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16/01/2014 | FRANCE | N°12/08849

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1ère chambre 1ère section, 16 janvier 2014, 12/08849


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 10A



1ère chambre 1ère section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 16 JANVIER 2014



R.G. N° 12/08849



AFFAIRE :



[T] [L]





C/

DE LA REPUBLIQUE LE PROCUREUR









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Décembre 2012 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

Pôle famille 2 ème section



N° RG : 10/00355



E

xpéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Louis DELVOLVE, avocat au barreau de VERSAILLES



MP







REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





LE SEIZE JANVIER DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 10A

1ère chambre 1ère section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 16 JANVIER 2014

R.G. N° 12/08849

AFFAIRE :

[T] [L]

C/

DE LA REPUBLIQUE LE PROCUREUR

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Décembre 2012 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

Pôle famille 2 ème section

N° RG : 10/00355

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Louis DELVOLVE, avocat au barreau de VERSAILLES

MP

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE SEIZE JANVIER DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [T] [L]

né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 2] (Côte d'Ivoire)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Louis DELVOLVE, avocat postulant au barreau de VERSAILLES vestiaire : C 48

Plaidant par Maitre Laurent DELVOLVE, avocat au barreau de PARIS AARPI

C 542

APPELANT

****************

MINISTERE PUBLIC

représenté par Monsieur le Procureur général près la cour d'appel de Versailles, lui même représenté par Monsieur CHOLET, avocat général,

INTIME

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 Décembre 2013, Madame Dominique LONNE, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Présidente,

Madame Dominique LONNE, conseiller,

Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT

La cour est saisie de l'appel interjeté le 21 décembre 2012 par [T] [L] à l'encontre du jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 14 décembre 2012 qui a jugé, au visa de l'article 32-3 du code civil, qu'il n'a pas la nationalité française.

[T] [L], né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 2] en Côte d'Ivoire, s'est vu refuser la délivrance d'un certificat de nationalité française, refus motivé par le caractère apocryphe de l'acte de naissance et l'absence de conservation de la nationalité française lors de l'accession à l'indépendance de la Côte d'Ivoire.

Il a saisi le tribunal de grande instance de Nanterre afin d'être reconnu de nationalité française sur le fondement de l'article 32-3 du code civil qui édicte : 

«  Tout français domicilié à la date de son indépendance sur le territoire d'un Etat qui avait eu antérieurement le statut de département ou de territoire d'outre-mer de la République, conserve de plein droit sa nationalité dès lors qu'aucune autre nationalité ne lui a été conférée par la loi de cet Etat ».

Le tribunal de grande instance de Nanterre a jugé que :

«Les parties s'accordent pour dire que [F] [L], père de [T], avait acquis la nationalité française le 24 novembre 1950 et que, par décision du 29 décembre 1952, la Justice de Paix à compétence étendue d'[Localité 1] (Côte d'Ivoire) a étendu le bénéfice de la citoyenneté française de [F] [L] à ses quatre enfants nés, dont [T] [L].

Dès lors, il peut se déduire de la décision susmentionnée que le demandeur avait acquis la nationalité française, antérieurement à l'indépendance de la Côte d'Ivoire (le 07 août 1960).

Ainsi, il revient à [T] [L] d'établir qu'après son indépendance, il n'a pas été saisi par la loi du pays dont il est originaire, à savoir, la Côte d'Ivoire, conformément aux dispositions de l'article 32-3 du Code civil ».

Le tribunal a constaté l'extranéité de [T] [L] au motif qu'il n'établissait pas n'avoir pas été saisi par la loi de nationalité de la Côte d'Ivoire après l'indépendance de ce territoire .

Aux termes de ses dernières conclusions du 05 novembre 2013, [T] [L], appelant, demande l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable et fondé,

- juger qu'il est français par filiation et a conservé la nationalité française.

-ordonner la mention prévue par l'article 28 du Code civil.

[T] [L] conclut en substance :

- qu'avant l'indépendance de la Côte d'Ivoire et à une époque où la Côte d'Ivoire était un territoire d'outre-mer de la République française, son père, [F] [L], a été admis en qualité de citoyen français par un décret du 24 novembre 1950 et un jugement du 29 décembre 1952 de la justice de paix à compétence étendue d'[Localité 1] (Côte d'Ivoire) a étendu la qualité de citoyen français à ses quatre enfants dont [T] [L];

- que [F] [L] doit être considéré au moment de l'indépendance de la Côte d'Ivoire (le 7 août 1960) comme étant français originaire du territoire de la République Française tel que constitué au 28 juillet 1960 ; en cette qualité, il a conservé de plein droit la nationalité française en application de l'article 32 du code civil, quand bien même il aurait été saisi par la loi de nationalité ivoirienne ;

-que l'acquisition de la nationalité française de [F] [L], non contestée par le ministère public, n'est pas la conséquence du rattachement de la Côte d'Ivoire au territoire de la République française mais procède d'une démarche personnelle.

L'appelant soutient qu'il est français par filiation paternelle en vertu de l'article 17-1° de l'ordonnance n°45-2447 du 19 octobre 1945 rendu applicable en Côte d'Ivoire par le décret du 24 février '1954" et qu'en vertu de l'article 32 alinéa 2 du code civil, il a conservé de plein droit la nationalité française lors de l'accession à l'indépendance de la Côte d'Ivoire en sa qualité de descendant d'une personne originaire du territoire de la République Française tel que constitué au 28 juillet 1960.

[T] [L] ajoute que :

- sa nationalité française tient donc du jugement du 29 décembre 1952 et est consacrée par la transcription de son acte de naissance sur le registre de l'état civil européen.

- ainsi, à une époque où la Côte d'Ivoire était un territoire d'outre-mer de la République française, il avait acquis la nationalité française par l'effet du jugement du 29 décembre 1952.

- ce jugement a conservé ses effets qui n'ont pas pu être remis en cause par l'accession de la Côte d'Ivoire à l'indépendance.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 14 juin 2008, le ministère public conclut :

-à la caducité de l'appel formé par [T] [E] [L],

-au débouté de [T] [E] [L] en ses demandes,

-à la confirmation du jugement entrepris,

et demande que soit ordonnée la mention prévue par l'article 28 du code civil.

Le ministère public rappelle qu'en application de l'article 30 du code civil la charge de la preuve pèse sur [T] [L], dépourvu de certificat de nationalité délivré à son nom.

Il indique ne pas contester 'qu'avant l'indépendance, l'appelant était français en sa qualité d'originaire de la Côte d'Ivoire et qu'il peut être dit français en application de l'article 17-1° du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°45-2441 du 19 octobre 1945, tel que rendu applicable outre-mer par le décret n°53-161 du 24 février 1953".

Il ne conteste pas non plus que [F] [L] a été admis en vertu de l'article 6 du décret du 24 novembre 1950 à la qualité de citoyen français (Le ministère public indique qu'un décret du 23 juillet 1937 régissait les conditions dans lesquelles les indigènes de l'Afrique occidentale française résidant dans cette colonie pouvaient obtenir la qualité de citoyen français) ni que les enfants mineurs légitimes bénéficiaient de plein droit de la qualité de citoyen français selon l'article 22 alinéa 1 du dit décret de 1937.

Toutefois le ministère public fait valoir :

- que [F] [L] n'a pas « acquis » la nationalité française  ; qu'il la possédait déjà mais il a seulement changé de statut civil sur sa demande;

- que le jugement rendu le 29 décembre 1952 par la Justice de Paix à compétence étendue d'[Localité 1] n'a pas étendu la qualité de citoyen français aux enfants qui y sont dénommés, mais a seulement ordonné la transcription des actes de naissance de l'état civil indigène sur les registres de l'état civil européen ;

-que s'agissant en l'espèce d'un ancien territoire d'outre mer d'Afrique noire, la conservation de la nationalité française se fonde sur les critères de l'origine et du domicile si bien que si une décision judiciaire ou administrative intervenue avant l'indépendance et emportant admission à la qualité de citoyen français ou renonciation au statut personnel démontre que son bénéficiaire était originaire d'un territoire français, elle n'implique pas pour autant qu'il ait ensuite conservé la nationalité française de plein droit .

Le ministère public invoque un arrêt de la cour de cassation du 18 mai 2011 qui avait constaté l'extranéité au motif que le père de l'intéressé admis à jouir des droits de citoyen français par décret du 22 mai 1929 n'avait pas conservé de plein droit la nationalité française lors de l'accession à l'indépendance du Dahomey, devenu Benin le 1er août 1960.

Selon le ministère public, l'appelant se prévaut à tort de ce son père [F] a été admis au statut métropolitain français en vertu de l'article 6 du décret du 24 novembre 1950 pour en tirer la conséquence qu'il doit être considéré comme descendant d'une personne originaire du territoire de la République française tel que constitué à la date du 28 juillet 1960.

Le ministère public conclut que la Côte d'ivoire ne faisait plus partie du territoire de la RF au 28 juillet 1960 ; que la constitution de 1958 a prévu que les territoires d'outre mer pouvaient opter entre 3 régimes (article 76) : le statu quo, la départementalisation ou l'entrée dans la communauté comme Etat membre ; que la Côte d'Ivoire a opté pour le statut d'état membre de la communauté et qu'à cette date, elle a acquis l'autonomie interne ; que les personnes originaires des territoires d'outre mer qui ne faisaient plus partie intégrante du territoire de la République française le 28 juillet 1960 ne peuvent pas se prévaloir des dispositions de l'article 32 du code civil.

MOTIFS DE LA DECISION

Le ministère public ayant soulevé la caducité de la déclaration d'appel en vertu de l'article 1043 du Code de procédure civile au motif que [T] [L] ne justifie pas avoir adressé au ministère de la justice une copie de sa déclaration d'appel, il est justifié que le ministère de la justice en a délivré récépissé le 28 juin 2013.

Devant la cour l'appelant ne se fonde pas sur l'article 32-3 du code civil mais sur l'article 32 du code civil et l'article 17-1° du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 19 octobre 1945, tel que rendu applicable outre mer par le décret du 24 février 1953.

L'article 32 du code civil énonce :

« Les Français originaires du territoire de la République Française, tel qu'il était constitué à la date du 28 juillet 1960, et qui étaient domiciliés au jour de son accession à l'indépendance sur le territoire d'un Etat qui avait eu antérieurement le statut de territoire d'outre-mer de la République Française, ont conservé de plein droit la nationalité française.

Il en est de même des conjoints, des veufs ou veuves et descendants desdites personnes»

L'article 17-1° dispose qu'est français l'enfant légitime né d'un père français.

L'appelant fait valoir que son père [F] [L] avait acquis la qualité de français originaire du territoire de la République française à la date du 28 juillet 1960 et qu'il est lui-même français par filiation d'un père français originaire du territoire de la République Française tel qu'il était constitué à la date du 28 juillet 1960 (la loi du 28 juillet 1960 ayant eu pour objet de régler les questions de la nationalité au moment de l'indépendance des anciens territoires de la République Française) .

Au vu des pièces régulièrement produites, l'appelant justifie :

- que par acte en date du 12 janvier 1950, [F] [L], père de l'appelant, a fait une demande d'accession à la qualité de citoyen français auprès de la République Française, le récépissé de cette demande visant sa déclaration de renonciation au statut personnel ;

- qu'à la suite à cette demande, [F] [L], père de l'appelant, a été admis au statut de métropolitain français par décret du 24 novembre 1950 (article 6 du décret), paru au journal officiel de la République française du 10 décembre 1950 ;

- que par jugement n°173 rendu le 29 décembre 1952, la Justice de Paix à compétence étendue d'[Localité 1] (Côte d'Ivoire), a considéré que la qualité de citoyen français était étendue à ses enfants dont [T] [L] et a ordonné la transcription des actes de naissance des quatre enfants sur les registres de l'Etat civil européen du lieu de leur naissance, ce jugement étant ainsi motivé :

'Attendu qu'il résulte de l'enquête et des pièces fournies par le requérant que le sieur [L] [F] a été admis par décret en date du 24 novembre 1950 à la qualité de citoyen de statut civil français qu'en tant que tel il fit l'objet d'une transcription de son acte de naissance sur les registres de l'état civil européen du cercle d'[Localité 1] .

Attendu qu'avant son admission à la citoyenneté, le sieur [L] [F] [Q] avait eu quatre enfants :

.......

[L] [T] [E] né à [Localité 2] le [Date naissance 1] mil neuf cent quarante huit

Que ces quatre enfants firent l'objet d'une transcription sur les registres de l'état civil indigène de leur lieu de naissance.

Attendu que l'admission de [L] [F] [Q] à la citoyenneté doit s'étendre à ses enfants qui, conformément aux dispositions du décret du 23 juillet 1937 jouissent du statut de leur père; qu'il importe transcrire ces actes de naissance des quatre enfants désignés sur les registres de l'état civil européen de leur lieu de naissance'

Il en résulte qu'avant même l'accession à l'indépendance de la Côte d'Ivoire intervenue le 07 août 1960, [F] [L], né à [Localité 1] en 1916, père de l'appelant, avait la nationalité française et il en était de même de l'appelant [T] [L] qui bénéficiait de plein droit de cette nationalité par application de l'article 22 du décret du 23 juillet 1937 ainsi que l'a constaté le jugement sus-visé du 29 décembre 1952, lequel en a tiré la conséquence en ordonnant la transcription de son acte de naissance sur le registre d'état civil européen.

Devant être considéré lors de l'accession à l'indépendance de la Côte d'Ivoire, comme étant français originaire du territoire de la République Française tel que constitué au 28 juillet 1960, [F] [L] a conservé de plein droit la nationalité française par application de l'article 32 du code civil.

[T] [L] français par filiation paternelle en application de l'article 17-1° du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 19 octobre 1945 tel que rendu applicable outre mer par le décret 53-161 du 24 février 1953 a conservé la nationalité française lors de l'accession à l'indépendance de ce pays comme descendant d'un père originaire du territoire de la République française tel qu'il était constitué à la date du 28 juillet 1960, en application de l'alinéa 2 de l'article 32 du code civil. 

Le ministère public oppose que la Côte d'ivoire ne faisait plus partie du territoire de la République française au 28 juillet 1960 mais l'article 32 du code civil se réfère à l'accession à l'indépendance d'un territoire d'outre-mer, en sorte que c'est à cette date qu'il convient de se placer pour rechercher si l'intéressé avait déjà la nationalité française et peut donc prétendre l'avoir conservée.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris et de dire que [T] [L] est français.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare recevable l'appel de [T] [L],

INFIRME le jugement entrepris,

STATUANT A NOUVEAU,

Dit que [T] [L], né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 2] (Côte d'Ivoire), est français ;

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,

Laisse les dépens de première instance et d'appel à la charge du Trésor public.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 12/08849
Date de la décision : 16/01/2014

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°12/08849 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-01-16;12.08849 ?
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