COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 89A
H. L.
5ème Chambre
No
RÉPUTÉ
CONTRADICTOIRE
DU 11 OCTOBRE 2012
R. G. No 11/ 02188
AFFAIRE :
Marie-Pierre X... épouse Y...
C/
SA LABORATOIRES D'ETUDES ET DE RECHERCHES EN OLIGO-ELEMENTS THERAPIE en la personne de son représentant légal
...
MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Avril 2011 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE
No RG : 08/ 00103
Copies exécutoires délivrées à :
Me Carole BOUSSAINGAULT
Me Valérie TROMAS
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE NANTERRE
Copies certifiées conformes délivrées à :
Marie-Pierre X... épouse Y...
SA LABORATOIRES D'ETUDES ET DE RECHERCHES EN OLIGO-ELEMENTS THERAPIE
le : REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE ONZE OCTOBRE DEUX MILLE DOUZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame Marie-Pierre X... épouse Y...
née le 21 Juillet 1953 à ROUBAIX (59100)
...
92120 MONTROUGE
non comparante
représentée par Me Carole BOUSSAINGAULT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E 1146.
APPELANTE
****************
SA LABORATOIRES D'ETUDES ET DE RECHERCHES EN OLIGO-ELEMENTS THERAPIE en la personne de son représentant légal
20-22 Rue Arago
92700 COLOMBES
représentée par Me Valérie TROMAS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire R169, substitué par Me Jean-christophe GUY, avocat au barreau de PARIS.
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE NANTERRE
Service Contentieux Général et Technique
92026 NANTERRE CEDEX
représentée par Mme B... en vertu d'un pouvoir général
INTIMÉS
****************
MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE
58-62 rue Mouzaïa
75935 PARIS CEDEX 19
non représentée
PARTIE INTERVENANTE
*****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Juin 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Hubert LIFFRAN, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Jeanne MININI, Président,
Madame Sabine FAIVRE, Conseiller,
Monsieur Hubert LIFFRAN, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme Sabrina NIETRZEBA-CARLESSO,
FAITS ET PROCÉDURE,
Mme Marie-Pierre X..., épouse Y..., salariée de la société des Laboratoires d'Etudes et de Recherches en Oligo-éléments Thérapie depuis le 9 juin 1989, exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable grands comptes.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 13 octobre 2006 qui lui a été remise le 16 octobre suivant, Mme Y... a été mise à pied à titre conservatoire et convoquée à un entretien préalable qui s'est tenu le 26 octobre 2006.
Le 26 octobre 2006, après la tenue de l'entretien préalable, Mme Y... s'est vue prescrire un arrêt de travail pour « choc psychologique du 16 octobre 2006 (courrier de mise à pied inattendue), asthénie, anxiété, insomnie et syndrome dépressif », considéré par son médecin traitant, le docteur Z..., comme un accident du travail.
Le 16 novembre 2006, la société des Laboratoires d'Etudes et de Recherches en Oligo-éléments Thérapie a procédé à une déclaration d'accident du travail auprès de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine, tout en émettant des réserves à cet égard.
Par courrier du 6 février 2007, la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine a refusé de reconnaître le caractère professionnel de ces troubles.
Le 7 novembre 2007, la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie a confirmé cette décision.
Saisi le 21 janvier 2008 par Mme Y..., le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nanterre, par un jugement avant dire droit du 10 mai 2010, a ordonné une expertise judiciaire confiée au docteur A...afin de déterminer, notamment, s'il y avait une relation de cause à effet entre, d'une part, la réception par la salariée de la lettre de convocation à l'entretien préalable, d'autre part, le choc psychologique et les troubles consécutifs constatés par le médecin traitant.
Le 20 novembre 2010, le docteur A...a déposé son rapport, dont les conclusions sont les suivantes :
" L'arrêt de travail du 26 octobre 2006 au 20 décembre 2006 prescrit par le docteur Z...était justifié par l'existence d'un épisode anxio-dépressif réactionnel présenté par sa patiente ;
" Ces troubles anxio-dépressifs étaient réactionnels à l'annonce par courrier recommandé d'une procédure de licenciement engagée à son encontre et d'une mise à pied à titre conservatoire. Cette situation a déterminé chez Mme Marie-Pierre X...-Y...des troubles anxieux, une insomnie avec cauchemars et une tristesse de l'humeur marquée par un sentiment d'injustice et de blessure narcissique. Ces troubles psychopathologiques nous paraissent parfaitement adaptés au contexte d'une procédure de licenciement. Ils ont guéri sans séquelle ;
" Ces troubles sont survenus chez une personne indemne de tout antécédent psychiatrique. On ne peut considérer qu'ils étaient en rapport avec une pathologie indépendante, évoluant pour son propre compte ".
Par jugement sur le fond du 27 avril 2011, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nanterre a :
- Déclaré Mme Marie-Pierre X..., épouse Y..., recevable en son recours ;
- Débouté Mme Marie-Pierre X..., épouse Y..., de l'ensemble de demandes ;
- Confirmé la décision de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine en date du 7 novembre 2007.
Le conseil de Mme Marie-Pierre X..., épouse Y..., a régulièrement formé appel du jugement par déclaration envoyée au greffe de la cour d'appel le 8 juin 2011.
Devant la cour, par conclusions écrites déposées et visées par le greffier, et soutenues oralement à l'audience, Mme Marie-Pierre X..., épouse Y..., demande de :
- Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme Y... de toutes ses demandes et confirmé la décision de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine en date du 7 novembre 2007 ;
- Reconnaître le caractère professionnel des troubles psychologiques présentés par Mme Y... consécutivement à la lecture de la lettre de son employeur en date du 13 octobre 2006 ;
- Condamner la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine, in solidum avec la société des Laboratoires d'Etudes et de Recherches en Oligo-éléments Thérapie, à payer à Mme Y... la somme de 6. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouter la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine et la société des Laboratoires d'Etudes et de Recherches en Oligo-éléments Thérapie de leurs demandes.
Devant la cour, par conclusions écrites déposées et visées par le greffier, et soutenues oralement à l'audience, la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine demande de :
- Dire et juger que c'est à bon droit que la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine a refusé de reconnaître un caractère professionnel à l'accident invoqué par Mme Y... le 16 octobre 2006.
Devant la cour, par conclusions écrites déposées et visées par le greffier, et soutenues oralement à l'audience, la société des Laboratoires d'Etudes et de Recherches en Oligo-éléments Thérapie demande de :
A titre principal,
- Dire et juger que le trouble psychologique que Mme Y... dit avoir ressenti consécutivement à la lecture de sa lettre de mise à pied du 13 octobre 2006, n'a aucun caractère professionnel ;
- Dire et juger que le trouble psychologique que Mme Y... dit avoir ressenti consécutivement à la lecture de sa lettre de mise à pied, n'a pas le caractère de soudaineté requis pour justifier sa prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels ;
A titre subsidiaire,
- Dire et juger que le trouble psychologique que Mme Y... soutient avoir ressenti consécutivement à la lecture de sa lettre de mise à pied du 13 octobre 2006, n'est pas de nature à être pris en charge au titre de la législation applicable aux risques professionnels ;
En tout état de cause,
- Débouter Mme Y... de l'ensemble de ses demandes ;
- Condamner Mme Y... à payer à la société des Laboratoires d'Etudes et de Recherches en Oligo-éléments Thérapie la somme de 3. 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, ainsi qu'aux prétentions orales telles qu'elles sont rappelées ci-dessus.
MOTIFS DE LA DÉCISION,
Sur la demande de Mme Y... tendant à ce qu'il soit jugé qu'elle a été victime d'un accident du travail :
Attendu que Mme Y... soutient qu'elle a été victime d'un choc psychologique apparu soudainement lorsqu'elle a reçu la lettre de son employeur du 13 octobre 2006 la convoquant à un entretien préalable et prononçant sa mise à pied à titre conservatoire ; qu'il s'agit là, selon elle, d'un accident dont le lien avec le travail est avéré et qui présente de ce fait un caractère professionnel ;
Que la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine estime pour sa part que le caractère professionnel de l'accident dont Mme Y... prétend avoir été victime ne peut être retenu, dès lors qu'au 16 octobre 2006, date à laquelle celle-ci a pris connaissance de la lettre prononçant sa mise à pied à titre conservatoire et la convoquant à un entretien préalable, son contrat de travail se trouvait suspendu ; qu'au surplus, la preuve de l'accident qu'elle invoque n'est pas établie ;
Que la société des Laboratoires d'Etudes et de Recherches en Oligo-éléments Thérapie soutient que c'est à tort que Mme Y... prétend avoir été victime d'un accident survenu au temps et au lieu de travail ; qu'elle invoque à cet égard l'absence de soudaineté des prétendues lésions, le caractère non probant des attestations du docteur Z...et l'absence de lien de causalité entre le courrier de mise à pied et le choc psychologique allégué ;
Attendu que, selon l'article L 411-1 du Code de la sécurité sociale, est un accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail ; que cette présomption d'imputabilité ne peut être détruite que si l'employeur établit que l'accident résulte d'une cause totalement étrangère au travail ;
Que pour déterminer si le choc psychologique invoqué par Mme Y... constitue, au regard de ces dispositions, un accident du travail, il convient tout d'abord de rechercher si les troubles psychologiques dont fait état l'assurée sont imputables à la survenue d'un événement soudain et brutal ;
Attendu que le docteur A...a constaté dans son rapport que Mme Y... a présenté des troubles anxio-dépressifs réactionnels à l'annonce par courrier recommandé du 13 octobre 2006 de la mise en oeuvre d'une procédure de licenciement et d'une mise à pied à titre conservatoire ;
Que si le docteur Z...n'a prescrit à Mme Y... que le 26 octobre 2006 un arrêt de travail pour le choc psychologique qu'elle avait subi le 16 octobre précédent, il n'en demeure pas moins que selon le docteur A..., « c'est précisément l'interdiction autoritaire que lui ont fait ses employeurs de poursuivre son activité professionnelle, sous la forme d'une mise à pied à titre conservatoire qui a déterminé chez elle des troubles psycho-pathologiques qui ne lui permettaient plus de travailler » ; que le docteur Z..., répondant le 29 décembre 2006 à une demande de renseignements de la caisse primaire d'assurance maladie, lui a indiqué que sa patiente était venue le trouver dès la réception de sa lettre de mise à pied afin de lui demander conseil, qu'elle avait eu alors une réaction inadaptée en riant beaucoup et n'y croyant pas puis était revenue la voir dix jours plus tard, le 26 octobre 2006, en pleurant, ce qui l'avait conduite à lui prescrire un arrêt de travail pour syndrome anxio-dépressif ; qu'il résulte de cette lettre ainsi que des explications des parties que les troubles à l'origine de la déclaration d'accident du travail concernant Mme Y... sont apparus dès le 16 octobre 2006 pour s'aggraver les jours suivants au point de justifier dix jours plus tard, le 26 octobre 2006, un arrêt de travail ; qu'ainsi que le relève le docteur A...dans son rapport, ces troubles anxio-dépressifs n'étaient pas en rapport avec une pathologie psychiatrique indépendante évoluant pour son propre compte ; que leur apparition est consécutive à un choc émotionnel soudain dont a été victime Mme Y... à la lecture du courrier de son employeur la convoquant à un entretien préalable et prononçant sa mise à pied à titre conservatoire ;
Attendu que les intimées soutiennent à tort que la suspension du contrat de travail de Mme Y... du fait de sa mise à pied à titre conservatoire exclut que l'accident dont elle a été victime soit survenu par le fait ou à l'occasion du travail ; qu'en effet, il résulte de tous les éléments ci-dessus évoqués que c'est la décision de l'employeur de diligenter à son encontre une procédure de licenciement et de la mettre à pied à titre conservatoire qui a provoqué chez Mme Y... un choc psychologique ; que cet accident est donc bien survenu par le fait ou à l'occasion du travail ;
Que la société des Laboratoires d'Etudes et de Recherches en Oligo-éléments Thérapie n'établissant pas que cet accident résulte d'une cause totalement étrangère au travail, celui-ci constitue, en application des dispositions de l'article L 411-1 du Code de la sécurité sociale, un accident du travail ;
PAR CES MOTIFS,
La COUR, statuant par mise à disposition au greffe, et par décision RÉPUTÉE CONTRADICTOIRE,
Infirme le jugement et, statuant à nouveau,
Dit que Marie-Pierre X..., épouse Y..., a été victime le 16 octobre 2006 d'un accident du travail caractérisé par un choc psychologique survenu en prenant connaissance de la lettre de la société des Laboratoires d'Etudes et de Recherches en Oligo-éléments Thérapie lui signifiant sa mise à pied à titre conservatoire et la convoquant à un entretien préalable ;
Déboute la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine et la société des Laboratoires d'Etudes et de Recherches en Oligo-éléments Thérapie de leurs demandes ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile
Signé par Madame Jeanne MININI, Président et par Madame Céline FARDIN, Greffier auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,