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30/05/2013 | FRANCE | N°11/02854

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1ère chambre 1ère section, 30 mai 2013, 11/02854


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 63B



1ère chambre 1ère section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 30 MAI 2013



R.G. N° 11/02854



AFFAIRE :



[V] [E]





C/

[I] [H]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Janvier 2011 par le Tribunal de Grande Instance de CHARTRES

N° Chambre : 1

N° Section :

N° RG : 08/1070



Expéditions exécutoires
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Copies

délivrées le :

à :



Me Pierre GUTTIN







Me Claire RICARD









RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE TRENTE MAI DEUX MILLE TREIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 63B

1ère chambre 1ère section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 30 MAI 2013

R.G. N° 11/02854

AFFAIRE :

[V] [E]

C/

[I] [H]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Janvier 2011 par le Tribunal de Grande Instance de CHARTRES

N° Chambre : 1

N° Section :

N° RG : 08/1070

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Pierre GUTTIN

Me Claire RICARD

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE MAI DEUX MILLE TREIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [V] [E]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Autre qualité : Intimé dans 11/02884 (Fond)

Représentant : Me Pierre GUTTIN, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623

Plaidant par Me Olivier GRANDGERARD de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0133 -

APPELANT

****************

Monsieur [I] [H]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Autre qualité : Appelant dans 11/02884 (Fond)

Représentant : Me Claire RICARD, avocat postulant au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 2011231

Plaidant par Me Janie LUGARINI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0338

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Avril 2013 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Président chargé du rapport et Monsieur Dominique PONSOT, conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Président,

Madame Dominique LONNE, Conseiller

Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT,

Vu l'arrêt rendu par cette cour le 20 décembre 2012 auquel il est expressément fait référence pour l'exposé des faits et de la procédure qui a  :

-déclaré recevable l'action de [I] [H] à l'encontre de [V] [E],

-révoqué l'ordonnance de clôture,

-invité les parties à conclure au vu de l'arrêt rendu le 20 novembre 2012 par la cour d'appel de CAEN,

-dit que la clôture sera prononcée à l'audience du 21 février 2013,

- rouvert les débats à l'audience du 14 mars 2013 à 9heures,

-réservé les dépens ;

Vu le renvoi de l'affaire à l'audience du 18 avril 2013 avec injonction au conseil de [I] [H] de signifier des conclusions récapitulatives ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 3 avril 2013 par lesquelles [I] [H], poursuivant l'infirmation du jugement entrepris sauf en ce qu'il a constaté que l'omission par Maître [E] de relever appel du jugement du tribunal de commerce du 28 avril 1998 constituait une faute, demande à la cour au terme d'une série de «constater» qui ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile, de condamner Maître [E] à lui payer les sommes suivantes  :

''1.079.977,50 € correspondant au préjudice immédiat qu'il a subi ensuite de l'interdiction de gérer,

''1.243.550 € au titre de l'ensemble des préjudices post-interdiction,

''300.000 € en réparation de son préjudice moral,

''115.000 € en réparation de son préjudice matériel,

''25.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Vu les dernières écritures signifiées le 9 avril 2013 aux termes desquelles Maître [V] [E] prie la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamné à payer à [I] [H] la somme de 58.060,06 € outre les intérêts au taux légal à compter de la décision et de le confirmer en ce qu'il a débouté [I] [H] des autres demandes formées à titre personnel et de condamner [I] [H] à lui payer la somme de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions aux fins de renvoi signifiées le 16 avril 2013 par lesquelles [I] [H] demande à la cour de constater que l'évolution du litige implique la mise en cause de la SARL DISTINFO, d'ordonner le renvoi de l'affaire aux fins de mise en cause de cette partie et de condamner Maître [E] aux dépens  ;

SUR QUOI, LA COUR

Sur la procédure

Considérant qu'à l'audience de plaidoiries du 18 avril 2013, Maître RICARD, avocat postulant représentant [I] [H], a renoncé à ses conclusions aux fins de renvoi signifiées le 16 avril 2013  ;

Que le conseil de Maître [V] [E] ne s'y est pas opposé  ;

Que l'affaire a donc été plaidée en l'état des dernières écritures des parties  ;

Sur les demandes de [I] [H]

Considérant que par jugement du 4 février 1997, le tribunal de commerce du Mans a prononcé la liquidation judiciaire de la société DISTINFO, dont [I] [H] était le gérant et désigné Maître [Y] en qualité de liquidateur ; que [I] [H] a missionné Maître [V] [E], avocat au barreau du Mans, afin de suivre les opérations de liquidation et l'assister dans l'action en comblement de passif engagée à son encontre par le liquidateur devant le tribunal de commerce du Mans ;

Que par deux jugements rendus le 28 avril 1998, le tribunal de commerce du Mans a condamné [I] [H], d'une part, au paiement de la somme de 1.288.291,19 F, soit 196.398,71 €, au titre du comblement de passif, d'autre part, à une interdiction de gérer d'une durée de 10 ans ;

Que [I] [H] a relevé appel de ces deux décisions ; que par arrêt du 6 septembre 1999, la cour d'appel d'Angers a déclaré irrecevable pour tardiveté l'appel formé à l'encontre du jugement le condamnant au comblement du passif de la société DISTINFO et a confirmé la mesure d'interdiction de gérer ; que le pourvoi formé par [I] [H] a été rejeté ;

Que par acte du 6 novembre 2002, [I] [H] a assigné Maître [Y] devant le tribunal de grande instance de Versailles en paiement de dommages-intérêts, pour non respect des dispositions de l'article 72 du décret du 27 décembre 1985, en ne l'appelant pas à la procédure de vérification des créances ; que le 21 mai 2004, il a formé une inscription de faux incidente à l'encontre de l'état des créances et du jugement du 28 avril 1998 le condamnant à combler le passif de la société DISTINFO ; que par acte du 14 juin 2004, il a formé une inscription de faux principale ; que par ordonnance du 8 mars 2005, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Versailles s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance d'Alençon qui, par jugement du 27 novembre 2006, a rejeté sa demande d'inscription de faux et ordonné une expertise sur les contestations de créances formées par [I] [H] ;

Que reprochant à Maître [V] [E] de n'avoir relevé appel que du seul jugement prononçant une interdiction de gérer et d'avoir ainsi engagé sa responsabilité civile professionnelle, [I] [H] l'a, par acte du 11 avril 2008, assigné en paiement de la somme de 196.398 € au titre du comblement de passif outre celle de 200.000 € à titre de dommages-intérêts devant le tribunal de grande instance de Chartres  ;

Qu'il a été partiellement fait droit à sa demande ;

Que parallèlement, par jugement du 8 septembre 2009, le tribunal de grande instance d'Alençon a débouté [I] [H] de l'action en responsabilité par lui engagée à l'encontre de Maître [Y], liquidateur de la société DISTINF ; que [I] [H] a relevé appel de ce jugement  ; que dans cette procédure, il n'était pas assisté par Maître [E] ;

Que par arrêt rendu le 20 novembre 2012, la cour d'appel de Caen a :

-confirmé la décision du tribunal de grande instance d'Alençon en ce qu'elle a débouté [I] [H] de sa demande d'inscription de faux et en ce qu'elle a dit qu'en procédant à la vérification des créances sans avoir appelé le représentant légal de la société débitrice, Maître [Y] a commis une faute,

- l'infirmant, dit que la faute commise par Maître [Y] a fait perdre à [I] [H] une chance d'obtenir la réduction du passif de la SARL DISTINFO et, partant, du montant de sa condamnation à combler celui-ci et a condamné Maître [Y] à verser à [I] [H] la somme de 15.000 € à titre de dommages-intérêts, -condamné [I] [H] aux frais de l'expertise judiciaire et condamné, pour le surplus, [I] [H] et Maître [Y] aux dépens chacun pour moitié ;

Sur la recevabilité à agir de [I] [H]

Considérant que Maître [E], se fondant sur l'article L.622-9 du code de commerce, soutient que [I] [H] est dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens par le jugement qui a prononcé la liquidation de la société DISTINFO de sorte qu'il ne peut solliciter une condamnation au paiement de sommes au titre du passif de cette société et qu'il lui appartenait d'obtenir la désignation d'un mandataire ad'hoc pour poursuivre l'action en responsabilité ;

Qu'il ajoute qu'à supposer [I] [H] recevable à agir dans le cadre du passif de la SARL DISTINFO mis à sa charge, il a déjà été indemnisé par la cour d'appel de Caen dans le cadre de l'action en indemnisation engagée à l'encontre de Maître [Y]  ;

Mais considérant que dans son arrêt du 20 décembre 2012, la cour a déclaré recevable l'action engagée par [I] [H] à l'encontre de Maître [V] [E] aux motifs qu'il poursuit, à titre personnel, la responsabilité de Maître [E] pour obtenir réparation de la perte d'une chance de faire réformer le jugement le condamnant au paiement de la somme de 1.288.291,19 F, soit 196.398,71 €, au titre du comblement de passif ;

''Sur la responsabilité professionnelle de Maître [V] [E]

Sur la faute

Considérant que [I] [H] reproche à Maître [V] [E] d'avoir omis de relever appel du jugement le condamnant au comblement du passif, ce qui l'a empêché de bénéficier d'un nouvel examen du dossier qui lui aurait permis de démontrer qu'il n'existait aucun passif et que la société DISTINFO était in bonis pour disposer d'un actif de 160.000 F et d'obtenir la réformation de cette décision ; qu'il expose que les deux décisions rendues le 28 avril 1998 par le tribunal de commerce du Mans lui ont été signifiées le 19 mai 1998, qu'il les a transmises par télécopie, le 25 mai 1998, le délai expirant le 29 mai  et fait valoir que Maître [E] a commis des fautes  :

-dans le cadre de la procédure collective de la SARL DISTINFO qu'il était chargé de suivre, en ne lui suggérant pas de faire désigner un mandataire ad'hoc pour représenter la société, en ne s'informant auprès du liquidateur de l'état des créances et en n'exerçant pas de recours pour faire constater l'irrégularité de la procédure et contester l'ordonnance d'admission des créances,

-dans le cadre de la procédure de sa défense dans l'action en comblement de passif, en n'opposant pas de fin de non recevoir tirée de l'absence de convocation du gérant pour être entendu préalablement par le tribunal, en ne soulevant pas la nullité de l'ordonnance d'admission de créance pour défaut de notification au gérant et en omettant de faire appel du jugement de condamnation au comblement du passif  ;

Qu'il ajoute qu'une vérification des créances conforme aux prescriptions légales lui aurait révélé les faux et falsifications, les abus de biens sociaux et les détournements commis par son associé, [N] [P];

Que Maître [V] [E] réplique que l'absence de convocation de [I] [H] à la vérification du passif de la société DISTINFO ne lui incombe pas  ; que sur le grief de n'avoir pas interjeté appel du jugement de condamnation au comblement du passif, il expose qu'il a, dès le 28 avril 1998, contacté le greffe du tribunal de commerce du Mans afin de connaître la teneur du jugement, qu'il a reçu une décision relative uniquement à l'interdiction de gérer et que ce n'est qu'à la réception de la télécopie de son client du 25 mai 1998 qu'il s'est aperçu de l'existence du second jugement sur lequel il a donné instruction à son avoué d'interjeter appel ; que tout en reconnaissant que la tardiveté de l'appel résulte de son omission, il fait valoir qu'elle est renforcée par la négligence combinée de [I] [H] qui ne lui a pas communiqué les actes de signification et du greffe du tribunal de commerce et que la faute qui lui est reprochée n'est pas suffisamment précise et caractérisée pour voir engager sa responsabilité civile professionnelle ;

Considérant que l'avocat est tenu à l'égard de son client d'un devoir de diligence dans le déroulement de la procédure qu'il a engagée en son nom  ; qu'à ce titre, il doit l'informer du déroulement des procédures, lui indiquer les modalités de recours, lui donner un avis motivé sur l'éventualité de succès d'un tel recours et s'il y a lieu en accomplir les formalités  ;

Considérant s'agissant du suivi de la procédure de vérification des créances, que Maître [E] a écrit à son client, le 15 juillet 1987, en ces termes  :

«Je fais suite à notre entrevue et à la conversation téléphonique que nous avons eue en l'étude de votre autre conseil et vous confirme que j'ai diligenté une démarche auprès de Maître [Y] .

Celui-ci, en l'état, n'entend pas prendre de disposition particulière étant dans l'attente du sort de la procédure au pénal dont vous êtes par ailleurs l'objet .

Je ne manquerai pas de maintenir le contact avec Maître [Y]  »,

Suit une demande de règlement d'une provision à valoir sur ses honoraires d'intervention d'un montant de 3.618 F TTC ;

Que si le défaut de convocation de [I] [H] à la vérification du passif n'est imputable qu'au mandataire liquidateur, Maître [Y], Maître [E] ne pouvant dans ces circonstances représenter son client, ce dernier a manqué à son obligation de diligence en ne s'assurant pas du bon déroulement de cette procédure, notamment en ne s'informant auprès du liquidateur de l'état des créances déclarées, ce qu'il s'était engagé à faire ; qu'il ne justifie pas avoir interrogé Maître [Y] sur ce point alors que son client l'avait chargé de suivre la procédure de vérification des créances  ;

Considérant que par lettre datée du 28 avril 1998, Maître [V] [E] a informé son client qu'à l'audience du même jour le tribunal de commerce du Mans avait rendu deux décisions, l'une en ce qui concerne l'interdiction de gérer et l'autre en ce qui concerne le comblement de passif  et a évoqué la nécessité de relever appel des deux décisions dont il notait la sévérité et de saisir le premier président d'un incident de suspension des effets de l'exécution provisoire  ;

Que dans une lettre datée du 2 juin suivant, il a confirmé à son client qu'il avait chargé Maître [W], avoué à la cour de régulariser l'appel ; que toutefois, ce dernier, répondant le 8 juin 1998 à une télécopie de [I] [H], lui a indiqué n'avoir jamais été en possession du second jugement le condamnant au comblement du passif  ;

Considérant que Maître [E] fait valoir en vain qu'il ne s'est aperçu de l'existence d'un second jugement que par la télécopie que lui envoyé son client le 25 mai 1998 alors que la lettre sus-visée datée du 28 avril 1998 établit que Maître [E] avait connaissance du prononcé et de la teneur des deux jugements dès cette date ; qu'il lui appartenait dès qu'il a reçu cette information de faire régulariser deux déclarations d'appel, les premiers juges ayant relevé à juste titre, qu'informé de l'existence des deux décisions et de leurs dates de signification, il pouvait aisément computer le délai d'appel  ;

Qu'en omettant de relever appel de l'un des jugements, Maître [V] [E] a failli à son obligation de diligence  ;

Que ces négligences fautives dans le suivi de la procédure qui lui était confiée engagent sa responsabilité professionnelle  ;

Considérant, en revanche, que [I] [H] ne formule aucun grief à l'encontre de son conseil sur le suivi de la procédure d'interdiction de gérer ;

Sur le lien de causalité et le préjudice

Considérant que [I] [H] avance que la faute de Maître [V] [E] est à l'origine de sa condamnation au comblement du passif et à l'interdiction de gérer de 10 ans ; qu'il fait état d'une collusion entre Maître [V] [E] et Maître [Y] en relevant que c'est grâce à celui-ci qu'il a eu connaissance des procédures engagées contre Maître [Y] et des décisions rendues et qu'il a demandé à être démis de son mandat après l'avoir défendu en première instance ; qu'il soutient qu'aucune faute de gestion ne peut lui être reprochée et que les condamnations prononcées résultent du fait qu'il n'a pu se défendre dans la procédure de vérification des créances et qu'en tout état de cause, il avait des chances de voir ses prétentions accueillies devant la cour, dans la mesure où il aurait pu avoir accès aux pièces sur lesquelles s'est fondé Maître [Y] et découvrir les détournements et abus commis par son associé, [N] [P] ;

Que pour chiffrer son préjudice, [I] [H] soutient que l'interdiction de gérer prononcée à son encontre l'a contraint à se démettre de tous ses mandats sociaux et lui a fermé la porte des organismes de crédit, que cette sanction s'est manifestée par une absence de revenus professionnels et affectera ses droits à la retraite ; qu'il invoque, en outre, un préjudice matériel en relation avec les frais de procédure qu'il a dû exposer pour assurer sa défense et demande réparation d'un préjudice moral  ;

Que pour contester l'existence d'une perte de chance de voir infirmer le jugement du 28 avril 1998 et le lien de causalité, Maître [V] [E] soutient que [I] [H] a commis des fautes de gestion qui ont conduit à la liquidation de la société DISTINFO, qu'il n'a tenu aucune comptabilité, ni effectué de déclaration ou de versement de TVA de sorte que sa présence lors de la vérification des créances n'aurait pas modifié le passif retenu, qu'il a été condamné pour banqueroute par jugement du tribunal correctionnel du Mans du 29 septembre 1997, qu'il a poursuivi l'exploitation déficitaire de la société et qu'il ne rapporte pas la preuve de la tenue des comptes propres à établir l'absence de passif de la société ;

Que sur le préjudice, Maître [V] [E] relève que la cour d'appel d'Angers régulièrement saisie de l'appel formé à l'encontre du jugement prononçant une interdiction de gérer pendant 10 ans a confirmé cette décision de sorte qu'il ne peut invoquer un préjudice financier en relation avec cette interdiction ; qu'il ajoute que la cour d'appel de Caen a eu à connaître de l'ensemble des demandes de [I] [H] et que le préjudice dont se prévaut [I] [H] est vidé par cet arrêt  ;

Considérant qu'aucun élément du dossier ne permet de retenir l'existence d'une collusion entre Maître [Y], liquidateur de la société DISTINFO, et Maître [V] [E]  qui aurait eu pour conséquence une aggravation du passif de cette société et par voie de conséquence la condamnation de l'appelant au comblement du passif et le prononcé d'une sanction ;

Considérant qu'il a été relevé ci-avant l'absence de faute imputable à Maître [V] [E] dans le suivi de la procédure commerciale qui a abouti au prononcé d'une interdiction de gérer ; que surabondamment, il convient de relever que pour confirmer la mesure d'interdiction de gérer pour une durée de 10 ans, la cour d'appel d'Angers a, pour caractériser la carence totale de [I] [H] dans la gestion de la société DISTINFO, retenu que les difficultés de la société DISTINFO ne peuvent expliquer que ladite société n'ait jamais tenu de comptabilité  ;

Qu'il n'existe donc pas de lien de causalité entre les fautes commises par Maître [V] [E] et le préjudice de carrière dont se prévaut [I] [H] qui résulte exclusivement de l'interdiction de gérer ;

Considérant que le préjudice financier de [I] [H] réside dans la perte d'une chance de voir prospérer l'appel du jugement du 28 avril 1998 le condamnant au comblement du passif de la société DISTINFO, d'un montant de 196.398,71 € et d'obtenir, à tout le moins, une diminution de son montant ; qu'il convient donc de rechercher la probabilité de succès de ce recours ;

Considérant que si l'arrêt rendu le 20 novembre 2012 par la cour d'appel de Caen qui s'est prononcé sur le montant du passif de la société DISTINFO n'est pas définitif, dans ses dernières écritures sur lesquelles la cour statue, conformément à l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, [I] [H] ne développe aucun moyen sur les créances acceptées par Maître [Y] qu'il aurait pu voir déclarer forcloses ou voir réduire  et ne communique pas le rapport d'expertise établi par M. [X], désigné par le tribunal de grande instance d'Alençon  ;

Qu'il n'est donc pas établi que si Maître [E] avait rempli sa mission de suivi de la procédure de vérification des créances, la part du passif que [I] [H] aurait pu espérer contester avec succès serait supérieure à celle retenue par la cour d'appel de Caen ; qu'en outre, les premiers juges ont relevé à juste titre que, dans le cadre d'une action en comblement de passif, il est également tenu compte de la gravité des fautes de gestion commises par le dirigeant social, qui en l'espèce, sont caractérisées, notamment l'absence de tenue de comptabilité durant les 14 mois d'activité de la société qui a entraîné la condamnation de [I] [H] pour délit de banqueroute ;

Qu'au vu de ces éléments, la perte de chance de [I] [H] d'obtenir la réformation du jugement le condamnant au comblement du passif de la société DISTINFO doit être évaluée à 10% ; que Maître [V] [E] sera donc condamné à lui payer une indemnité de 20.000 €  ;

Considérant que [I] [H] ne justifie pas d'un préjudice moral en relation avec les manquements professionnels de Maître [E], l'atteinte à l'honneur et à la considération qu'il invoque étant en lien direct avec la sanction d'interdiction de gérer  ;

Qu'il n'y a lieu davantage de faire droit à sa demande de remboursement des frais de procédure qu'il a dû engager pour assurer sa défense ;

Considérant que la solution du litige commande de confirmer le jugement entrepris sur le sort des dépens et de laisser les dépens d'appel à la charge de [I] [H]  ;

Qu'il n'y a lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile  ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Constate que Maître RICARD, avocat postulant représentant [I] [H], renonce aux écritures signifiées dans l'intérêt de celui-ci, le 16 avril 2013,

Vu l'arrêt de cette chambre du 20 décembre 2012,

Confirme le jugement entrepris sauf sur le montant de la condamnation mise à la charge de Maître [V] [E],

Le réformant sur ce point et statuant à nouveau,

Condamne Maître [V] [E] à payer à [I] [H] la somme de 20.000 € en réparation de son préjudice matériel,

Rejette le surplus des demandes,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne [I] [H] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 11/02854
Date de la décision : 30/05/2013

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°11/02854 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-05-30;11.02854 ?
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