COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80CJ. M.
5ème Chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 11 OCTOBRE 2012
R. G. No 11/ 01883
AFFAIRE :
Jean Jules X...
C/
Me Pascal Y...-Mandataire liquidateur de la Société SVH
UNEDIC AGS CGEA ORLEANS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Avril 2011 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de CHARTRES
Section : Industrie
No RG : 10/ 00409
Copies exécutoires délivrées à :
Me Perrine CHABOCHE
Me Wilfried MOULAY
Copies certifiées conformes délivrées à :
Jean Jules X...
Me Pascal Y...-Mandataire liquidateur de la Société SVH
UNEDIC AGS CGEA ORLEANS
le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE ONZE OCTOBRE DEUX MILLE DOUZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur Jean Jules X...
né le 01 Mars 1951 à CROISSY SUR SEINE (78290)
Chez Mme Z...
...
28130 ST PIAT
comparant en personne, assisté de Me Perrine CHABOCHE de la SCP DALLE CHABOCHE PASQUET, avocat au barreau de CHARTRES
(Bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale selon ordonnance du premier président de la cour d'appel de Versailles en date du 19 avril 2012)
APPELANT
****************
Me Pascal Y...-Mandataire liquidateur de la Société SVH
...
28004 CHARTRES
représenté par Me Wilfried MOULAY de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de CHARTRES substitué par Me Manal BEN AMAR de la SELARL FIDAL, avocat au barreau de CHARTRES
UNEDIC AGS CGEA ORLEANS
8 Place du Martroi
45000 ORLEANS
représenté par Me Wilfried MOULAY de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de CHARTRES substitué par Me Manal BEN AMAR de la SELARL FIDAL, avocat au barreau de CHARTRES
INTIMÉS
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Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Septembre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Jeanne MININI, Président chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Jeanne MININI, Président,
Monsieur Hubert LIFFRAN, Conseiller,
Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Hélène AVON,
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Invoquant avoir travaillé pour le compte de la société SVH en qualité d'opérateur de prise de vue à compter du 1er mars 2009, sans avoir pu obtenir le paiement de ses salaires, M. Jean Jules X... a fait convoquer le 9 juillet 2010 M. Pascal Y..., mandataire liquidateur de cette société, devant le conseil de prud'hommes de Chartres afin d'obtenir :
- d'une part la reconnaissance de son emploi salarié et le versement des salaires impayés,
- d'autre part la résiliation du contrat de travail aux torts de son employeur du fait du non paiement de ses salaires, cette résiliation produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et emportant paiement des indemnités conventionnelles de rupture du contrat de travail et des dommages-intérêts au titre de la rupture abusive du contrat de travail,
- enfin la condamnation de son employeur au paiement de dommages-intérêts du fait de l'absence de déclaration de son embauche auprès des organismes sociaux.
M. Pascal Y..., mandataire liquidateur de la société SVH, désigné pour occuper de telles fonctions selon décision rendue par le tribunal de commerce de Chartres en date du 7 avril 2010, a contesté à M. Jean Jules X... la qualité de salarié de la société SVH.
Par jugement en date du 28 avril 2011 le conseil de prud'hommes a débouté M. Jean Jules X... de l'ensemble de ses demandes.
M. Jean Jules X... a régulièrement relevé appel de cette décision.
Vu les conclusions déposées et développées oralement à l'audience du 6 septembre 2012 par lesquelles il demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :
- de dire qu'il a été embauché par la société SVH, dont son frère Christian était l'un des dirigeants et fondateurs, selon un contrat de travail à durée indéterminée verbal qui a pris effet à compter du 1er mars 2009, date du début d'exploitation de la société,
- de faire injonction à la société SVH d'effectuer une déclaration unique d'embauche,
- de dire que le poste occupé correspondait à un poste d'opérateur de prise de vue (photographe de plateau correspondant à la filière F niveau III B de la convention collective nationale de la production audiovisuelle) moyennant une rémunération mensuelle brute de 1 905, 87 euros,
- de prononcer à ce jour la résiliation judiciaire du contrat de travail du fait du non paiement des salaires, cette résiliation produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- de fixer en conséquence sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société SVH aux sommes de :
* 1 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à l'absence de déclaration auprès des organismes sociaux,
* 79 646, 54 euros à titre de rappels de salaires outre les congés payés afférents,
* 11 435, 22 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,
* 1 905, 87 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents,
* 1 334, 10 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- d'ordonner la remise des bulletins de paie, d'un certificat de travail, d'un solde de tout compte et d'une attestation destinée au Pôle emploi conformes à la décision à intervenir,
- de dire que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter de la présente demande,
- de condamner la société SVH, représentée par M. Pascal Y..., au paiement d'une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- d'ordonner la garantie de l'UNEDIC Délégation AGS-CGEA d'Orléans.
M. Pascal Y..., mandataire liquidateur de la société SVH, a conclu à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de M. Jean Jules X... au paiement de la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il fait valoir que M. Jean Jules X... ne peut sérieusement soutenir qu'il est resté au service d'une entreprise sans avoir reçu aucun salaire pendant de très nombreux mois sans élever aucune protestation. Il fait observer que si M. Jean Jules X... a effectivement participé, aux côtés de son frère, à la création de la société SVH pour autant il ne démontre pas l'existence d'un travail technique dans un lien de subordination.
L'UNEDIC Délégation AGS-CGEA d'Orléans a repris la même argumentation que celle développée par M. Pascal Y...ès qualités et pour le surplus a rappelé que sa garantie devait être limitée aux seules dispositions prévues par le code du travail.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé plus complet des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience du 6 septembre 2012.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Considérant que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur ;
Considérant que pour prétendre être lié avec la société SVH par un contrat de travail, M. Jean Jules X... doit démontrer qu'il a exercé son activité en se mettant à la disposition de cette personne morale sous la subordination de laquelle il s'est placé moyennant une rémunération ;
Considérant enfin que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ;
Considérant au cas présent qu'il résulte des documents produits aux débats, qu'après avoir effectué diverses prestations pour permettre la création de la société SVH (société implantée sur le territoire de la commune de La Loupe et ayant pour objet la production et la gestion d'un site internet Web-Tv) aux côtés de ses fondateurs (son frère Christian et Jean-Louis A...), M. Jean Jules X... a occupé des fonctions de photographe au début de l'année 2010 selon les informations diffusées par la société sur son site internet et remises à la clientèle ;
Considérant que les attestations produites aux débats établissent la réalité de la présence de M. Jean Jules X... au sein de la société SVH pour y occuper des fonctions de photographe ; qu'en raison de la petite taille de l'entreprise et des liens familiaux et personnels unissant M. Jean Jules X... à son frère et au gérant de la société SVH, l'absence de directives écrites ne vient pas contredire l'affirmation de M. Jean Jules X... concernant l'exécution par lui d'instructions données par les dirigeants pour assurer l'exécution de fonctions limitées à quelques reportages et photographies ; qu'ainsi il convient de retenir que M. Jean Jules X... était lié à la société SVH par un contrat de travail ; qu'ainsi le jugement déféré doit être réformé ;
Considérant toutefois qu'il convient de dire que ce contrat de travail :
- n'a pris effet qu'à compter du 4 janvier 2010 dès lors qu'il résulte des documents produits aux débats par M. Jean Jules X... que la société SVH, bien qu'ayant déclaré un début d'exploitation au 18 mars 2009 lors de son immatriculation au registre du commerce, n'a commencé à assurer une diffusion de ses programmes qu'à compter du 7 mars 2010 et dès lors que les premiers salariés ayant fait l'objet d'une déclaration d'embauche n'ont commencé leur activité professionnelle qu'à compter du 4 janvier 2010,
- n'a concerné qu'un emploi entrant dans la catégorie des emplois de catégorie A, filière O, niveau III B de la convention collective nationale de la production audiovisuelle, les fonctions de M. Jean Jules X... se rattachant à celles d'attaché de presse en l'absence de toute justification par lui de diplômes ou d'une expérience professionnelle dans l'activité de photographe de plateau,
- a pris fin à la date d'ouverture de la procédure collective dès lors qu'à compter de cette date aucun travail n'a été réalisé par M. Jean Jules X... qui ne démontre nullement être resté à la disposition de l'entreprise pour assurer l'exécution de tâches déterminées,
Considérant que l'absence de paiement par la société SVH à M. Jean Jules X... des salaires dus en exécution d'une activité effective à compter du 4 janvier 2010 (hormis le versement de la somme de 400 euros en mars 2010) justifie la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'entreprise, cette résiliation produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du 7 avril 2010 ;
Considérant en conséquence que M. Jean Jules X... peut prétendre, sur la base d'une rémunération mensuelle brute de 1 775, 86 euros, à la fixation de ses créances au passif de la liquidation judiciaire de la société SVH à concurrence des sommes de :
-500 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de déclaration d'embauche auprès des organismes sociaux, aucune déclaration d'embauche ne pouvant faire l'objet à ce jour de régularisation,
-5 105, 16 euros à titre de rappels de salaire pour la période du 4 janvier 2010 au 7 avril 2010, déduction faite de la somme perçue de 400 euros, outre les congés payés afférents,
-828, 73 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (14 jours selon les dispositions prévues par la convention collective) outre les congés payés afférents,
-1 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à la rupture abusive du contrat de travail,
Considérant que M. Jean Jules X... ayant une ancienneté inférieure à une année ne peut prétendre au paiement d'une indemnité conventionnelle de licenciement ;
Considérant que l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de la société SVH a arrêté le cours des intérêts ;
Considérant enfin que M. Jean Jules X... étant bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, aucune autre indemnité n'est due au titre des frais de procédure exposés au sens des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Statuant par mise à disposition au greffe et par décision contradictoire,
INFIRME le jugement rendu le 28 avril 2011 par le conseil de prud'hommes de Chartres,
DIT que M. Jean Jules X... était lié à la société SVH selon un contrat de travail au cours de la période du 4 janvier 2010 au 7 avril 2010 et a occupé un poste correspondant aux fonctions d'attaché de presse selon la classification prévue par la convention collective nationale de la production audiovisuelle,
PRONONCE à la date du 7 avril 2010 la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société SVH, résiliation produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
FIXE en conséquence la créance de M. Jean Jules X... au passif de la liquidation judiciaire de la société SVH aux sommes de :
• 5 105, 16 euros à titre de rappel de salaire outre 510, 51 euros au titre des congés payés afférents,
• 828, 73 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 82, 87 euros au titre des congés payés afférents,
• 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,
• 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à l'absence de déclaration d'embauche,
DIT que l'UNEDIC Délégation AGS-CGEA d'Orléans sera tenue au paiement de ces créances dans les limites fixées par les dispositions légales et réglementaires applicables à sa garantie et sur justification par les représentants judiciaires de la société de l'absence de fonds disponibles dans l'entreprise,
ORDONNE la remise par M. Pascal Y...ès qualités à M. Jean Jules X... d'un bulletin de paie, d'un certificat de travail et d'une attestation destinée au Pôle emploi conformes à la présente décision,
DÉBOUTE M. Jean Jules X... du surplus de ses demandes,
DÉBOUTE M. Pascal Y..., ès qualités, de sa demande reconventionnelle,
CONDAMNE M. Pascal Y..., ès qualités de mandataire liquidateur de la société SVH, aux dépens.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et signé par Madame Jeanne MININI, président et Madame Céline FARDIN, greffier auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT