COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 97D
1ère chambre 1ère section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 30 JANVIER 2014
R.G. N° 13/00482
AFFAIRE :
[L] [X]
C/
[E] [I]
...
MINISTERE PUBLIC
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Décembre 2012 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE
N° chambre : 1
N° Section :
N° RG : 12/1473
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Morgan JAMET de la SELARL Arst Avocats, avocat au barreau de PARIS
Me Patrick LAMARRE, avocat au barreau de VAL D'OISE,
MP
notifié à
M.[X]
M.[B]
M.[I]
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE TRENTE JANVIER DEUX MILLE QUATORZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [L] [X]
né le [Date naissance 3] 1965 à [Localité 3]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Comparant, assisté de Maître Morgan JAMET de la SELARL Arst Avocats, avocat plaidant au barreau de PARIS, vestiaire : C0739
APPELANT
****************
Monsieur [E] [I]
né le [Date naissance 2] 1931 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 2]
comparant, assisté de Me Patrick LAMARRE, avocat plaidant au barreau de VAL DOISE, vestiaire : 28
Monsieur [K] [B]
né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 4]
[Adresse 1]
[Localité 2]
comparant assisté de Me Patrick LAMARRE, avocat plaidant au barreau de VAL DOISE, vestiaire : 28
INTIMES
****************
EN PRESENCE DU MINISTERE PUBLIC
représenté à l'audience par Monsieur CHOLET, avocat général .
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue en chambre du conseil le 09 Décembre 2013, Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Président,
Madame Dominique LONNE, Conseiller,
Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT
Vu l'appel interjeté le 16 janvier 2013 par [L] [X] du jugement rendu le 18 décembre 2012 par le tribunal de grande instance de Pontoise qui a :
- rejeté l'exception de nullité de l'assignation soulevée par le ministère public, -déclaré irrecevable la requête formulée par [L] [X] aux fins de sanction disciplinaire à l'encontre de [E] [I] et [K] [B], - débouté [L] [X], - condamné [L] [X] à payer à [E] [I] la somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts et la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, - condamné [L] [X] à payer à [K] [B] la somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts et la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, -condamné [L] [X] aux dépens ;
Vu les conclusions déposées le 20 juin 2013 par lesquelles [L] [X] demande à la cour de :
- dire que [E] [I] et [K] [B] se sont livrés à des agissements contraires aux règles déontologiques qui régissent la profession de notaire à son préjudice
- prononcer à l'encontre de [E] [I] et de [K] [B] telle sanction qu'il plaira sur les réquisitions du procureur de la république,
- condamner in solidum [E] [I] et [K] [B] à lui payer la somme de 50.000 € au titre de son préjudice moral, - condamner in solidum [E] [I] et [K] [B] à lui payer la somme de 10.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel et sans constitution de garantie ;
Vu les uniques écritures déposées le 21 juin 2013 aux termes desquelles [E] [I] et [K] [B] concluent à la confirmation du jugement déféré et, y ajoutant, prient la cour de condamner [L] [X] à payer à chacun d'eux la somme de 15.000 € à titre de dommages-intérêts et celle de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, subsidiairement, de déclarer [L] [X] irrecevable et en tout cas mal fondé en l'ensemble de ses demandes, l'en débouter et le condamner [L] [X] à payer à chacun d'eux la somme de 15.000 € à titre de dommages-intérêts et celle de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Après avoir, à l'audience du 9 décembre 2013, entendu en chambre du conseil, les représentants de [L] [X], de M.M. [I] et [B] et du ministère public, étant précisé que M.M. [I] et [B] se sont exprimés en dernier ;
SUR QUOI, LA COUR
Considérant que la SCP [E] [I], [K] [B] et [L] [X], titulaire depuis le 20 février 1986, d'un office notarial à Saint Ouen L'Aumône (Val d'Oise), a fait l'objet d'une inspection le 2 février 2010 à l'initiative du président de la chambre interdépartementale des notaires de Versailles ;
Qu'ayant relevé plusieurs irrégularités comptables, juridiques et déontologiques, la chambre a engagé une procédure disciplinaire à l'encontre de Maître [L] [X] ;
Que par délibération du 28 septembre 2010, la chambre régionale de discipline du conseil régional des notaires de la cour d'appel de Versailles a dit que les fautes commises par Maître [L] [X] paraissent justifier une sanction plus grave que celles pouvant être prises par la chambre de discipline et, en vertu de l'article 10 du décret N°73-1202 du 28 décembre 1973, a chargé et mandaté son président de citer directement Maître [X] devant le tribunal de grande instance de Pontoise statuant disciplinairement ;
Que par déclaration du 19 octobre 2010, Maître [L] [X] a interjeté appel de la délibération sus-visée devant cette cour qui, par arrêt du 30 juin 2011, a déclaré l'appel irrecevable ;
Qu'autorisé par ordonnance sur requête du 28 novembre 2011, Maître [G] [C] en qualité de président de la chambre régionale de discipline du conseil régional des notaires de la cour d'appel de Versailles a fait assigner à jour fixe Maître [L] [X] devant le tribunal de grande instance de Pontoise qui, par jugement du 29 mai 2012 a prononcé en son encontre la sanction disciplinaire d'interdiction temporaire d'exercice de la profession de notaire pour une durée de 5 ans ;
Que par arrêt du 20 décembre 2012, cette cour, statuant sur l'appel formé par [L] [X] a réformé le jugement en prononçant une interdiction temporaire d'exercice de la profession pour une année ;
Qu'un pourvoi a été formé à l'encontre de cet arrêt et a été fixé à l'audience d'admissibilité du 21 janvier 2014 ;
Qu'alors que la procédure disciplinaire était en cours, des discussions se sont engagées entre [L] [X], [E] [I] et [K] [B] sur la cession par le premier de ses parts sociales dans la SCP notariale et des projets de résolution ayant vocation à être soumis à l'assemblée générale des associés lui ont été soumis ;
Qu'après avoir contesté, devant les juridictions civiles, la régularité des assemblées générales, l'approbation des comptes, poursuivi la dissolution anticipée de la SCP et demandé la désignation d'un administrateur provisoire de l'étude, [L] [X] a fait assigner à jour fixe ses deux associés, [E] [I] et [K] [B], devant le tribunal de grande instance de Pontoise, statuant en matière disciplinaire, au visa de l'article 13 du décret du 28 décembre 1973 ;
Que le jugement entrepris a déclaré sa requête irrecevable ;
Sur la recevabilité à agir d'[L] [X]
Considérant qu'au soutien de son recours, se fondant sur les dispositions de l'article 10 de l'ordonnance du 28 juin 1945, [L] [X] expose que l'action est ouverte à toute personne lésée sans que ce texte ne restreigne ce droit aux victimes sollicitant une indemnisation et que, d'une part, les manquements déontologiques de ses associés sont de nature à engager sa responsabilité civile professionnelle, les clients de l'étude étant susceptibles d'obtenir l'allocation de dommages-intérêts dont il supporterait le paiement en sa qualité d'associé, voire sa responsabilité pénale, d'autre part, la violation des statuts par ses deux associés conduit à le priver de la rémunération à laquelle il a droit en sa qualité d'associé ; qu'il relève que le ministère public n'a pas engagé d'action à l'égard de ses deux associés alors qu'ils ont reconnu des faits susceptibles d'être qualifiés de faux en écritures publiques au cours de l'audience qui s'est tenue le 29 mai 2012 devant la première chambre du tribunal de grande instance de Pontoise ;
Que dans le cadre de la présente instance, il forme comme conséquence et accessoire de sa demande de condamnation solidaire, une demande en indemnisation du préjudice qu'il subit du fait des agissements de [E] [I] et [K] [B] ;
Que, pour conclure à l'irrecevabilité de la demande, [E] [I] et [K] [B] répliquent que la procédure disciplinaire instituée par l'article 10 précité est ouverte à toute personne se prétendant lésée à condition que l'origine du dommage trouve sa source dans des agissements accomplis par l'officier public ou ministériel dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de sa profession, que cette procédure n'est pas destinée à permettre à un associé d'agir à l'encontre d'un ou de plusieurs associés afin de régler un différend entre eux, le règlement national du conseil supérieur du notariat approuvé par arrêté du 24 décembre 2009 disposant que la chambre départementale connaît des questions de déontologie ainsi que des plaintes et mésententes entre associés ; qu'ils ajoutent que la lésion s'entend d'un dommage direct subi par le demandeur en raison de la commission par l'officier public ou ministériel d'une infraction à une règle précise commise individuellement ayant un caractère intentionnel ;
Considérant que selon l'article 10 de l'ordonnance du 28 juin 1945, l'action disciplinaire devant le tribunal de grande instance est exercée par le procureur de la république . Elle peut également être exercée par le président de la chambre de discipline agissant au nom de celle-ci, ainsi que par toute personne qui se prétend lésée par l'officier public ou ministériel . Dans ce cas, le procureur de la république est entendu .
