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11/10/2012 | FRANCE | N°09/00241

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11 octobre 2012, 09/00241


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80AJ. M.
5ème Chambre


ARRET No


CONTRADICTOIRE


DU 11 OCTOBRE 2012


R. G. No 11/ 01806


AFFAIRE :


Lucile X...épouse Y...



C/
SAS GUEUDET VAL D'OISE AUTOMOBILES en la personne de son représentant légal


UNION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS CFDT DU VAL D'OISE en la personne de son représentant statutaire
...


Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Avril 2011 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de CERG

Y PONTOISE
Section : Encadrement
No RG : 09/ 00241


Copies exécutoires délivrées à :


Lucile X...épouse Y...

Me Franck DELAHOUSSE
Me Emilie TOURNEAU BL...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80AJ. M.
5ème Chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 11 OCTOBRE 2012

R. G. No 11/ 01806

AFFAIRE :

Lucile X...épouse Y...

C/
SAS GUEUDET VAL D'OISE AUTOMOBILES en la personne de son représentant légal

UNION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS CFDT DU VAL D'OISE en la personne de son représentant statutaire
...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Avril 2011 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de CERGY PONTOISE
Section : Encadrement
No RG : 09/ 00241

Copies exécutoires délivrées à :

Lucile X...épouse Y...

Me Franck DELAHOUSSE
Me Emilie TOURNEAU BLANES

Copies certifiées conformes délivrées à :

M. Olivier E...

SAS GUEUDET VAL D'OISE AUTOMOBILES

UNION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS CFDT DU VAL D'OISE

DEFENSEUR DES DROITS

le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE OCTOBRE DEUX MILLE DOUZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame Lucile X...épouse Y...

née le 01 Décembre 1957 à SAINT CLOUD (92210)

...

95540 MERY SUR OISE
comparant en personne, assistée de M. Olivier E...(Délégué syndical) muni d'un pouvoir en date du 05 septembre 2012

APPELANTE
****************
SAS GUEUDET VAL D'OISE AUTOMOBILES en la personne de son représentant légal
Rue Corentin Quideau
95340 PERSAN
représentée par M. D... (Directeur) en vertu d'un pouvoir spécial en date du 04 septembre 2012 assisté de Me Franck DELAHOUSSE de la SCP DELAHOUSSE FRANCK, avocat au barreau d'AMIENS,

INTIMÉE
****************
UNION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS CFDT DU VAL D'OISE en la personne de son représentant statutaire
26 rue Francis Combe
95014 CERGY PONTOISE CEDEX
représentée par M. Olivier E...(Délégué syndical) muni d'un pouvoir en date du 05 septembre 2012

PARTIE INTERVENANTE

EN PRÉSENCE DE :

DEFENSEUR DES DROITS
Direction des affaires juridiques
11, rue Saint Georges
75009 PARIS
représentée par Me Emilie TOURNEAU BLANES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0212

***************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Septembre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Jeanne MININI, président chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Jeanne MININI, Président,
Monsieur Hubert LIFFRAN, Conseiller,
Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Hélène AVON,
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme Lucille Y..., née le 1er décembre 1957, a été initialement embauchée par la société Trubert en qualité de vendeuse automobiles sur le site de Persan selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 30 juin 1998 ayant pris effet à compter du 2 juillet 1998.
Suivant avenant à ce contrat de travail, Mme Lucile Y...a accepté d'occuper le poste de conseiller en financement toujours sur le site de Persan.
Après l'acquisition de la société Trubert par le groupe Gueudet, un nouveau contrat de travail à durée indéterminée a été conclu avec Mme Lucile Y...le 12 février 2002 maintenant ses fonctions de conseiller en financement, position cadre, ce contrat ayant en fait pour but d'harmoniser les conditions de travail de tous les salariés au sein du groupe Gueudet.
La société Gueudet Val d'Oise automobiles et Mme Lucile Y...ont conclu le 26 mai 2003 un avenant par lequel cette dernière a occupé le poste de conseiller des ventes, position cadre. Un avenant en date du 2 février 2004 a fixé le forfait annuel à 1 920 heures.
Par un nouvel avenant en date du 2 février 2007, Mme Lucile Y...a abandonné la vente des véhicules aux sociétés qu'elle occupait depuis son embauche pour occuper un nouveau poste de vente aux particuliers sur le site de Chambly.
Enfin, à la suite de critiques sur la qualité et la quantité du travail fourni sur le site de Chambly, Mme Lucile Y...a donné son accord le 8 janvier 2008 pour reprendre ses fonctions de vente de véhicules aux sociétés sur le site de Persan.

La rémunération versée à Mme Lucile Y...a toujours été composée d'une partie fixe et d'une partie variable constituée de primes ou de commissions selon les emplois occupés. Cette rémunération, dans ces modalités fixe et variable, a été modifiée en fonctions des postes occupés par Mme Lucile Y....

Mme Lucile Y...a été placée en arrêt de travail pour cause de maladie du 14 avril 2008 au 30 avril 2008 puis à nouveau du 8 mai au 31 mai 2008.
Lors de la visite de reprise, le médecin du travail, suite à deux examens en date des 3 juin 2008 et 7 juillet 2008 a déclaré Mme Lucile Y...inapte à la prospection mais apte à une activité sédentaire.

Mme Lucile Y...a été reconnue travailleur handicapé à compter du 16 juin 2008.

Après un nouvel arrêt de travail au mois de juillet 2008 et à l'issue du congé annuel d'août, Mme Lucile Y...a été déclaré le 1er octobre 2008 apte sauf aux activités de prospection et sans montée fréquente de marches et sans port de charges. Enfin le 16 octobre 2008 Mme Lucile Y...a été déclarée inapte de manière définitive aux fonctions de prospection mais apte à une activité majoritairement sédentaire sans montée fréquente de marches, sans station debout prolongée et sans port de charges.

La société Gueudet Val d'Oise automobiles a convoqué Mme Lucile Y...le 24 octobre 2008 à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé au 5 novembre suivant.

Puis, selon lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 13 novembre 2008 la société Gueudet a notifié à Mme Lucile Y...son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Mme Lucile Y...a été dispensée d'effectuer son préavis de trois mois qui a fait l'objet d'un règlement.

***

Mme Lucile Y...a saisi la HALDE le 18 novembre 2008 aux fins de dénoncer ses conditions de travail au sein de la société Gueudet Val d'Oise automobiles au cours des dernières années de travail en faisant principalement valoir que son employeur, dès la connaissance de sa maladie, avait modifié ses conditions de travail et sa rémunération avant de procéder à la rupture de son contrat de travail sans avoir préalablement recherché un poste de reclassement.

Puis Mme Lucile Y...a saisi le 10 avril 2009 le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise d'une action tendant à la condamnation de la société Gueudet Val d'Oise automobiles au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et particulièrement abusif après une année de harcèlement et de discriminations. Par la suite elle a sollicité le paiement de rappels de salaires et de dommages-intérêts pour discriminations salariales et harcèlement moral.

Par une délibération en date du 29 novembre 2010 la HALDE a indiqué que l'enquête effectuée avait permis de mettre en évidence des mesures discriminations de la part de la société Gueudet Val d'Oise automobiles (discriminations salariales et harcèlement moral) et avait établi que le licenciement de Mme Lucile Y...avait été prononcé de manière abusive sans recherche effective d'un reclassement.

Par jugement en date du 14 avril 2011 le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise a débouté Mme Lucile Y...de l'ensemble de ses demandes.

***

Mme Lucile Y...a régulièrement relevé appel de cette décision.
Vu les conclusions déposées et développées oralement à l'audience du 6 septembre 2012 par lesquelles elle demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions. Elle estime rapporter la preuve, notamment par des témoignages d'anciens salariés et de clients de la société Gueudet Val d'Oise automobiles et par les bulletins de paie produits aux débats, qu'à compter de l'information donnée à son employeur en 2003 de la maladie dont elle était atteinte, celui-ci a modifié ses conditions de travail et sa rémunération dans le but de la contraindre à quitter l'entreprise. Elle affirme ainsi avoir été victime de harcèlement moral et de discriminations salariales (rémunération moins importante que celle attribuée à un autre vendeur embauché en 2005 et en charge des mêmes fonctions).
Mme Lucile Y...demande en conséquence à la cour :
- de condamner la société Gueudet Val d'Oise automobiles à lui verser les sommes de :
* 15 854, 50 euros à titre de rappels de salaire outre les congés payés afférents,

* 890, 09 euros à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents,
* 2 654, 87 euros à titre de complément d'indemnité légale de licenciement,
* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à l'application de mesures discriminatoires en matière de salaire,
- de condamner la société Gueudet Val d'Oise automobiles au paiement de la somme de 45 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
- de dire que le licenciement est nul dès lors qu'il est en lien avec la discrimination et le harcèlement moral dont elle a été victime,
- de condamner en conséquence la société Gueudet Val d'Oise automobiles à lui verser la somme de 160 611, 78 euros au titre des salaires concernant la période du 15 février 2009 (fin du préavis) au 6 septembre 2012 (date de plaidoiries de l'affaire devant la cour) outre les salaires à échoir jusqu'à la notification de la décision à intervenir,
- de condamner la société Gueudet Val d'Oise automobiles au paiement de la somme de 229445, 40 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dès lors que l'obligation de reclassement n'a pas été respectée,
- de dire que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction prud'homale pour les salaires et à compter de la décision à intervenir pour le surplus,
- d'ordonner, sous astreinte de 50 euros par documents et par jour de retard, la remise de bulletins de paie et d'une attestation destinée au Pôle emploi conformes à la décision,
- de faire droit à sa réclamation au titre des frais de procédure à hauteur de la somme de 2 000 euros.

A l'audience fixée au 6 septembre 2012, Mme Lucile Y...a toutefois précisé qu'elle n'entendait pas solliciter sa réintégration au sein de la société Gueudet Val d'Oise automobiles pour le cas où le licenciement serait déclaré nul en raison de la reconnaissance d'une discrimination salariale et d'un harcèlement moral.

L'Union départementale des syndicats CFDT du Val d'Oise est intervenu à l'instance pour solliciter la condamnation de la société Gueudet Val d'Oise automobiles au paiement des sommes de :
-5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice collectif subi par la profession dès lors que des faits de discriminations salariales et de harcèlement moral ont été mis en évidence dans l'entreprise,
-2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Défenseur des droits a présenté les conclusions de l'enquête diligentée à la suite de la plainte de Mme Lucile Y...et mettant en évidence la réalité de discriminations salariales et d'un harcèlement moral outre la rupture du contrat de travail sans recherche d'un reclassement.

La société Gueudet Val d'Oise automobiles a conclu à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de Mme Lucile Y...au paiement d'une indemnité de 1 500 euros au titre des frais de procédure qu'elle a dû exposer pour la défense de ses intérêts.

Elle fait valoir pour l'essentiel qu'ayant eu connaissance dès la fin de l'année 2006 de la maladie dont était atteinte Mme Lucile Y...qui rendait difficiles ses déplacements tant à l'extérieur que dans l'entreprise, elle a, avec l'accord de cette salariée, modifié ses conditions de travail aux fins notamment de lui permettre d'exercer sur le site de Chambly une activité plus sédentaire de vente aux particuliers. Elle conteste par contre tout harcèlement moral et réfute les témoignages communiqués aux débats par Mme Lucile Y...en produisant de son côté des attestations des supérieurs hiérarchiques de cette salariée décrivant la réalité de ses activités sur les sites de Persan et de Chambly. Elle fait observer que le transfert à nouveau de Mme Lucile Y...sur le site de Persan à compter de l'année 2008 a été fait avec l'accord de celle-ci en raison de ses mauvais résultats sur le site de Chambly et de la préférence marquée pour un retour à une activité au contact des sociétés. Elle conteste par contre avoir réduit la rémunération de Mme Lucile Y...notamment par comparaison avec la rémunération totale versée à un autre vendeur de véhicules de sociétés, M. Z.... Enfin la société Gueudet Val d'Oise automobiles indique que dès qu'elle a été informée de l'inaptitude de Mme Lucile Y...à ses fonctions, elle a transmis, dès le 24 octobre 2008, des courriers à destination de toutes les concessions du groupe afin de rechercher un reclassement. Elle affirme n'avoir dès lors procédé à la rupture du contrat de travail de Mme Lucile Y...pour inaptitude qu'en raison de l'échec des tentatives ainsi préalablement conduites.

La société Gueudet Val d'Oise automobiles demande donc à la cour de rejeter l'ensemble des réclamations présentées par Mme Lucile Y.... A titre subsidiaire, elle sollicite la réduction des rappels de salaire et du complément de l'indemnité légale de licenciement dans de plus justes proportions et sur la base d'une rémunération mensuelle globale qui ne saurait dépasser la somme de 3 407, 54 euros. Estimant enfin n'avoir adopté à l'égard de Mme Lucile Y...aucun comportement discriminatoire et n'avoir commis aucun acte constitutif de harcèlement moral, la société Gueudet Val d'Oise automobiles demande à la cour de débouter l'Union départementale des syndicats CFDT du Val d'Oise de ses demandes.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé plus complet des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience du 6 septembre 2012.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- sur le harcèlement moral et les discriminations salariales pendant l'exécution du contrat de travail

Considérant qu'au terme de ses conclusions déposées devant la cour et des explications fournies au cours des débats, Mme Lucile Y...entend dénoncer la modification du comportement adopté à son égard par son employeur, la société Gueudet Val d'Oise automobiles, à partir de l'année 2003 au cours de laquelle elle aurait révélé être atteinte d'une maladie (sclérose en plaques) rendant plus difficile l'exercice de son activité professionnelle ; qu'à cet égard, elle estime rapporter la preuve d'un harcèlement moral et de mesures discriminatoires en matière salariales ;
Considérant que Mme Lucile Y...a indiqué à l'audience de plaidoiries n'avoir jamais signalé sa maladie auprès du médecin du travail avant ses interruptions de travail en milieu d'année 2008 ; qu'à cet égard les examens par ce médecin entre 2003 et 2008 ont conclu à l'aptitude de Mme Lucile Y...à ses fonctions notamment en ce qui concerne la prospection de la clientèle ;

Considérant par contre que la société Gueudet Val d'Oise automobiles justifie avoir, mais en parfait accord avec Mme Lucile Y..., modifié, selon avenant au contrat de travail en date du 2 février 2007, les conditions d'exécution par cette salariée de ses fonctions en raison de l'évolution de sa maladie (qui selon l'entreprise n'aurait été connue qu'à cette date) afin de lui éviter notamment des déplacements pénibles à l'extérieur de l'entreprise ; qu'ainsi à compter de cette date Mme Lucile Y...a occupé les fonctions de vendeur de véhicules aux particuliers sur le site de Chambly ; qu'enfin, en raison des mauvais résultats enregistrés par Mme Lucile Y...sur ce site de Chambly et de la demande formulée par cette salariée, la société Gueudet Val d'Oise automobiles a accepté le retour de celle-ci à ses anciennes fonctions de vendeur de véhicules aux sociétés sur le site de Persan à compter du début du mois de janvier 2008 ;

Considérant que Mme Lucile Y...ne démontre nullement que sa situation salariale s'est dégradée à compter de l'annonce en 2003 de sa maladie alors qu'il résulte au contraire des chiffres fournis par la société Gueudet Val d'Oise automobiles et non contestés par elle que sa rémunération globale a augmenté très sensiblement en 2003 par rapport à l'année 2002 (28927, 35 euros en 2002 et 37 786, 06 euros en 2003) puis à nouveau en 2004 (42 383, 42 euros) et en 2005 (40 739, 06 euros) avant d'amorcer une réduction au cours des deux années suivantes mais dans de légères proportions (37 275, 18 euros en 2006 et 37 743, 45 euros en 2007) ;

Considérant que l'arrivée en début d'année 2005 d'un nouveau vendeur au sein de l'agence de Persan avec les mêmes fonctions que Mme Lucile Y...(s'agissant de M. Z...) n'a pas été décidée par la société Gueudet Val d'Oise automobiles pour restreindre les fonctions et la rémunération de cette salariée dès lors que les chiffres également fournis par l'entreprise révèlent que cette embauche a permis l'augmentation importante des ventes entre 2004 et 2006 alors que la rémunération de Mme Lucile Y...n'a pas enregistré de baisses sensibles au cours de ces mêmes années ;

Considérant de même que les témoignages produits aux débats par Mme Lucile Y...n'établissement pas la réalité d'une modification de ses conditions de travail à compter de l'année 2003 ; qu'il convient tout d'abord d'écarter les témoignages de quelques clients de l'entreprise qui sont, soit très imprécis, soit visiblement empreints d'une sympathie particulière vis-à-vis de Mme Lucile Y...qui a été leur correspondante privilégiée pendant plusieurs années et qui ne font que vanter les grandes compétences professionnelles de celle-ci, alors qu'aucune critique à ce titre n'a été formulée par la société à l'encontre de la salariée avant le début de l'année 2008 ; qu'en ce qui concerne les attestations de MM. A...et B...décrivant des contraintes imposées à Mme Lucile Y...(laver les véhicules, poser les mâts aux côtés des véhicules, faire des journées continues harassantes, devoir sans cesse rendre des comptes à sa hiérarchie), il convient là encore de les prendre en considération avec réserves dès lors que ces salariés n'ont pas été présents durant une période importante sur le site de Chambly lorsque Mme Lucile Y...y était affectée ; que par contre il convient de relever que si M. C...a admis avoir imposé à Mme Lucile Y...des comptes-rendus plus fréquents au cours d'une courte période, il est démontré que cette pratique a été très rapidement abandonnée ; qu'enfin Mme Lucile Y...ne fournit elle-même aucune indication sur les plaintes qu'elle aurait pu adresser à ses supérieurs hiérarchiques concernant la pénibilité de certains travaux à effectuer et sur les réponses qui auraient été apportées ;

Considérant ainsi que le harcèlement moral dénoncé par Mme Lucile Y...dans le cadre de la présente instance n'est pas démontré ;

Considérant par contre qu'à partir de l'accord des parties sur une nouvelle affectation de Mme Lucile Y..., à compter du mois de janvier 2008, sur le site de Persan, avec le retour à ses fonctions de vendeur de véhicules aux sociétés, la société Gueudet Val d'Oise automobiles devait
placer cette salariée dans les mêmes conditions de travail et de rémunération que l'autre vendeur affecté depuis 2005 aux mêmes fonctions ; qu'il n'est pas contesté par la société Gueudet Val d'Oise automobiles qu'elle n'a jamais aligné la rémunération fixe de Mme Lucile Y...sur celle de M. Z..., l'autre vendeur, et a relégué celle-ci dans un local normalement attribué aux vendeurs de VO alors qu'au cours de la période de 2005 à 2007 elle avait partagé avec cet autre salarié le même local proche de la clientèle ; qu'ainsi la société Gueudet Val d'Oise automobiles doit être condamnée pour discriminations salariale et professionnelle :
- à verser à Mme Lucile Y...un rappel de salaire pour permettre d'aligner la rémunération fixe de Mme Lucile Y...sur celle de M. Z...(soit 2 100 euros puis 2 200 euros à compter du mois de juillet 2008) au titre de la période d'avril 2008 (la somme de 2 100 euros ayant été versée au cours des mois de janvier à mars 2008) à mi-février 2009 (date de la fin du préavis), soit la somme de 12 942 euros outre les congés payés afférents et les intérêts au taux légal à compter du 26 février 2010, date de la première réclamation salariale présentée devant la juridiction prud'homale,
- à verser à Mme Lucile Y...un complément d'indemnité légale de licenciement à hauteur de la somme de 2 252, 35 euros (indemnité légale de licenciement chiffrée à 7 984, 99 euros après réintégration des rappels de salaires au titre de la période de février 2008 à janvier 2009 servant de base de calcul à cette indemnité et déduction de la somme de 5 732, 64 euros versée lors de la notification du licenciement) outre les intérêts au taux légal à compter du 26 février 2010,
- à verser à Mme Lucile Y...la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis du fait de la discrimination ainsi établie,

Considérant que le rappel de salaire incluant la période de préavis, Mme Lucile Y...ne peut prétendre en outre au paiement d'un complément d'indemnité compensatrice de préavis ;

Qu'ainsi le jugement déféré doit être réformé ;

2- sur la rupture du contrat de travail

Considérant que seule la rupture du contrat de travail pour cause d'inaptitude sera examinée dès lors qu'en l'absence de preuve d'un harcèlement moral à l'origine de la cessation des fonctions de Mme Lucile Y...dans l'entreprise, il n'existe pas de cause de nullité au licenciement prononcé ;

Considérant que le législateur a prévu des règles particulières concernant les salariés devenus physiquement inaptes à leur emploi, l'article L. 1226-2 du code du travail stipulant, dans sa nouvelle rédaction : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail " ;

Considérant que la recherche des possibilités de reclassement du salarié déclaré, en conséquence de la maladie ou de l'accident, inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait doit s'apprécier à l'intérieur de l'entreprise mais également à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ;

Considérant que par un dernier avis du médecin du travail en date du 16 octobre 2008 Mme Lucile Y...a été déclarée inapte définitivement à toute prospection mais apte à une activité majoritairement sédentaire mais sans montée fréquente de marches, sans station debout prolongée et sans port de charges ; qu'il convient de relever que cet avis d'inaptitude était peu différent de l'avis provisoire émis par le médecin du travail le 1er octobre 2008 ;

Considérant qu'à la suite de ce premier avis d'inaptitude, la société Gueudet Val d'Oise automobiles avait, dès le 3 octobre 2008, modifié les fonctions de Mme Lucile Y...pour prendre en considération les préconisations du médecin du travail ;

Considérant toutefois qu'après la notification de l'avis définitif d'inaptitude à la prospection mais d'aptitude à un poste sédentaire à aménager de manière pérenne, la société Gueudet Val d'Oise automobiles n'a plus maintenu les mesures provisoires qu'elle avait déjà mises en place le 3 octobre 2008 et s'est empressée d'introduire et de conduire à son terme la procédure de licenciement ; qu'une telle attitude caractérise la volonté de la société Gueudet Val d'Oise automobiles de mettre rapidement fin à la relation de travail avec Mme Lucile Y...sans rechercher avec le médecin du travail les possibilités de maintien de celle-ci sur le site de Persan avec des aménagements qui ne rendaient nullement impossible la poursuite par la salariée des fonctions qu'elle occupait depuis le début de l'année 2008 ;

Considérant dès lors que le licenciement de Mme Lucile Y...est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'ainsi également de ce chef le jugement déféré doit être réformé ;

Considérant qu'après avoir pris en considération les difficultés rencontrées par Mme Lucile Y...pour retrouver un nouvel emploi, la cour condamne la société Gueudet Val d'Oise automobiles à lui verser la somme de 60 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Considérant enfin qu'il convient d'accorder à Mme Lucile Y...la somme de 800 euros au titre des frais de procédure exposés au sens des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; que la réclamation présentée par la société Gueudet Val d'Oise automobiles sur le même fondement sera écartée dès lors que cette société succombe sur l'essentiel des demandes présentées par Mme Lucile Y...à son encontre ;

3- sur les demandes présentées par l'Union départementale des syndicats CFDT du Val d'Oise

Considérant que la société Gueudet Val d'Oise automobiles ayant fait l'objet d'une condamnation pour discrimination salariale et professionnelle à l'égard d'un de ses salariés, l'Union départementale des syndicats CFDT du Val d'Oise est recevable à présenter une demande d'indemnisation en réparation du préjudice collectif subi par la profession ; qu'il convient en conséquence de faire droit à sa demande tout en la limitant à la somme de 1 000 euros outre 80 euros au titre des frais de procédure exposés ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par mise à disposition au greffe et par décision contradictoire,

INFIRME le jugement rendu le 14 avril 2011 par le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise,

CONDAMNE la société Gueudet Val d'Oise automobiles à verser à Mme Lucile Y...les sommes de :
• 12 942 euros à titre de rappels de salaire pour la période d'avril 2008 à mi-février 2009 outre 1 294, 20 euros au titre des congés payés afférents,
• 2 252, 35 euros à titre de complément d'indemnité légale de licenciement,
ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 26 février 2010 et capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil,
• 1 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à la discrimination salariale et professionnelle,
• 60 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
ces sommes portant intérêts au taux légal à compter de ce jour,
• 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

ORDONNE, sans astreinte, la remise par la société Gueudet Val d'Oise automobiles à Mme Lucile Y...d'un bulletin de paie et d'une attestation destinée au Pôle emploi conformes à la présente décision,

DÉBOUTE Mme Lucile Y...du surplus de ses demandes,

CONDAMNE la société Gueudet Val d'Oise automobiles à verser à l'Union départementale des syndicats CFDT du Val d'Oise les sommes de :
• 1 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice occasionné à l'ensemble de la profession du fait de la discrimination salariale et professionnelle constatée dans l'entreprise,
• 80 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la société Gueudet Val d'Oise automobiles de sa demande reconventionnelle,

CONDAMNE la société Société Gueudet Val d'Oise automobiles aux entiers dépens et aux frais d'exécution de la présente décision.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et signé par Madame Jeanne MININI, président et Madame Céline FARDIN, greffier auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 09/00241
Date de la décision : 11/10/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-10-11;09.00241 ?
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