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30/05/2012 | FRANCE | N°08/01812

France | France, Cour d'appel de Versailles, 30 mai 2012, 08/01812


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES



Code nac : 80A

15ème chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 30 MAI 2012

R. G. No 11/ 00894

AFFAIRE :

Loic X...




C/
S. A. S. YOUNG ET RUBICAM FRANCE



Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 07 Janvier 2010 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : Activités diverses
No RG : 08/ 01812



Copies exécutoires délivrées à :

Me Stéphane MARTIANO
Me Patricia TALIMI <

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Copies certifiées conformes délivrées à :

Loic X...


S. A. S. YOUNG ET RUBICAM FRANCE

le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE MAI DEUX MILLE ...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 80A

15ème chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 30 MAI 2012

R. G. No 11/ 00894

AFFAIRE :

Loic X...

C/
S. A. S. YOUNG ET RUBICAM FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 07 Janvier 2010 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : Activités diverses
No RG : 08/ 01812

Copies exécutoires délivrées à :

Me Stéphane MARTIANO
Me Patricia TALIMI

Copies certifiées conformes délivrées à :

Loic X...

S. A. S. YOUNG ET RUBICAM FRANCE

le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE MAI DEUX MILLE DOUZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur Loic X...

né le 10 Juillet 1963 à PLOUENAN (29420)

...

75006 PARIS

représenté par Me Stéphane MARTIANO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1459

APPELANT
****************
S. A. S. YOUNG ET RUBICAM FRANCE
57 avenue André Morizet
BP 73
92105 BOULOGNE CEDEX

non comparante

INTIMEE
****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 20 Février 2012, en audience publique, devant la cour composé (e) de :

Madame Patricia RICHET, Présidente,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Monsieur Hubert DE BECDELIÈVRE, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE
La cour est saisie de l'appel interjeté par Mr Loïc X... d'un jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne Billancourt section Encadrement l'ayant débouté de l'ensemble de ses demandes indemnitaires des chefs de licenciement sans cause réelle et sérieuse, de préjudice moral, de nullité d'une clause de non-concurrence et de frais irrépétibles, mis les dépens à sa charge et ayant rejeté la demande de l'employeur au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

FAITS ET DEMANDES DES PARTIES

Mr Loïc X... a été engagé par la société YOUNG & RUBICAM FRANCE, ci-après désignée YRF, selon contrat à durée indéterminée du 2 novembre 1998 en qualité de rédacteur, coefficient 500 de la convention collective des Entreprises de Publicité.

Par avenant du 16 février 2000, il a été prévu que la gestion de son temps de travail serait effectuée en nombre de jours (210, 50 jours). En dernier lieu, sa rémunération mensuelle brute s'élevait à 6 860, 21 €.

Convoqué le 17 septembre 2008 à un entretien préalable fixé au 24 septembre suivant auquel il s'est présenté, avec mise à pied conservatoire, Mr X... a été licencié pour faute grave le 30 septembre 2008 et libéré de sa clause de non-concurrence/ non-embauche figurant à son contrat de travail.

Mr X... demande à la cour d'infirmer le jugement, de constater que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et, en conséquence, de condamner la société YRF à lui payer les sommes déjà sollicitées en première instance, soit :
-165 000 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-20 580, 63 € d'indemnité compensatrice de préavis et 2 058, 06 € de congés payés y afférents,
-2 806, 45 € de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire et 280, 64 € de congés payés y afférents,
-22 827, 34 € d'indemnité conventionnelle de licenciement,
-40 000 € de dommages-intérêts pour préjudice moral résultant de la rupture de son contrat de travail,
-40 000 € de dommages-intérêts pour nullité de la clause de non-concurrence,
-2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

La société YRF demande à la cour de dire et juger que le licenciement de Mr X... repose sur une faute grave, que le salarié a été valablement délié de sa clause de non-concurrence ou, subsidiairement, que le salarié n'a jamais respecté cette clause, le débouter de l'ensemble de ses demandes, le condamner à lui payer la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

SUR CE

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément fait référence aux explications des parties et à leurs conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience.

Sur le licenciement :

La lettre de licenciement reproche à Mr X... des actes de concurrence déloyale ayant consisté

-à fournir des travaux durant les dernières semaines à des agences concurrentes, en l'espèce :
* des prestations de conception-rédaction de messages publicitaires à hauteur de 8 000 € à la société LEG Agency (Groupe HAVAS), facturées à cette société par l'intermédiaire de son épouse, Mme Karin B..., dans le cadre de factures antidatées,
* participé à l'appel d'offre lancé par les établissements de lingerie AUBADE pour l'attribution de leur budget publicitaire, pour le compte de la société BETC-EUROSCG (Groupe HAVAS) alors qu'il était pertinemment au courant du fait que son employeur participait également à cet appel d'offre,
- à réaliser des prestations d'enseignement au profit de l'école INTUIT
et, ce faisant, enfreint à plusieurs titres la légalité en
-foulant aux pieds l'obligation de fidélité ou de loyauté à laquelle il était soumis pendant la durée de son contrat de travail qui lui interdisait d'exercer une activité concurrente de celle de l'employeur, en abusant des biens (dont le matériel informatique) et deniers de son employeur en se livrant à son travail dissimulé pendant le temps de travail et avec les outils mis à sa disposition,
- en contrevenant sciemment aux dispositions de l'article 8 de son contrat de travail instaurant une clause d'exclusivité, de secret professionnel et réitérant l'obligation légale de fidélité/ loyauté.

La réalité du grief relatif à la concurrence déloyale reproché par l'employeur est établie par le procès-verbal de constat établi le 17 septembre 2008 par l'huissier de justice requis par la société YRF, cet officier public et ministériel ayant supervisé l'analyse des seuls messages électroniques professionnels du poste informatique de Mr X..., datés des 3, 4, 5 et 9 septembre 2008.

Mr X... n'a pas nié les faits lors de l'entretien préalable ainsi qu'il résulte du compte rendu établi par Mr C..., délégué du personnel ayant assisté le salarié, celui-ci s'étant contenté d'accuser l'employeur d'accréditer des rumeurs concernant l'appel d'offre AUBADE et de déclarer attendre de recevoir la lettre de licenciement pour s'expliquer.

Mr X... ne peut valablement affirmer que si en plus de son activité salariée chez YRF il exerçait en free-lance en renfort de projets publicitaires pour d'autres agences, pratique qui serait inhérente à ce domaine d'activité s'exerçant au vu et au sus de tous mais avec une certaine confidentialité, ces assertions étant pour le moins contradictoires et donc dépourvues de toute crédibilité.

Il ne peut davantage sérieusement soutenir que toutes les agences ayant recours à une telle pratique, peu important les clauses de non-concurrence ou d'exclusivité figurant dans les contrats de travail des créatifs sollicités, il s'agit d'un usage professionnel s'exerçant également au sein de la société YRF. Les pièces justificatives qu'il produit à cet égard ne sont pas probantes. En effet :
- l'article du magazine " Stratégie " relatif aux free-lance, rappelle précisément que cette pratique ayant cours dans certaines agences et qui a surtout pour but de se faire recruter est constitutive de concurrence frontale du free-lance avec sa propre agence et expose celui qui s'y livre à être licencié, dès lors que les contrats des créatifs français contiennent tous une clause d'exclusivité.
En tout état de cause, il ne démontre pas que l'agence YRF, d'ailleurs non citée dans cet article, tolère cette pratique de la part de ses collaborateurs.
- les attestations FEVRE, LEUPOLD, POTEL, CAMENSULI émanent de personnes qui n'ont été ni salariées, ni dirigeantes de la société YRF, ni n'ont travaillé en free-lance pour cette dernière ;
- les attestations CHIKHAOUI et GOUNAUD sont sujettes à caution, émanant d'anciens personnels de la société YRF licenciés respectivement pour fautes graves et pour insuffisance professionnelle ;

- si Mr D... indique avoir travaillé en free-lance pour la société YRF alors qu'il était en phase de recrutement, et si Mr E... relate l'existence d'une pratique de recours aux free-lance par certaines agences, notamment YRF, ces seuls témoignages sont insuffisants à établir que la société acceptait les actes de concurrence déloyale de la part de ses créatifs, notamment en matière d'appel d'offres pour lesquels elle candidate elle-même ;
- l'attestation Y..., rédigée à un moment où l'intéressé était en partance pour la concurrence, est mensongère ; en effet, contrairement à ce qu'il prétend,
* la société YRF a bien participé à la compétition AUBADE par l'intermédiaire de son enseigne commerciale " Mademoiselle NOI " (nom d'une marque déposée par YRF) qui n'est devenue une société que le 4 novembre 2008, postérieurement à l'appel d'offre de septembre 2008 et au licenciement de Mr X...,
* la société YRF n'a pas incité le binôme Y...-X... à travailler en sous main pour une autre agence, ce qui les aurait conduit à produire une campagne SFR pour le compte de l'agence concurrente OTHERS, dès lors qu'YRF indique avoir agi, non dans le cadre d'une activité concurrentielle mais dans celui d'un contrat de prestation de service avec une société tierce,
* il n'a pas été placardisé suite au licenciement de Mr X... ainsi qu'en témoignent les pièces produites par l'employeur ;
- si Mr G..., ancien dirigeant de la société YRF reconnaît dans son attestation que le free-lance est bien une méthode d'essai avant embauche, ayant lui-même fait appel à Mr X... en cette qualité du 2 au 9 octobre 1998 avant de l'embaucher alors que celui-ci était rédacteur concepteur au sein de la société JEAN & MONTMARIN, il n'en résulte pas pour autant que l'exercice de l'activité de free-lance de ses salariés pour la concurrence est autorisée par la société YRF

De surcroît, dans son attestation, Mme H..., vice-présidente, déléguée générale du syndicat professionnel AACC (Association des Agences Conseils en Communication) précise bien qu'il n'existe pas d'usage permettant aux salariés de l'industrie de la publicité de faire concurrence à leur employeur, soit directement, soit en travaillant au profit d'un concurrent.

Il convient d'ailleurs de relever que la société YRF tolère d'autant moins le prétendu usage invoqué par Mr X... qu'elle justifie avoir licencié en mars 2008 deux de ses créatifs, MM I... et J..., notamment pour activité concurrente.

C'est tout à fait fallacieusement que Mr X... prétend que la société YRF savait qu'il avait été sollicité par d'autres agences pour travailler en free-lance notamment en 2004 dans le cadre de l'opération " l'affiche en liberté 2004 " pour le compte de l'agence LEG et avait toléré cette pratique, le tandem Y...-X... ayant remporté le prix décerné par le jury dont faisait partie YRF. Cette dernière démontre en effet par les pièces produites, qu'à l'époque, LEG n'était pas une agence concurrente mais faisait au contraire partie du Groupe YRF dont elle s'est détachée postérieurement.

S'agissant du grief relatif à ses prestations d'enseignement au sein de l'école INTUIT LABO du 19 septembre 2006 au 30 mai 2008, Mr X... ne conteste pas les faits dont la réalité est d'ailleurs établie par les pièces produites par l'employeur.

Les arguments avancés par Mr X... pour s'en justifier ne sont pas probants. Il importe peu en effet, qu'il n'ait exercé que quelques vacations dispensées à l'heure du déjeuner, que YRF soit partenaire d'une autre école Sup de Pub et que cette activité d'enseignement ne puisse pas être considérée comme préjudiciant à la société YRF, s'agissant de deux activités sans aucune relation entre elles, dès lors qu'en tout état de cause il appartenait à l'intéressé de respecter son obligation contractuelle d'exclusivité. L'article 8 de son contrat de travail précise que Mr X... " s'interdit d'exercer une activité professionnelle à quelque titre que ce soit sans autorisation préalable de YOUNG & RUBICAM FRANCE ", autorisation qu'il ne peut produire.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a considéré que Mr X... avait manqué à son obligation de loyauté et d'exclusivité et qu'en conséquence, son licenciement reposait bien sur une faute grave et en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes indemnitaires.

Sur la nullité de la clause de non-concurrence :

La clause de non-concurrence stipulée à l'article 9 du contrat de travail, d'une durée de deux ans sur l'ensemble du territoire français, ne comportant aucune contrepartie financière doit être considérée comme nulle et non avenue. Ce principe ne souffrant aucune exception, il n'y a pas lieu, comme le prétend la société YRF, de distinguer au profit de quelle partie est instaurée cette clause.

Il convient en outre de noter que le contrat de travail ne prévoyant pas de levée de la clause de non-concurrence, l'abandon unilatéral de cette interdiction par la société YRF ne pouvait valoir levée de la clause dont s'agit ni priver le salarié de prétendre à des dommages-intérêts en réparation du préjudice qui en résulte nécessairement pour lui, étant par ailleurs relevé que la société YRF ne rapporte pas la preuve que son salarié n'aurait pas respecté cette clause.

C'est donc à tort que le conseil de prud'hommes a débouté Mr X... de ce chef de demande au motif que ce salarié n'a pas exécuté son contrat de travail de bonne foi, la clause de non-concurrence ne concernant pas l'exécution de la relation de travail mais la période qui suit sa rupture, peu important que le motif du licenciement consiste en une faute grave.

En conséquence, il sera fait droit à la demande de Mr X... et la société YRF sera condamnée à payer au salarié, qui justifie avoir respecté la clause de non-concurrence jusqu'au 1er février 2010, date de reprise d'une activité professionnelle selon le document Pôle Emploi qu'il produit, la somme de 30 000 € de dommages-intérêts.

Sur le préjudice moral :

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mr X... de ce chef de demande. En effet, la circonstance qu'il n'ait fait l'objet d'aucun reproche au cours des dix années passées au sein de l'entreprise, ne fait pas obstacle au prononcé d'un licenciement. Par ailleurs, il ne justifie pas du caractère brutal et vexatoire de cette mesure, ne faisant qu'exprimer un ressenti subjectif et étant relevé, d'une part, que la découverte d'éléments de concurrence déloyale dans son ordinateur justifiait une réaction immédiate et radicale de la part de l'employeur, et, d'autre part, que c'est Mr X... lui-même qui a refusé de s'expliquer lors de l'entretien préalable.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure :

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge des frais par elle exposés et non compris dans les dépens. Les dépens seront supportés par moitié par les parties.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement,

Réforme partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau,

Condamne la société YOUG & RUBICAM FRANCE à payer à Mr X... la somme de 30 000 € de dommages-intérêts pour nullité de la clause de non-concurrence,

Le confirme pour le surplus,

Y ajoutant,

Partage les dépens par moitié entre les parties et laisse à chacune la charge de ses frais irrépétibles,

Rejette toute autre demande.

Arrêt-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Patricia RICHET, Présidente et par Monsieur LANE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 08/01812
Date de la décision : 30/05/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-05-30;08.01812 ?
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