COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 00A
14ème chambre
ARRET N°
contradictoire
DU 06 NOVEMBRE 2013
R.G. N° 12/08367
AFFAIRE :
Société VESTEL ELEKTRONIK SANAYI VE TICARET A.S. Société de droit turc
...
C/
SA TECHNICOLOR
...
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 31 Octobre 2012 par le Président du Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° RG : 2012R01132
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
SCP LISSARRAGUE
DUPUIS & ASSOCIES
Me Philippe ROLLAND
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SIX NOVEMBRE DEUX MILLE TREIZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Société VESTEL ELEKTRONIK SANAYI VE TICARET A.S. Société de droit turc, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 3]
Représentée par Me Martine DUPUIS de la SCP LISSARRAGUE DUPUIS & ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 1251073
assistée de Me Julien FRENEAUX, avocat au barreau de PARIS
SAS VESTEL FRANCE agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par Me Martine DUPUIS de la SCP LISSARRAGUE DUPUIS & ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 1251073
assistée de Me Julien FRENEAUX, avocat au barreau de PARIS
APPELANTES
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SA TECHNICOLOR
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Philippe ROLLAND de la SCP FINKELSTEIN/DAREL/AZOULAY/ROLLAND/CISSE, avocat au barreau de VAL DOISE, vestiaire : 10 - N° du dossier 213013
assistée de Me Carine DUPEYRON, avocat au barreau de PARIS
SAS THOMSON LICENSING
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Philippe ROLLAND de la SCP FINKELSTEIN/DAREL/AZOULAY/ROLLAND/CISSE, avocat au barreau de VAL DOISE, vestiaire : 10 - N° du dossier 213013
assistée de Me Carine DUPEYRON, avocat au barreau de PARIS
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 Septembre 2013, Madame Marion BRYLINSKI, conseiller, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Marie-Annick VARLAMOFF, Président,
Madame Marion BRYLINSKI, Conseiller,
Mme Véronique CATRY, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Agnès MARIE
FAITS ET PROCÉDURE
Les sociétés VESTEL ELEKTRONIK SANAYI VE TICARET AS et VESTEL FRANCE fabriquent et commercialisent des produits électroniques grand public, notamment sous les marques Windsor et Techwood ; la société TECHNICOLOR (anciennement Thomson S.A.), est une entreprise française spécialisée dans la conception et la fabrication de systèmes de vidéo et d'image numérique destinés aux professionnels des médias ; la société THOMSON LICENSING est l'une des filiales, propriétaire des brevets du groupe Technicolor.
Depuis plusieurs années les sociétés VESTEL sont en discussion avec la société française THOMSON LICENSING, qui estime que certains téléviseurs et décodeurs numériques de marque Windsor et Techwood mettraient en 'uvre des inventions protégées par des brevets appartenant à Thomson Licensing, au motif que lesdits brevets seraient, selon elle, des "brevets essentiels" au regard des normes MPEG4, DVB-S, DVB-MPEG, DVB-SI, DVB-CI, DVB-CI+, DVB-C2 et DBV-T2.
En juillet 2012, la société TECHNICOLOR, agissant au nom de sa filiale THOMSON LICENSING, a adressé à des clients des sociétés VESTEL un courrier les mettant en garde au motif que les téléviseurs numériques de marque Windsor et Techwood pourraient requérir une licence de huit brevets de THOMSON LICENSING.
Les sociétés VESTEL ELEKTRONIK SANAIY VE TICARET AS et VESTEL FRANCE, par acte en date du 20 septembre 2012, ont assigné les sociétés TECHNICOLOR et THOMSON LICENSING en référé aux fins de leur voir faire interdiction, sous astreinte de 50.000 € par infraction constatée et par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, de faire quelque commentaire que ce soit, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit, auprès de tout revendeur ou distributeur établi en France ou dans tout pays de l'Union Européenne, à propos des produits de marques Windsor et/ou techwood des sociétés VESTEL ELEKTRONIK SANAYI VE TICARET A.S. ET VESTEL FRANCE.
Les sociétés TECHNICOLOR et THOMSON LICENSING ont opposé une exception d'incompétence au profit du tribunal de grande instance de Paris, se fondant sur les articles L.615-17 alinéa 1, du code de la propriété intellectuelle et D.211-6 du code de l'organisation judiciaire.
Le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre, par ordonnance rendue le 31 octobre 2012, se déclarant matériellement incompétent, a renvoyé les demandeurs à mieux se pourvoir, et a condamné les sociétés VESTEL ELEKTRONIK SANAYI VE TICARET A.S. et VESTEL FRANCE à payer aux sociétés TECHNICOLOR et THOMSON LICENSING la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
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Les sociétés VESTEL ELEKTRONIK SANAYI VE TICARET A.S. et VESTEL FRANCE ont interjeté appel et, aux termes de leurs dernières écritures en date du 26 juin 2013 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, demandent à la cour, sous le visa des articles 872 et 873 du code de procédure civile, de :
- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ;
- faire interdiction aux sociétés TECHNICOLOR et THOMSON LICENSING, sous astreinte de 50.000 € par infraction constatée et par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, de faire quelque commentaire que ce soit, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit, auprès de tout revendeur ou distributeur établi en France ou dans tout pays de l'Union Européenne, à propos des produits de marques WINDSOR et/ou TECHWOOD des sociétés VESTEL ELEKTRONIK SANAYI VE TICARET A.Ç. et VESTEL FRANCE ;
- condamner les sociétés TECHNICOLOR et THOMSON LICENSING, in solidum, à payer à chacune des sociétés VESTEL ELEKTRONIK SANAYI VE TICARET A.Ç. et VESTEL FRANCE la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner les sociétés TECHNICOLOR et THOMSON LICENSING aux entiers dépens.
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Les sociétés TECHNICOLOR et THOMSON LICENSING, aux termes de leurs dernières écritures en date du 29 mai 2013 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, demandent à la cour , sous le visa des articles L.211-4 du code de l'organisation judiciaire, L. 615-1, alinéa 3 et L.615-17, alinéa 1 du code de la propriété industrielle, 872 et 873 alinéa 1 du code de procédure civile, de :
- confirmer l'ordonnance entreprise et renvoyer les sociétés VESTEL ELEKTRONIK SANAYI VE TICARET A.Ç. et VESTEL FRANCE à mieux se pourvoir devant le président du tribunal de grande instance de Paris ;
A titre principal,
- constater l'absence de trouble manifestement illicite et d'un dommage imminent, dire que les lettres adressées par la société Technicolor aux sociétés Darty et Casino sont des lettres de mise en connaissance de cause, procédant d'une démarche légitime et ne sauraient être caractérisées d'actes de concurrence déloyale ;
- débouter en conséquence la société VESTEL de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner en tout état de cause la 'société VESTEL'au paiement, aux sociétés TECHNICOLOR et THOMSON LICENSING, de la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
DISCUSSION
Le premier juge, pour se déclarer incompétent, a retenu que les lettres litigieuses s'appuient expressément sur l'existence de brevets accompagnées de documents s'y rapportant, et qu'il n'appartient pas au juge des référés commercial de se prononcer sur le bien-fondé, la qualification ou les conséquences desdites lettres, le seul tribunal compétent étant le tribunal de grande instance de Paris.
Pour critiquer cette ordonnance, VESTEL ELEKTRONIK et VESTEL FRANCE font essentiellement valoir que le tribunal de commerce est naturellement compétent pour connaître de litiges entre commerçants, que la compétence exclusive du tribunal de grande instance de Paris définie par l'article L.615-17 du code de la propriété intellectuelle d'interprétation stricte n'a pas vocation à s'appliquer, dès lors que leur action ne se rapporte pas aux brevets de TECHNICOLOR et THOMSON, mais aux lettres circulaires envoyées qui posent à titre principal une question de concurrence déloyale sans qu'il soit utile de savoir si les allégations qu'elles comportent sont fondées ou non.
Elles soutiennent que les lettres litigieuses qu'elles qualifient de circulaires, par les affirmations qu'elles comportent et le but qu'elles poursuivent, constituent des actes fautifs de dénigrement et de concurrence déloyale leur faisant subir un trouble manifestement illicite et un péril imminent.
TECHNICOLOR et THOMSON répliquent notamment que les lettres litigieuses constituent une mise en connaissance de cause prévue par l'article L.615-1 alinéa 3 du code de la propriété intellectuelle ; que l'action de VESTEL ELEKTRONIK et VESTEL FRANCE est strictement connexe à une problématique de droit des brevets puisque le litige porte sur la licéité ou non de lettres adressées à des tiers en application de ce texte qui définit la mise en connaissance de cause de tiers afin d'engager leur responsabilité dans la diffusion de produits contrefaisants ; que la connexité au sens de l'article L.615-17 alinéa 1 du code de la propriété intellectuelle ne correspond pas à la connexité définie par l'article 101 du code de procédure civile. Elles justifient l'envoi des lettres litigieuses par leur droit de mise en connaissance de cause dans le cadre strict de l'article L.615-1 du code de la propriété intellectuelle et considèrent en conséquence que celles-ci ne peuvent constituer des actes de concurrence déloyale, ni un trouble manifestement illicite ; elles soutiennent que les affirmations de VESTEL ELEKTRONIK et VESTEL FRANCE fondées sur un trouble manifestement illicite font l'objet d'une contestation sérieuse, compte tenu des termes mesurés de ces lettres et des précisions utiles qui les accompagnent, dont les destinataires étaient en mesure d'apprécier la portée ; qu'elles ne sont pas susceptibles de provoquer le moindre dommage imminent, dont il n'est pas justifié.
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Le courrier litigieux visant spécialement les téléviseurs et décodeurs numériques de marque Windsor et Techwood tel que produit aux débats a été adressé à Darty, mais les pièces produites aux débats permettent d'établir qu'il a également été adressé notamment à Auchan et Leroy Merlin.
Il est rédigé dans les termes suivants : '(...) Dans le domaine des téléviseurs numériques, Technicolor SA a réalisé des investissements substantiels en recherche et développement(...) Cet investissement s'est traduit par de nombreux brevets qui sont considérés comme étant essentiels aux normes communément utilisées dans les téléviseurs numériques telles que ATSC, AVC/H264, DVB-S, DVB-C2, DBV-T2, DVB-MPEG, DVB-SI et DVB-CI/CI+. Vous trouverez ci-joint un CD-ROM contenant une sélection de brevets essentiels de Thomson Licensing, des tableaux de revendications, ainsi qu'une documentation montrant la pertinence des brevets de Thomson Licensing au regard de ces normes.
Nous pensons que les téléviseurs numériques vendus par Darty France sous les marques (...) et Windsor sont susceptibles de requérir une licence sur certains brevets de Thomson Licensing, tels qu'énumérés dans le CD-ROM ci-joint. Notamment nous pensons que les téléviseurs numériques suivants sont susceptibles de requérir une licence (...) Windsor : WD4212T, WD19LCD12, WD19LED12, WDVX22LED12, WD23LED12, WD26LED12, WD32LED16 de même que tout autre téléviseur numérique conforme aux normes DVB.
Les brevets du portefeuille de Thomson Licensing pour lesquels nous pensons que lesdits téléviseurs numériques sont susceptibles de requérir une licence comprennent les brevets suivants : EP 707 428 (MPEG4), EP 730 795 (DVB-S), EP 642 725 (DVB-MPEG), EP694 242 (DVB-SI), EP 864 226 (DVB-CI), EP 0 843 438 (DVB-CI+), EP 0 838 115 (DVB-C2) et EP 0 838 115 (DBV-T2) ; cette liste n'est pas limitative , d'autres brevets sur le CD-ROM pourraient également être pertinents (...) De nombreux fournisseurs de téléviseurs numériques participent aux vastes programmes de licensing de Thomson Licensing et par conséquent bon nombre des produits qui sont disponibles sur le marché sont effectivement licenciés pour les brevets mentionnés ci-dessus. Cependant, certains fournisseurs ont choisi de ne pas participer à ces programmes, et la commercialisation de leurs produits dans les pays protégés donne lieu à des problèmes juridiques. Nous invitons donc votre société à fournir les certificats de Thomson Licensing prouvant qu'ils sont licenciés du portefeuille de brevets Thomson Licensing pour la fabrication et la commercialisation des téléviseurs numériques. Il s'agit là du seul moyen pour votre société d'éviter des discussions juridiques avec Thomson Licensing concernant la distribution des téléviseurs numériques.. En pratique, certains fabricants ou importateurs prétendent être licenciés alors qu'ils n'ont jamais conclu d'accord avec Thomson Licensing au détriment de nos licenciés existants (...) Dans l'éventualité où vos fournisseurs ne seraient pas en mesure de vous fournir de tels certificats, nous vous demandons de cesser la commercialisation de ces produits ou de souscrire une licence directement auprès de Thomson Licensing (...)'.
L'article L.615-17 dispose que les actions civiles et les demandes relatives aux brevets d'invention, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire, et l'article D211-6 du code de l'organisation judiciaire prévoit que le tribunal de grande instance ayant compétence pour connaître des actions en matière de brevets d'invention est celui de Paris.
Ainsi que le soutiennent TECHNICOLOR et THOMSON, il s'ensuit que le tribunal de grande instance de Paris est compétent pour tout litige qui puise ses éléments de solution dans les règles découlant de la législation sur les brevets d'invention et relatifs à la finalité spécifique de cette technique, notamment la nullité, la propriété, la déchéance ou la contrefaçon.
Mais l'action telle qu'engagée en référé par VESTEL ELEKTRONIK et VESTEL FRANCE tend exclusivement à voir ordonner une mesure de nature à faire cesser un trouble manifestement illicite résultant de l'envoi de courriers qualifiés de dénigrants, demande sur laquelle il peut être statué sans avoir à procéder à quelque examen que ce soit du bien fondé des faits allégués et prétentions exprimées par TECHNICOLOR et THOMSON dans ces courriers en considération des règles découlant de la législation sur les brevets d'invention.
L'article L.615-1 alinéa 3 auquel TECHNICOLOR et THOMSON se réfèrent pour justifier l'envoi de leur courrier se borne à indiquer que 'l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, la détention en vue de l'utilisation ou la mise dans le commerce d'un produit contrefaisant, lorsque ces faits sont commis par une autre personne que le fabricant du produit contrefaisant, n'engagent la responsabilité de leur auteur que si les faits ont été commis en connaissance de cause.' ; aucune autre disposition du droit des brevets ne régit spécialement les actes que doit accomplir le titulaire de brevets avant de pouvoir engager la responsabilité d'une autre personne que le fabricant du produit contrefaisant ; la rédaction et l'envoi d'une lettre de 'mise en connaissance de cause' ne sont pas régie par d'autres règles que celles de droit commun de bonne foi et loyauté, la responsabilité de son rédacteur ne pouvant être recherchée sur d'autre fondement que celui de l'article 1382 du code civil.
Dans ces conditions, TECHNICOLOR et THOMSON doivent être déclarées mal fondées en leur exception d'incompétence au profit du tribunal de grande instance de Paris.
Pour justifier l'envoi des courriers par la nécessité de procéder à une mise en connaissance de cause des destinataires, TECHNICOLOR et THOMSON font état de décisions rendues par des juridictions allemandes dans les litiges les opposant à VESTEL ELEKTRONIK et VESTEL FRANCE, mais une telle évocation et la production de ces décisions ne sont pas directement utiles aux débats, dès lors que celles-ci sont rédigées en langue allemande et non traduites, et que par ailleurs et surtout TECHNICOLOR et THOMSON indiquent elles-mêmes que ces décisions sont frappées d'appel.
Dans le courrier diffusé, TECHNICOLOR et THOMSON font état de ce qu'elles estiment être leur droit, mais leurs prétentions sont formellement contestées par VESTEL ELEKTRONIK et VESTEL FRANCE et leur bien fondé n'est pas consacré par une décision judiciaire irrévocable. Ce courrier qui ne fait nullement état de l'existence d'une contestation formelle non tranchée des droits revendiqués, ne peut être légitimé par l'existence de pièces annexées, TECHNICOLOR et THOMSON ne pouvant prétendre laisser à leurs destinataires le soin de contrôler, à supposer même qu'ils en aient les moyens techniques, le bien fondé de leurs prétentions, à plus forte raison en l'absence de communication de tout élément permettant de connaître également les termes, motifs et justifications des contestations opposées par VESTEL ELEKTRONIK et VESTEL FRANCE.
Ce courrier, mettant en cause, sans justification dont le bien fondé serait définitivement consacré, la loyauté de VESTEL ELEKTRONIK et VESTEL FRANCE dans la fabrication et la commercialisation de leurs téléviseurs et décodeurs numériques de marque Windsor et Techwood doivent être qualifiés d'actes de dénigrement, caractérisant une concurrence déloyale et constituant par nature un trouble manifestement illicite, justifiant la saisine du juge des référés, du tribunal de commerce naturellement compétent, sur le fondement de l'article 873 alinéa 1du code de procédure civile.
L'ordonnance entreprise sera en conséquence infirmée, en toutes ses dispositions.
L'interdiction sollicitée par VESTEL ELEKTRONIK et VESTEL FRANCE constitue le moyen adapté pour faire cesser le trouble et éviter qu'il se reproduise et sera ordonnée, sous condition d'aménagements suivant les modalités précisées au dispositif.
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TECHNICOLOR et THOMSON supporteront les entiers dépens de première instance et d'appel, et devront verser à VESTEL ELEKTRONIK et VESTEL FRANCE chacune une indemnité que l'équité commande de fixer à la somme de 4 000 €.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire en dernier ressort,
Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre compétent pour connaître de l'action engagée par des sociétés VESTEL ELEKTRONIK SANAYI VE TICARET A.Ç. et VESTEL FRANCE à l'encontre des sociétés TECHNICOLOR et THOMSON LICENSING ;
Dit que les courriers adressés par les sociétés TECHNICOLOR et THOMSON LICENSING constituent des actes de concurrence déloyale par dénigrement, constitutifs par nature d'un trouble manifestement illicite ;
Fait interdiction aux sociétés TECHNICOLOR et THOMSON LICENSING de faire quelque commentaire que ce soit, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit, auprès de tout revendeur ou distributeur établi en France ou dans tout pays de l'Union Européenne, par référence aux brevets EP 707 428 (MPEG4), EP 730 795 (DVB-S), EP 642 725 (DVB-MPEG), EP694 242 (DVB-SI), EP 864 226 (DVB-CI), EP 0 843 438 (DVB-CI+), EP 0 838 115 (DVB-C2) et EP 0 838 115 (DBV-T2) dont elles se prévalent, se rapportant aux téléviseurs et décodeurs numériques de marque Windsor et Techwood des sociétés VESTEL ELEKTRONIK SANAYI VE TICARET A.Ç. et VESTEL FRANCE, et ce :
- sous astreinte de 10.000 € (dix mille euros) par infraction constatée et par jour à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
- et tant que les droits qu'elles revendiquent n'auront pas fait l'objet d'une reconnaissance manifeste de leur bien fondé par les sociétés VESTEL ELEKTRONIK SANAYI VE TICARET A.Ç. et VESTEL FRANCE, ou d'une consécration par décision judiciaire irrévocable ;
Condamne les sociétés TECHNICOLOR et THOMSON LICENSING in solidum à payer à chacune des sociétés VESTEL ELEKTRONIK SANAYI VE TICARET A.Ç. et VESTEL FRANCE la somme de 4 000 € (quatre mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne les sociétés TECHNICOLOR et THOMSON LICENSING in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Marie-Annick VARLAMOFF, présidente et par Mme Agnès MARIE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT,