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16/05/2013 | FRANCE | N°11/02560

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1ère chambre 1ère section, 16 mai 2013, 11/02560


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 96D



1ère chambre 1ère section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 16 MAI 2013



R.G. N° 11/02560



AFFAIRE :



[O] [T]





C/

L'AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le

11 juillet 2007 par le tribunal de grande instance de Paris,

N° Chambre : 01

N° Section : 01

N° RG : 006/7501

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Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :





Me Christophe DEBRAY de la SCP DEBRAY CHEMIN, avocat au barreau de VERSAILLES -





Me Pierre GUTTIN, avocat au barreau de VERSAILLES



MP









REPUBLIQUE FRANCAISE



AU N...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 96D

1ère chambre 1ère section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 16 MAI 2013

R.G. N° 11/02560

AFFAIRE :

[O] [T]

C/

L'AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le

11 juillet 2007 par le tribunal de grande instance de Paris,

N° Chambre : 01

N° Section : 01

N° RG : 006/7501

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Christophe DEBRAY de la SCP DEBRAY CHEMIN, avocat au barreau de VERSAILLES -

Me Pierre GUTTIN, avocat au barreau de VERSAILLES

MP

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE SEIZE MAI DEUX MILLE TREIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDEUR devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation ( 1ère chambre civile) du 23 mars 2011 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de PARIS (Pôle 2 - chambre 1) le 27 octobre 2009, sur appel du jugement rendu le 11 juillet 2007 par le tribunal de grande instance de PARIS 1ère chambre 1ère section .

Monsieur [O] [T]

né le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 3]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par la SCP DEBRAY CHEMIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 1100270,

Plaidant par Me Laurent BERTIN, Plaidant, avocat au barreau de LYON

****************

DEFENDEUR DEVANT LA COUR DE RENVOI

Monsieur L'AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR

domicilié en cette qualité en ses bureaux sis [Adresse 2]

représentant par Me Pierre GUTTIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623 - N° du dossier 11000355

Plaidant par Me Jean-Marc DELAS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0082,

MINISTERE PUBLIC

représenté par Monsieur le Procureur général, lui même représenté à l'audience par Monsieur CHOLET, avocat général, entendu en ses observations.

***************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue en chambre du conseil le 25 Mars 2013, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie Gabrielle MAGUEUR, président et Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller ,chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Président,

Madame Dominique LONNE, Conseiller,

Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Ophélie CARDIN,

*******

Vu le jugement du 11 juillet 2007 du tribunal de grande instance de PARIS ayant, notamment débouté [O] [T] de ses demandes en dommages-intérêts pour fonctionnement défectueux du service public de la justice ;

Vu l'arrêt confirmatif du 27 octobre 2009 de la cour d'appel de Paris ;

Vu l'arrêt du 23 mars 2011 de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation ayant cassé et annulé cette décision en toutes ses dispositions, et renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de VERSAILLES ;

Vu la déclaration de saisine reçue 31 mars 2011 par laquelle [O] [T] a saisi la cour d'appel de VERSAILLES en tant que juridiction de renvoi ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 18 septembre 2012, aux termes desquelles [O] [T], demandeur à la saisine, poursuivant la réformation du jugement entrepris, demande à la cour de :

- dire et juger que l'Etat a engagé sa responsabilité du fait du fonctionnement défectueux du service public de la justice du 3 septembre 1993 au 9 septembre 2005, tant au titre des actes d'instruction, que des actes de poursuites dirigés et conduits contre lui à l'occasion de la procédure pénale illégitimement introduite et maintenue à son égard,

- déclarer irrecevable l'Agent judiciaire de l'Etat de l'ensemble de ses demandes et l'en débouter,

- condamner, en conséquence, l'Agent judiciaire de l'Etat à lui payer les sommes suivantes:

- 75.000 euros en réparation de son préjudice moral,

- 450.000 euros en réparation de son préjudice professionnel,

- 15.000 euros en réparation de son préjudice matériel,

- 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions signifiées le 8 juin 2012 aux termes desquelles l'Agent Judiciaire du Trésor, défendeur à la saisine, demande à la cour de :

- déclarer l'action prescrite pour les faits antérieurs au 8 janvier 2001, et non fondée pour les faits postérieurs au 8 janvier 2011,

- débouter [O] [T] de l'ensemble de ses demandes,

à titre subsidiaire, si la prescription quadriennale n'était pas retenue,

- déclarer la requête de [O] [T] non fondée,

- le débouter de l'ensemble de ses demandes ;

SUR QUOI, LA COUR

Considérant qu'il résulte des pièces de la procédure et des éléments contradictoirement débattus qu'en juin 1993, [O] [T], expert comptable de la Clinique de la Sauvegarde à Lyon (Rhône) et Administrateur de la Caisse régionale d'assurance maladie de Lyon (CRAM), était désigné comme Commissaire aux comptes de ladite clinique ;

Que quelques semaines auparavant, soit le 20 avril 1993, la Caisse Primaire Centrale d'Assurance Maladie (CPCAM) de [Localité 2] adressait une plainte au procureur de la République de Lyon pour dénoncer d'importantes anomalies de facturation d'actes chirurgicaux fictifs au sein de la Clinique de la Sauvegarde ;

Que le 29 juin 1993, [O] [T] prenait ses fonctions de Commissaire aux comptes de la Clinique ;

Que son prédécesseur dans ces fonctions adressait le 20 juillet 1993 au procureur de la République un courrier de révélation à la suite du signalement effectué en avril 1993 par la CPCAM à l'encontre d'un des médecins de ladite clinique ;

Que cette révélation et d'autres plaintes adressées par des caisses d'assurance maladie aboutissaient à l'ouverture d'une information judiciaire le 8 novembre 1993 ;

Qu'à la suite d'un premier réquisitoire supplétif du 20 mai 1996 pris contre [O] [T] du chef de non révélation de faits délictueux, celui-ci était mis en examen le 4 juin 1996 et placé sous contrôle judiciaire à compter du 5 juin 1996, avec interdiction d'exercer son mandat de commissaire aux comptes de la clinique ;

Que le 6 juin 1996, un nouveau réquisitoire supplétif était pris contre [O] [T], du chef de confirmation et certification d'informations mensongères sur les comptes de la SA Clinique de la Sauvegarde ; que l'intéressé était entendu au fond le 26 juin 1996 ; que le 1er juillet 1996, le juge d'instruction étendait la mesure de contrôle judiciaire à l'interdiction d'exercer tout mandat d'administrateur à la CRAM ;

Que par ordonnance du juge d'instruction du 7 novembre 1997, conforme aux réquisitions du ministère public, [O] [T] était renvoyé devant le tribunal correctionnel de Lyon pour avoir, de 1993 à 1995, d'une part, omis de révéler les faits délictueux résultant des anomalies de facturation imputables aux médecins de l'équipe de chirurgie cardiaque dont il avait eu connaissance en exécution de son mandat et, d'autre part, certifié sans réserves les comptes des exercices clos le 31 décembre 1993 et 31 décembre 1994 et confirmé des informations mensongères sur la situation de ladite clinique ;

Que par jugement du 28 mai 1998, le tribunal correctionnel le renvoyait des fins de poursuites et, sur appel du ministère public, la cour d'appel de LYON confirmait sa relaxe par arrêt du 2 février 2000 ; que la cour d'appel relevait notamment, concernant les faits de non révélation des faits délictueux, que [O] [T] avait pu légitimement considérer, compte tenu de la révélation effectuée par son prédécesseur, qui l'en avait informé, que la mission du commissaire aux comptes à cet égard était remplie ; que la cour a, en outre, relevé que le prévenu n'avait ni qualité ni compétence pour appréhender et connaître le fonctionnement du service de chirurgie cardiaque de la clinique et l'application pour le moins controversée de la nomenclature générale des actes professionnels, sur lesquels trois rapports d'expertise ont été déposés ;

Que par arrêt du 30 mai 2001, la chambre criminelle de la Cour de cassation, saisie d'un pourvoi des parties civiles et du Procureur général qui n'avait pas formé de recours en ce qui concerne [O] [T], a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 2 février 2000 par la cour d'appel de LYON, et renvoyé l'affaire devant la Cour d'appel de PARIS ;

Que la cassation ayant porté sur toutes les dispositions de l'arrêt, [O] [T] a été avisé le 8 avril 2002 de la date d'audience sur renvoi après cassation ;

Que sur opposition de [O] [T], la chambre criminelle de la Cour de cassation a, par arrêt du 28 mai 2003, déclaré nul et non avenu, en ses seules dispositions le concernant, l'arrêt par elle rendu le 30 mai 2001 ;

Considérant que le 8 janvier 2001, [O] [T] a adressé au garde des sceaux, ministre de la Justice, une requête préalable aux fins d'indemnisation, laquelle a été rejetée le 18 mai 2001 ; que par lettre du 30 mars 2005, il a adressé une nouvelle requête au ministre, dans laquelle il demandait réparation du préjudice causé par ce qu'il qualifiait de dysfonctionnement caractérisé du service public de la justice ;

Que par acte du 16 mai 2006, [O] [T] a assigné l'Etat pris en la personne de l'Agent judiciaire du Trésor, devant le tribunal de grande instance de PARIS, aux fins de voir engager sa responsabilité du fait du fonctionnement défectueux du service public de la justice et de le condamner à lui payer la somme de 540.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Que cette demande a été déclarée recevable par le tribunal de grande instance de PARIS qui a rappelé que la prescription quadriennale commence à courir le premier jour de l'année suivant le fait générateur du dommage, et qui a constaté que le fait générateur du dommage était fixé au 28 mai 2003, soit la date du second arrêt rendu par la cour de cassation ;

Que, sur le fond, le tribunal a débouté [O] [T] de ses demandes, après avoir constaté l'absence de faute lourde et de déni de justice ;

Qu'en appel, la cour d'appel de PARIS a considéré que le préjudice se décomposait entre, d'un côté, le préjudice résultant des poursuites devant les juridictions répressives, et, de l'autre, le préjudice résultant de la procédure devant la Cour de cassation ; qu'elle a considéré que, dans le premier cas, la prescription quadriennale était acquise depuis le 31 décembre 2006 et que, dans le second cas, la prescription n'était pas acquise mais que [O] [T] ne démontrait pas l'existence d'une faute lourde ou d'un déni de justice ;

Que par arrêt du 23 mars 2011, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a, au visa des articles 125 du code de procédure civile et 2 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, cassé l'arrêt au motif que, dans ses conclusions d'appel, l'Agent judiciaire du Trésor avait écrit que [O] [T] soutenait à juste titre que la prescription quadriennale avait été interrompue par la requête présentée au garde des sceaux le 30 mars 2005 et qu'il y avait lieu de confirmer le jugement écartant la prescription quadriennale, ce dont il résultait que l'AJT ne se prévalait d'aucune fin de non-recevoir tirée de la prescription ;

*

Sur la prescription quadriennale

Considérant que l'agent judiciaire de l'Etat soutient que les faits antérieurs au 8 janvier 2001, correspondant aux poursuites diligentées contre [O] [T] devant le tribunal correctionnel puis devant la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de LYON, dont le fait générateur remonte au 2 février 2000, date de l'arrêt rendu par cette dernière juridiction, sont prescrits ; qu'il considère que la demande présentée le 30 mars 2005 au garde des sceaux était redondante et qu'elle doit être considérée comme inopérante en termes d'interruption de la prescription ;

Qu'en réponse, [O] [T] fait valoir qu'en vertu de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1968, l'administration doit, pour pouvoir se prévaloir de la prescription prévue par cette loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond ; qu'il objecte ensuite que, faute d'être exigible puisque dépendant d'une décision de justice à venir, sa créance ne pouvait se voir opposer la prescription quadriennale ; qu'il ajoute qu'il s'est en toute hypothèse mis en instance le 18 mai 2001, faisant courir un nouveau délai de prescription, puis le 30 mars 2005,de sorte qu'il a pu saisir valablement le tribunal de grande instance de PARIS le 16 mai 2006 ;

Considérant, selon l'article 2 de loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, que la prescription est interrompue par toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ; qu'un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption ;

Qu'en application des dispositions susvisées, qui concernent tant la demande initiale que son éventuel renouvellement, la requête présentée au garde des sceaux le 30 mars 2005 a interrompu le délai de prescription ayant commencé à courir le 1er janvier de l'année suivant la survenance du dommage, soit à compter du 1er janvier 2001, ce délai initial ayant lui-même été interrompu par la demande présentée le 8 janvier 2001 par [O] [T] et donné naissance à un nouveau délai courant à compter du 1er janvier 2002 et expirant le 31 décembre 2005 ; que par l'effet de la lettre du 30 mars 2005, le demandeur avait jusqu'au 31 décembre 2009 pour agir ;

Qu'il en résulte qu'au 16 mai 2006, date de saisine du tribunal de grande instance de PARIS, la créance dont il fait état à raison des poursuites exercées à son encontre devant le tribunal correctionnel puis la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de LYON n'était pas prescrite ;

Qu'il convient de rejeter l'exception de prescription soulevée par l'agent judiciaire de l'Etat et de déclarer la demande en réparation présentée par [O] [T] recevable dans son entier;

Sur la responsabilité de l'Etat

Considérant, selon l'article L 141-1 du code de l'organisation judiciaire, que l'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice ; que sauf dispositions particulières, cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice ;

Considérant qu'au soutien de sa demande d'indemnisation, [O] [T] fait tout d'abord état d'un défaut d'impartialité du juge d'instruction et des représentants du parquet, dont il précise qu'il les connaissait personnellement pour avoir eu avec eux des relations professionnelles régulières, et dans le cas du juge d'instruction, pour avoir noué avec lui des relations amicales ;

Qu'il estime que ces différents magistrats auraient dû se récuser ;

Qu'il fait, en second lieu, état de violations des principes directeurs de la procédure pénale dont il se prétend victime et qui caractériserait une faute lourde à l'encontre de l'Etat ;

Qu'il soutient que l'information judiciaire aurait été tronquée en ce sens que les faits de non-révélation de faits délictueux et de fausse information pour lesquels il a été poursuivi ne sont pas ceux qui étaient en réalité visés ; qu'il relève, à cet égard, que les investigations conduites par les enquêteurs de même que l'interrogatoire au fond mené par le magistrat instructeur portaient surtout sur le bénéfice retiré de sa qualité d'administrateur de la CRAM au regard de sa désignation comme commissaire aux comptes ou expert-comptable de cliniques privées ; qu'il en conclut que l'instruction a porté sur des faits qui n'étaient pas poursuivis et constate, par ailleurs, que les faits poursuivis n'ont pas été instruits ;

Qu'il fait également état d'atteintes à la présomption d'innocence en ce que les représentants du ministère public ou le magistrat instructeur lui auraient demandé, selon les cas, de se démettre de ses fonctions de conseiller à la Compagnie régionale des commissaires aux comptes, ou de démissionner d'une expertise en cours, ainsi que de son mandat d'administrateur de la CRAM ;

Qu'il critique également son renvoi devant le tribunal correctionnel, en relevant que l'ordonnance du magistrat instructeur est dépourvue de motivation propre ;

Que l'agent judiciaire de l'Etat rétorque, s'agissant des griefs relatifs au pourvoi en cassation, que le pourvoi ainsi exercé par le procureur général de LYON ne visait pas les dispositions de l'arrêt concernant les faits reprochés à [O] [T], mais seulement celles qui avaient relaxé certains médecins poursuivis pour escroquerie, de sorte que le grief tiré d'un acharnement procédural du parquet général de LYON à l'encontre de [O] [T] dans l'exercice d'un pourvoi en cassation est sans fondement ;

Que s'agissant des faits antérieurs au 8 janvier 2001, pour lesquels il estime à titre principal l'action exercée par [O] [T] prescrite, l'agent judiciaire de l'Etat conclut à titre subsidiaire que les poursuites exercées à l'encontre de [O] [T] étaient conformes à l'état de la doctrine, de la jurisprudence et des textes applicables et que les charges étaient suffisantes pour le renvoyer devant le tribunal correctionnel ; que celui-ci n'est, dès lors, pas fondé à remettre en cause l'appréciation faite par le ministère public, ni à critiquer l'exercice qui a été fait de ses droits et pouvoirs reconnus par le code de procédure pénale ; que le fait que les juridictions pénales aient statué dans un sens différent des réquisitions du ministère public et de l'ordonnance de renvoi du magistrat instructeur relève du jeu normal de la procédure ; que la seule circonstance que [O] [T] ait été mis en examen puis finalement relaxé ne peut suffire à caractériser une faute lourde ;

Que l'agent judiciaire de l'Etat relève que [O] [T] n'a pas exercé les voies de recours prévues par la loi concernant son placement sous contrôle judiciaire et n'en a même pas demandé mainlevée ; qu'il a eu la parole en dernier devant les juridictions correctionnelles et a pu faire valoir toutes observations utiles à sa défense, mais qu'il ne ressort pas des décisions prises qu'il ait soulevé au cours des débats les critiques qu'il formule au soutien de sa demande d'indemnisation ; que l'agent judiciaire de l'Etat fait enfin valoir que [O] [T] n'aurait pas épuisé les voies de recours en ne relevant pas appel de l'ordonnance le renvoyant devant le tribunal correctionnel ;

*

Considérant, en ce qui concerne en premier lieu le grief tiré du défaut d'impartialité des magistrats ayant eu à connaître du dossier, que s'il peut difficilement être reproché à [O] [T], dans le contexte des usages judiciaires qui pouvaient avoir cours au milieu des années 1990, de ne pas avoir pris l'initiative de présenter une demande en récusation à l'encontre du magistrat instructeur, le fait que, en sens inverse, celui-ci ne se soit pas spontanément récusé ne caractérise pas l'existence d'une faute lourde à l'encontre de l'Etat ;

Que pour ce qui est des différents représentants du ministère public appelés successivement à connaître de ce dossier, l'existence de relations professionnelles préexistantes suivies n'imposait pas à ceux-ci qu'ils se déportent ;

Que le fait, en particulier, que certains magistrats du ministère public aient, nonobstant les décisions de relaxe prononcées, sollicité la non réinscription de [O] [T] sur la liste des experts judiciaires, ne traduit pas un comportement susceptible de caractériser une faute lourde à l'encontre de l'Etat, mais pouvait trouver sa justification dans le souci d'éviter que la désignation ultérieure de [O] [T] en tant qu'expert dans des procédures n'ouvre la voie à des contestations, compte tenu du retentissement médiatique de l'affaire à laquelle son nom se trouvait mêlé ;

Considérant, en ce qui concerne en second lieu la violation des principes directeurs de la procédure, qu'ainsi que les premiers juges l'ont pertinemment relevé, [O] [T] disposait de la possibilité de relever appel des ordonnances de placement sous contrôle judiciaire, en particulier celle du 1er juillet 1996 lui interdisant d'exercer tout mandat d'administrateur au sein de la CRAM, possibilité qu'il n'a pas exercée ;

Que si [O] [T] relève à juste titre que l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel n'est pas, quant à elle, susceptible de recours de la part du mis en examen, sa motivation par référence expresse au réquisitoire définitif du ministère public constituait néanmoins, à l'époque, une pratique très largement suivie au sein des juridictions et ne révèle en soi aucune anomalie ;

Que la circonstance que le magistrat instructeur ait considéré qu'il existait des charges suffisantes justifiant le renvoi de [O] [T] devant le tribunal correctionnel et que ces charges n'aient pas été jugées suffisantes par les juridictions de jugement pour motiver une condamnation ne caractérise pas en soi un fonctionnement fautif du service public de la justice ;

Qu'en ce qui concerne la conduite de l'action publique, le fait que la thèse soutenue avec constance et - fût-ce de façon erronée - cohérence par le ministère public n'ait pas emporté la conviction des juridictions appelées à connaître de la culpabilité de [O] [T], ne constitue pas davantage un fonctionnement fautif du service public de la justice ;

Que, pour le reste, c'est sans méconnaître la présomption d'innocence que [O] [T] a été invité à se démettre de ses différentes responsabilités, lesquelles, dans le contexte précédemment rappelé, risquaient de ne plus pouvoir s'exercer sereinement ; que la prudence observée à cet égard par les autorités judiciaires à l'époque des faits, si elle peut, rétrospectivement, être mise en question au vu des décisions de relaxe intervenues depuis, ne caractérise en aucune manière la faute lourde exigée par l'article L 141-1 susvisé du code de l'organisation judiciaire ;

Que s'agissant, en dernier lieu, de l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation ayant cassé par erreur l'arrêt de la cour d'appel de LYON en toutes ses dispositions, et des conséquences procédurales qui en sont résultées, pour regrettable qu'ait été ce nouveau rebondissement de l'affaire, l'erreur matérielle qui en est à l'origine et qui a été juridiquement réparée par l'arrêt du 28 mai 2003 ne satisfait en aucune manière à l'exigence d'une faute lourde requise par l'article L 141-1 susvisé du code de l'organisation judiciaire ;

Qu'à cet égard, même s'il est exact que le ministère public eût été bien inspiré de saisir lui-même la Cour de cassation afin qu'elle remédiât à l'erreur commise, à supposer qu'il en ait eu conscience, l'omission ou l'abstention d'y procéder ne caractérisent pas davantage l'existence d'une faute lourde ;

Considérant, au vu des éléments qui précèdent, qu'aucun des griefs relevés par [O] [T] ne caractérise isolément une faute lourde ; qu'il en va de même de ces griefs considérés dans leur ensemble, cet ensemble ne pouvant s'analyser en une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi ; que, d'une part, les griefs relatifs aux poursuites pénales devant la juridiction d'instruction puis devant les juridictions correctionnelles trouvent leur origine commune dans la position prise par le ministère public puis par le magistrat instructeur, et dont ceux-ci ne se sont pas départis, ce dont il résulte qu'il ne s'agit pas d'une accumulation de faits, mais d'un facteur unique ayant eu différents prolongements ; que, d'autre part, l'erreur matérielle commise par la chambre criminelle de la Cour de cassation, erreur au demeurant réparée au plan juridique, n'a eu aucune conséquence préjudiciable pour [O] [T] et n'a notamment eu aucun retentissement sur l'exercice de ses activités professionnelles ;

Qu'il convient, en conséquence, de confirmer le jugement rendu par le tribunal correctionnel de PARIS le 11 juillet 2007, et de débouter [O] [T] de ses demandes ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Considérant que chaque partie succombant partiellement dans ses prétentions, chacune conservera la charge de ses propres dépens ;

Considérant que l'équité ne commande pas de faire application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt CONTRADICTOIRE et en dernier ressort,

REJETTE l'exception de prescription soulevée par l'agent judiciaire de l'Etat ;

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 11 juillet 2007 par le tribunal de grande instance de PARIS ;

REJETTE toute autre demande des parties, et notamment celles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens d'appel ;

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 11/02560
Date de la décision : 16/05/2013

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°11/02560 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-05-16;11.02560 ?
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