] [A] conduit à lui permettre non seulement d'exercer les droits habituellement attribués aux ayants droits mais à lui garantir des revenus réguliers et substantiels pour une durée de 52 ans à la date du jugement, que s'agissant du droit moral, il n'est pas évoqué dans le testament ; que se prévalant des dispositions de l'article L. 131-3 du CPI, il fait valoir que le législateur a entendu limiter toute transmission générale des droits d'auteur et les soumettre à un formalisme très strict, protecteur des auteurs et des ayants droit et qu'en l'espèce, si [L] [M] avait entendu céder le bénéfice de ses droits d'auteur à [N] [T], elle l'aurait précisé dans son testament ; qu'il ajoute que le fait que les partitions et enregistrements ont pu être attribués à [N] [T] n'emporte pas cession des droits de propriété intellectuelle à son profit au regard des dispositions de l'article L.111-3 du CPI selon lequel la propriété incorporelle est indépendante de la propriété de l'objet matériel ; que le testament se limite à dresser une liste de matériel musical sans qu'il soit question de droits d'auteur ; que sur la charge de préserver et perpétuer le patrimoine musical, ces prérogatives ne concernent pas les droits patrimoniaux mais le seul droit moral et conclut que la volonté de la testatrice a été tout au plus de transmettre à [N] [T] l'exercice du droit moral ;

Que [N] [T], rappelant que le testament doit être interprété à l'aune de la volonté du testateur, soutient qu' [L] [M] a souhaité lui confier, comme musicologue, amateur de l'oeuvre de [A] [A] et chef d'orchestre réputé, le soin de préserver et perpétuer le patrimoine musical attaché à la musique de celui-ci et que les revenus tirés de l'oeuvre lui ont été légués pour lui permettre d'assurer cette mission, qu'il s'agit d'un legs universel comme stipulé expressément ; qu'il ajoute que si le testament contient une liste de biens corporels, suivie de la locution «etc...», elle n'est pas exhaustive et démontre qu' [L] [M] a entendu léguer les biens corporels mobiliers listés et le reste, à savoir les biens mobiliers incorporels dont les droits d'auteur ; qu'il avance que le formalisme prévu par l'article L.131-3 du CPI n'a vocation à s'appliquer qu'aux contrats énumérés à ce texte et non à un testament, acte unilatéral ;

Considérant qu'en vertu de l'article 970 du même code, si le testament, pour être valable, doit être écrit en entier, daté et signé de la main du testateur, il n'est assujetti à aucune autre forme ;

Que selon l'article 1003 du code civil, le legs universel est la disposition testamentaire par laquelle le testateur donne à une ou plusieurs personnes l'universalité des biens qu'il laissera à son décès ;

Que toutefois, la qualification donnée par le testateur ne lie pas le juge qui doit, pour déterminer les effets attachés au legs, interpréter sa volonté;

Considérant, en l'espèce, que si les parties ne remettent pas en cause les dispositions testamentaires relatives aux biens matériels à savoir, les partitions, enregistrements, disques, magnétos, installations d'enregistrement, synthétiseurs, ondioline, orgue, piano, tous les instruments de musique constituant «le matériel musical», ils ne s'accordent pas sur l'étendue des droits d'auteur légués ;

Que le testament institue [N] [T], légataire universel, ce qui lui confère vocation à l'ensemble des biens, même si le testateur a disposé par des legs à titre particulier de certains des actifs ; que le légataire universel, en sa qualité de continuateur de la personne du défunt, a vocation à recevoir les droits extrapatrimoniaux transmissibles à cause de mort, tel le droit moral de l'auteur ;

qu'il est mentionné dans l'acte qu'il lui est légué la quotité disponible de tous les biens en ce qu'elle porte spécialement sur tout le patrimoine musical et précisément toutes les partitions...; que si l'énumération qui suit, bien que non limitative, ne vise que les supports matériels de l'oeuvre musicale et des instruments de musique, sans mentionner les droits incorporels attachés à cette 'uvre, l'utilisation par la testatrice de la même expression «patrimoine musical», reprise dans le deuxième paragraphe de l'acte, pour conférer au légataire la charge de préserver et perpétuer l'oeuvre du compositeur, manifeste de manière non équivoque son intention de lui léguer, sans distinction, l'intégralité des droits qui y sont attachés et notamment les droits patrimoniaux d'auteur ;

Que l'appelant invoque en vain les dispositions de l'article L. 131-3 du CPI qui, instituées pour protéger l'auteur, ne gouvernent que ses rapports avec les cessionnaires des droits ; que si la propriété incorporelle est indépendante de celle du support matériel de l'oeuvre, comme le prévoit l'article L.111-3 du même code, en instituant [N] [T], légataire universel de la quotité disponible de tous les biens en ce qu'elle porte sur tout le patrimoine musical, [L] [M] a entendu disposer à son profit, sans aucune exclusion, de tous les droits attachés à l'oeuvre musicale de son époux quel qu'en soit la nature ;

Qu'il s'ensuit que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a dit que par l'effet du testament du 13 juillet 2007, [N] [T] est titulaire de l'ensemble des droits patrimoniaux et du droit moral sur les 'uvres du compositeur [A] [A] ;

Sur la charge des frais de garde-meubles

Considérant que [N] [T] soutient que dans la mesure où [Z] [M] ne conteste pas sa vocation à recevoir les biens corporels énumérés dans le testament , son obstruction à ce qu'il les reçoive à son domicile relève d'une démarche abusive qui doit emporter sa condamnation à prendre en charge l'intégralité de ces frais ;

Que [Z] [M] conclut à la confirmation du jugement sur ce point  ;

Considérant que le différend portant sur l'attribution des droits incorporels d'auteur justifiait la mesure de sauvegarde prise dans l'intérêt des deux parties en sorte que les frais y afférents ne sauraient être mis à la charge exclusive de [Z] [M] ;

Que le jugement entrepris sera donc également confirmé sur ce point ;

'Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive

Considérant que [N] [T] fait valoir que la multiplication des procédures vise à le contraindre à renoncer par lassitude aux droits qu'il tient du testament et caractérise une attitude blâmable ;

Mais considérant que l'exercice d'une voie de recours ne dégénère en abus susceptible d'emporter l'allocation de dommages-intérêts qu'en cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grave équipollente au dol, ce qui n'est pas démontré en l'espèce ;

Que la demande de dommages-intérêts formée par [N] [T] sera donc rejetée ;

Considérant que les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile doivent bénéficier à [N] [T] ; qu'il lui sera alloué à ce titre la somme complémentaire de 5.000 € ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Rejette la demande de dommages-intérêts formée par [N] [T],

Condamne [Z] [M] à payer à [N] [T] la somme complémentaire de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne [Z] [M] aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile .

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 13/03513
Date de la décision : 30/01/2014

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°13/03513 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-01-30;13.03513 ?
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