COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 89A
J. M.
5ème Chambre
ARRET No
RÉPUTÉ
CONTRADICTOIRE
DU 11 OCTOBRE 2012
R. G. No 11/ 03761
AFFAIRE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES YVELINES
C/
Me Olivier X...- Mandataire liquidateur de la Société POLYFILMS
...
MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Septembre 2011 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VERSAILLES
No RG : 10/ 00152
Copies exécutoires délivrées à :
Me Hubert MARTIN DE FREMONT
Me Philippe QUIMBEL
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES YVELINES
Copies certifiées conformes délivrées à :
Me Olivier X...- Mandataire liquidateur de la Société POLYFILM
Y...
TASS de VERSAILLES
le : REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE ONZE OCTOBRE DEUX MILLE DOUZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES YVELINES
78085 VERSAILLES CEDEX 9
représentée par Mme Céline BARBE en vertu d'un pouvoir général
APPELANTE ET INTIMÉE INCIDENTE
****************
Me Olivier X...- Mandataire liquidateur de la Société POLYFILMS
...
78000 VERSAILLES
représenté par Me Hubert MARTIN DE FREMONT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 substitué par Me Séverine MAUSSION, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 133
INTIMÉ ET APPELANT INCIDENT
Monsieur Y...
...
78930 VERT
représenté par Me Philippe QUIMBEL, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C227
INTIMÉ
****************
MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE
...
75935 PARIS CEDEX 19
non représentée
PARTIE INTERVENANTE
******************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 04 Septembre 2012, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Jeanne MININI, Président,
Monsieur Hubert LIFFRAN, Conseiller,
Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Hélène AVON
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines a relevé appel d'un jugement rendu le 8 septembre 2011 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Versailles qui, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, a :
- dit que la société Polyfilms a commis une faute inexcusable à l'origine de l'accident du travail survenu le 24 juillet 2004 à M. Y...,
- ordonné la majoration au taux maximum de la rente accordée à M. Y...,
- alloué une provision de 50 000 euros à M. Y... à valoir sur la liquidation de son préjudice, provision à verser par la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines conformément à l'article L. 452-3 dernier alinéa du code de la sécurité sociale,
- fait droit à la demande de M. Y... au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 3 000 euros,
- rappelé que conformément aux dispositions précitées la réparation des préjudices sera versée directement à M. Y... par la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines,
- fixé la créance de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines au passif de la société Polyfilms à hauteur de 50 000 euros au titre de la provision et à hauteur de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- sursis à statuer sur les préjudices personnels de M. Y...,
- ordonné, avant dire droit sur les préjudices visés à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale et ceux indemnisables à la suite de l'arrêt du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010, une expertise médicale confiée au docteur Z...avec une mission détaillée.
La société SMJ (M. Olivier X...), mandataire liquidateur de la société Polyfilms, a formé appel incident.
***
Il convient de rappeler que M. Y..., né le 10 juillet 1981, salarié de la société Polyfilms en qualité d'ouvrier qualifié polyvalent depuis le 1er octobre 2001, a été victime le 24 juillet 2004 d'un grave accident au sein de l'entreprise. En effet, en essayant, à l'aide d'une paire de ciseaux, de procéder à l'enlèvement d'un enroulement de scotch sur un presseur (assurant la fabrication de films de polypropylène à destination alimentaire), M. Y... a eu la main droite écrasée entre les rouleaux de la machine. Il a été transporté immédiatement à l'hôpital pour une amputation distale du pouce et de tous les doigts longs de la main droite.
La caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines a reconnu l'accident au titre de la législation professionnelle. Après consolidation des blessures, une rente a été attribuée à M. Y... à compter du 6 août 2009 en fonction d'une incapacité permanente évaluée à 100 %.
La société Polyfilms a été placée en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire selon jugements en date des 2 juillet 2009 et 7 janvier 2010 rendus par le tribunal de commerce de Versailles ayant désigné M. Olivier X... en qualité de mandataire liquidateur.
M. Y... a été licencié par le mandataire liquidateur le 20 janvier 2010 après cessation de toute activité de la société Polyfilms.
***
Devant la cour et selon conclusions déposées et développées oralement à l'audience du 4 septembre 2012, la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines se soutient plus son appel portant sur la mise à sa charge de l'avance de l'ensemble des indemnisations des préjudices subis par M. Y... depuis les arrêts rendus par la Cour de cassation le 4 avril 2012 qui ont posé l'obligation pour les caisses d'avancer à la victime l'indemnisation des préjudices y compris ceux non prévus par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale. Par contre, elle maintient sa demande tendant à obtenir l'infirmation du jugement en ce qu'il a mis à sa charge le versement d'une indemnité à la victime sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Pour le surplus, elle s'oppose aux demandes complémentaires formulées à son encontre par M. Y... en faisant valoir qu'elle a régulièrement versé la provision ordonnée par les premiers juges ainsi que l'indemnité forfaitaire fixée par l'article L. 452 du code de la sécurité sociale et que par voie de conséquence l'appel relevé par elle n'a pas eu pour effet de retarder l'indemnisation provisoire des préjudices subis par M. Y....
M. Y... a fait observer que l'appel relevé par la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines est irrecevable dès lors qu'en première instance elle s'en était rapportée à justice sur l'ensemble des réclamations qu'il avait formulées. Il a sollicité pour le surplus la confirmation du jugement déféré et la condamnation de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines au paiement des sommes de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société SMJ (prise en la personne de M. Olivier X...), mandataire liquidateur de la société Polyfilms, a formé appel incident afin de voir réformer le jugement ayant fixé la créance de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines au passif de la société Polyfilms à concurrence de l'indemnité provisionnelle (50 000 euros) et des frais de procédure (3 000 euros) alors que cet organisme social ne s'est pas soumis à la procédure de vérification des créances dans le cadre de la procédure collective n'ayant ni déclaré sa créance ni obtenu un relevé de forclusion. En sa qualité de mandataire liquidateur, la société SMJ a donc conclu au rejet de la demande de fixation de la créance de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines au passif de la liquidation judiciaire de la société Polyfilms.
Régulièrement convoquée, la Mission nationale de contrôle et d'audit des organismes de sécurité sociale n'est ni présente ni représentée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Considérant que si la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines a déclaré, devant la juridiction de première instance de sécurité sociale, s'en rapporter à justice sur l'ensemble des demandes d'indemnisation présentées par M. Y..., pour autant elle n'a pas renoncé à se prévaloir des droits qui lui sont propres et qui résultent de l'application des articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale, sa position devant la juridiction de première instance s'étant limitée à une absence de contestation quant au bien-fondé de la demande en reconnaissance d'une faute inexcusable de la société Polyfilms à l'origine de l'accident du travail et quant au montant des indemnisations susceptibles d'être allouées à la victime après désignation d'un expert pour en permettre l'évaluation ; qu'ainsi l'appel de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines est recevable en ce qu'il porte sur l'étendue de son obligation à faire l'avance de l'ensemble des indemnisations hors de l'application stricte des dispositions prévues par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale et en ce qu'il porte sur la mise à sa charge des frais de procédure exposés par M. Y... pour faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur ;
Considérant que la recevabilité de l'appel de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines entraîne la recevabilité de l'appel incident formé par le mandataire liquidateur de la société Polyfilms ;
Considérant qu'aucune critique n'étant présentée par aucune des parties quant à la faute inexcusable de la société Polyfilms à l'origine de l'accident du travail dont M. Y... a été victime le 24 juillet 2004, il convient de confirmer le jugement de ce chef ;
Considérant toutefois que M. Y... étant atteint d'une incapacité permanente de 100 % ne peut prétendre à une majoration de la rente, le montant perçu par l'intéressé étant déjà égal au montant de son salaire ; qu'en ce cas M. Y... pouvait prétendre au versement de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ; qu'il convient de relever que la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines a justifié avoir versé à M. Y... la somme de 17 038, 66 euros au titre de cette indemnité forfaitaire ; qu'ainsi de ces chefs le jugement déféré doit être réformé ;
Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines ne conteste plus devoir faire l'avance à M. Y... de l'indemnité provisionnelle de 50 000 euros à valoir sur la liquidation de ses préjudices définitifs, en l'état des décisions rendues par la Cour de cassation le 4 avril 2012 qui ont, pour la première fois et sans ambiguïté, posé le principe d'une obligation pour les caisses primaires d'assurance maladie de faire l'avance aux victimes des indemnisations des préjudices, y compris des préjudices non prévus par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale tels qu'ils ont été déterminés par le Conseil constitutionnel dans sa décision en date du 18 juin 2010 qui a élargi l'étendue de la réparation des préjudices des victimes d'accident du travail consécutifs à la faute inexcusable de leur employeur sans toutefois poser le principe d'une réparation intégrale ;
Considérant qu'il convient de relever que la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines a justifié avoir versé la provision de 50 000 euros selon courrier en date du 10 octobre 2011 ; qu'ainsi l'appel relevé par la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines n'a pas porté préjudice à M. Y... qui a perçu l'indemnisation fixée par les premiers juges ; que par voie de conséquence la demande reconventionnelle présentée par M. Y... à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive doit être rejetée ;
Considérant que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a ordonné une expertise confiée au docteur Z...pour procéder à l'examen de M. Y... et déterminer l'étendue des préjudices dont il reste atteint ;
Considérant par contre qu'en ce qui concerne l'action récursoire de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines vis-à-vis de la liquidation judiciaire de la société Polyfilms, il n'est pas contesté que, postérieurement à l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de cette société, selon jugement du tribunal de commerce de Versailles en date du 2 juillet 2009, l'organisme social n'a procédé à aucune déclaration de créance ni sollicité un relevé de forclusion alors que la créance invoquée à l'encontre de cet employeur trouve son origine dans la faute de celui-ci de sorte qu'elle était antérieure au jugement d'ouverture ; qu'ayant omis de se soumettre à la procédure de déclaration et de vérification des créances, la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines ne peut plus exercer son action récursoire à l'encontre de la société Polyfilms pour obtenir le remboursement de l'indemnité provisionnelle versée par elle ; qu'ainsi de ce chef également le jugement doit être réformé ;
Considérant enfin qu'il n'est pas inéquitable de laisser supporter aux parties la totalité des frais exposés pour la défense de leurs intérêts ; qu'ainsi aucune indemnité n'est attribuée au sens des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; que par voie de conséquence le jugement déféré sera réformé de ce chef ;
PAR CES MOTIFS
Statuant par mise à disposition au greffe et par décision réputée contradictoire,
DÉCLARE recevables en la forme l'appel principal de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines et l'appel incident de la société SMJ (M. Olivier X...) prise en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Polyfilms,
CONFIRME le jugement rendu le 8 septembre 2011 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Versailles en ce qu'il a :
- dit que la société Polyfilms a commis une faute inexcusable à l'origine de l'accident du travail dont M. Y... a été victime le 24 juillet 2004,
- alloué à M. Y... une indemnité provisionnelle de 50 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices définitifs,
- dit que la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines doit faire l'avance du paiement de cette indemnité provisionnelle,
- ordonné une expertise médicale de M. Y... confiée au docteur Z...,
L'INFIRME pour le surplus et statuant à nouveau :
DIT n'y avoir lieu à majoration de la rente dès lors que le montant perçu par M. Y... est déjà égal au montant de son salaire,
CONSTATE le versement par la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale,
DÉCLARE irrecevable l'action récursoire de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines à l'encontre de la liquidation judiciaire de la société Polyfilms pour obtenir le remboursement de l'indemnité provisionnelle versée à M. Y...,
DÉBOUTE M. Y... de sa demande reconventionnelle dirigée contre la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
RENVOIE l'affaire et les parties devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Versailles pour qu'il soit statué sur les demandes de M. Y... au titre de la liquidation définitive de ses préjudices personnels.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et signé par Madame Jeanne MININI, président et Madame Céline FARDIN, greffier auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT