COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 88H
1ère chambre 1ère section
ARRET N°393
CONTRADICTOIRE
DU 20 DECEMBRE 2012
R.G. N° 11/02498
AFFAIRE :
COMMUNE DE [Localité 4]
C/
CAPAVES PREVOYANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Décembre 2010 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE
N° chambre : 1
N° Section :
N° RG : 09/1017
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Stéphane CHOUTEAU
SCP BOMMART-MINAULT,
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE VINGT DECEMBRE DEUX MILLE DOUZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
COMMUNE DE [Localité 4]
ayant son siège [Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par son Maire en exercice
Représentant : Me Stéphane CHOUTEAU de la ASS AARPI AVOCALYS, (avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 624 - N° du dossier 20110157)
PlAIDANT par Me Cyril CROIX du cabinet SEBAN (avocats au barreau de PARIS) P.498
APPELANTE
****************
CAPAVES PREVOYANCE
[Adresse 1]
[Localité 3]
prise ne la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, institution de prévoyance régie par le TITRE III du Livre II du code de la sécurité sociale
Représentant : la SCP BOMMART-MINAULT,(avocats postulants au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 00039661)
PlAIDANT par Me Audrey BELMONT de la selarl CAPSTAN LEMS (avocats au barreau de PARIS)
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 Novembre 2012, Monsieur Dominique PONSOT, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Président,
Madame Dominique LONNE, conseiller,
Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT
Vu le jugement du 14 décembre 2010 du tribunal de grande instance PONTOISE ayant, notamment :
- constaté l'acquisition de la prescription de l'action engagée par la commune de [Localité 4],
- débouté cette commune de ses demandes,
- donné acte à la CAPAVES PREVOYANCE de ce qu'elle accepte de prendre en charge certains remboursements représentant une somme de 23.641,94 euros ;
Vu la déclaration du 29 mars 2011 par laquelle la commune de [Localité 4] a formé à l'encontre de cette décision un appel de portée générale ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 24 octobre 2011 aux termes desquelles la commune de [Localité 4] demande à la cour de :
à titre principal,
- infirmer le jugement entrepris,
- dire que l'action n'est pas prescrite,
- condamner la CAPAVES PREVOYANCE à lui verser la somme de 724.657,18 euros, correspondant aux indemnités versées à ses agents et devant être remboursées à ses agents, augmentée des intérêts à compter du 19 janvier 2009,
à titre subsidiaire,
- condamner la CAPAVES PREVOYANCE à lui verser la somme de 701.015,24 euros augmentée des intérêts à compter du 19 janvier 2009,
En toute hypothèse,
- la condamner à lui verser la somme de 15.000 euros au titre de sa résistance abusive et de sa mauvaise foi,
- la condamner à lui verser la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 22 décembre 2011 aux termes desquelles la CAPAVES PREVOYANCE demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris
à titre subsidiaire,
- constater que les demandes d'indemnisation concernant MM. [M], [T] et [DG], et Mmes [Q] et [A] sont prescrites,
- constater l'irrecevabilité des demandes les concernant et débouter la commune de [Localité 4] de ses demandes les concernant,
A titre encore plus subsidiaire,
- dire que conformément aux dispositions du contrat de prévoyance conclu entre la commune de [Localité 4] et la CAPAVES PREVOYANCE, seules les prestations en espèces en cours de versement au moment du non renouvellement du contrat sont maintenues à leur niveau atteint au jour du non renouvellement, soit le 31 décembre 2003 ;
- constater que les demandes de la commune de [Localité 4] ne concernent pas des agents qui bénéficiaient, au 31 décembre 2003, d'un versement de prestations en espèces,
- Constater que les demandes de la commune de [Localité 4] concernent des arrêts de travail ayant débuté postérieurement à la date de résiliation du contrat de prévoyance,
- débouter la commune de [Localité 4] de ses demandes concernant les agents [J] [E], [O] [V], [HH] [R], [FY] [Y], [U] [G], [HC] [Z], [N] [P], [EP] [C], [GN] [W], [D] [X], [B] [H], [DW] [CA], [AE] [AJ], [S] [HW], [I] [GS], [BE] [GD] et [K] [DQ],
- lui donner acte de ce qu'elle accepte de prendre en charge le remboursement du maintien de traitement de MM. [M], [T] et [DG], et Mmes [Q] et [A],
- enjoindre la commune de [Localité 4] à lui faire connaître les éventuels recours subrogatoires qu'elle aurait introduits pour les agents visés dans l'assignation du 13 janvier 2009 ;
- débouter la commune de [Localité 4] de l'ensemble de ses demandes,
En tout état de cause,
- la condamner à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
SUR QUOI, LA COUR
Considérant que le 12 octobre 1998, la commune de [Localité 4] a conclu avec la compagnie CAPAVES PREVOYANCE trois contrats de prévoyance groupe concernant les agents de la ville, ceux du centre de loisir et ceux du centre communal d'action sociale ;
Que l'objet de ces trois contrats était identique, à savoir de 'rembourser au bénéficiaire, c'est à dire à la collectivité souscriptrice, tout ou partie des obligations auxquelles elle est astreinte du fait de et envers ses agents, en fonction du statut de ces derniers, dénommé statut de la fonction publique territoriale' ;
Qu'il était précisé, dans les conditions particulières, que 'seules les garanties risque de décès et risque d'accident de travail ou de maladies professionnelles imputables au service étaient souscrites' ;
Que ces contrats, d'une durée de 5 ans, ont pris effet le 1er janvier 1998 pour se terminer le 31 décembre 2003, n'ayant pas été renouvelés ;
Que la CAPAVES PREVOYANCE ayant cessé ses remboursement à compter du terme des contrats, la commune de [Localité 4] en a sollicité la poursuite, indiquant que les indemnités journalières en cause, acquittées postérieurement à la fin des contrats, étaient dues dès lors qu'elles étaient relatives à des accidents de service ou des maladies professionnelles dont l'origine se situait pendant la période de garantie ;
Que la CAPAVES PREVOYANCE n'ayant pas répondu aux divers courriers de la commune de [Localité 4], celle-ci lui a adressé le 22 mai 2007 une mise en demeure de reprendre les remboursements, laquelle est demeurée vaine ;
Que par acte d'huissier du 13 janvier 2009, la commune de [Localité 4] a fait assigner la CAPAVES PREVOYANCE devant le tribunal de grande instance de PONTOISE aux fins de voir celle-ci condamnée à lui verser les sommes de :
- 460.326,85 euros correspondant aux indemnités versées par elle à ses agents,
- 15.000 euros pour résistance abusive,
- 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Qu'elle en a été déboutée par le jugement entrepris ;
Sur la prescription des demandes formées par la commune de [Localité 4]
Considérant que les premiers juges ont constaté l'acquisition de la prescription extinctive des demandes présentées par la commune de [Localité 4], après avoir relevé que les institutions de prévoyance sont en principe soumises aux dispositions du code de la sécurité sociale, et que les dispositions du code des assurances ne leur sont applicables que de manière limitative et dérogatoire ; que l'article L 932-13 du code de la sécurité sociale, applicable en l'espèce et qui prévoit une prescription de 5 ans à compter de l'événement donnant naissance aux actions en matière d'accident du travail, ne comporte aucune disposition dérogatoire concernant l'interruption du délai, à la différence de l'article L 114-2 du code des assurances, dont la commune de [Localité 4] sollicitait le bénéfice et qui dispose que la prescription est interrompue par l'envoi à l'assureur d'une lettre recommandée ;
Qu'en cause d'appel, la commune de [Localité 4] soutient à nouveau que la lettre recommandée adressée à la CAPAVES PREVOYANCE le 22 mai 2007 a interrompu le délai de prescription ; qu'elle relève en outre que la CAPAVES PREVOYANCE aurait manqué à son obligation d'information vis-à-vis de son assuré, en ne précisant pas, dans les conditions générales du contrat qui rappelaient le délai de prescription applicable, les causes d'interruption du contrat ; qu'elle soutient, enfin, que le point de départ de la prescription ne serait pas la date des accidents de travail, mais la date du refus de la CAPAVES PREVOYANCE, refus qu'en l'occurrence cette dernière n'a jamais opposé jusqu'à l'engagement de la procédure judiciaire, s'étant toujours abstenue de répondre aux courriers qu'elle lui avait adressés ;
Que la CAPAVES PREVOYANCE conclut à la confirmation du jugement ;
Considérant que le caractère dérogatoire des dispositions du code des assurances concernant le régime de la prescription exclut, en l'absence de renvoi exprès des textes applicables, que ces dispositions s'appliquent à des contrats régis par le code de la sécurité sociale ; qu'il s'ensuit que les solutions dégagées par la jurisprudence concernant l'information des assurés, en ce qu'elles sont la conséquence de ce régime dérogatoire, n'ont pas vocation à être étendues à des contrats régis par le code de la sécurité sociale ;
Que c'est par ailleurs en vain que la commune de [Localité 4] soutient que le point de départ du délai de prescription serait la date du refus opposé par l'institution de prévoyance de fournir la garantie souscrite ;
Qu'il convient, en conséquence, de constater la prescription de l'action engagée par la commune de [Localité 4] en ce qu'elle concerne des demandes concernant des arrêts de travail n'ayant donné lieu à aucun versement postérieurement à la période couverte par la prescription ; qu'en effet, le premier acte interruptif de prescription étant constitué par l'assignation délivrée le 19 janvier 2009, toute action à cet égard est prescrite depuis le 19 janvier 2004 ;
Qu'en revanche, et en application de l'article 2240 du code civil, il y a lieu de constater que ne sont pas prescrites les demandes concernant les sinistres survenus pendant la période de garantie, soit au plus tard le 31 décembre 2003, et pour lesquelles la CAPAVES PREVOYANCE a continué de verser des prestations postérieurement au 19 janvier 2004, premier jour de la période non couverte par la prescription, ces versements constituant la reconnaissance par elle des droits de la commune de [Localité 4] ;
Sur le maintien des prestations en cours de versement au 31 décembre 2003
Considérant, selon l'article 7 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques, que lorsque des assurés ou des adhérents sont garantis collectivement contre les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, le risque décès ou les risques d'incapacité ou d'invalidité, la résiliation ou le non-renouvellement du contrat ou de la convention est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées durant son exécution ; que le versement des prestations de toute nature se poursuit à un niveau au moins égal à celui de la dernière prestation due ou payée avant la résiliation ou le non-renouvellement
Considérant que pour rejeter les demandes présentées par la commune de [Localité 4], à l'exception des demandes concernant les salariés [M], [T], [DG], [Q] et [A] pour lesquelles elle a donné acte à la CAPAVES PREVOYANCE de son accord pour prendre en charge le remboursement du maintien de traitement relatif à leurs arrêts de travail antérieurs au 31 décembre 2003, les premiers juges ont constaté que les arrêts de travail concernant les autres salariés étaient tous postérieurs au 1er janvier 2004, et qu'à la date du 31 décembre 2003, ils ne se trouvaient pas en situation de congé pour raison de santé ;
Qu'en cause d'appel, la commune de [Localité 4] fait valoir que les dispositions de l'article 4 des contrats, suivant lesquelles 'les prestations en espèces en cours de service sont maintenues au niveau atteint lors de la résiliation', outre qu'elles sont contraires aux dispositions d'ordre public de la loi du 31 décembre 1989 susvisée dite Loi Evin, ne s'appliquent pas en l'espèce, s'agissant d'un non-renouvellement, et non d'une résiliation ;
Que la commune de [Localité 4] relève par ailleurs que l'article 19 des contrats prévoit que 'le paiement des prestations en espèces cesse au jour de la reprise du travail par l'agent, sachant que les durées de rechutes sont prises en charge ' et réclame le bénéfice de cette disposition contractuelle qui, selon elle, s'applique aux salariés suivants :
d'instruction légalement admissible ;
Considérant que l'examen des pièces régulièrement produites aux débats révèle que la Commission de réforme interdépartementale de la petite couronne postérieurement au 1er janvier 2004 a émis des avis favorables à des arrêts de travail ayant débuté avant le 1er janvier 2004 et s'étant poursuivi au-delà ; que dans d'autre cas, des rechutes, dont il est allégué qu'elles ont pour origine un événement qui est intervenu pendant la période de garantie, se sont produites postérieurement au 1er janvier 2004;
Que la cour n'étant pas en mesure de liquider le montant des sommes dues, le cas échéant, par la CAPAVES PREVOYANCE en raison de la difficulté technique d'effectuer, en l'état des éléments en sa possession, un rapprochement entre les périodes concernées et les prestations en espèces dont la commune de [Localité 4] demande le remboursement, il convient de désigner un expert missionné dans les termes fixés au dispositif du présent arrêt ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt CONTRADICTOIRE et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a constaté la prescription de l'action engagée par la commune de [Localité 4] en ce qu'elle concerne des demandes concernant des arrêts de travail n'ayant donné lieu à aucun versement postérieurement à la période couverte par la prescription ;
AVANT DIRE DROIT sur toutes les demandes des parties,
ORDONNE une expertise,
COMMET pour y procéder
M. [L] [F], expert comptable
[Adresse 2]
[Localité 1]
avec pour mission de :
- convoquer les parties et leurs conseils et recueillir leurs observations éventuelles ;
- examiner tous justificatifs des arrêts de travail des agents [J] [E], [O] [V], [HH] [R], [FY] [Y], [U] [G], [HC] [Z], [N] [P], [EP] [C], [GN] [W], [D] [X], [B] [H], [DW] [CA], [AE] [AJ], [S] [HW], [I] [GS], [BE] [GD] et [K] [DQ], et tous justificatifs des prestations en espèces dues et versées ;
- identifier les cas dans lesquels les agents concernés ont perçu de la CAPAVES PREVOYANCE postérieurement au 13 janvier 2004 des prestations en espèces à raison d'événements intervenus antérieurement au 1er janvier 2004 ;
- rechercher, parmi les agents ainsi identifiés, ceux dont la situation d'arrêt de travail s'est prolongée au-delà du 1er janvier 2004, et ceux qui ont fait l'objet d'une rechute liée à un événement s'étant produit avant le 31 décembre 2003 ;
- récapituler, pour chacun des agents concernés, le montant des prestations en espèces servies par la commune de [Localité 4] et déduire de ces sommes celles versées à cette dernière par la CAPAVES PREVOYANCE ;
DIT que l'expert désigné pourra solliciter l'avis de tout sachant, et notamment d'un représentant du corps médical ;
DIT que la commune de [Localité 4] devra consigner la somme de 2.000 euros à titre de provision à valoir sur la rémunération de l'expert, dans un délai d'UN MOIS ;
DIT que l'expert devra déposer son rapport au service du contrôle des expertises de la cour dans un délai de 6 mois à compter du jour où il aura été saisi de sa mission ;
SURSOIT à statuer sur les autres demandes ;
RENVOIE l'affaire à la mise en état du 7 février 2013 pou vérifier la consignation ;
RÉSERVE les dépens ;
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT,