COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES Code nac : 80A
15ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 16 MAI 2012
R. G. No 10/ 03106
AFFAIRE :
Antonina X...
...
C/
Me Philippe Y...-Administrateur judiciaire de S. A. TRANSPORTS ANTONUTTI-DELMAS
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 20 Mai 2010 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ARGENTEUIL
Section : Activités diverses
No RG : 09/ 00195
Copies exécutoires délivrées à :
Me Jean Christophe LEROUX
Me Sandrine BOSQUET
Copies certifiées conformes délivrées à :
Antonina A...ayant droit de Claude X..., Catherine X...épouse B...ayant droit de Claude X...
Me Philippe Y...-Administrateur judiciaire de S. A. TRANSPORTS ANTONUTTI-DELMAS, Me Yannick C...-Représentant des créanciers de S. A. TRANSPORTS ANTONUTTI-DELMAS, S. A. TRANSPORTS ANTONUTTI-DELMAS, UNEDIC AGS CGEA LEVALLOIS PERRET IDF EST
le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEIZE MAI DEUX MILLE DOUZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame Antonina A...ayant droit de Claude X...
née le 01 Février 1929 à ALCAMO
...
92700 COLOMBES
Madame Catherine X...épouse B...ayant droit de Claude X...
née le 18 Juillet 1954 à LA GARENNE COLOMBES (92250)
...
34000 MONTPELLIER
représentées toutes deux par Me Jean Christophe LEROUX, avocat au barreau de VAL DOISE
APPELANTS
****************
Me Philippe Y...-Administrateur judiciaire de S. A. TRANSPORTS ANTONUTTI-DELMAS
...
95300 PONTOISE
non comparant
Me Yannick C...-Représentant des créanciers de S. A. TRANSPORTS ANTONUTTI-DELMAS
...
95300 PONTOISE
non comparant
S. A. TRANSPORTS ANTONUTTI-DELMAS
...
95871 BEZONS
représentée par Me Sandrine BOSQUET, avocat au barreau de VAL DOISE
UNEDIC AGS CGEA LEVALLOIS PERRET IDF EST
130 rue victor hugo
92300 LEVALLOIS PERRET
représenté par la SCP HADENGUE, avocats au barreau de VERSAILLES
INTIMES
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mars 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Hubert DE BECDELIÈVRE, Conseiller chargé (e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé (e) de :
Madame Patricia RICHET, Présidente,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Monsieur Hubert DE BECDELIÈVRE, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE,
M Claude X...a été embauché comme chauffeur de poids lourds au sein de la SA ANTONUTTI DELMAS par contrat de travail à durée indéterminée en date du 15 novembre 2005.
Il a été licencié par lettre recommandée du 31 mars 2009 après un entretien préalable en date du 26 mars pour : " insultes en public devant d'autre chauffeurs envers le Chef d'exploitation que vous avez traité notamment de voleur ".
Il était également indiqué dans la lettre que lors de l'entretien préalable, il avait été proposé au salarié de faire amende honorable en écrivant une lettre d'excuses mais que celui-ci, tout en reconnaissant les faits, avait catégoriquement refusé toute forme d'excuses.
Contestant le motif de ce licenciement, M X...a saisi le Conseil de Prud'hommes d'Argenteuil afin de voir condamner la SA ANTONUTTI DELMAS au paiement des sommes de :
-34 750, 80 euros au titre du licenciement nul ;
-2 895, 90 euros pour non respect de la procédure de licenciement ;
-17 375, 40 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
-11 583, 60 euros en réparation de son préjudice moral et financier ;
-160, 00 euros à titre de rappel de salaires pour les journées du samedi 14 février 2009 et dimanche 1er mars 2009 ;
-16, 00 euros au titre des congés payés y afférents ;
-2 500, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement du 20 mai 2010, le Conseil de Prud'hommes a condamné la SA ANTONUTTI DELMAS à verser à M X...les sommes de :
-2 895, 90 euros euros pour non respect de la procédure de licenciement ;
-900, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile
et a débouté le salarié du surplus de ses demandes.
Les juges prud'hommaux ont estimé que les faits étaient avérés et qu'il s'agissait d'insultes particulièrement claires proférées devant d'autres salariés ; que par ailleurs, cette mesure n'avait pas de caractère discriminatoire dans la mesure où la situation de M X...n'était pas substantiellement différente de celle des 29 autres salariés ; que s'agissant de la régularité de la procédure, la preuve n'avait pas été donnée de l'envoi d'une lettre de convocation à l'entretien préalable.
M X...à régulièrement relevé appel de cette décision. Il est décédé le 27 octobre 2010 et ses ayant droits ont repris la procédure.
Par ailleurs, la SA ANTONUTTI DELMAS a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ouverte par jugement du Tribunal de commerce de Pontoise en date du 19 avril 2011.
Les organes de cette procédure ont été régulièrement appelés à la cause.
DEVANT LA COUR :
Par conclusions déposées le 21 mars 2012 et développées oralement auxquelles il est expressément fait référence, Mme Antonina A...et Mme Catherine X...épouse B...agissant en leur qualité d'ayant droits de M Claude X..., ont demandé à la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société ANTONUTTI DELMAS à verser à leur auteur les sommes de 2 895, 90 euros pour non respect de la procédure de licenciement et 900 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et d'infirmer le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau, de fixer leur créance au passif de la société ANTONUTTI DELMAS aux montants de :
-34 750, 80 euros au titre du licenciement nul ;
-34 750, 80 euros en réparation du préjudice résultant des circonstances vexatoires du licenciement ;
-31 500, 00 euros en réparation de son préjudice moral et financier ;
-160, 00 euros à titre de rappel de salaires pour les journées du samedi 14 février 2009 et dimanche 1er mars 2009 ;
-16, 00 euros au titre des congés payés y afférents ;
-5 500, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions déposées le 21 mars 2012 et développées oralement, auxquelles il est expressément fait référence, la société ANTONUTTI DELMAS représentée par Mo Y...administrateur judiciaire a demandé à la Cour de confirmer le jugement attaqué, et de débouter Mmes A...et X...de l'ensemble de leurs demandes et de les condamner à lui verser la somme de 2 000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions déposées le 21 mars 2012 et développées oralement auxquelles il est expressément fait référence, l'UNEDIC agissant en sa qualité de gestionnaire de l'AGS a demandé à la Cour de confirmer le jugement et mettre hors de cause l'AGS et subsidiairement, de limiter sa garantie aux plafonds fixés par le Code du travail.
MOTIFS DE LA DECISION :
La société ANTONUTTI DELMAS admet se trouver dans l'impossibilité d'établir qu'elle a effectivement remis en main propre à M X...le 18 mars 2009 sa convocation à un entretien qui a eu lieu le 26 et avoir laissé au salarié un délai suffisant pour préparer sa défense. Le non respect de la procédure de licenciement est donc établi et le Conseil de Prud'hommes en a tiré justement les conséquences en condamnant celle-ci à verser au salarié une indemnité égale à un mois de salaire dont l'employeur ne remet d'ailleurs pas en cause le montant.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
En revanche M X...conteste la cause réelle et sérieuse de son licenciement en faisant valoir qu'il ne pouvait se trouver au siège de l'entreprise le 13 mars 2009 puisqu'il assurait un transport entre Langeac (43) d'où il est parti le matin vers 10 h 00 et Amiens où il est arrivé à 22 h 30 et que les témoignages contraires qui relatent sa prétendue altercation avec M D...ce jour là sont mensongers et ont été établis après la saisine du Conseil de Prud'hommes et plusieurs mois après les faits.
Toutefois, dans ses premières écritures, le conseil de M X...a écrit textuellement :
" M X...touche une prime de 80 euros bruts pour chaque samedi ou dimanche travaillé. Sa prime correspondant au samedi 14 février ne lui avait pas été versée. M X...s'en serait ouvert à M Carlos D..., chef d'exploitation et supérieur hiérarchique, lequel a rétorqué qu'elle ne lui serait pas de toute façon versée par motif d'économie.
Evidemment, dans l'esprit de M X..., cette décision arbitraire et impromptue de son chef d'exploitation, qui n'est pas son employeur au demeurant lui a paru fortement injuste. M X...a donc répliqué sous le coup de la colère en disant à M D...qu'il était un voleur, ce qui bien évidemment, vu les circonstances n'était pas une insulte et ne peut s'interpréter comme tel ".
Ce quasi aveu est corroboré par les témoignages de la victime et des deux salariés qui se trouvaient présents sur les lieux de cette scène.
M E...déclare que M X...a traité M D..." entre autres de voleur et de bon à rien ".
M F... a déclaré que M X...avait traité M D...de " voleur, Mickey etc... "
M D...chef d'exploitation et victime des insultes confirme que le différend qui lui a valu ces insultes portait sur le règlement d'une prime de samedi auquel le salarié estimait avoir droit et précise que devant les autres M X...l'a traité de voleur, de Mickey etc... jusqu'à ce qu'il soit sorti du bureau d'exploitation et qu'alors, il l'a convié à en discuter dans son bureau plus calmement.
Ces éléments établissent suffisamment qu'une altercation s'est produite entre M X...et le responsable d'exploitation au sujet du paiement d'une prime et que le salarié a insulté son supérieur devant témoins.
Le conseil de M X...allègue que la véritable cause du licenciement serait le refus de celui-ci d'accepter de se prêter aux manoeuvres de l'employeur visant à dissimuler les violations de la législation sur les durées journalières et les congés payés ce qui, selon lui, donnerait à ce licenciement un caractère discriminatoire dans la mesure où M X...était le seul à s'être opposé à ces pratiques.
Il soutient également que M X...était le seul a disposer d'un camion ancien équipé d'un chronotachygraphe à disques qui permettait de telles fraudes.
Les consorts X...produisent également au soutien de leur thèse, des formulaires d'attestation d'activité à utiliser dans le cadre du règlement CE no 561/ 2006 dont l'un signé de M. E...responsable de camionnage, mentionne faussement que M X...aurait pris ses congés annuels du 06 mars 2009 à 18 h 00 au 16 mars 2009 à 06 h 00.
Toutefois, les appelants ne démontrent en rien que M X...aurait eu une attitude opposante, ce qui ne concorde pas avec ses fiches de paye et ses rapports d'activité dont il ressort au contraire qu'il a effectué des journées de travail excédant très vraisemblablement les durées de conduite autorisées et a été payé en conséquence. Il ne ressort pas des autres éléments du dossier qu'il ait haussé la voix avant le 13 mars 2009 pour réclamer une prime de dimanche.
Par ailleurs, l'entreprise possédait encore 35 tracteurs équipés de chronotachygraphes à disque et les congés payés mentionnés sur les bulletins de salaires de M X...correspondent aux mentions portées sur le rapport d'activité.
Si les congés payés pris par le salarié ne correspondent pas à ce qui est mentionné sur l'attestation précitée, l'employeur s'en est expliqué en invoquant le fait que ces congés qui avaient été programmés pour la période du 06 au 16 mars n'ont pu être pris en raison d'une surcharge de travail. Il est d'ailleurs à observer que le formulaire produit ne comporte pas de date et que M X...y a signé une déclaration préimprimée affirmant qu'il n'avait pas conduit un véhicule relevant du champ d'application du règlement CE no 561-2006 au cours de cette période.
La preuve n'a donc pas été rapportée par le salarié et ses ayants droits du caractère discriminatoire du licenciement sur lequel ils ont prétendu fonder sa nullité.
S'agissant de l'impossibilité alléguée par M X...d'être présent sur les lieux le 13 mars 2009 date des faits rapportés par les témoins, il convient de relever que le siège de l'entreprise où ils ont eu lieu se trouve pratiquement sur le chemin qui relie Langeac à Amiens et que le rapport d'activité du salarié mentionne le retour de son véhicule à 17 h 00 et son re-départ à 18 h 00 ainsi que la livraison de sa cargaison à Amiens le 14 mars à 01 h00.
Si ce document ne précise pas à quel endroit du trajet Langeac/ Amiens le camion de M X...a fait relâche le 13 mars entre 17 h et 18 h 00 et si le salarié est resté muet sur ce point, il est vraisemblable que ce soit précisément à Bezons puisque l'heure d'arrivée à l'étape, 17 h00 sur le rapport d'activité, est parfaitement compatible avec les heures de départ et d'arrivée sur l'itinéraire Langeac/ Amiens, indiqués dans la lettre de voiture nationale et avec l'itinéraire type établi sur internet même en tenant compte d'une pause déjeuner.
M X...n'a donc pas démontré l'impossibilité que l'altercation évoquée dans la lettre de licenciement et dont il ne conteste d'ailleurs pas sérieusement la réalité, se soit produite à la date et au lieu indiqués.
Ces insultes adressées à son supérieur hiérarchique en présence de deux autres salariés constituent, quoi qu'il en dise, une grave atteinte à l'autorité de celui-ci. Des propos injurieux tenus par le salarié à l'encontre de son supérieur hiérarchique devant d'autres salariés sont ordinairement constitutifs d'une faute grave.
Même en replaçant ces propos dans le contexte décrit par le salarié lui-même dans ses premières écritures, un tel comportement et l'absence de remise en cause de cette attitude lors de l'entretien préalable qui laissait ouverte la voie à de nouvelles transgressions ne permettait pas d'envisager le maintien de M X...dans l'entreprise.
Par ailleurs, le caractère vexatoire des circonstances ayant accompagné ce licenciement n'est pas établi. Il apparaît au contraire que l'employeur, qui aurait pu retenir à son encontre une faute grave privative de préavis et d'indemnités, a tenté de laisser au salarié une chance de rester dans l'entreprise en s'excusant de son attitude, ce qui aurait été pour le moins normal et que celui-ci considère à tort comme une sanction non prévue par le Code du travail et une humiliation.
C'est donc à bon droit que le Conseil de Prud'hommes a déclaré le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et a débouté le salarié de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, licenciement abusif et pour préjudice moral et financier.
S'agissant enfin de la demande de rappel de prime formée pour le samedi 14 février et le dimanche 1er mars 2009, il convient de confirmer également la décision prud'hommale en adoptant ses motifs, la preuve, qui incombe en l'espèce au salarié, n'ayant pas été rapportée du fait que celui-ci et tous les autres conducteurs travaillant les samedi ou dimanche percevaient à chaque fois une prime de 80 euros.
Il apparaît équitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles.
Les dépens seront supportés par les ayants droits de M X....
PAR CES MOTIFS la Cour statuant publiquement et contradictoirement
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions
AJOUTANT :
Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile
Dit que les dépens d'appel seront à la charge des ayant droits de M X...
Arrêt-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Patricia RICHET, Présidente et par Monsieur LANE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, La PRESIDENTE,