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20/09/2012 | FRANCE | N°08/01305

France | France, Cour d'appel de Versailles, 20 septembre 2012, 08/01305


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88D

J.M

5ème Chambre

ARRET No



REPUTE CONTRADICTOIRE



DU 20 SEPTEMBRE 2012



R.G. No 11/00854



AFFAIRE :



UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES



C/

SA LABORATOIRES EXPANSCIENCE en la personne de son représentant légal





DIRECTION DE LA SECURITE SOCIALE





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Février 2011 par le

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE

No RG : 08/01305





Copies exécutoires délivrées à :



Me Régis WAQUET

Me Caroline FERTE





Copies certifiées conformes délivrées à :



UNION P...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88D

J.M

5ème Chambre

ARRET No

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 20 SEPTEMBRE 2012

R.G. No 11/00854

AFFAIRE :

UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES

C/

SA LABORATOIRES EXPANSCIENCE en la personne de son représentant légal

DIRECTION DE LA SECURITE SOCIALE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Février 2011 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE

No RG : 08/01305

Copies exécutoires délivrées à :

Me Régis WAQUET

Me Caroline FERTE

Copies certifiées conformes délivrées à :

UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES

SA LABORATOIRES EXPANSCIENCE en la personne de son représentant légal

DIRECTION DE LA SECURITE SOCIALE

le : REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT SEPTEMBRE DEUX MILLE DOUZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES

Divison des Recours Amiables et Judiciaires

TSA 80028

93517 MONTREUIL CEDEX

représenté par Me Régis WAQUET, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE vestiaire 95

APPELANT

****************

SA LABORATOIRES EXPANSCIENCE en la personne de son représentant légal

10 Avenue de l'Arche

92419 COURBEVOIE CEDEX

représentée par Me Caroline FERTE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE vestiaire 702

INTIME

****************

DIRECTION DE LA SECURITE SOCIALE

Sous-Direction Financement de la Sécurité Sociale-Bureau 5C

14 Avenue Duquesne

75350 PARIS 07 SP

non représentée

PARTIE INTERVENANTE

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Juin 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme MININI président, M. LIFFRAN conseiller chargés d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Jeanne MININI, président,

Monsieur Hubert LIFFRAN, conseiller,

Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Sabrina NIETRZEBA-CARLESSO,

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Une contribution des entreprises de préparation de médicaments, au profit de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, assise sur les dépenses de promotion de l'industrie pharmaceutique, a été instituée par la loi no 83-25 du 19 janvier 1983 dont le contenu a été codifié aux articles L.245-1 à L.245-5-1-A du code de la sécurité sociale. L'application de ces dispositions ayant donné lieu à de nombreux contentieux, le législateur a redéfini les contours de l'assiette de cette contribution à l'occasion de la loi no 2002-1487 du 20 décembre 2002 de financement de la sécurité sociale pour 2003 (entrée en vigueur le 1er janvier 2003). L'article L.245-2 du code de la sécurité sociale a été ainsi rédigé :

I- La contribution est assise sur les charges comptabilisées au cours du ou des exercices clos depuis la dernière échéance au titre :

1o Des rémunérations de toutes natures, y compris de l'épargne salariale ainsi que des charges sociales et fiscales y afférentes, des personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L.5122-11 du code de la santé publique, qu'elles soient ou non salariées de l'entreprise et qu'elles interviennent en France métropolitaine ou dans les départements d'outre-mer auprès des professionnels de santé régis par les dispositions du titre 1er du livre 1er de la quatrième partie du code de la santé publique ou auprès des établissements de santé. Seules sont prises en compte les rémunérations afférentes à l'exploitation des spécialités pharmaceutiques inscrites sur la liste mentionnée au premier alinéa de l'article L.162-17 du présent code ou sur la liste mentionnée à l'article L.5123-2 du code de la santé publique,

2o Des remboursements de frais de transport, à l'exclusion des charges afférentes à des véhicules mis à disposition, des frais de repas et des frais d'hébergement des personnes mentionnées au 1o,

3o Des frais de publication et des achats d'espaces publicitaires, sauf dans la presse médicale bénéficiant d'un numéro de commission paritaire ou d'un agrément défini dans les conditions fixées par décret, dès lors qu'une spécialité pharmaceutique inscrite sur la liste mentionnée au premier alinéa de l'article L.162-17 du présent code ou sur la liste mentionnée à l'article L.5123-2 du code de la santé publique y est mentionnée.

La contribution étant assise notamment sur les charges comptabilisées au titre des rémunérations de toutes sortes…. "des personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L.5122-11 du code de la santé publique", une difficulté a surgi concernant les personnes réellement visées par l'article L.245-2 du code de la sécurité sociale qui sont habituellement identifiées comme étant les visiteurs médicaux.

En effet deux articles du code de la santé publique renvoient à la définition de ces personnes :

-l'article L.5122-11 qui, dans sa rédaction applicable au présent litige est ainsi rédigé : « les personnes qui font de l'information par démarchage ou de la prospection pour des médicaments doivent posséder des connaissances scientifiques suffisantes attestées par des diplômes, titres ou certificats figurant sur une liste établie par l'autorité administrative »,

-et l'article L.5122-12 qui est ainsi rédigé : « par dérogation aux dispositions de l'article L.5122-11, peuvent également exercer les activités définies au premier alinéa de cet article :

1o - les personnes qui exerçaient de telles activités pendant au moins trois ans dans les dix années précédant le 19 janvier 1994,

2o - les personnes autres que celles mentionnées au 1o qui exerçaient ces activités au 19 janvier 1994, à condition de satisfaire dans un délai de quatre ans à compter de la même date aux conditions fixées par le premier alinéa de l'article L.5122-11 ou à des conditions de formation définies par l'autorité administrative.

La société Laboratoires Expanscience, estimant avoir acquitté par erreur la contribution sur les rémunérations et les remboursements de frais de l'ensemble des visiteurs médicaux diplômés ou non, alors que, aux termes de l'article L.245-2 du code de la sécurité sociale qui renvoie à l'article L.5122-11 du code de la santé publique, seuls les rémunérations et remboursements de frais des visiteurs médicaux titulaires d'un diplôme devaient être intégrés dans l'assiette des contributions, a donc demandé à l'Urssaf de Paris-région parisienne selon courriers en date des 18 février 2008 et 21 juillet 2009 la restitution partielle des contributions versées en 2004, 2005 et 2006, soit la somme de 593 088 euros.

Après le rejet de ses demandes de restitution par la commission de recours amiable de l'Urssaf de Paris - région parisienne selon décision explicite du 8 avril 2009 (s'agissant de la contribution concernant l'exercice 2004) et selon décisions implicites de rejet (en ce qui concerne les contributions au titre des exercices 2005 et 2006), la société Laboratoires Expanscience a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine de plusieurs recours.

Par jugement en date du 7 février 2011, le tribunal des affaires de sécurité sociale, après jonction des recours, a dit que la contribution instituée au profit de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés et de la Haute Autorité de santé est assise sur les charges comptabilisées au cours du ou des exercices clos depuis la dernière échéance au titre des rémunérations de toutes natures des personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L.5122-11 du code de la santé publique, à l'exclusion de celles visées à l'article L.5122-12 du même code.

Le tribunal a renvoyé les parties, dans le cas où la décision deviendrait définitive, à une audience ultérieure aux fins d'établir le montant des sommes à restituer à la société Laboratoires Expanscience au titre des exercices 2004, 2005 et 2006. Le tribunal a sursis à statuer sur les demandes afférentes aux intérêts de retard et à leur capitalisation.

L'Urssaf de Paris-région parisienne a régulièrement relevé appel de cette décision.

Vu les conclusions déposées et développées oralement à l'audience du 12 juin 2012 par lesquelles l'Urssaf de Paris-région parisienne demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau :

- de dire et juger que la contribution visée à l'article L.245-2 du code de la sécurité sociale est assise sur les charges comptabilisées au cours du ou des exercices clos depuis la dernière échéance au titre des rémunérations de toutes natures des personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L.5122-11 du code de la sécurité sociale, c'est-à-dire de l'ensemble "des personnes qui font de l'information par démarchage ou de la prospection pour des médicaments" indépendamment des conditions d'acquisition des connaissances scientifiques requises, que ces personnes soient admises à exercer ces activités pour être titulaires des diplômes, titres ou certificats figurant sur la liste établie par l'autorité administrative, ou pour avoir exercé de telles activités pendant au moins trois ans dans les dix années précédant le 19 janvier 1994, ou pour avoir satisfait dans un délai de quatre ans à compter de la même date aux conditions de formation définies par l'autorité administrative,

- de confirmer les décisions de la commission de recours amiable (décision explicite du 8 avril 2009 en ce qui concerne la contribution exigible en 2005 - décisions implicites de rejet en ce qui concerne les contributions exigibles en 2006 et 2007) ayant rejeté les demandes de la société Laboratoires Expanscience en restitution d'une somme en principal de 593 088 euros,

- de débouter la société Laboratoires Expanscience de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- de condamner la société Laboratoires Expanscience au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'Urssaf fait valoir que pour calculer le montant de la contribution assise notamment sur les charges comptabilisées au titre des rémunérations des « personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L.5122-11 du code de la santé publique » il n'y a pas lieu de faire une distinction selon que les visiteurs médicaux sont, ou ne sont pas, titulaires d'un diplôme dès lors qu'à l'évidence le législateur a entendu viser toutes les personnes exerçant l'activité de visiteur médical, les articles L.5122-11 et L.5122-12 du code de la santé publique devant être lus ensemble puisqu'ils sont issus de la même source législative (la loi du 18 janvier 1994) et puisque dès 1983, conjuguant un double objectif, de santé publique, et de maîtrise des dépenses, les pouvoirs publics ont décidé, par un juste retour en faveur de l'assurance maladie, de taxer les dépenses de promotion de l'industrie pharmaceutique après avoir fait le constat que le coût du médicament, supporté par la collectivité publique au travers des remboursements opérés par l'assurance maladie, était induit, pour une part non négligeable, par l'incessante promotion développée par les laboratoires pharmaceutiques. Or, taxer les dépenses de promotion, c'était, pour l'essentiel, taxer les dépenses de la visite médicale (les dépenses promotionnelles de l'industrie pharmaceutique étant constituées pour les 3/4 par les dépenses de la visite médicale).

L'Urssaf précise que tous les visiteurs médicaux forment une profession homogène : ils sont soumis aux mêmes obligations et au même statut collectif (la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique du 6 avril 1956 et ses avenants), ils sont titulaires de la même carte professionnelle instituée par l'accord du 24 juillet 1992 et bénéficient de la même formation professionnelle, sanctionnée par un titre homologué, enregistré au répertoire national des certifications professionnelles (accord du 1er juillet 2005, qui prévoit également l'accès au métier par validation des acquis de l'expérience professionnelle). Dès lors, que leur compétence soit sanctionnée par un diplôme ou qu'elle résulte de leur expérience acquise, les visiteurs médicaux exercent la même activité - faire de l'information par démarchage ou de la prospection pour des médicaments auprès des prescripteurs - et sont dotés en la matière d'un monopole.

L'Urssaf ajoute que tant le pouvoir réglementaire que le législateur ont toujours institué une identité incontournable entre les personnes mentionnées à l'article L.5122-11 du code de la santé publique et l'ensemble de la population des visiteurs médicaux et que par voie de conséquence la réforme de 2002 n'a apporté, sur ce point, aucune novation.

L'Urssaf fait observer que la lecture des travaux préparatoires de la loi du 20 décembre 2002 confirme, s'il en était besoin, que le législateur n'a nullement voulu opérer une distinction selon que les visiteurs médicaux sont, ou ne sont pas, titulaires d'un diplôme. Elle relève surtout que si, à cette date, le législateur avait souhaité (en plus des réductions de l'assiette édictées par la nouvelle loi visant une baisse de 25% des produits taxés) écarter en outre certains professionnels de santé – en l'occurrence tous les visiteurs médicaux non diplômés – de l'application de la contribution, il aurait dû, préalablement, procéder à une étude sur l'impact financier d'une telle exclusion puisque la proportion de visiteurs médicaux non diplômés peut être évaluée à environ la moitié des effectifs de la profession des visiteurs médicaux. Par ailleurs, elle indique qu'une telle distinction, dépourvue de tout rapport avec l'objet de la loi, aurait abouti à une inégalité de traitement injustifiable entre les entreprises de préparation de médicaments.

De son côté, la société Laboratoires Expanscience demande à la cour :

- de constater que l'article L.245-2 du code de la sécurité sociale, qui définit l'assiette de la contribution, renvoie expressément et exclusivement aux dispositions de l'article L.5122-11 du code de la santé publique et en aucun cas à celles de l'article L.5122-12 de ce même code,

- de dire et juger que l'assiette de la contribution est assise sur les rémunérations, charges et frais des seuls visiteurs médicaux diplômés définis à l'article L.5122-11 du code de la santé publique,

- de dire et juger que les rémunérations, charges et frais liés aux visiteurs médicaux non diplômés définis à l'article L.5122-12 du code de la santé publique n'entrent pas dans l'assiette de la contribution.

En conséquence, la société Laboratoires Expanscience, demande à la cour :

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que la contribution instituée à l'article L.245-2 du code de la sécurité sociale est assise sur les charges comptabilisées au cours du ou des exercices clos depuis la dernière échéance au titre des rémunérations de toutes natures des seules personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L.5122-11 du code de la santé publique à l'exclusion de celles visées à l'article L.5122-12 du même code,

- de constater le bien-fondé des demandes de restitution formulées respectivement les 18 février 2008 et 21 juillet 2009,

- de réformer la décision de la commission de recours amiable de l'Urssaf de Paris - région parisienne du 8 avril 2009 concernant l'exercice 2004 et les décisions implicites de rejet concernant les contributions afférentes aux exercices 2005 et 2006 pour faire droit aux demandes de restitution adressées les 18 février 2008 et 21 juillet 2009,

- de condamner en conséquence l'Urssaf de Paris - région parisienne à lui rembourser la somme de 593 088 euros en principal et d'assortir les remboursements incombant à l'Urssaf de Paris - région parisienne, compte tenu de sa mauvaise foi, du paiement des intérêts au taux légal à compter respectivement des 18 février 2008 pour la somme de 157 576 euros et du 21 juillet 2009 pour la somme de 435 512 euros, outre capitalisation des intérêts dus,

- de condamner enfin l'Urssaf de Paris - région parisienne au paiement d'une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Laboratoires Expanscience fait valoir qu'en présence de textes clairs, l'esprit du législateur n'a pas à être recherché. Qu'à cet égard, les dispositions de l'article L.245-2 du code de la sécurité sociale sont parfaitement claires et précises et renvoient expressément et exclusivement aux dispositions de l'article L.5122-11 du code de la santé publique qui définissent les visiteurs médicaux diplômés.

Elle rappelle que si le texte est clair et même si ses conséquences peuvent sembler parfois singulières, le juge ne peut lui substituer une lecture distincte au nom d'une intention qui ne résulte pas du texte. La démarche du juge, c'est donc de s'en tenir au texte, à sa lettre et d'en rester là, dès l'instant que le texte exprime quelque chose (de déchiffrable) en écartant, par conséquent, comme non conforme au texte, une intention autre que celle qui y est exprimée, même dotée d'une plus grande vraisemblance par rapport à ce qui a pu être voulu.

Elle rappelle également que les règles traditionnelles d'interprétation commandées par la distinction fondamentale entre le texte clair et le texte obscur sont également confortées par le rôle grandissant des exigences inhérentes à la hiérarchie des normes et à l'impératif du respect du domaine assigné au pouvoir législatif par l'article 34 de la Constitution. Or l'article 34 de la Constitution place dans le domaine de la loi la fixation des règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature, la fixation des contours de la contribution pharmaceutique relevant dès lors du seul pouvoir législatif.

Enfin, elle ajoute qu'il doit être rappelé que le législateur ne doit pas méconnaître non plus l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité qui trouve son fondement dans les articles 4,5 6 et 16 de la Déclaration de 1789.

La société Laboratoires Expanscience observe d'ailleurs que si le législateur avait entendu inclure dans l'assiette de la contribution l'ensemble des visiteurs médicaux (diplômés ou non) il aurait, dès l'origine, ou par la suite en modifiant la rédaction initiale, ajouté aux termes « des personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L.5122-11 du code de la santé publique » les termes « et à l'article L.5122-12 du code de la santé publique » ou « aux articles L.5122-11 et L.5122-12 du code de la santé publique » (étant observé que l'ancienne définition de l'assiette faisait référence « aux réseaux de visiteurs médicaux », définition globale qui n'a pas été reprise lors de la rédaction de la loi du 20 décembre 2002).

La société Laboratoires Expanscience entend donc faire valoir que l'article L.245-2 du code de la sécurité sociale ne renvoie pas à l'article L.5122-12 du code de la santé publique, ce qui signifie que les personnes non diplômées doivent être exclues de l'assiette de la contribution. En pratique elle fait observer que l'exclusion doit être limitée aux seules personnes visées au 1o de l'article L.5122-12 du code de la santé publique, c'est-à-dire celles justifiant d'une expérience professionnelle dans le domaine de l'information par démarchage ou de la prospection pour des médicaments, d'au-moins trois ans, acquise dans les dix années précédant le 1er janvier 1994, soit entre 1984 et 1994 (les dispositions du 2o de l'article L.5122-12 constituant des mesures transitoires et temporaires qui ont pris fin le 19 janvier 1998).

En conséquence, sont donc exclues de l'assiette des contributions, les rémunérations allouées aux personnes qui, dans les 10 ans précédant le 19 janvier 1994, soit entre 1984 et 1994, justifient d'une expérience professionnelle de trois ans.

Enfin la société Laboratoires Expanscience entend souligner que l'Urssaf de Paris - région parisienne ne peut faire référence à l'article L.5122-1 du code de la santé publique dès lors que les textes délimitant l'assiette de la contribution ne font aucune référence à cet article et ne peut enfin, pour faire adopter son interprétation extensive de l'article L.245-2 du code de la sécurité sociale, invoquer un impérieux motif d'intérêt général en se fondant sur des estimations et projections ne reflétant aucun calcul précis et réel des enjeux financiers.

Dans le cadre des dispositions de l'article R.142-29 du code de la sécurité sociale, le directeur de la sécurité sociale représentant le ministre a été avisé de la date à laquelle cette affaire serait évoquée à l'audience du 12 juin 2012. Pour autant, bien qu'ayant accusé réception le 24 mai 2012 de la convocation pour l'audience du 12 juin 2012, le directeur de la sécurité sociale n'a pas comparu ni fourni des explications écrites après avoir sollicité, au besoin, une dispense de comparution.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé plus complet des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience du 12 juin 2012.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Considérant que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, présenté par le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a eu pour objet de redéfinir les contours de la contribution instituée aux articles L.245-1 et suivants du code de la sécurité sociale assise sur les dépenses de promotion de l'industrie pharmaceutique, « de manière à n'y faire figurer que les éléments dont le caractère promotionnel n'est pas contestable et à renforcer ainsi la sécurité juridique de la contribution » ;

Considérant ainsi que ce projet devait mettre un terme aux nombreux contentieux qui avaient été introduits par les laboratoires pharmaceutiques principalement en raison d'interprétations divergentes des éléments constitutifs de l'assiette définis par voie réglementaire ; que dans ce but, le projet a permis une réduction de l'assiette de la contribution (environ aux trois-quarts de ce qu'elle était à la date de promulgation de la loi) mais a ajusté, en contrepartie, les seuils des tranches, le montant des abattements et les taux afin de maintenir à la contribution un rendement identique ; qu'ainsi la rédaction du nouvel article L.245-2 du code de la sécurité sociale est intervenue dans un contexte particulier imposant qu'une analyse de son contenu et de son objet soit effectuée par la juridiction avant de décider de l'étendue de son application dès lors que le fondement de la contribution, comme le but poursuivi par le législateur, font l'objet tant de la part de l'Urssaf que de plusieurs laboratoires pharmaceutiques, dont la société Laboratoires Expanscience, d'interprétations divergentes ;

Considérant que le nouvel article L.245-2 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé : « La contribution est assise sur les charges comptabilisées au cours du ou des exercices clos depuis la dernière échéance au titre :

1o Des rémunérations de toutes natures, y compris de l'épargne salariale ainsi que des charges sociales et fiscales y afférentes, des personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L.5122-11 du code de la santé publique.......

Considérant qu'entrées en application à compter du 1er janvier 2003 ces nouvelles dispositions ont contraint l'industrie pharmaceutique à adresser aux Urssaf des déclarations emportant versements de la contribution calculés sur les rémunérations de toutes natures versées aux personnes relevant de la catégorie spécifique des visiteurs médicaux ;

Considérant qu'à la fin de l'année 2007 et au début de l'année 2008, plusieurs laboratoires pharmaceutiques, dont la société Laboratoires Expanscience, ont entendu réduire l'assiette de la contribution aux seules rémunérations versées aux visiteurs médicaux diplômés visés à l'article L.5122-11 du code de la santé publique écartant ainsi les rémunérations versées aux visiteurs médicaux non diplômés visés à l'article L.5122-12, étant ici précisé que la proportion de visiteurs médicaux non diplômés peut s'établir, selon les estimations de l'Urssaf de Paris - région parisienne non sérieusement contestées par la société Laboratoires Expanscience, à environ 45% voire 50 % des effectifs de la profession des visiteurs médicaux ;

Considérant que l'Urssaf de Paris-région parisienne s'est opposée à une telle interprétation des dispositions législatives et a refusé de restituer à la société Laboratoires Expanscience les contributions versées au titre des années 2004, 2005 et 2006 en ce qu'elles avaient été calculées aussi sur les rémunérations versées à des visiteurs médicaux non diplômés ;

Considérant qu'en décidant d'asseoir la contribution sur les rémunérations versées aux « personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L.5122-11 du code de la santé publique », le législateur, par la nouvelle rédaction de l'article L.245-2 du code de la sécurité sociale, a entendu viser les personnes qui font de l'information par démarchage ou de la prospection pour des médicaments, c'est-à-dire toutes les personnes qui contribuent aux actions relatives à la publicité pour les médicaments à usage humain selon les dispositions qui ont été instituées initialement par la loi no 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale par suite de la transposition en droit interne de directives européennes ;

Considérant que cette loi du 18 janvier 1994, en son article 8, a inséré au Livre V du code de la santé publique des modifications codifiées sous l'article L.551-7 (devenu l'article L.5122-11) qui ont imposé l'obligation pour les personnes qui font de l'information par démarchage ou de la prospection pour les médicaments de posséder des connaissances scientifiques suffisantes attestées par des diplômes, titres ou certificats figurant sur une liste établie par l'autorité administrative (la liste sera effectivement établie aux articles 1er, 2 et 3 de l'arrêté ministériel du 17 septembre 1997) ; que toutefois cette même loi du 18 janvier 1994, en son article 11 (ultérieurement codifié à l'article L.5122-12 du code de la santé publique), a permis l'exercice des mêmes activités d'information et de prospection :

-aux personnes qui avaient exercé de telles activités pendant au moins trois ans dans les dix années précédant la promulgation de la loi (soit dans les dix années précédant le 19 janvier 1994),

-et aux personnes qui n'avaient pas d'expérience professionnelle d'au moins trois années dans ce domaine à condition de satisfaire dans un délai de quatre ans à compter du 19 janvier 1994 aux conditions fixées par le premier alinéa de l'article L.557-7 (devenu L.5122-11) ou à des conditions de formation définies par l'autorité administrative (conditions qui seront fixées à l'article 4 de l'arrêté ministériel du 17 septembre 1997),

Qu'ainsi, initialement et lors de la codification des articles L.5122-11 et L.5122-12 du code de la santé publique, ce sont les mêmes activités relatives à la publicité des médicaments qui ont été autorisées et confiées, soit à des personnes possédant déjà des connaissances scientifiques suffisantes (article L.5122-11), soit à des personnes possédant déjà une expérience suffisante (article L.5122-12-1o), soit enfin à des personnes capables d'acquérir dans un délai déterminé les diplômes, titres ou certificats ou de suivre la formation scientifique dispensée dans le cadre de la formation continue par l'entreprise qui les emploie (article L.5122-12-2o) ;

Considérant en conséquence, qu'en fixant l'assiette de la contribution sur les rémunérations de toutes natures « des personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L.5122-11 du code de la santé publique », l'article L.245-2 du code de la sécurité sociale n'a pas instauré une distinction entre visiteurs médicaux titulaires de diplômes et visiteurs médicaux non diplômés mais fixé l'assiette de la contribution sur l'ensemble des sommes acquittées par l'industrie pharmaceutique auprès des personnels en charge du démarchage et de la prospection pour les médicaments qui étaient identifiés, dans l'ancienne rédaction, sous la dénomination « réseaux de visiteurs médicaux », expression renvoyant déjà à une seule profession - les visiteurs médicaux - mais exercée par des personnes ayant suivi des parcours différents lors de l'acquisition des connaissances scientifiques exigées ;

Considérant que l'introduction d'une différence de traitement entre visiteurs médicaux en fonction des diplômes présentés ou non présentés au cours de la vie professionnelle ne peut avoir une incidence qu'au niveau de la rémunération versée puisque la société Laboratoires Expanscience n'a jamais invoqué avoir instauré une répartition différente des tâches et missions confiées aux visiteurs médicaux dans le cadre du démarchage et de la prospection selon qu'ils possèdent ou ne possèdent pas de diplômes, reconnaissant ainsi que les visiteurs médicaux constituent une seule et unique profession ; que d'ailleurs, toute autre répartition des tâches et missions en fonction de la production ou non de diplômes, non prévue par le code de la santé publique, constituerait une discrimination injustifiée ;

Considérant enfin que faire une distinction entre visiteurs médicaux diplômés et visiteurs médicaux non diplômés, comme le demande la société Laboratoires Expanscience, conduirait à réduire l'assiette de la contribution en fonction de critères qui n'ont jamais été envisagés par le législateur lorsqu'il a souhaité redéfinir en 2002 les contours de la contribution instituée depuis 1983 en réduisant seulement le nombre des éléments promotionnels servant d'assiette à la contribution (dès lors que ceux-ci avaient donné lieu à de nombreux contentieux au cours des années antérieures) mais sans modifier le principe d'une taxation assise sur les sommes versées à l'ensemble des personnels en charge des opérations de publicité ; qu'en outre, la réduction de l'assiette de la contribution, selon les modalités proposées par la société Laboratoires Expanscience, serait susceptible d'encourager la seule embauche ou le seul maintien en activité de personnels moins qualifiés, mais habilités à exercer les mêmes fonctions que les personnels diplômés, aux fins d'éluder le paiement d'une partie voire de la totalité de la contribution, créant ainsi les conditions d'une discrimination et d'une atteinte au principe d'égalité des entreprises exerçant les mêmes activités devant les charges publiques ;

Considérant en conséquence qu'il convient d'infirmer le jugement déféré et de débouter la société Laboratoires Expanscience de son recours tendant à exclure de l'assiette de la contribution visée à l'article L.245-2 du code de la sécurité sociale les personnes qui font de l'information par démarchage ou de la prospection pour les médicaments dans les conditions dérogatoires aux dispositions de l'article L.5122-11 du code de la santé publique et fixées à l'article L.5122-12 du même code ; qu'ainsi les décisions implicites de rejet et la décision du 8 avril 2009 de la commission de recours amiable de l'Urssaf de Paris - région parisienne doivent être confirmées en ce qu'elles ont eu pour effet de rejeter la demande de restitution présentée par la société Laboratoires Expanscience à hauteur de la somme de 593 088 euros représentant une partie de la contribution acquittée au titre des années 2004, 2005 et 2006 ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par mise à disposition au greffe et par décision réputée contradictoire,

INFIRME le jugement rendu le 7 février 2011 par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine,

DIT que pour l'application de l'article L.245-2 du code de la sécurité sociale il n'y a pas lieu d'exclure de l'assiette de la contribution les personnes qui font de l'information par démarchage ou de la prospection pour les médicaments lorsqu'elles exercent leurs activités conformément aux dispositions prévues par l'article L.5122-12 du code de la santé publique,

DÉBOUTE en conséquence la société Laboratoires Expanscience de ses recours et confirme les décisions implicites de rejet et la décision en date du 8 avril 2009 rendues par la commission de recours amiable de l'Urssaf de Paris - région parisienne,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et signé par Madame Jeanne MININI, président et Madame Céline FARDIN, greffier auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 08/01305
Date de la décision : 20/09/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-09-20;08.01305 ?
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