COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 23A
1ère chambre 1ère section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 28 JUIN 2012
R.G. N° 11/00293
AFFAIRE :
[G] [D] veuve [E]
C/
[B] [E]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Décembre 2010 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° Chambre : 4
N° Section :
N° RG : 09/7980
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Claire RICARD
Me Anne Laure DUMEAU,
MP
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE DOUZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [G] [D] veuve [E]
née le [Date naissance 4] 1958 à [Localité 19] - ALGERIE
[Adresse 2]
[Localité 28]
Rep/assistant : Me Claire RICARD (avocat postulant au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 2011025 )
PLAIDANT par Maitre Paul RIQUIER, avocat au barreau de Versailles
APPELANTE
****************
Monsieur [B] [E]
né le [Date naissance 7] 1959 à [Localité 23] - ALGERIE
[Adresse 15]
[Localité 24]
Rep/assistant : Me Anne Laure DUMEAU (avocat postulant au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 0027100 )
Monsieur [R] [U] [E]
né le [Date naissance 11] 1955 à [Localité 23] - ALGERIE
[Adresse 1]
[Localité 29]
Rep/assistant : Me Anne Laure DUMEAU (avocat postulant au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 0027100 )
Monsieur [H] [E]
né le [Date naissance 10] 1956 à [Localité 27] - ALGERIE
[Adresse 5]
[Localité 18])
Rep/assistant : Me Anne Laure DUMEAU (avocat postulant au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 0027100 )
Mademoiselle [A] [E]
née le [Date naissance 14] 1958 à [Localité 27] - ALGERIE
[Adresse 16]
[Localité 17]
Rep/assistant : Me Anne laure DUMEAU (avocat postulant au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 0027100 )
Madame [I] [J]
née le [Date naissance 8] 1934 à [Localité 23] - ALGERIE
[Adresse 3]
[Localité 29]
Rep/assistant : Me Anne laure DUMEAU (avocat postulant au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 0027100 )
PLAIDANT par Maitre Pascal KOERFER, avocat au barreau de VERSAILLES
INTIMES
MINISTERE PUBLIC représenté par Monsieur le Procureur Général près la cour d'appel de Versailles lui même représenté par Monsieur CHOLET, avocat général (conclusions du 1/04/2011)
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Juin 2012 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie Gabrielle MAGUEUR, président, chargé du rapport et Madame Dominique LONNE, conseiller,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, président,
Madame Dominique LONNE, conseiller,
Madame Claire DESPLAN, conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT,
**************
Vu l'appel interjeté par [G] [D] veuve [E] du jugement rendu le 10 décembre 2010 par le tribunal de grande instance de Nanterre qui a :
- déclaré [I] [J] recevable en sa demande,
- prononcé la nullité du mariage célébré le [Date mariage 12] 1987 à [Localité 28] entre [W] [E] né le [Date naissance 6] 1918 à [Localité 22] (Algérie) et [G] [D] née le [Date naissance 4] 1958 à [Localité 19] (Algérie),
- dit qu'il sera fait mention du jugement en marge des actes de naissance et de mariage des intéressés, - dit que toute mention afférente à cette union apposée en marge des actes d'état civil de l'un ou l'autre époux sera réputée non écrite, - dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, - débouté [G] [D] de sa demande de bénéfice du mariage putatif, - condamné [G] [D] aux dépens ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 1er décembre 2011 par lesquelles [G] [D] veuve [E], poursuivant l'infirmation du jugement entrepris, demande à la cour de :
- dire valide le mariage célébré le [Date mariage 12] 1987 à [Localité 28] entre [W] [E] et [G] [D],
- d'ordonner le rétablissement sur les actes de l'état civil de [W] [E] par le service central de l'état civil tenu à [Localité 24], de son divorce d'avec [I] [J], de son mariage avec [G] [D] et du jugement de divorce rendu le 14 mars 1991 par le tribunal de grande instance de Nanterre,
- subsidiairement, ordonner avant dire droit à Monsieur le procureur général de communiquer le dossier sur lequel le procureur de la république près le tribunal de grande instance de [Localité 24] s'est fondé pour ordonner la suppression en marge de l'acte de naissance de [W] [E] de son mariage et partant de son divorce d'avec [G] [D],
- très subsidiairement, la faire bénéficier des dispositions de l'article 201 du Code civile et dire qu'elle a contracté mariage de bonne foi avec [W] [E],
- dire, en conséquence, qu'elle bénéficiera des effets du mariage célébré par l'officier d'état civil de [Localité 28], le [Date mariage 12] 1987,
- condamner [I] [J], [R] [E], [H] [E], [A] [E] et [B] [E] à lui payer la somme de 4.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Vu les dernières écritures signifiées le 28 novembre 2011 aux termes desquelles [I] [J] veuve [E], [R] [E], [H] [E], [A] [E] et [B] [E] soulèvent l'incompétence de la cour pour statuer sur la question relative au rétablissement des mentions sur les actes d'état civil de [W] [E], à titre subsidiaire, concluent au rejet de cette demande, et prient la cour de constater la régularité de l'intervention des enfants nés de l'union de [W] [E] et de [I] [J], de confirmer le jugement déféré et de condamner [G] [D] à leur verser chacun la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 2 février 2012 ;
SUR QUOI, LA COUR
Considérant que [I] [J] a contracté mariage avec [W] [E], le [Date mariage 13] 1954, devant l'officier d'état civil de [Localité 23] (Algérie) ; que sur la procédure initiée par [W] [E], la cour d'appel d'Oran, par arrêt du 24 avril 1963, a confirmé le jugement rendu le 13 janvier 1962 par le tribunal de grande instance d'Oran et prononcé le divorce des époux, aux torts exclusifs de celui-ci ;
Qu'après leur installation sur le territoire français métropolitain, les époux [E] comparant le 15 janvier 1965, devant Maître [T], notaire à [Localité 29], ont déclaré qu'une réconciliation était intervenue entre eux et que l'arrêt rendu le 24 avril 1963 n'avait été ni signifié, ni transcrit sur les registres de l'état civil ;
Que par jugement du 15 mars 1967, le tribunal d'instance de Versailles a autorisé [I] [J] à saisir-arrêter sur les appointements de son époux, [W] [E] la somme mensuelle de 1.500 F à titre de contribution aux charges du mariage ;
Qu'en 1971, [W] [E] a engagé une procédure de divorce devant le tribunal de grande instance de Versailles ; qu'un jugement du 30 mai 1973, confirmé par arrêt du 14 avril 1975, l'a débouté de sa demande en divorce et a prononcé la séparation de corps des époux, aux torts exclusifs du mari ;
Que [W] [E] a contracté mariage avec [G] [D], le [Date mariage 12] 1987, devant l'officier d'état civil de la mairie de [Localité 28] ;
Que par acte du 27 février 2003, [W] [E] a assigné [I] [J] devant le tribunal de grande instance de Versailles aux fins de conversion de la séparation de corps en divorce, que dans le cadre de cette procédure, il a produit un extrait d'acte de naissance portant la mention de la dissolution du mariage par la décision rendue par le tribunal d'Oran, le 23 avril 1963 ; qu'estimant cette mention fausse, [I] [J] a déposé plainte avec constitution de partie civile à l'encontre de [W] [E] ; que ces procédures civile et pénale ont été éteintes par le décès de [W] [E], survenu le [Date décès 9] 2008 ;
Que c'est dans ces circonstances que [I] [J] a assigné [G] [D] en nullité pour bigamie du mariage contracté le [Date mariage 12] 1987 avec [W] [E] devant le tribunal de grande instance de Nanterre qui a rendu le jugement entrepris ;
- Sur la recevabilité de l'intervention de [R] [E], [H] [E], [A] [E] et [B] [E]
Considérant que dans le dispositif de ses écritures, [G] [D] soulève l'irrecevabilité de l'action engagée par [R] [E], [H] [E], [A] [E] et [B] [E], au visa des articles 122,123, 124 et 125 du Code de procédure civile, sans toutefois développer cette exception dans le corps des écritures ;
Considérant qu'aux termes de l'article 332 du Code de procédure civile, le juge peut inviter les parties à mettre en cause tous les intéressés dont la présence lui paraît utile à la solution du litige ;
Considérant que les intimés rappellent pertinemment que par jugement du 12 mars 2010, le tribunal de grande instance de Nanterre a dit que [I] [J] et [G] [D] devront produire leurs livrets de famille et mettre en cause les ayant droits de [W] [E] ; qu'ensuite du prononcé de cette décision, ces derniers sont intervenus à l'instance, par conclusions du 7 juin 2010 ;
Que, dans ces conditions, leur intervention pour appuyer les prétentions de leur mère, [I] [J] ne peut qu'être déclarée recevable ;
- Sur la demande de communication du dossier transmis au procureur de la République de [Localité 24]
Considérant que [G] [D] demande la communication du dossier sur lequel le procureur de la république de [Localité 24] s'est fondé pour ordonner la suppression en marge de l'acte de naissance de [W] [E] de son mariage et de son divorce d'avec [G] [D] ;
Mais considérant qu'il n'entre pas dans les attributions de la cour d'apprécier le bien fondé de la rectification apportée par le procureur de la République sur l'acte de naissance de [W] [E] le 4 juin 1997, conformément aux dispositions des articles 99 alinéa 2 et 3 du Code civil et 1051 du Code de procédure civile ;
Que cette demande sera donc rejetée ;
- Sur la nullité du mariage
Considérant que, pour conclure à la validité du mariage qu'elle a contracté le [Date mariage 12] 1987 avec [W] [E], [G] [D] conteste le défaut de signification de l'arrêt rendu le 23 avril 1963 par la cour d'appel d'Oran prononçant le divorce des époux [E]-[J], faisant valoir que cette décision a été transcrite sur les registres d'état civil algériens ; qu'elle soutient que la décision du procureur de la République de [Localité 24] de procéder à la mise à jour de l'état civil de [I] [J] en précisant que la mention du jugement de divorce prononcé le 13 janvier 1962 par le tribunal de grande instance d'Oran, confirmé par l'arrêt rendu le 23 avril 1963 par la cour d'appel d'Oran était nulle et non avenue, a été prise au vu des seules pièces produites par le conseil de cette dernière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 252 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 27 juillet 1884, à défaut par les parties d'avoir requis la transcription dans le délai de deux mois, le divorce est considéré comme non avenu ; que l'alinéa 1 de ce texte prévoit que le délai de deux mois court à compter du jour où la décision prononçant le divorce est devenue définitive ;
Considérant que [G] [D] ne justifie ni de la signification de l'arrêt de la cour d'appel d'Oran du 23 avril 1963, ni de sa transcription sur les registres de l'état civil ; que l'extrait de l'acte de mariage du registre de l'état civil de la commune de [Localité 23] (Algérie) annexé à la déclaration de réconciliation faite par [W] [E] et [I] [J] devant notaire, le 13 janvier 1965, ne mentionne pas la transcription de l'arrêt du 23 avril 1963 ou du jugement de divorce du 13 janvier 1962 ; que devant le notaire, qui a consigné leurs dires, les deux époux ont déclaré que sur la demande de l'épouse, par suite de la réconciliation intervenue entre eux et de la reprise de la vie commune, cet arrêt n'a jamais été signifié et n'a jamais été transcrit sur les registres de l'état civil ainsi qu'il résulte de l'absence de toute mention en marge de leur acte de mariage, ajoutant que, bien entendu, le jugement frappé d'appel n'a pas été transcrit et que par suite ce jugement et cet arrêt doivent être considérés comme non avenus ; qu'elle se prévaut en vain de l'extrait d'acte de naissance produit par [W] [E] dans le cadre de la procédure de divorce l'opposant à [I] [J], daté du 12 mars 1987, qui, argué de faux par cette dernière, a donné lieu à une information pénale qui n'a pas abouti, l'action publique ayant été éteinte par le décès de [W] [E] ;
Qu'il résulte des procédures engagées postérieurement à l'arrêt du 23 avril 1963 que les deux époux n'ont pas remis en cause le caractère non avenu de cette décision ; qu'ainsi, à la demande de contribution aux charges du mariage formée par [I] [J] devant le juge du tribunal d'instance de Versailles, [W] [E] n'a pas opposé la dissolution des liens du mariage par l'effet du divorce ; qu'il a, en 1971, engagé une procédure de divorce devant le tribunal de grande instance de Versailles ; que dans la requête en divorce qu'il a déposée, le 28 octobre 1971, il indique qu'en 1963, la cour d'appel d'Oran prononça le divorce d'entre les époux mais cette décision resta lettre morte, les époux ayant décidé de reprendre la vie commune dans l'intérêt des enfants ;
Que les intimés relèvent à juste titre que dans les déclarations de revenus de l'année 1965 et 1968 qu'il a déposées il indique être marié avec [I] [J] ; que cette indication est portée sur une fiche familiale d'état civil qu'il remplit et signe le 11 septembre 1972 ;
Qu'il s'ensuit que lorsqu'il a contracté mariage avec [G] [D], le [Date mariage 12] 1987, [W] [E] était encore dans les liens du précédent mariage avec [I] [J] ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du mariage célébré le [Date mariage 12] 1987 entre [W] [E] et [G] [D] ;
- Sur la demande de bénéfice du mariage putatif
Considérant que pour s'opposer à la demande de [G] [D], [I] [J] fait valoir que celle-ci ne pouvait ignorer, que [W] [E] était encore dans les liens d'un précédent mariage, par l'arrêt rendu le 14 avril 1975 par la cour d'appel de Paris prononçant la séparation de corps, par le fait que [W] [E] indiquait dans toutes les démarches qu'il effectuait qu'il était l'époux de [I] [J] et qu'il lui versait une pension alimentaire mensuelle ;
Que [G] [D] réplique qu'elle était dans l'ignorance des procédures qui ont opposé [W] [E] à [I] [J], qu'elle est entrée en France en novembre 1987, qu'elle s'est mariée le [Date mariage 12] 1987, qu'une ordonnance de non conciliation a été rendue le 15 octobre 1990, le jugement de divorce étant prononcé le 14 mars 1991 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 201 du Code civil, le mariage qui a été déclaré nul produit néanmoins ses effets à l'égard des époux, lorsqu'il a été contracté de bonne foi ;
Que la bonne foi est présumée ;
Mais considérant que l'arrêt de la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Versailles du 30 mai 1973 en ce qu'il prononcé la séparation de corps des époux [E]- [J] aux torts du mari, confié à la mère la garde des enfants, réglé le droit de visite de [W] [E] et condamné celui-ci à payer à sa femme une pension alimentaire de 200 F par mois et l'émendant, a réduit à 150F la part contributive du père à l'entretien des enfants encore mineurs ; qu'il n'est pas contesté que [W] [E] a réglé les pensions alimentaires mises à sa charge durant la période de vie commune avec [G] [D] ; qu'en raison des conséquences pécuniaires de cette séparation sur les revenus du ménage, [G] [D] n'a pu ignorer l'existence de cette union précédente ;
Que le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a estimé que le mariage second n'avait pas été contracté de bonne foi et a rejeté la demande de [G] [D] de bénéfice des effets du mariage putatif ;
Considérant que les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile doivent bénéficier aux intimés ; qu'il leur sera alloué à ce titre chacun la somme de 500 € ;
Que la solution du litige commande de rejeter la demande formée sur ce même fondement par [G] [D] ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare recevable l'intervention de [R] [E], [H] [E], [A] [E] et [B] [E],
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Rejette la demande de Mme [G] [D] de communication du dossier transmis au procureur de la république de [Localité 24],
Condamne [G] [D] à payer à [I] [J], [R] [E], [H] [E], [A] [E] et [B] [E] chacun la somme de 500 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne Mme [G] [D] aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile .
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT,