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20/12/2012 | FRANCE | N°12/03969

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1ère chambre 1ère section, 20 décembre 2012, 12/03969


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 97D



1ère chambre 1ère section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 20 DECEMBRE 2012



R.G. N° 12/03969

R G N° 12/04375



AFFAIRE :



[C] [Y]







C/





Président de la CHAMBRE REGIONALE DE DISCIPLINE DU CONSEIL REGIONAL DES NOTAIRES









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Mai 2012 par le Tribunal de Grande Instance de

PONTOISE

N° chambre : 1

N° Section :

N° RG : 11/08107



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



SELARL Arst Avocats

représentée par Maitre JAMET





Me Anne laure DUMEAU





MP











REPUBLIQUE FRANCAISE

...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 97D

1ère chambre 1ère section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 DECEMBRE 2012

R.G. N° 12/03969

R G N° 12/04375

AFFAIRE :

[C] [Y]

C/

Président de la CHAMBRE REGIONALE DE DISCIPLINE DU CONSEIL REGIONAL DES NOTAIRES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Mai 2012 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE

N° chambre : 1

N° Section :

N° RG : 11/08107

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

SELARL Arst Avocats

représentée par Maitre JAMET

Me Anne laure DUMEAU

MP

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT DECEMBRE DEUX MILLE DOUZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [C] [Y]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Présent, assisté et plaidant de Maitre Morgan JAMET, de la SELARL ARST Avocats (avocats au barreau de PARIS)

APPELANT et INTIME (RG 12/4375)

****************

Monsieur le Président de la CHAMBRE REGIONALE DE DISCIPLINE DU CONSEIL REGIONAL DES NOTAIRES DE LA COUR D'APPEL DE VERSAILLES

ayant son siège [Adresse 3]

[Adresse 3]

représenté à l'audience par M. [W],

Représentant : Me Anne laure DUMEAU, (avocat postulant au barreau de VERSAILLES)

INTIME plaidant par Maitre Didier LECOMTE, avocat au barreau de PARIS.

MINISTERE PUBLIC

représenté par Madame Sylvie SCHLANGER, substitut général,

APPELANT ( RG 12/4375) acte d'appel du 20 Juin 2012.

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue en chambre du conseil le 19 Novembre 2012, Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Président,

Madame Dominique LONNE, conseiller,

Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT

Vu l'appel interjeté par [C] [Y] et M. le procureur de la république de Pontoise du jugement rendu le 29 mai 2012 par le tribunal de grande instance de Pontoise qui a rejeté les exceptions de nullité et d'irrégularité de la procédure soulevées par [C] [Y] et sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile, a prononcé à l'encontre de Maître [C] [Y] une interdiction temporaire d'exercice de la profession de notaire pour une durée de cinq ans, rappelé qu'en application de l'article 18 du décret N°73-1202 du 28 décembre 1973 ce jugement est exécutoire par provision et a condamné [C] [Y] aux dépens ;

Vu les uniques conclusions signifiées le 5 septembre 2012 par lesquelles [C] [Y], poursuivant l'infirmation du jugement entrepris, demande à la cour, à titre principal, de dire qu'il n'a commis aucune faute dans l'exercice de ses fonctions de notaire, de débouter le Conseil régional des Notaires de la cour d'appel de Versailles de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et de le condamner à lui payer la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, à titre subsidiaire, de ne pas prononcer d'autre sanction disciplinaire à son encontre qu'un rappel à l'ordre ;

Vu les uniques écritures signifiées le 7 novembre 2012 par le président de la Chambre Régionale de Discipline du conseil régional des notaires de la cour d'appel de Versailles qui conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a retenu que le comportement de [C] [Y] était constitutif de manquements à ses obligations professionnelles et aux règles qui régissent la profession de notaire et, y ajoutant, prie la cour de prononcer la destitution de [C] [Y] et de le condamner au paiement de la somme de 4.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Vu l'appel incident du ministère public en date du 20 juin 2012, à l'encontre de [C] [Y];

Vu l'avis du ministère public du 16 novembre 2012 qui requiert de déclarer l'appel recevable en la forme et au fond, d'ordonner la confirmation du jugement entrepris ;

A l'audience du 19 novembre 2012, Maître JAMET, conseil de [C] [Y] a présenté ses observations sur les irrégularités de la procédure par lui soulevées . M. [W], président de la chambre régionale de discipline du conseil régional des notaires et son conseil, Maître [V], ont répliqué sur les exceptions de procédure . Sur le fond, M. [W] a développé un à un les faits reprochés à [C] [Y], le conseil de la chambre de discipline a présenté ses observations . [C] [Y] et son conseil ont répliqué à chacun des griefs formulés par la chambre .

[C] [Y] a eu la parole en dernier .

Les parties ont été avisés que l'affaire est mise en délibéré au 20 décembre 2012 ;

SUR QUOI, LA COUR

Sur la jonction des affaire RG 12/3969 et 12/4375

Considérant que dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il y a lieu de joindre les deux procédures ;

Considérant que la SCP [Y], titulaire depuis le 20 février 1986, d'un office notarial à [Localité 12], a fait l'objet d'une inspection le 2 février 2010 à l'initiative du président de la chambre interdépartementale des notaires de Versailles ;

Qu'ayant relevé plusieurs irrégularités comptables, juridiques et déontologiques, la chambre a engagé une procédure disciplinaire à l'encontre de Maître [C] [Y] ;

Que par délibération du 28 septembre 2010, la chambre régionale de discipline du conseil régional des notaires de la cour d'appel de Versailles a dit que les fautes commises par Maître [Y] paraissent justifier une sanction plus grave que celles pouvant être prises par la chambre de discipline et, en vertu de l'article 10 du décret N°73-1202 du 28 décembre 1973, a chargé et mandaté son président de citer directement Maître [Y] devant le tribunal de grande instance de Pontoise statuant disciplinairement ;

Que par déclaration du 19 octobre 2010, Maître [C] [Y] a interjeté appel de la délibération sus-visée devant cette cour qui, par arrêt du 30 juin 2011, a déclaré l'appel irrecevable;

Qu'autorisé par ordonnance sur requête du 28 novembre 2011, Maître [H] [O] en qualité de président de la chambre régionale de discipline du conseil régional des notaires de la cour d'appel de Versailles a fait assigner à jour fixe Maître [C] [Y] devant le tribunal de grande instance de Pontoise pour que soit prononcée à son encontre telle sanction disciplinaire que le tribunal jugera adaptée à la gravité des faits exposés ;

Que le tribunal a retenu que dans les dossiers de la vente [L]/[UT], de la SCI BOL et du programme SCI LE BANCAT/ ACCESS IMMO, Maître [Y] a commis des fautes professionnelles lourdes entraînant la sanction disciplinaire d'interdiction temporaire d'exercice de la profession de notaire pour une durée de 5 ans ;

Sur la procédure

Considérant qu'[C] [Y] soulève oralement la nullité du jugement entrepris pour violation de ses droits procéduraux, se fondant sur les quatre griefs énumérés dans ses écritures; qu'il invoque, en premier lieu, la nullité de l'assignation pour non respect des droits de la défense, faisant valoir qu'il a été assigné le 1er décembre 2011 pour l'audience du 13 décembre suivant et qu'à l'intérieur de ce délai, le procureur de la république de [Localité 10] l'a fait placer en garde à vue; que son placement en garde à vue concomitament à sa mise en cause disciplinaire l'a empêché de préparer convenablement sa défense ; qu'il relève que sa mise en examen a été annulée par arrêt rendu le 21 juin 2012 par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles ; qu'il ajoute que le renvoi de l'affaire à l'audience du 21 février suivant a bénéficié au conseil régional qui a apporté de nouveaux éléments au soutien des accusations portées à son encontre ; qu'il se prévaut, en deuxième lieu, d'une violation de l'article 6 de la CEDH relevant que le jugement ne mentionne pas que lui-même ou ses conseils ont eu la parole en dernier lors des débats ; qu'il invoque, en troisième lieu, une violation du huis-clos lors de l'audience des plaidoiries, au motif que le président de la 1ère chambre a autorisé le président de la chambre interdépartementale à assister aux débats et à exposer oralement les griefs formulés à son encontre aux lieu et place du président de la chambre régionale, seule partie à l'instance disciplinaire ; qu'il ajoute que cette intervention n'est pas mentionnée dans le jugement ; qu'il fait valoir, en quatrième lieu, que la motivation lapidaire du jugement entrepris ne répond pas aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Considérant qu'il ressort du jugement entrepris que l'affaire appelée, selon les modalités de la procédure à jour fixe, à l'audience du 13 décembre 2011, a été renvoyée d'office à l'initiative des magistrats composant la 1ère chambre du tribunal de grande instance de Pontoise ; qu'[C] [Y] ne justifie, ni même n'allègue avoir formé une demande de renvoi, le 13 décembre 2011 ; que le renvoi d'office de l'affaire à l'audience du 21 février 2012, date à laquelle elle a été retenue, lui a permis de disposer d'un délai suffisant pour préparer sa défense, étant observé que les cinq dossiers sur lesquels les poursuites sont fondées avaient été examinés lors de la séance du 29 juin 2010 de la Chambre régionale de discipline, devant laquelle [C] [Y] a comparu et a présenté des observations ; que la concomitance de la procédure pénale n'est pas imputable à la chambre régionale de discipline, partie poursuivante dans l'instance civile ;

Qu'il ne peut donc se prévaloir d'un quelconque grief ;

Considérant qu'aux termes de l'article 16 du décret du 28 décembre 1973, lorsque le tribunal de grande instance statue disciplinairement, les débats ont lieu en chambre du conseil, le ministère public entendu, le président de la chambre de discipline présente ses observations, le cas échéant par l'intermédiaire d'un membre de la chambre, le tribunal entend, s'il y a lieu, sans forme l'auteur de la plainte ainsi que toutes autres personnes ;

Considérant qu'il est mentionné au dispositif du jugement entrepris que les débats ont eu lieu en chambre du conseil, ce qui n'est pas contesté ;

Que, dans les motifs du jugement, sous l'intitulé «exposé du litige», il est mentionné :

«Monsieur le Procureur de la République a été entendu et a sollicité la destitution de Maître [Y] . Maître [Y] a également été entendu assisté de son conseil Me JAMET . Monsieur le Président [O] a expliqué les griefs articulés à l'encontre de Maître [Y] et a présenté ses observations en application de l'article 16 du décret N°73-1202 du 28 décembre 1973. Maître LECOMTE, conseil de ce dernier, a plaidé» ;

In limine litis Maître JAMET, avocat de Maître [Y], a soulevé une exception de nullité tirée d'une atteinte aux droits de la défense, en raison du bref délai entre l'assignation et l'audience initiale, ceci constituant selon lui un vice initial ne pouvant être purgé par le renvoi effectué à une audience ultérieure .

Il prétend en outre que le signataire de l'ordonnance autorisant le demandeur à assigner à jour fixe n'avait pas le pouvoir de signer cette ordonnance ;

Au fond, Maître [Y] sollicite le débouté des demandes du Conseil Régional des Notaires et sollicite la condamnation de ce dernier à lui payer la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile» ;

Considérant que la présence à l'audience du président de la chambre interdépartementale des notaires, autorisée par le président de la 1ère chambre du tribunal, n'est pas contraire aux dispositions de l'article 16 sus-visé, qui permet l'audition de toute personne ; que les mentions du jugement établissent que M. [O], président de la chambre de discipline, partie poursuivante, a été entendu en ses observations ;

Qu'en revanche, l'exigence d'un procès équitable implique qu'en matière disciplinaire la personne poursuivie ou son avocat soit entendu à l'audience et puisse avoir la parole en dernier, et que mention en soit faite dans la décision ;

Qu'il ne résulte pas des mentions du jugement ci-dessus reproduites, qu'[C] [Y] ou son conseil ont été invités à prendre la parole en dernier ;

Qu'il s'ensuit que les dispositions de l'article 6 de la CEDH n'ont pas été respectées et que le jugement entrepris doit être annulé, sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre moyen de nullité soulevé par l'appelant ;

Sur le fond

Considérant que la cour saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel doit statuer sur le fond, les parties ayant conclu ,

Sur le dossier de Madame [U]

Considérant que le président de la chambre des notaires reproche à [C] [Y] de n'avoir pas respecté l'article 13-1° du décret du 19 décembre 1945 qui interdit aux notaires, soit par eux-mêmes, soit par personnes interposées, soit directement, soit indirectement, de se livrer à aucune spéculation de bourse ou opération de commerce, banque, escompte et courtage, ainsi que le principe de probité exprimé à l'article 3 de l'annexe au règlement national des notaires (arrêté du 25 mai 1982) ; qu'il expose que :

- Madame [U] a formulé une réclamation auprès de la chambre interdépartementale des notaires de Versailles à l'encontre de [C] [Y], en avril 2008, et a retiré le dossier qu'elle lui avait confié après réponse de la chambre, - [C] [Y] est intervenu dans le cadre du règlement de la succession de [S] [M], compagnon de Madame [U], décédé le [Date décès 2] 2006, laissant pour héritiers deux enfants mineurs ; que dépendait de la succession un bien immobilier que Madame [U] a mis en vente en qualité d'administratrice légale ; qu'alors qu'[C] [Y] avait certifié au vendeur que le bien ne pourrait se vendre à un prix supérieur à 280.000 €, somme portée dans l'avant-contrat, elle a découvert que dans la requête déposée devant le juge des tutelles, était mentionné le prix de 325.000 €, que les futurs acquéreurs étaient des amis d'[C] [Y] et qu'avant la signature de l'acte définitif de vente, le bien était proposé à un prix de 472.000 € sur un site Internet ;

Qu'[C] [Y] réplique qu'il n'est pas intervenu dans l'opération d'acquisition, qu'il n'a pas commis de démarchage pour recueillir un mandat de vente ; qu'il fait valoir que les acquéreurs, les consorts [X]-[D] n'étaient ni des amis, ni des clients habituels de son étude, qu'ils souhaitaient détacher une partie du bien en vue de la revendre et conserver l'autre partie pour y faire des travaux ; qu'il souligne qu'en définitive, le bien a été vendu pour le prix de 322.000 € alors que les consorts [X]-[D] en offraient 325.000 € ;

Considérant que le président de la chambre régionale de discipline produit aux débats trois pièces : la lettre adressée au président de la chambre des notaires, le 15 janvier 2008, par [P] [U], la requête déposée par [C] [Y] devant le juge des tutelles et un procès-verbal de constat établi le 26 novembre 2007 à la demande d'[P] [U] ;

Qu'il résulte de la requête aux fins d'autorisation de vendre le bien immobilier présentée au juge des tutelles par [C] [Y] et du compromis de vente, versé aux débats par l'appelant, conclu le 30 octobre 2007 entre, d'une part, [P] [U] en qualité d'administrateur légal des deux enfants mineurs, d'autre part, [K] [X] et [N] [D], que le prix était fixé à 325.000 € ; que dans la réclamation qu'elle a adressée au président de la chambre des notaires, [P] [U] expose qu'après avoir présenté un acquéreur au prix de 250.000 €, puis de 280.000 €, le notaire lui a présenté, dix jours plus tard, une requête pour le juge des tutelles mentionnant un prix de 325.000 €, qu'elle a appris quelques jours plus tard que le bien était mis en vente en un lot ou deux lots par une agence immobilière pour un prix plus élevé et sur un site internet ;

Mais considérant qu'il n'est démontré ni que les deux acquéreurs potentiels, signataires du compromis de vente, étaient des proches de [C] [Y] ou des clients habituels de l'étude notariale, qu'il aurait cherché à favoriser, ni qu'il était l'instigateur ou le complice de la spéculation alléguée relative à la revente de l'immeuble ;

Que l'affirmation d'[C] [Y] selon laquelle le bien a été vendu en deux lots pour un prix global de 322.000 € n'est pas démenti ;

Que la partie poursuivante n'établit donc ni un manquement aux dispositions de l'article 13-1° du décret du 19 décembre 1945, ni au principe de probité posé par l'article 57 du décret N°73-609 relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d'accès à la profession de notaire ;

Sur le dossier AB

Considérant que se fondant sur l'article 2 du décret N° 71-941 du 26 novembre 1971, le président de

la chambre soutient que [C] [Y] a contrevenu à ces dispositions en passant cinq actes avec une personne morale, la société AB, société de marchand de biens, dans laquelle son épouse est associée minoritaire ;

