COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
CRF
Code nac : 80A
5ème Chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 11 OCTOBRE 2012
R.G. No 11/02492
AFFAIRE :
Jérôme X...
C/
SNC JCB ILE DE FRANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Juin 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY
Section : Encadrement
No RG : 09/00782
Copies exécutoires délivrées à :
Me Olivier DUPUY
Me Jérôme CHOMEL DE VARAGNES
Copies certifiées conformes délivrées à :
Jérôme X...
SNC JCB ILE DE FRANCE
le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE ONZE OCTOBRE DEUX MILLE DOUZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur Jérôme X...
...
78330 FONTENAY LE FLEURY
comparant assisté de Me Olivier DUPUY de la SELARL CABINET JURIDIQUE CHARTRAIN, avocat au barreau de CHARTRES
APPELANT
****************
SNC JCB ILE DE FRANCE
5 rue du Vignolle
Zone d'activités
95842 SARCELLES CEDEX
non comparant représenté par Me Jérôme CHOMEL DE VARAGNES de la SCP CABINET EQUIPAGE AVOCATS, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Septembre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Conseiller chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Jeanne MININI, Président,
Monsieur Hubert LIFFRAN, Conseiller,
Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Céline FARDIN,
EXPOSÉ DES FAITS,
La société JCB Ile de France exerce une activité spécialisée dans le domaine de la vente et de la réparation des pelles mécaniques et divers engins de travaux publics ; employant plus de dix salariés, elle applique la convention collective de la métallurgie.
M. X... a été engagé en qualité de délégué commercial selon contrat de travail à durée indéterminée du 1er octobre 2005 et son dernier salaire mensuel moyen était de 5082 €.
Convoqué le 10 octobre 2008 à un entretien préalable fixé le 27 suivant, M X... a été licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre datée du 30 octobre 2008 ainsi rédigée :
« ..après une année 2007 déjà décevante, votre prestation de travail en 2008 ne nous donne pas satisfaction.
Ces ainsi que, à fin septembre 2008, vous ne totalisez que 18 ventes. Pour mémoire, votre objectif était fixé à 50 ventes en 2008. Nous en sommes donc très loin.
Même si nous faisons abstraction de tout objectif, vos résultats restent de toute évidence très insuffisants par rapport à ceux enregistrés par vos collègues dans des secteurs qui ne sont pas meilleurs que le vôtre.
Vos résultats particulièrement faibles ne peuvent s'expliquer ni par les caractéristiques de votre secteur - qui comprend des départements où nous sommes historiquement bien implantés-ni par le contexte économique. Ce dernier n'empêche pas en effet la plupart de vos collègues d'enregistrer de bien meilleurs résultats que les vôtres.
Ce bilan décevant s'explique par votre incapacité à prospecter efficacement :vous n'apportez aucun nouveau client à JCB Ile de France , vous contentant de travailler avec ceux qui vous préexistaient. Votre plus gros client est actuellement la société Somalo dont le dirigeant, transfuge d'un client important de JCB, s'est spontanément tourné vers JCB pour reproduire l'activité qu'il exerçait chez son précédent employeur. Il ne s'agit pas d'une véritable conquête commerciale de votre part.
Nous vous avions alerté par courrier du 14 avril dernier, sur la nécessité d'améliorer la situation…. ».
Par jugement du 1er juin 2011, le conseil de prud'hommes de Montmorency a débouté M. X... de ses demandes tendant à l'indemnisation d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de la privation du bénéfice de la priorité de réembauchage et d'une proposition de convention de reclassement personnalisé.
M. X... a régulièrement relevé appel de cette décision.
Vu les écritures déposées et développées à l'audience du 14 septembre 2012 par lesquelles M. X... conclut à l'infirmation du jugement en faisant valoir que la politique commerciale de l' entreprise l'a empêché de pouvoir agir dans la durée sur un secteur géographique stable ; que la procédure de licenciement a été initiée quatre jours avant le séminaire qui lui avait été promis pour l'aider dans son activité et plus de quatre mois avant la fin de l'année 2008 au terme de laquelle son objectif était de 50 ventes, celui-ci étant par ailleurs incompatible avec la conjoncture économique ; que son licenciement est un licenciement économique déguisé.
M X... dit avoir retrouvé un emploi 18 mois après son licenciement qui a eu des conséquences familiales et financières très importantes et demande à la cour de condamner la société au paiement des sommes de :
-76 230 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-10 164 € pour perte du bénéfice de la priorité de réembauchage,
-10 164 € pour absence de proposition de convention de reclassement personnalisé,
-3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société JCB Ile de France reprend les griefs motivant la rupture litigieuse, y ajoutant qu'au cours de l'année 2008, M. X... n'a en réalité vendu que 14 machines, les quatre autres ventes facturées relevant de l'année précédente ; que les résultats de M. X... sont inférieurs à ceux de ses collègues depuis 2006 puisqu'il se contentait de rencontrer les clients préexistants ; qu'il a suivi un séminaire les 10 et 11 juin 2008 et que le séminaire prévu en octobre suivant a été supprimé ; que le salarié n'aurait pas pu atteindre l'objectif fixé (50 ventes) à la fin de l'année ; que la conjoncture n'a pas empêché les autres salariés d'atteindre des résultat bien supérieurs ; qu'elle a remplacé M. X... dont le licenciement pour cause réelle et sérieuse n'est pas un licenciement économique déguisé.
La société JCB Ile de France demande à la cour de confirmer le jugement en déboutant M. X... de toutes ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 3 000€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues à l'audience du 14 septembre 2012.
MOTIFS DE LA DÉCISION,
Considérant que l'insuffisance de résultats peut fonder un licenciement dès lors qu'elle repose sur une faute du salarié ou son insuffisance professionnelle; que les objectifs assignés au salarié doivent être réalistes ; que la lettre de licenciement évoque tant la non atteinte des objectifs fixés à M. X... au titre de l'année 2008 que la comparaison avec les résultats de ses collègues ; que la non atteinte de l'objectif de 50 ventes dans l'année 2008 ne peut fonder un licenciement prononcé en considération des résultats obtenus sur les neuf premiers mois de l'année et trois mois avant l'issue de celle ci ; que ces objectifs fixés en 2007 pour l'année suivante- soit plusieurs mois avant la crise alléguée par le salarié - n'étaient en tout état de cause pas réalistes au regard de la dégradation du chiffre d'affaires dont le comité d'entreprise a été informé lors d'une séance du 14 novembre 2008 en même temps que du projet de licenciements économiques et des chiffres alarmistes révélés par les acteurs de ce secteur économique ; que la comparaison des chiffres d'affaires réalisés par plusieurs délégués commerciaux n'est pas probante dans la mesure où M. X... avait en charge 4 départements pendant que certains de ses collègues se voyaient attribuer 5 ou 9 départements dont le potentiel n'est pas établi ; que la lecture des pièces 12 , 13 et 14 de la société révèle que le périmètre d'action de M. X... a été modifié entre 2006 et 2007 et entre 2007 et 2008 ; que ces changements décidés par l'employeur ne favorisaient pas le développement des résultats ; qu'aucune faute ni insuffisance professionnelle de M. X... n'est démontrée ; que le licenciement de M. X... est privé de cause réelle et sérieuse sans que le caractère économique du licenciement - non visé par la lettre de licenciement - ne puisse être retenu ;
Considérant que la société devra indemniser M. X... à hauteur minimale des six derniers mois de salaire ; qu'en considération des conséquences financières et médicales de la rupture du contrat de travail telles qu'établies par la déclaration de revenus et la prescription médicale, la société sera condamnée à verser à M. X... des dommages et intérêts d'un montant de 36 000 € ;
Considérant que M. X... sera débouté de ses demandes liées à la privation des bénéfices des licenciements économiques auxquels il n'est pas rattaché ;
Considérant que la société sera condamnée à payer à M X... la somme globale de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que la société qui succombe supportera les dépens ;
PAR CES MOTIFS,
La COUR, statuant par mise à disposition au greffe, et par décision CONTRADICTOIRE,
INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Montmorency du 1er juin 2011 et statuant à nouveau :
Dit le licenciement de M X... privé de cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société JCB Ile de France à payer à M X... les sommes de :
*36 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,
*3000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties des autres demandes ;
Condamne la société aux dépens.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile
Signé par Madame Jeanne MININI, Président et par Madame Céline FARDIN, Greffier auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,