COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
CRF
Code nac : 80A
5ème Chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 11 OCTOBRE 2012
R.G. No 11/02493
AFFAIRE :
Joël X...
C/
SNC J.C.B
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Juin 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY
Section : Encadrement
No RG : 09/00783
Copies exécutoires délivrées à :
Me Olivier DUPUY
Me Jérôme CHOMEL DE VARAGNES
Copies certifiées conformes délivrées à :
Joël X...
SNC J.C.B
le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE ONZE OCTOBRE DEUX MILLE DOUZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur Joël X...
...
28500 OUERRE
comparant assisté de Me Olivier DUPUY de la SELARL CABINET JURIDIQUE CHARTRAIN, avocat au barreau de CHARTRES
APPELANT
****************
SNC JCB ILE DE FRANCE
5 rue du Vignolle
Zone d'activités
95842 SARCELLES CEDEX
non comparant représenté par Me Jérôme CHOMEL DE VARAGNES de la SCP CABINET EQUIPAGE AVOCATS, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Septembre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Conseiller chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Jeanne MININI, Président,
Monsieur Hubert LIFFRAN, Conseiller,
Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Céline FARDIN,
EXPOSÉ DES FAITS,
La société JCB exerce une activité spécialisée dans le domaine de la vente et de la réparation de pelles mécaniques et divers engins de travaux publics ; employant plus de dix salariés, elle applique la convention collective de la métallurgie.
M. X... a été engagé en qualité de délégué commercial par contrat de travail à durée indéterminée du 3 septembre 2007 et la moyenne des douze derniers mois de salaire était de 4722 €.
Convoqué le 10 octobre 2008 à un entretien préalable fixé le 27 octobre, M. X... a été licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre datée du 27 octobre 2008 ainsi rédigée :
« (…) en effet, entré au service de notre société au mois d'octobre 2007, en qualité de délégué commercial, vous ne parvenez pas, au bout d'une année, à assumer vos fonctions de façon satisfaisante...
A fin septembre 2008, vous ne totalisez que 5 ventes. Pour mémoire, votre objectif était fixé à 50 ventes en 2008. Nous en sommes donc très loin.
Même si nous faisions abstraction de tout objectif, vos résultats restent, de toute évidence, très insuffisants par rapport à ceux enregistrés par vos collègues. Tous réalisent en effet de meilleures performances, leurs résultats à fin septembre pouvant atteindre plus de quatre fois les vôtres.
Manifestement, votre approche commerciale ne convient pas à vos interlocuteurs ….
Nous vous avions alerté par courrier du 14 avril dernier, sur la nécessité d'améliorer la situation. Malheureusement, nous n'avons enregistré aucune amélioration, bien au contraire…. ».
Par jugement du 1er juin 2011, le conseil de prud'hommes de Montmorency a débouté M. X... de ses demandes tendant au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, privation du bénéfice de la priorité de réembauchage et de la convention de reclassement.
M X... a régulièrement relevé appel de cette décision.
Vu les écritures déposées et développées à l'audience du 14 septembre 2012 par lesquelles M. X... conclut à l'infirmation du jugement en faisant valoir qu'il n'a pas reçu la lettre datée du 14 avril 2008 ; que la société l'a licencié quatre jours avant un séminaire de vente et avant la fin de l'année 2008 à l'issue de laquelle ses objectifs étaient de 50 ventes ; que cet objectif n'était pas compatible avec la conjoncture économique d'autant qu'en juillet 2008, la société a annoncé une baisse de 20 % de ses objectifs de production pour le 2ème semestre, que son chiffre d'affaires a reculé de 12 %, que des licenciements économiques ont été présentés au comité d'entreprise le 14 novembre 2008 soit deux semaines après son propre licenciement ; qu'il n'a pas bénéficié des critères d'ordre des licenciements économiques, de l'obligation de reclassement et de la priorité de réembauchage.
M X... dit avoir trouvé un emploi deux fois moins rémunéré dix-huit mois après son licenciement et demande à la cour de :
-dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- requalifier le licenciement en licenciement économique avec toutes conséquences indemnitaires attachées ;
- condamner la société au paiement des sommes de :
*47 220 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*9 444 € pour perte de la priorité de réembauchage,
*9 444 € pour absence de proposition de convention de reclassement personnalisé,
*3000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société répond que M.. X... a émargé la lettre datée du 14 avril 2008 ; que l'insuffisance de résultats constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement dès lors qu'elle procède d'une insuffisance professionnelle ou d'une faute ; qu'elle peut être établie au regard des résultats du salarié par rapport à ceux de ses collègues qui ont réalisé quatre fois plus de ventes ; que M. X... ne conteste pas la faiblesse de ses résultats alors que le nombre de ses ventes (5) au 30 octobre 2008 ne lui permettait pas d'atteindre l'objectif de 50 ventes à la fin du mois de décembre suivant ; que les départements 28 et 78 étaient porteurs grâce au nombreuses sociétés de BTP ; que le séminaire prévu pour les 14 et 15 octobre 2008 a été supprimé, M X... ayant cependant suivi une formation les 10 et 11 juin 2008 ; que si la société a enregistré une chute brutale et spectaculaire de son chiffre d'affaires à la toute fin de l'année 2008, la circonstance qu'un licenciement soit notifié peu avant l'apparition de difficultés économiques ne suffit pas à le qualifier d' économique ; qu'elle communique le registre du personnel écartant un licenciement dissimulant une rupture pour cause économique.
La société JCB Ile de France demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en déboutant M. X... de toutes ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 2 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues à l'audience du 14 septembre 2012.
MOTIFS DE LA DÉCISION,
Considérant que l'insuffisance de résultats peut fonder un licenciement dès lors qu'elle repose sur une faute du salarié ou une insuffisance professionnelle ; que les objectifs assignés au salarié doivent être réalistes au regard des circonstances économiques ;
Considérant que M. X... ne conteste pas le chiffre de 5 ventes réalisées de janvier à septembre 2008 ; que sa signature est portée sur la lettre de rappel à l'ordre datée du 14 avril 2008 ; que les résultats non contestés de ses collègues, tels que figurant sur des tableaux produits, sont supérieurs aux siens, atteignant 9, 13 voire 21 ventes ; que la lettre de licenciement vise l'insuffisance de ces résultats comparés tout en évoquant « pour mémoire » l' objectif fixé de 50 ventes pour l'année 2008 ; que cependant, la non atteinte d'un objectif annuel ne peut fonder un licenciement trois mois avant l'issue de l'année ; que les difficultés économiques rencontrées par la société - dont le comité d'entreprise a été informé du projet de licencier moins de dix salariés en novembre 2008 au regard de l'impact de la crise mondiale sur le nombre des ventes dont les prévisions ont été revues à la baisse en juillet, septembre et octobre 2008 - ne permettent pas de retenir la faute de M. X... ou son insuffisance professionnelle ; que les résultats des collègues de M. X... ne peuvent être comparés au résultat enregistré par ce dernier eu égard d'une part au nombre deux voire trois fois plus élevé de départements confiés (4 au salarié BH, 6 au salarié JLB) à chacun de ces collèges et d'autre part à la modification du territoire confié à M. X... entre la lettre de rappel à l'ordre du 14 avril 2008 et le licenciement litigieux (départements 78 et 92 puis 78 et 28) : que le contexte et les pièces versées ne permettent pas de retenir la cause réelle et sérieuse du licenciement querellé ;
Considérant que le défaut de bien fondé du licenciement de M. X... n'emporte pas sa requalification en licenciement économique non retenu par la lettre de licenciement ; que M. X... sera indemnisé du préjudice subi sur le fondement de l'article L1235-5 du code du travail ; que M. X... qui ne verse qu'une attestation de paiement d' indemnités de chômage pour le mois de mai 2010 recevra la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause et sera débouté de ses demandes afférentes à la privation d'une convention de reclassement personnalisé ou de la priorité de réembauchage ;
Considérant que la société sera condamnée au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que la société qui succombe supportera les dépens ;
PAR CES MOTIFS,
La COUR, statuant par mise à disposition au greffe, et par décision CONTRADICTOIRE,
INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Montmorency du 1er juin 2011 et statuant à nouveau :
Dit le licenciement de M X... dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société JCB Ile de France à payer à M X... la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Déboute les parties des autres demandes ;
Condamne la société JCB Ile de France à payer à M X... la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société JCB Ile de France aux dépens.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile
Signé par Madame Jeanne MININI, Président et par Madame Céline FARDIN, Greffier auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,