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13/09/2012 | FRANCE | N°10/00371

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13 septembre 2012, 10/00371


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80B
J. M.
5ème Chambre


ARRET No


CONTRADICTOIRE


DU 13 SEPTEMBRE 2012


R. G. No 11/ 03218


AFFAIRE :


Corinne X...





C/
SAS 3M FRANCE en la personne de son représentant légal








Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 07 Juillet 2011 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de CERGY PONTOISE
Section : Encadrement
No RG : 10/ 00371




Copies exécutoires délivrÃ

©es à :


Me Elisabeth DURET-PROUX
Me Pascal DELIGNIERES




Copies certifiées conformes délivrées à :


Corinne X...



SAS 3M FRANCE en la personne de son représentant légal




le :




C...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80B
J. M.
5ème Chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 13 SEPTEMBRE 2012

R. G. No 11/ 03218

AFFAIRE :

Corinne X...

C/
SAS 3M FRANCE en la personne de son représentant légal

Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 07 Juillet 2011 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de CERGY PONTOISE
Section : Encadrement
No RG : 10/ 00371

Copies exécutoires délivrées à :

Me Elisabeth DURET-PROUX
Me Pascal DELIGNIERES

Copies certifiées conformes délivrées à :

Corinne X...

SAS 3M FRANCE en la personne de son représentant légal

le :

Copie Pôle Emploi le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TREIZE SEPTEMBRE DEUX MILLE DOUZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame Corinne X...

...

78780 MAURECOURT
comparante en personne, assistée de Me Elisabeth DURET-PROUX, avocat au barreau de VAL DOISE, vestiaire : 34

APPELANTE

****************

SAS 3M FRANCE en la personne de son représentant légal
Boulevard de l'Oise
95006 CERGY PONTOISE CEDEX
représentée par Me Pascal DELIGNIERES de la SELAFA FIDAL DIRECTION INTERNATIONALE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : N702

INTIMEE
****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 juin 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Jeanne MININI, Président, et Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Conseiller, chargés d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de

Madame Jeanne MININI, Président,
Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Conseiller,
Monsieur Hubert LIFFRAN, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Sabrina NIETRZEBA-CARLESSOEXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme Corinne X... a été embauchée par la société 3 M France à compter du 19 décembre 1994 selon contrat de travail à durée indéterminée. Elle a occupé successivement les postes d'assistante de gestion, agent de relations financières, agent supérieur de gestion et technicien supérieur de gestion financière, poste classé dans la catégorie des assimilés cadres, coefficient 360 selon la convention collective de la chimie.

Mme Corinne X... a été placée en congé maternité de mars à septembre 2007 puis a bénéficié d'un congé parental d'éducation jusqu'au 8 septembre 2009, date à laquelle elle a repris son poste dans l'entreprise. Elle a occupé alors un poste d'agent de relations financières à temps partiel (80 % en raison de ses charges familiales), poste créé dans le cadre de l'acquisition par la société 3 M France de la société Aearo, fin 2008. Sa dernière rémunération mensuelle brute s'est élevée à la somme de 2 333 euros.

Le 18 janvier 2010 la société 3 M France a convoqué Mme Corinne X... à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement pour motif économique fixé au 28 janvier suivant. Après l'entretien, la société 3 M France a proposé le 11 février 2010 à Mme Corinne X... d'occuper un poste à temps complet de gestionnaire relations clients au sein du département Service à la clientèle avec le maintien de son coefficient et de sa rémunération. Après refus du poste ainsi proposé, la société 3 M France a notifié à Mme Corinne X..., selon lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 23 mars 2010, son licenciement pour motif économique.

Sur interrogation de Mme Corinne X... sur les critères d'ordre des licenciements, la société 3 M France l'a informée qu'aucun critère n'avait été mis en oeuvre dès lors qu'elle était la seule personne licenciée dans sa catégorie professionnelle. Mme Corinne X... a quitté la société 3 M France après avoir accepté un congé de reclassement d'une durée de quatre mois.

***

Contestant les motifs du licenciement, Mme Corinne X... a fait convoquer la société 3 M France le 20 mai 2010 devant le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise afin d'obtenir sa condamnation au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et subsidiairement pour non respect des critères d'ordre des licenciements.

Par jugement en date du 7 juillet 2011 le conseil de prud'hommes a débouté Mme Corinne X... de ses demandes et l'a condamnée à verser à la société 3 M France la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme Corinne X... a régulièrement relevé appel de cette décision.
Vu les conclusions déposées et développées oralement à l'audience du 7 juin 2012 par lesquelles elle demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :

- de dire que son licenciement est nul dès lors qu'il est inhérent à sa personne et surtout en lien avec ses congés (maternité et parental) puisqu'à son retour dans l'entreprise elle n'a pu obtenir un poste équivalent au poste antérieurement occupé, elle-même ayant enfin été victime de discrimination salariale (par comparaison à la rémunération versée à Mme Y..., exerçant des fonctions similaires mais avec application d'un coefficient 400 et d'une classification au niveau cadre entraînant le versement d'une rémunération supérieure),
- de dire en toute hypothèse que son licenciement est dépourvu de cause économique réelle et sérieuse dès lors que la société 3 M France ne rencontrait en 2010 aucune difficulté financière et dès lors que la suppression de son poste ne pouvait à elle seule permettre à l'entreprise de sauvegarder sa compétitivité qui n'a jamais été menacée, s'agissant d'une société d'envergure importante au niveau international,
- de constater qu'aucune recherche réelle de reclassement n'a été effectuée avant l'introduction de la procédure de licenciement,
- de condamner en conséquence la société 3 M France au paiement d'une indemnité de 83 988 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi et d'une indemnité complémentaire de 27 996 euros pour non respect des critères d'ordre des licenciements.
Mme Corinne X... fait enfin valoir que la société 3 M France n'a pas exécuté de bonne foi le contrat de travail dès lors qu'elle n'a pas recherché à la reclasser à son retour de congé parental, aucune mission précise ne lui ayant été confiée avant la suppression du poste momentanément occupé dans le cadre d'une procédure de licenciement particulièrement abusive et vexatoire. Mme Corinne X... a sollicite la condamnation complémentaire de la société 3 M France au paiement de la somme de 13 998 euros à titre de dommages-intérêts. Enfin elle a sollicité l'indemnisation de ses frais de procédure à concurrence de la somme de 4 000 euros.

La société 3 M France a conclu à la confirmation du jugement déféré et au rejet de l'ensemble des réclamations présentées par Mme Corinne X....
Elle fait valoir que bien avant le retour de Mme Corinne X... dans l'entreprise à l'issue de son congé parental des entretiens ont été effectués afin de permettre à cette salariée de reprendre, selon son souhait, de nouvelles activités après les nombreuses années passées au sein du service RFC (relations financières clients) mais qu'il n'a pu être trouvé un nouveau poste l'obligeant à reprendre, au sein du même service, des fonctions différentes après l'acquisition de la société Aearo. Elle conteste toute discrimination salariale alors que Mme Corinne X... compare sa situation avec celle d'une personne occupant un poste bien supérieur.
La société 3 M France fait valoir enfin que le licenciement n'est motivé que par la nécessité d'assurer sa compétitivité par la suppression du poste occupé par Mme Corinne X... et le refus par cette salariée d'accepter le seul poste disponible au même niveau de classification et de rémunération.
A titre subsidiaire, la société 3 M France fait observer que Mme Corinne X... a retrouvé rapidement un nouvel emploi et qu'en conséquence l'indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse devrait être limitée aux six derniers mois de salaires, indemnité qui ne peut se cumuler avec une indemnité pour non respect des critères d'ordre des licenciements.
Enfin la société 3 M France demande à la cour de condamner Mme Corinne X... au paiement d'une indemnité de 4 000 euros au titre des frais de procédure qu'elle a dû exposer pour assurer la défense de ses intérêts.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé plus complet des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience du 7 juin 2012.

MOTIFS DE LA DÉCISION

-sur l'exécution du contrat de travail

Considérant qu'en application des dispositions prévues par l'article L. 1225-55 du code du travail Mme Corinne X... aurait dû retrouver, à l'issue de son congé parental d'éducation, son précédent emploi ou un emploi similaire, assorti d'une rémunération au moins équivalente ;

Considérant que s'il est vrai que pendant son congé parental (prolongé à plusieurs reprises) Mme Corinne X... a bénéficié de plusieurs entretiens en vue de préparer son retour dans l'entreprise notamment pour lui permettre, compte tenu de sa volonté d'orienter son activité professionnelle hors du service RFC au sein duquel elle avait assuré plusieurs missions au cours des cinq dernières années, d'envisager d'occuper des postes différents au sein d'autres services, pour autant il résulte des courriels échangés entre la salariée et Mme Marion Z..., directeur des ressources humaines, qu'à son retour effectif dans l'entreprise en septembre 2009 aucune affectation précise ne lui a été confiée, l'a contraignant ainsi à retourner au sein du service RFC mais sans pour autant retrouver son précédent emploi puisqu'elle a dû occuper un poste d'agent de relations financières dans le cadre de l'acquisition de la société Aearo, poste qui a été immédiatement qualifié de " demi-poste " nécessitant de compléter la charge de travail par d'autres tâches ; qu'enfin, si en décembre 2009 la société 3 M France a reconnu que Mme Corinne X... avait suivi les instructions données pour postuler en interne sur d'autres postes et s'était prêtée à des entretiens avec les responsables des services concernés, pour autant elle a dû admettre que ces postes n'étaient finalement pas " ouverts " en vue d'être pourvus immédiatement, ce qui traduisait à l'évidence qu'il n'y avait eu aucune véritable recherche de reclassement alors que Mme Corinne X... avait déjà repris son poste à son retour de congés depuis déjà plus de trois mois ; qu'enfin la suppression du poste occupé par Mme Corinne X... et l'introduction de la procédure de licenciement dès le début du mois de janvier 2010 ont finalement permis d'établir que le poste confié à la salariée à son retour de congé parental n'était qu'un poste provisoire en l'absence de toute recherche effective d'un poste similaire au poste occupé antérieurement ;

Considérant que la société 3 M France n'a pas exécuté de bonne foi le contrat de travail ; qu'ainsi elle devra verser à Mme Corinne X... la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi occasionné ;

Considérant que Mme Corinne X... ne démontre pas qu'il y a eu discrimination salariale dès lors qu'elle se contente de comparer sa rémunération à celle d'une autre salariée (Mme Y...) au sein du même service mais qui occupait depuis plusieurs années les fonctions d'analyste relations financières dans la classification des cadres et qui de ce fait n'était pas placée dans la même situation ;

- sur la rupture du contrat de travail

Considérant que le licenciement pour motif économique doit être justifié par une cause réelle et sérieuse (article L. 1233-2 du code du travail) ; qu'en application des dispositions de l'article L. 1233-3 du même code " constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail, ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologique " ; qu'en outre la Jurisprudence a ajouté à l'énumération légale " la réorganisation de l'entreprise pour sauvegarder la compétitivité de cette entreprise " ou, si celle-ci appartient à un groupe, " celle du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise " ;

Considérant enfin que l'existence d'un motif économique ne suffit pas à justifier le licenciement si l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement dans les conditions fixées par les dispositions de l'article L. 1233-4 du code du travail ;

Considérant que la société 3 M France a notifié à Mme Corinne X... la rupture de son contrat de travail selon lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 23 mars 2010 en invoquant la suppression du poste qu'elle occupait à son retour de congé parental en septembre 2009 dans le cadre d'une réorganisation destinée à la sauvegarde de la compétitivité du secteur auquel elle était affectée ;

Considérant que si la société 3 M France a, dans le cadre de la réorganisation du service nouvellement créé fin 2008 lors de l'acquisition de la société Aearo, décidé finalement quelques mois plus tard de supprimer le poste confié à Mme Corinne X... en septembre 2009 par suite de l'arrêt de l'activité SRX et son intégration dans les comptes 3M France, pour autant elle ne démontre nullement que la suppression de ce seul poste (poste constitutif d'un demi-poste ayant eu finalement une durée bien éphémère) était de nature à lui permettre de faire face à la concurrence à laquelle elle était confrontée dans ce secteur d'activité alors qu'elle ne fournit aux débats aucune indication sur une éventuelle baisse de compétitivité ou de son chiffre d'affaires au début de l'année 2010 ; qu'ainsi le motif économique n'est nullement démontré pour justifier le licenciement individuel de Mme Corinne X... ; qu'enfin, la société 3 M France ne justifie pas de recherches de reclassement antérieurement à l'engagement de la procédure de licenciement, le seul poste proposé à Mme Corinne X... postérieurement à l'entretien réalisé ne pouvant permettre de démontrer que cette importante société occupant en France plusieurs centaines de salariés avait satisfait loyalement à son obligation de reclassement en ne pouvant proposer, dans le même secteur d'activité comprenant plusieurs services différents, aucune autre fonction correspondant aux compétences de cette salariée présente dans l'entreprise depuis plus de quinze années et qui avait toujours fait l'objet de très bonnes appréciations sur le travail effectué ;

Considérant qu'il convient donc d'infirmer le jugement déféré et de dire que le licenciement de Mme Corinne X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Considérant qu'après avoir pris en considération les circonstances de la rupture et la reprise par Mme Corinne X... d'un nouvel emploi en avril 2012, la cour condamne la société 3 M France au paiement d'une indemnité de 35 000 euros par application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, cette indemnité ne pouvant se cumuler avec une indemnité pour non respect des critères d'ordre des licenciements ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par mise à disposition au greffe et par décision contradictoire,

INFIRME le jugement rendu le 7 juillet 2011 par le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise,

CONDAMNE la société 3 M France à verser à Mme Corinne X... les sommes de :
• 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à une inexécution fautive du contrat de travail,
• 35 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
• 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

ORDONNE le remboursement par la société 3 M France des indemnités de chômage versées à Mme Corinne X... dans la limite de quatre mois d'indemnités consécutives au licenciement,

ORDONNE la notification par les soins du Greffe de la présente décision à Pôle emploi TSA 32001 75987 Paris Cedex 20,

DÉBOUTE les parties de toutes autres demandes,

CONDAMNE la société 3 M France aux entiers dépens et aux frais d'exécution de la présente décision.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et signé par Madame Jeanne MININI, président et Madame Céline FARDIN, greffier auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 10/00371
Date de la décision : 13/09/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-09-13;10.00371 ?
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