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23/05/2012 | FRANCE | N°10/00373

France | France, Cour d'appel de Versailles, 23 mai 2012, 10/00373


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES



Code nac : 80C
15ème chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 23 MAI 2012

R.G. No 11/00581

AFFAIRE :

Danielle X...




C/
SA LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER



Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 17 Janvier 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES
Section : Activités diverses
No RG : 10/00373



Copies exécutoires délivrées à :

Me Charlotte BELLET
Me Michel PEIGNARD



C

opies certifiées conformes délivrées à :

Danielle X...


SA LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER

le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT TROIS MAI DEU...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 80C
15ème chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 23 MAI 2012

R.G. No 11/00581

AFFAIRE :

Danielle X...

C/
SA LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 17 Janvier 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES
Section : Activités diverses
No RG : 10/00373

Copies exécutoires délivrées à :

Me Charlotte BELLET
Me Michel PEIGNARD

Copies certifiées conformes délivrées à :

Danielle X...

SA LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER

le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT TROIS MAI DEUX MILLE DOUZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame Danielle X...

née le 19 juin 1950

...

78540 VERNOUILLET

comparant en personne, assistée de Me Charlotte BELLET de la SCP THREARD BOURGEON MERESSE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0166

APPELANTE
****************
SA LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER
La Croix des Arches
56201 LA GACILLY

représentée par Me Michel PEIGNARD de la SCP PEIGNARD-DE CHANTERAC, avocat au barreau de VANNES

INTIMEE
****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Février 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller chargé(e) d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :

Madame Patricia RICHET, Présidente,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Monsieur Hubert DE BECDELIÈVRE, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE,

PROCEDURE

Mme Danielle X... a régulièrement interjeté appel du jugement déféré le 11 février 2011.

FAITS

Mme Danielle X..., née le 19 juin 1950 a été embauchée par la société Standyr, société appartenant au groupe Laboratoires de Biologie Végétale Yves ROCHER, ci-après désignée, société LBV Yves ROCHER, en qualité de directrice de magasin au Forum des Halles à Paris, statut cadre, coefficient 250, puis 270 à partir d'avril 1999 par CDI en date du 6 avril 1998 à effet du 1er avril 1998, moyennant un salaire de 15. 000 € pour 169 heures par mois et prime d'intéressement sur les chiffres d'affaires produits et soins du magasin.

Mme X... régularisait un contrat de gérance libre les 11 mars et 19 mars 1999 à effet au 2 avril 1999 pour une durée de trois ans portant sur l'institut de Beauté Yves ROCHER à Vélizy-Villacoublay et créait de façon concomitante la société DB Cosmétiques, dont le siège était fixé au centre commercial de Vélizy 2 (78), correspondant à l'adresse de l'institut Yves ROCHER.

Dans l'acte signé le 19 mars 1999, Mme Danielle X... et M. Bernard B..., son époux, se portaient caution solidaire de la société DB Cosmétiques pour toutes sommes qui pourraient être dues à la société LBV Yves ROCHER, à concurrence de la somme de 300. 000 francs.

La société DB Cosmétiques, prise en la personne de sa gérante, Mme X..., devenait locataire gérante, moyennant le versement d'une redevance au profit de la société LBV Yves ROCHER, dont les modalités de calcul sont précisées dans une annexe.

Au cours de l'été 2000, le fonds de commerce de vente de produits de beauté, d'hygiène et de soins esthétiques, a fait l'objet de travaux d'agrandissement ( surface passant de 130 à 194 m2), donnant lieu à la fermeture du magasin pendant 6 semaines et à la signature d'un avenant les 21 octobre et 9 novembre 2000.

Le 18 juillet 2001, les parties signaient un contrat de sous-location d'un équipement Multiplay 300 assorti d'un programme musical spécifique.

Un second contrat de gérance libre était conclu les 13 et 23 mai 2002 à effet du 2 avril 2002 pour une nouvelle période de trois ans, soit jusqu'au 1er avril 2005.

Par acte de cautionnement signé le 13 mai 2002, Mme Danielle X... divorcée B... se portait caution personnelle solidaire et indivisible pour le remboursement ou le paiement de toutes les sommes qui pourront être dues par la société DB Cosmétiques au profit de la société LBV Yves ROCHER, à concurrence de la somme de 109. 939 €

Il était prévu à l'article 3 du contrat de gérance libre, que le terme sera prorogé tacitement à chaque échéance pour des périodes successives de six mois, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties, par lettre recommandé avec accusé de réception, adressée trois mois au moins avant la date anniversaire.

Fin 2003, Mme X... avisait la société LBV Yves ROCHER que son centre de beauté connaissait une situation financière difficile dans le cadre de son exploitation du fait selon elle, que les conditions du contrat de gérance étaient devenues inadaptées depuis l'agrandissement du magasin, mais souhaitant continuer à travailler pour la société LBV Yves ROCHER, alors que cette dernière répondait que cette situation provenait d'une mauvaise gestion de la part de la gérante.

Le 11 mars 2004, un protocole d'accord transactionnel était conclu entre la société DB Cosmétiques et la société LBV Yves ROCHER relatif à toute question ayant trait au contrat de gérance libre ayant pris effet au 2 avril 2002 ainsi qu'aux autres accords ayant existé entre les parties (versement d'une somme de 30. 000 € au profit de la Sarl DB Cosmétiques compte tenu de sa situation).

Par courrier en date du 12 décembre 2004, la société DB Cosmétiques en la personne de sa gérante, Mme X... confirmait sa décision de ne pas renouveler le contrat de gérance du 2 avril 2002 prenant fin au 31 mars 2005 pour des raisons liées aux conditions de travail (pas de réserve, pas de bureau, horaires propres au centre, temps de trajet excessifs), déclarant toutefois avoir l'intention de continuer à travailler, étant ouverte à toute proposition de la part de la société LBV Yves ROCHER, pour la direction d'un magasin en centre ville dans la région de Poissy.

Par courrier en date du 20 décembre 2004, la société LBV Yves ROCHER informait Mme X... de son intention de ne pas renouveler le contrat et que conformément à l'article 3 de la convention, le contrat expirera à son échéance normale, soit le 1er avril 2005.

Le personnel du centre de beauté ( 22 salariées) a été repris au sein de la société Standyr, avec une nouvelle directrice à compter du 1er avril 2005.

La société DB Cosmétiques a été déclarée en liquidation judiciaire suivant jugement prononcé par le tribunal de commerce de Versailles le 7 juillet 2005 et le 16 septembre 2005, la société LBV Yves ROCHER déclarait une créance de 67. 267,57 € auprès de Me C..., liquidateur judiciaire de la société DB Cosmétiques.

Une décision de clôture pour insuffisance d'actif a été prononcée le 13 février 2007.

Mme Danielle X... bénéficiait de plus de 2 ans d'ancienneté et la société compte plus de 11 salariés.

La convention collective applicable est celle de la Parfumerie-Esthétique.

Mme Danielle X... a saisi le C.P.H le 18 mai 2005 de demandes tendant à voir déclarer abusive la rupture du contrat de travail et condamner la société LBV Yves ROCHER à lui verser diverses sommes à ce titre.

Dans le dernier état de la procédure, elle demandait de requalifier le contrat de location gérance en un contrat de travail.

Sa demande d'admission au titre de l'ARE a été refusée par les Assedic en 2005.

Elle perçoit une retraite de 1. 000 € et a bénéficié de diverses missions d'intérim.

**

Par jugement en date du 23 juin 2009, le conseil de Prud'hommes, en formation de départage, a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société et requalifié le contrat de gérance libre en contrat de travail entre Mme Danielle X... et la société Laboratoires de biologie végétale Yves ROCHER.

Par arrêt en date du 30 mars 2010, la cour d'appel de Versailles, 6ème chambre, a déclaré mal-fondé le contredit formé par la société et renvoyé les parties devant le CPH de Versailles, en soulignant que les conditions cumulatives édictées par l'article 781-1 du code du travail, devenu L 7321-1 et suivants du code du travail, dans sa rédaction en vigueur au moment de l'introduction de l'instance par Mme X... étant réunies, la juridiction prud'homale est compétente pour statuer sur l'action engagée par celle-ci, sans qu'il soit nécessaire de rechercher l'existence d'un lien de subordination.

Par arrêt en date du 25 mai 2011, la chambre sociale de la Cour de cassation a déclaré non admis le pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel précité.

DECISION

Par jugement rendu le 17 janvier 2011, le C.P.H de Versailles (section Encadrement) a :

- dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer
- dit que la rupture de la relation de travail est imputable à la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves ROCHER
- dit que la convention collective Parfumerie-Esthétique doit s'appliquer à la relation de travail ayant existé entre Mme Danielle X... et la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves ROCHER
- fixé à la somme brute de 2. 665 € le salaire mensuel de référence de Mme Danielle X...

- alloué à Mme Danielle X... les sommes suivantes :
* 7. 995 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis
* 799, 50 € au titre des congés payés y afférents
* 4. 667 € à titre d'indemnité de licenciement
* 20. 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- condamné la société Laboratoires de biologie végétale Yves ROCHER à remettre à Mme Danielle X... les feuilles de paye, le certificat de travail et l'attestation destinée à Pôle Emploi, conformes aus termes du présent jugement
- dit que les sommes allouées à titre d'indemnité compensatrice de préavis, au titre des congés payés y afférents et à titre d'indemnité de licenciement produiront intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2010, les intérêts produisant eux-mêmes intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil
- dit que la somme allouée à titre de licenciement sans sans cause réelle et sérieuse produira intérêts à compter du prononcé du jugement
- limité l'exécution provisoire à celle de droit dans les termes de l'article R 1454-28 du code du travail et fixe à la somme de 2. 665 € le salaire mensuel moyen de référence de Mme Danielle X...

- alloué à cette dernière la somme de 2. 000 € au titre de l'article 700 du CPC
- débouté la société LBV Yves ROCHER de sa demande reconventionnelle
- débouté Mme Danielle X... du surplus de ses demandes
- laissé les dépens à la charge de la société LBV Yves ROCHER

DEMANDES

Vu les écritures, déposées, visées par le greffe et soutenues oralement par Mme Danielle X..., appelante, aux termes desquelles elle demande à la cour, de :

- vu les articles L 7321-1, L 7321-2, L 7321-3 et 1221-1 du code du travail
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la concluante bénéficie de toutes les dispositions du code du travail et de la convention collective Parfumerie-Esthétique, dit que sa lettre du 12 décembre 2004 ne pouvait en aucun cas être qualifiée de démission, dit que par lettre non motivée du 20 décembre 2004, la société LBV Yves ROCHER a pris l'initiative et la responsabilité des relations contractuelles, requalifié la rupture du contrat en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alloué à la concluante une indemnité de licenciement et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamné la société LBV Yves ROCHER à remettre à Mme Danielle X... les feuilles de paye, le certificat de travail et l'attestation destinée à Pôle Emploi
- infirmer le jugement en ce qu'il a fixé le salaire mensuel de référence à 2. 665 €, rejeté la demande de la concluante au titre du rappel d'heures supplémentaires, d'indemnité compensatrice de congés payés et limité les frais irrépétibles
- fixer la rémunération de référence à 2. 687 €
- condamner la société LBV Yves ROCHER à lui verser les sommes suivantes : *182.198 € au titre du rappel d'heures supplémentaires
* 4. 704 € au titre de l'indemnité conventionelle de licenciement
* 9. 408 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés
* 64. 488 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (24 mois de salaire)
- dire que ces condamnations seront assorties des intérêts au taux légal avec capitalisation
- condamner la société LBV Yves ROCHER à remettre à la concluante les bulletins de paie correspondant à la période de préavis, un certificat de travail et l'attestation Assedic
- condamner la société LBV Yves ROCHER au paiement de la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétible de première instance et 5. 000 € sur ceux d'appel
-condamner la société LBV Yves ROCHER aux dépens

Vu les les écritures, déposées, visées par le greffe et soutenues oralement par la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves ROCHER, intimée, par lesquelles elle demande à la cour de :

- donner acte à l'appelante de ce qu'elle renonce à ses demandes concernant l'indemnité de préavis et l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis
- la débouter de ces demandes si elles étaient maintenues
- la débouter de l'ensemble de ses autres demandes
- infirmer le jugement en sa totalité
- constater que c'est Mme X... qui le 12 décembre 2004, a mis fin pour des raisons personnelles, au contrat dont implicitement elle bénéficiait
- condamner Mme Danielle X... au paiement de la somme de 10. 000 € à titre de dommages-intérêts et 5. 000 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu'en tous les dépens
- A titre infiniment subsidiaire, constater que l'appelante ne pourrait percevoir que 1. 891, 12 € au titre de l'indemnité de licenciement, 3. 782, 25 € au titre de l'indemnité de préavis, 378, 22 € au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis, enfin 7. 564, 50 € à titre de dommages-intérêts
- débouter l'appelante de toutes ses autres demandes
- condamner Mme Danielle X... au paiement de la somme de 10. 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et 5. 000 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu'en tous les dépens

Conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA DECISION

- Sur l'application des dispositions des articles L 7321-1 et suivants du code du travail

Considérant que Mme Danielle X... soutient que selon l'arrêt du 30 mars 2010, la société LBV Yves ROCHER lui imposait toutes les conditions d'exploitation de l'institut, que de nombreuses juridictions se sont déjà prononcées en faveur d'autres locataires gérantes du réseau Yves ROCHER en estimant qu'elles remplissaient toutes, les conditions posées par l'article L 7321-2 du code du travail, qu'elles respectaient toutes les directives de la société Yves ROCHER ;

Que l'employeur réplique que l'application des dispositions du code du travail entraîne qu'il n'y a pas à rechercher l'existence d'un lien de subordination, que la cour est liée par la décision de la cour d'appel de Versailles en date du 30 mars 2010 qui refuse à Mme X... toute requalification, qu'il soutient qu'il n'a donné aucun accord sur le salaire que s'octroyait l'appelante, que le salaire de référence invoqué par celle-ci ne résulte d'aucune convention ni de l'application de la convention collective ;

Considérant que par arrêt définitif en date du 30 mars 2010 rejetant le contredit de compétence soulevé par la société LBV Yves ROCHER, la cour d'appel de Versailles, après avoir analysé les conditions réelles d'exploitation commerciale et fait ressortir une situation de dépendance économique, a dit que Mme X..., gérante libre d'un institut de beauté LBV Yves ROCHER à Vélizy 2, peut revendiquer auprès de la société LBV Yves ROCHER le bénéfice du statut conféré par les dispositions de l'ancien article 781-1 du code du travail, devenu l'article L 7321-1 et suivants du même code, du fait qu'elle remplit les conditions cumulatives exigées : lien exclusif ou quasi exclusif établi avec une entreprise et l'exercice à titre principal de l'activité, la fourniture ou l'agrément d'un local par l'entreprise, l'exploitation dans des conditions et prix imposés par l'entreprise, en précisant qu'il n'est pas nécessaire de rechercher l'existence d'un lien de subordination ;

- Sur les demandes financières de Mme Danielle X...

* Sur le calcul du salaire de référence

Considérant que comme le soutient l'appelante, celle-ci avait le statut de directrice de l'institut de beauté, qu'une gérante d'un institut de beauté LBV Yves ROCHER exerce bien les fonctions d'une directrice/responsable donc d'un cadre, que c'est également le cas d'anciennes salariées de la société Standyr, filiale de la société LBV Yves ROCHER pour l'exploitation des instituts sous son enseigne, notamment Mme D... (arrêt de la cour d'appel de Versailles - 6ème chambre, en date du 4 novembre 2011), que son salaire moyen doit être fixé à 2. 687 €, qui était la rémunération versée par la société LBV Yves ROCHER lorsqu'elle était directrice salariée avant de devenir locataire gérante et qu'il y a lieu d'appliquer les dispositions du code du travail et de la convention collective qui lui sont plus favorables ;

* Sur le rappel d'heures supplémentaires

Considérant que selon l'article L. 212-1-1, devenu L. 3171-4, du code du travail en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Que la jurisprudence a précisé que s'il résulte de l'article L. 212-1-1 du Code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments ;

Considérant en l'espèce, que le contrat de gérance libre prévoit en son article 5-8 que la gérante s'engage à maintenir l'institut ouvert les jours et heures normaux d'ouverture ;

Considérant que Mme X... fait valoir que le contrat de location gérance ne prévoit aucune clause de forfait, que la société LBV Yves ROCHER impose à toutes ses locataires gérantes un système dans lequel elles sont contraintes d'être personnellement présentes dans l'Institut et de réaliser une amplitude horaire dépassant largement les "39 h" légales, que ces dépassements sont quotidiens, systématiques et imposés par la société LBV Yves ROCHER ;

Qu'en l'espèce, Mme X... pour répondre à l'obligation d'apporter préalablement au juge des éléments venant étayer sa demande, produit des témoignages des anciennes salariées qui ont travaillé quotidiennement avec elle au sein de l'institut LBV Yves ROCHER pendant plusieurs années, attestant qu'elle travaillait 68 h par semaine, soit un nombre d'heures supérieur aux 39 heures légales, une cinquantaine d'attestations d'esthéticiennes travaillant dans d'autres instituts du réseau LBV Yves ROCHER, qui ont tenu à dénoncer l'ampleur colossale de travail qui était systématiquement et quotidiennement fournie par les locataires gérantes, des attestations d'experts comptables qui indiquent qu'une locataire gérante d'un institut LBV Yves ROCHER était contrainte, outre son temps de présence dans le magasin, de consacrer au minimum 5 heures par semaine aux tâches administratives ;

Que l'employeur réplique qu'à aucun moment, la société n'a imposé quoi que ce soit à Mme X... sur ses conditions de travail ou celles de son personnel ou sur les conditions d'hygiène et de sécurité dans l'entreprise, que celle-ci ne démontre pas qu'il lui a été demandé d'être personnellement présente dans le magasin, que la gérante embauchait et licenciait à sa guise, que Mme X... avait 22 salariées sous ses ordres, ce qui lui permettait une souplesse certaine dans l'organisation de son travail, que si l'amplitude des heures d'ouverture (du lundi au samedi de 10h à 22h et de 10h à 20h les lundi et samedi) dépassait 35 heures par semaine, l'appelante ne prouvait pas sa présence continue d'autant qu'elle avait 22 salariées sous ses ordres, dont deux responsables adjointes ;

Mais considérant qu'il ressort des pièces produites, que l'institut de beauté LBV Yves ROCHER se trouvant dans le centre commercial de Vélizy 2, cet établissement se trouve soumis à des obligations particulières : fermeture tardive, ouverture exceptionnelle certains dimanches et jours fériés, le courrier de Mme X... en date du 7 novembre 2003 adressé à la société précisant que le centre était ouvert jusqu'à 22 heures cinq jours sur six, qu'elle avait une présence constante le soir ;

Que par ailleurs, le courrier de Mme X... en date du 15 décembre 2003 adressé à la société souligne qu'elle n'a pas remplacé son adjointe, Elisa E..., arrêtée pour maternité ( entre 1999 jusqu'à fin octobre 2003) sinon par "ma présence encore accrue " ;

Qu'en conséquence, Mme X... justifie de la réalité de l'accomplissement d'heures supplémentaires ;

Qu'il lui sera alloué la somme de 50. 000 € de ce chef ;

* Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Considérant que l'appelante soutient que le bénéfice des dispositions du code du travail à son profit, implique que faute par la société LBV Yves ROCHER de préciser le motif de sa décision de ne pas renouveler le contrat de location gérance, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Que Mme X... souligne que l'employeur l'a placée dans une situation de précarité en la mettant sur le marché de l'emploi à l'âge de 55 ans, sans aucun droit aux allocations chômage, qu'elle sollicite 2 ans de salaire (64. 488 €) sur la base d'un salaire de 2. 687 € ;

Considérant que la société LBV Yves ROCHER conteste avoir procédé à un quelconque licenciement du fait du courrier du 12 décembre 2004 émanant de Mme X..., qu'elle soutient ne pas être à l'origine de la cessation des relations contractuelles, que c'est l'appelante qui a mis fin au contrat en adressant une lettre de démission le 12 décembre 2004 ;

Mais considérant que la rupture de la relation contractuelle est soumise à l'application des règles de droit commun en droit du travail ;

Qu'en l'espèce, le second contrat de gérance en date des 13 et 23 mai 2002 à effet du 2 avril 2002 était conclu pour une nouvelle période de trois ans, soit jusqu'au 1er avril 2005, l'article 3 du contrat de gérance libre prévoyant que le terme sera prorogé tacitement à chaque échéance pour des périodes successives de six mois, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties, par lettre recommandé avec accusé de réception, adressée trois mois au moins avant la date anniversaire ;

Que par courrier recommandé en date du 12 décembre 2004, la société DB Cosmétiques en la personne de sa gérante, Mme X... confirmait sa décision de ne pas renouveler le contrat de gérance du 2 avril 2002 prenant fin au 31 mars 2005 pour des raisons liées aux conditions de travail (pas de réserve, pas de bureau, horaires propres au centre, temps de trajet excessifs), déclarant toutefois avoir l'intention de continuer à travailler, étant ouverte à toute proposition de la part de la société LBV Yves ROCHER, pour la direction d'un magasin en centre ville dans la région de Poissy ;

Que par courrier recommandé en date du 20 décembre 2004, la société LBV Yves ROCHER informait Mme X... de son intention de ne pas renouveler le contrat et que conformément à l'article 3 de la convention, le contrat expirera à son échéance normale, soit le 1er avril 2005 ;

Considérant que les relations des parties ne s'inscrivaient pas, à la différence de la situation de Mme D... (arrêt de la CA de Versailles du 4 novembre 2011) dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ;

Que la société LBV Yves ROCHER n'a pas procédé à la résiliation du contrat de gérance au sens de l'article 13 du contrat de gérance ( pour non-paiement d'une redevance ou violation d'une disposition du contrat), mais a décidé le 20 décembre 2004 de faire usage de son droit discrétionnaire de ne pas renouveller le contrat qui avait une durée initiale de 3 ans, étant ajouté que ce non-renouvellement correspond à la volonté commune des parties, Mme X... ayant manifesté ce même souhait par courrier du 12 décembre 2004;

Que les premiers juges pour dire que la rupture de la relation contractuelle entre Mme X... et la société LBV Yves ROCHER, est imputable à cette dernière seule, ont souligné que la lettre de la société du 20 décembre 2004 ne contient aucune autre proposition de collaboration adressée à Mme X..., alors même que cette-ci avait lors de son embauche par la société LBV Yves ROCHER, exercé la fonction de directrice de l'institut Yves ROCHER au Forum des Halles du 6 avril 1998 au 1er avril 1999 ;

Mais considérant que sur le bulletin de paie du 1er avril 1999 au titre de la journée de travail du "1er avril 1999", l'employeur qui était la société Standyr et non la société LBV Yves ROCHER, a versé à Mme X... une indemnité compensatrice "RC" et une indemnité compensatrice de congés payés, soit une somme globale de 21. 779, 25 francs, alors que son salaire habituel était de 14. 200 francs (salaire net), soit une rémunération brute mensuelle de 15. 000 francs ;

Que nécessairement, Mme X... a été indemnisée au titre de la rupture de son contrat de travail avec la société Standyr, laquelle a établi un certificat de travail indiquant qu'elle a été employée en qualité de directrice de magasin du 6 avril 1998 au 1er avril 1999 dans le cadre d'un contrat à durée déterminée par la Sarl Standyr ;

Que la qualification mentionnée sur les bulletins de paie établis par la société DB Cosmétiques à compter du 2 avril 1999 est "directrice", remplacée par "gérante" à compter d'octobre 1999 (régularisation ) pour 169 h ;

Considérant que les parties ont manifesté leur volonté commune de cesser les relations contractuelles et la société LBV Yves ROCHER n'était pas tenue de proposer à l'appelante une collaboration dans un autre institut dans la région de Poissy ;

Que le jugement sera infirmé en ce qu'il a alloué à Mme X... la somme de 20. 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dès lors que la rupture de la relation de travail entre les parties n'est pas imputable à la société LBV Yves ROCHER ;

* Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement

Considérant que la société LBV Yves ROCHER n'ayant pas procédé au licenciement de Mme X..., le jugement sera infirmé en ce qu'il a alloué à celle-ci la somme de 4. 667 € ;

* Sur l'indemnité compensatrice de congés payés

Considérant que Mme X... fait valoir qu'elle n'a pas pu prendre 5 semaines de congés par an, du fait de la politique commerciale imposée par l'employeur, ne pouvant prendre que 3 semaines maximum par an pendant 7 ans, soit 21 semaines sur les 35 non prises, soit un reliquat de 14 semaines représentant la somme de 9. 408 € ;

Considérant que la société LBV Yves ROCHER rétorque qu'un salarié ne peut à la fois bénéficier et d'une indemnité compensatrice et des revenus que lui procure son activité salariée, qu'aucune disposition du contrat ne prévoit que la gérante doive demander de prendre des vacances et qu'il n'est pas établi que la société ait refusé quoi que ce soit ;

Considérant qu'au vu des pièces produites, il convient d'allouer à Mme X..., en réparation du préjudice subi pour privation de ses congés payés, la somme de 3. 000 € à ce titre et le jugement déféré sera infirmé de ce chef ;

- Sur la remise des documents sociaux

Considérant qu'il sera fait droit à la demande ;

- Sur l'article 700 du CPC

Considérant qu'il convient d' allouer à la salariée une indemnité au titre des frais irrépétibles en complément de l'indemnité allouée par les premiers juges ;

- Sur la demande reconventionnelle de la société LBV Yves ROCHER

Considérant que l'exercice d'une action en justice de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus de droit que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol ;

Que l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute ;

Qu'en l'absence de faits de nature à faire dégénérer en abus l'exercice du droit d'agir en justice, la société LBV Yves ROCHER sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Qu'elle sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du CPC;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a dit que la convention collective Parfumerie-Esthétique doit s'appliquer à la relation contractuelle ayant existé entre Mme Danielle X... et la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves ROCHER, alloué à Mme X... la somme de 2. 000 € au titre de l'article 700 du CPC et débouté la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves ROCHER de sa demande reconventionnelle

Statuant à nouveau,

FIXE la rémunération de référence Mme Danielle X... à 2. 687 €

CONDAMNE la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves ROCHER verser à Mme Danielle X... les sommes suivantes :

* 50. 000 € au titre du rappel d'heures supplémentaires
* 3. 000 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés
avec intérêts au taux légal à compter de la demande pour la créance salariale et à compter du présent arrêt pour la créance indemnitaire

ORDONNE la capitalisation des intérêts échus en application de l'article 1154 du code civil

CONDAMNE la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves ROCHER verser à Mme Danielle X... la somme de 1. 800 € au titre de l'article 700 CPC

ORDONNE la remise des documents sociaux conformes à la décision

REJETTE toute autre demande

CONDAMNE la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves ROCHER aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Arrêt - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Patricia RICHET, Présidente et par Mme ROBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 10/00373
Date de la décision : 23/05/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-05-23;10.00373 ?
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