Qu'[C] [Y] conteste tout manquement aux obligations déontologiques du notaire en se prévalant d'une réponse ministérielle du 3 mars 2007 qui indique qu'il n'est pas interdit à un notaire d'instrumenter pour une personne morale administrée par un de ses parents ou allié au degré prohibé à la condition toutefois que ce proche n'intervienne pas à l'acte comme représentant de la société ;

Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret N°71-941 du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires, les notaires ne peuvent recevoir des actes dans lesquels leurs parents ou alliés, en ligne directe, à tous les degrés, et en ligne collatérale jusqu'au degré d'oncle ou de neveu inclusivement, sont parties, ou qui contiennent quelque disposition en leur faveur ;

Que l'alinéa 2 prévoit que ces règles sont applicables aux notaires associés d'une société titulaire d'un office notarial ou d'une société de notaires ;

Considérant qu'il résulte des statuts et de l'extrait Kbis du registre du commerce au 25 juin 2001, que la société AB, constituée le 22 mai 2001 à parts égales entre [S] [T] et [Z] [I] épouse d'[C] [Y], sous la forme d'une SARL, a pour objet toutes opérations de marchands de biens sur immeubles bâtis ou non bâtis, biens mobiliers ou immobiliers et que [S] [T] en est le gérant ; que cette société a réalisé une opération d'achat d'un terrain en vue d'une division et de revente de celui-ci en parcelles ; que des actes authentiques de vente entre la société AB, représentée par son gérant, [S] [T], et des acquéreurs ont été instrumentés par [C] [Y] entre le mois de juin 2003 et le mois d'avril 2005 ; que le 1er septembre 2005, [Z] [Y] a été engagée en qualité de clerc au sein de l'office notarial de son époux ;

Considérant que l'avis émis dans la réponse ministérielle qui donne une interprétation restrictive de l'incapacité d'instrumenter prévue par l'article 2 du décret du 26 novembre 1971 est, en l'espèce, dépourvu de portée puisqu'il concerne une société anonyme ; qu'en outre, ce texte est clair quant aux personnes concernées par l'interdiction ;

Qu'en tout état de cause, si [Z] [Y] n'est pas intervenue dans les actes de vente, au regard de la forme sociale, de la composition du capital de la société AB divisé en deux parts détenues également par les deux associés et de son objet, [C] [Y] devait se dispenser d'instrumenter dans les transactions conclues par la société AB, afin d'éviter tout conflit d'intérêt; que ce comportement, incompatible avec l'obligation d'indépendance, d'impartialité et de prudence qui s'impose à tout officier public ou ministériel, est constitutif d'une faute ;

Sur le dossier de la vente [L]/ [UT]

Considérant que le président de la chambre régionale fait grief à [C] [Y] d'avoir violé les règles comptables relatives à la couverture des fonds détenus, au visa de l'article 9-1 alinéas 1 et 2 du règlement national des notaires approuvé par arrêté du 24 décembre 2009, publié au JO du 16 janvier 2010 ; qu'il expose que, dans le cadre de la vente [L]/ [UT], [C] [Y] a remis au vendeur la somme de 60.000 €, le jour même de la signature de la vente, alors que le virement du prêt de l'acquéreur n'est intervenu que le 2 juillet 2009 ;

Qu'[C] [Y] répond qu'il s'est assuré de la disponibilité des fonds, l'acte de vente ayant été régularisé au vu de l'envoi à l'étude par télécopie d'un avis d'exécution du virement par la Caisse d'épargne d'Ile de France ;

Considérant que si le président de la chambre régionale de discipline invoque à tort les dispositions de l'article 9-1 du règlement national des notaires approuvé par arrêté du 24 décembre 2009, qui n'était pas applicable à la date des faits incriminés, les règles relatives à la couverture qui imposent au notaire de ne pas recevoir un acte sans avoir été provisionné d'une somme suffisante pour couvrir les déboursés, les droits, émoluments et honoraires, étaient déjà posées par l'article 19 du règlement national du 3 mars 2003 ;

Considérant qu'il ressort de l'acte produit aux débats par [C] [Y] qu'il a dressé, le 30 juin 2009, un acte de vente entre [B] [L], vendeur, et [F] [UT], acquéreur, portant sur un bien immobilier, moyennant le prix de 110.000 €, payé comptant le jour même ;

Que lors de son audition devant la chambre régionale de discipline, [C] [Y] a reconnu que le virement du compte acquéreur au compte vendeur a été effectué et les fonds remis au vendeur alors que le prêt a fait l'objet d'un virement deux jours plus tard, soit le 2 juillet 2009, mais a précisé que le jour de la vente, il était en possession d'une télécopie de la banque justifiant le virement ;

Que toutefois, la télécopie n'est pas produite aux débats , qu'en tout état de cause, le fait qu'il ait reçu confirmation de la banque que les fonds, objet du prêt, étaient débloqués était insuffisant pour parfaire la vente en dressant un acte authentique dès lors que ceux-ci ne pouvaient être portés dans sa comptabilité ;

Considérant qu'en acceptant de conclure la vente alors que le compte de l'acquéreur n'était pas provisionné d'une somme suffisante pour couvrir l'ensemble des déboursés et émoluments, [C] [Y] a enfreint les règles comptables essentielles concernant la couverture des actes dont la finalité est d'assurer la sécurité juridique des transactions signées par acte authentique ;

Sur le dossier du programme SCI LE BANCAT / ACCESS IMMO

Considérant que le président de la chambre régionale de discipline reproche à [C] [Y] d'avoir méconnu, dans le cadre du programme SCI LE BANCAT/ ACCESS IMMO, les dispositions de l'article L.262-1 du code de la construction relatives aux ventes d'immeubles à rénover, applicables depuis décembre 2008, et d'avoir contrevenu aux règles de couverture prévues par l'article 9-1 du règlement national des notaires ainsi qu'à l'article 14-1° du décret N°45-0117 du 19 décembre 1945 ; qu'il ajoute qu'[C] [Y] a pris des risques en ne protégeant pas suffisamment les acquéreurs dans la garantie des mainlevées d'inscription, en violation des articles 13 et 14 du décret précité ;

Qu'[C] [Y] réplique que lors de la régularisation de l'acte de vente du 6 janvier 2009 au profit de la société ACCESS IMMO et après analyse de la consistance et de l'ampleur des travaux, il a écarté l'application des dispositions sur la vente d'immeubles à rénover ; que s'agissant de la commission d'agence, il soutient que le jour de la régularisation de l'acte authentique, l'agence a consenti à ce que la commission d'un montant de 30.000 € lui soit réglée plus tard et qu'il a été prévu que le vendeur consente, dans l'acte, une mainlevée de son privilège de vendeur à hauteur de 30.000 € de sorte que le montant de la commission n'avait pas à être provisionné à cette date ; que s'agissant de la provision sur frais d'un montant de 19.000 € réclamée à la société ACCESS IMMO, il répond qu'il a été prévu, sous la pression tant du vendeur que de l'agence immobilière et des sous-acquéreurs, qu'elle serait réglée lors des premières reventes, soit le 9 janvier 2009 ; que sur le grief tiré de l'insuffisance de garantie des acquéreurs dans la mainlevée des inscriptions, il fait valoir qu'ils dégrèvent totalement à chaque fois les lots vendus ;

Considérant qu'il ressort des éléments versés aux débats que suivant compromis du 6 mars 2008, la SCI LE BLANCAT a cédé à la société ACCESS IMMO un ensemble immobilier situé à Le Heaulme (95), moyennant le prix de 950.000 €, payable comptant au jour de la signature de l'acte authentique de vente, outre une commission d'agence de 30.000 € à la charge de l'acquéreur; qu'il était prévu une régularisation au plus tard, le 15 décembre 2008 ; que l'acte authentique définitif a été reporté au 6 janvier 2009 d'un commun accord des parties ; que la société ACCESS IMMO a vendu l'immeuble en 18 lots entre le 9 janvier 2009 et le 1er juin 2010 ;

Considérant que si l'article L.262-1 du code de la construction et de l'habitation qui régit la vente d'immeubles à rénover était applicable à l'opération immobilière en cause, sa méconnaissance, compte tenu de la date de son entrée en vigueur, le 19 décembre 2008, soit deux semaines avant la régularisation de l'acte authentique, ne saurait caractériser une infraction aux règles professionnelles constitutive d'une faute disciplinaire ;

Considérant que devant la chambre de discipline et à l'audience devant la cour, [C] [Y] a reconnu que la société ACCESS IMMO ne pouvait s'acquitter de la commission d'agence d'un montant de 30.000 € à la date de régularisation de l'acte ; que dans ses écritures, il précise que l'agence n'a obtenu le règlement de sa créance qu'ensuite d'une décision de justice, le 12 octobre 2009 ;

Qu'il reconnaît, par ailleurs, que les frais d'acquisition d'un montant de 19.000 € n'ont pas été provisionné s par la société ACCESS IMMO à la date de régularisation de l'acte authentique, mais le 9 janvier 2009, sur les fonds provenant des premières reventes de lots ;

Que la pression exercée par les parties à l'acte, selon les dires d'[C] [Y], ne peut justifier la violation de règles destinées à les protéger ;

Que ces infractions réitérés aux règles de couverture des actes, instituées dans l'intérêt des parties pour assurer la sécurité juridique qu'elles sont en droit d'attendre des actes authentiques, constituent une faute disciplinaire au sens de l'article 2 de l'ordonnance du 28 juin 1945 ;

Considérant que le président de la chambre régionale de discipline n'explicite pas en quoi [C] [Y] a pris des risques en ne protégeant pas suffisamment les acquéreurs dans la garantie des mainlevées d'inscription, en violation des articles 13 et 14 du décret N°45-0117 du 19 décembre 1945 ;

Considérant qu'il ressort des pièces versées aux débats par [C] [Y] qu'au fur et à mesure de la régularisation des ventes par des lots de copropriété, des actes de mainlevée partielle du privilège de vendeur ont été réalisées ; que ces mainlevées étaient partielles en ce qu'elles étaient cantonnées aux lots vendus ; que suivant acte du 18 juin 2009, un acte de mainlevée totale par la SCI LE BLANCAT au profit de la SARL ACCESS IMMO du privilège du vendeur a été régularisé ; que le relevé des formalités publiées au 23 novembre 2010 demandé par M. [A] établit que les lots étaient dégrevés, le 29 juin 2009 ;

Qu'aucune faute n'est donc établie à l'encontre de [C] [Y] de ce chef ;

Sur le dossier de la SCI BOL

Considérant que le président de la chambre régionale de discipline expose que la SCI BOL est composée de plusieurs associés, parmi lesquelles son épouse qui détient 99% des parts et des amis d'[C] [Y] et que les inspecteurs ont constaté des irrégularités dans les opérations réalisées par cette SCI qu'ils ont analysées en trois phases successives :

-1ère phase : il lui est reproché un manquement aux dispositions de l'article 13-4° et 14-1°du décret du 19 décembre 1945, -2ème phase : il lui est fait grief d'avoir favorisé son épouse au détriment des vendeurs et de l'autre acquéreur, agissement contraire aux dispositions de l'article 13-4 ° précité, -3ème phase : il lui est reproché d'avoir utilisé les fonds d'une vente de la SCI BOL à six acquéreurs indivis pour rembourser le prêt de la dite SCI , en violation des articles 14-1°, 13-4°, 13-6° du décret du 19 décembre 1945 et l'article 3-2-1 du règlement national des notaires ;

Considérant que les statuts de la SCI BOL ne sont pas versés aux débats ; que toutefois, il n'est pas contesté que [Z] [Y] détient 99% des parts sociales de cette société civile immobilière ;qu'il ressort des pièces produites que le 21 septembre 2006, un compromis de vente a été dressé par Maître [G], notaire associé à [Localité 11] entre, d'une part, les consorts [R], vendeurs, d'autre part, les époux [J] et [Z] [Y] portant sur un bien immobilier situé à [Localité 9] ; qu'il était prévu le versement dans la comptabilité de la SCP [G] d'une indemnité d'immobilisation de 26.700 € par l'acquéreur en considération du préjudice qui pourrait résulter pour le vendeur de l'immobilisation de son bien si la vente ne se réalise pas et par ailleurs, une condition suspensive d'obtention d'un prêt par l'acquéreur dans un délai maximum de 5 mois à compter du compromis ; que les époux [J] n'ayant pas obtenu le prêt, ils ont abandonné le versement de la somme de 13.500 € et versé un complément du même montant au titre des pénalités ;

Que pour justifier la présence dans la comptabilité de son étude de la somme de 13.500 € versée par les époux [J] sous le libellé «M.O. [Y] Restitution trop perçu», [C] [Y] fait valoir que ces derniers se sont acquittés de cette somme pour dédommager son épouse des conséquences néfastes et préjudiciables résultant de la non obtention du prêt, qu'une négociation est intervenue directement entre les parties, sans qu'il y ait participé ou prêté son ministère ;

Considérant que si le compromis de vente a été dressé par Maître [G], notaire à [Localité 11], l'échange de correspondance entre cet officier ministériel et [C] [Y] démontre qu'il a participé à l'élaboration de cet acte ;

Considérant que s'il n'a pas directement prêté son ministère à l'acte authentique, la présence de ces fonds dans la comptabilité de son étude traduit une confusion entre la comptabilité de l'étude et celle de la société gérée et détenue à 99% par son épouse, génératrice d'un conflit d'intérêts ;

Considérant s'agissant de la deuxième et de la troisième phase, il n'est pas contesté qu'après que suivant acte dressé le 8 août 2008, par Maître [G], les consorts [R] ont vendu le bien immobilier à la SCI BOL, cette dernière l'a revendu, le 10 février 2009, à six acquéreurs indivis, cinq personnes en qualité de marchand de biens et [Z] [Y] ; qu'il ressort de l'acte dressé par Maître [E], notaire à [Localité 13], que le bien a été revendu moyennant le prix de 610.000 €, payable à concurrence de 530.000 € hors la comptabilité du notaire et 80.000 € payé à terme ; que dans ses dernières écritures, [C] [Y] indique qu'il a reçu l'ensemble des parties le 22 novembre 2008 à l'effet de faire approuver ce projet d'acte de vente, de faire signer les procurations permettant la régularisation de l'acte et de se faire remettre l'ensemble des chèques permettant de s'acquitter des prix à l'ordre de l'office notarial ; qu'il ne conteste pas avoir émis, le 24 novembre 2008, un chèque en remboursement du prêt consenti par la Société Générale à la SCI BOL ;

Que ce faisant, [C] [Y] a utilisé les fonds de la vente alors même que celle n'était pas parfaite, l'acte authentique ayant été signé le 10 février 2009 ; qu'il ne contredit pas les dires du président de la chambre de discipline qui relève que lors de l'inspection, l'analyse de la comptabilité a fait apparaître un défaut de couverture de 23.410,58 € ;

Qu'il s'ensuit que [C] [Y] a contrevenu aux dispositions de l'article 14-1° du décret du 19 décembre 1945 qui interdit à un notaire d'employer même temporairement les sommes ou valeurs dont il est constitué détenteur à titre quelconque, à un usage auquel elles ne seraient pas destinées et a également contrevenu aux règles de couverture ;

- Sur la sanction

Considérant que les manquements répétés par [C] [Y] aux règles professionnelles et aux devoirs d'impartialité, de probité et de prudence qu'imposent ses fonctions sont de nature à porter atteinte au crédit que les particuliers sont en droit d'attendre d'un officier ministériel, chargé du service public de l'authenticité et justifient le prononcé d'une sanction disciplinaire d'un an d'interdiction d'exercice de la profession de notaire ;

Qu'il convient, en application de l'article 20 du décret du 25 juin 1973, en tant que de besoin, de désigner le président de la chambre interdépartementale des notaires aux fins de commettre un administrateur qui remplacera dans ses fonctions l'officier ministériel interdit ;

Qu'il n'y a lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant contradictoirement, publiquement, après débats en chambre du conseil,

Ordonne la jonction des affaires suivies sous les numéros RG 12/3969 et 12/4375,

Annule le jugement entrepris,

Statuant, vu l'effet dévolutif de l'appel,

Prononce à l'encontre de [C] [Y] une interdiction temporaire d'exercice de la profession de notaire pour une durée de 1 an,

En tant que de besoin, désigne, en application de l'article 20 du décret du 25 juin 1973, le président de la chambre interdépartementale des notaires aux fins de commettre un administrateur qui remplacera dans ses fonctions l'officier ministériel interdit,

Condamne [C] [Y] aux dépens .

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 12/03969
Date de la décision : 20/12/2012
Sens de l'arrêt : Annulation

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°12/03969 : Annule la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-12-20;12.03969 ?
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