Lorsqu'ils n'ont pas exercé eux-mêmes l'action disciplinaire, le président de la chambre ou la personne qui se prétend lésée peuvent intervenir à l'instance .
Dans tous les cas, ils peuvent demander l'allocation de dommages-intérêts ;
Considérant qu'[L] [X] reproche à ses associés d'avoir commis des manquements contraires à la déontologie notariale, en violation des devoirs de probité, d'honneur et de délicatesse, dans la mesure où ils n'ont pas favorisé le retrait amiable de leur associé de la SCP détenue en commun et l'ont maintenu dans une situation professionnelle et financière précaire, en se servant de la procédure disciplinaire pour tenter de récupérer ses parts sociales à vil prix, ils ont procédé au déménagement de son bureau, l'ont tenu à l'écart de l'étude qu'ils ont administré sans le consulter en procédant à des embauches et licenciement de personnel et ont refusé de lui verser la rémunération due ; qu'il leur reproche également d'avoir enfreint les règles comptables ;
Mais considérant que les faits allégués n'ont pas été commis par les associés dans l'exercice ou à l'occasion de leurs prérogatives d'officier ministériel en sorte qu'[L] [X] ne peut se prétendre personne lésée au sens de l'article 10 sus-visé ;
Considérant qu'[L] [X] invoque également le non respect par ses associés de la réglementation sur l'habilitation des clercs salariés de l'étude et fait valoir que trois clercs de l'étude ont reçu des actes notariés en toute illégalité et que ces circonstances sont de nature à conférer aux actes ainsi dressés la qualification de faux en écriture publique et à les faire encourir la nullité ;
Mais considérant qu'[L] [X], n'étant pas partie aux actes incriminés, ne peut s'en prévaloir en se prétendant personne lésée ;
Qu'il convient de relever que [E] [I] et [K] [B] ont été sanctionnés pour ces faits qui constituent des manquements d'ordre déontologique par la décision de la chambre régionale de discipline des notaires de la cour d'appel de Versailles du 2 avril 2013 qui a prononcé à l'égard de chacun d'eux une peine de censure simple assortie d'une inéligibilité aux chambres et organismes et conseils professionnels pour une durée d'un an, décision qui est devenue définitive ;
Qu'[L] [X] est donc irrecevable à engager une action disciplinaire à l'encontre de ses associés, M.M. [I] et [B] ;
Considérant que [E] [I] et [K] [B] sollicitent chacun l'allocation d'une indemnité de 15.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, faisant valoir qu'elle a pour effet de jeter le discrédit sur eux et de déstabiliser l'office notarial ;
Mais considérant que l'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus, susceptible d'ouvrir droit à l'allocation de dommages-intérêts, que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi ou procède d'une erreur grave équipollente au dol, ce qui n'est pas démontré en l'espèce ; qu'au surplus, les débats de la procédure disciplinaire n'étant pas publics, ils ne rapportent pas la preuve du discrédit porté à leur office ;
Que les intimés seront déboutés de leur demande à ce titre et le jugement entrepris infirmé en ce qu'il a fait droit partiellement à leur prétention ;
Considérant qu'il n'y a lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant, après débats en chambre du conseil, publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action disciplinaire engagée par [L] [X] à l'encontre de [E] [I] et de [K] [B],
L'infirme en ce qu'il a prononcé des condamnations à l'encontre d'[L] [X],
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute [E] [I] et [K] [B] de leurs demandes de dommages-intérêts,
Dit n'y avoir lieu à allocation de sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne [L] [X] aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile .
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT,