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12/04/2012 | FRANCE | N°11/04142

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1ère chambre 1ère section, 12 avril 2012, 11/04142


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 10A



1ère chambre 1ère section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 12 AVRIL 2012



R.G. N° 11/04142



AFFAIRE :



MINISTERE PUBLIC





C/

[H] [L]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Janvier 2011 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

POLE FAMILLE 3ème section



N° RG : 09/12045



Expéditions exécut

oires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :





MP





Me Pierre GUTTIN







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DOUZE AVRIL DEUX MILLE DOUZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :




...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 10A

1ère chambre 1ère section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 12 AVRIL 2012

R.G. N° 11/04142

AFFAIRE :

MINISTERE PUBLIC

C/

[H] [L]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Janvier 2011 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

POLE FAMILLE 3ème section

N° RG : 09/12045

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

MP

Me Pierre GUTTIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DOUZE AVRIL DEUX MILLE DOUZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

MINISTERE PUBLIC représenté par Monsieur le Procureur général près la cour d'appel de Versailles, lui même représenté par Monsieur CHOLET, avocat général

APPELANT

****************

Monsieur [H] [L]

né le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 12] (CAMEROUN)

[Adresse 9]

[Localité 11]

Rep/assistant : Me Pierre GUTTIN (avocat postulant au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 11000652)

assisté de Maitre Yann GRÉ, avocat au barreau du VAL DE MARNE

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Février 2012 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie Gabrielle MAGUEUR, président, chargé du rapport et de Madame Dominique LONNE, conseiller.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Président,

Madame Dominique LONNE, Conseiller,

Madame Anne BEAUVOIS, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT,

Par assignation du 21 août 2009, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nanterre a assigné M. [H] [L], né le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 12] (Cameroun), sur le fondement de l'article 26-4 alinéa 2 du code civil, afin de voir annuler l'enregistrement du 1er septembre 2004 de la déclaration de nationalité française par mariage qu'il a souscrite le 06 mai 2004 auprès du tribunal d'instance de Lyon et de constater son extranéité,

Par déclaration du 25 mai 2011, le ministère public a interjeté appel du jugement rendu le 18 janvier 2011 par le tribunal de grande instance de Nanterre qui a :

-dit que l'action intentée par le procureur de la République le 21 août 2009 en annulation de l'enregistrement le 1er septembre 2004 de la déclaration acquisitive de nationalité française souscrite par [H] [L] le 6 mai 2004 est irrecevable car prescrite,

-laissé les dépens à la charge du Trésor Public.

Le tribunal a retenu que le divorce des époux [G]-[L], prononcé le 20 mai 2005, a été transcrit le 25 novembre 2005 en marge de l'acte de naissance de [H] [L], et que cette transcription marque le point de départ du délai de prescription défini par l'article 26-4 du code civil, le divorce étant à cette date opposable à tous.

Vu les dernières conclusions du ministère public en date du 22 décembre 2011 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et par lesquelles il demande à la cour de :

- constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

- infirmer le jugement entrepris et constater l'extranéité de M.[L].

- ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil,.

Vu les dernières conclusions de M. [H] [L] en date du 13 septembre 2011, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et par lesquelles il demande à la cour de :

vu l'article 954 du code de procédure civile,

- constater que la cour n'est saisie d'autre prétention et confirmer le jugement entrepris,

vu l'article 26-4 du code civil,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- constater que l'action du ministère public est prescrite, l'assignation ayant été délivrée plus de deux ans après la découverte des faits reprochés à M.[L],

-subsidiairement, constater :

- que M.[L] n'a jamais eu d'intention frauduleuse en se mariant avec Mme [G] et qu'il n'y a ni mensonge ni fraude,

- que Mme [G] a décidé unilatéralement de divorcer,

- qu'il a repris contact fortuitement avec une ancienne liaison de jeunesse qu'il n'avait pas revue depuis des années,

- en conséquence, débouter le ministère public de ses demandes,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 05 janvier 2012.

MOTIFS DE LA DECISION

M. [L] fait valoir que le dispositif des conclusions du ministère public n'est pas conforme aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, les prétentions n'étant pas reprises.

Mais, dans le dispositif de ses dernières conclusions, le ministère public demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, ce qui, s'agissant en l'espèce de la contestation faite par lui de l'acquisition de la nationalité française par mariage en raison d'une fraude, implique que cette demande d'infirmation du jugement déféré tend à voir déclarer son action recevable, annuler la déclaration de nationalité souscrite et constater l' extranéité de l'intéressé, ce que le ministère public énonce expressément dans le corps de ses écritures.

Sur la recevabilité de l'action du ministère public

M.[H] [L], de nationalité camerounaise, marié le [Date mariage 3] 2002 à [Localité 17] (Rhône) avec Mme [K] [G] , de nationalité française, a souscrit le 06 mai 2004 devant le juge d'instance de Lyon une déclaration d'acquisition de la nationalité française sur le fondement de l'article 21-2 du code civil (dans sa rédaction issue de la loi n°98-170 du 16 mars 1998), en signant une attestation de communauté de vie.

Cette déclaration a été enregistrée le 1er septembre 2004 sous le numéro 22967/04 dossier n°2004 DX 010237.

L'article 21-2 alinéa 1 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n°98-170 du 16 mars 1998, applicable en l'espèce conformément aux dispositions de l'articLe 17-2 du code civil, édicte :'L'étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai d'un an à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie n'ait pas cessé entre les époux et que le conjoint français ait conservé sa nationalité.

Le délai d'un an est supprimé lorsque naît, avant ou après le mariage, un enfant dont la filiation est établie à l'égard des deux conjoints, si les conditions relatives à la communauté de vie et à la nationalité du conjoint français sont satisfaites;'

L'article 26-4 alinéa 3 du code civil, sous l'empire de ladite loi, prévoit : 'L'enregistrement peut encore être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte. La cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivant l'enregistrement de la déclaration prévue à l'article 21-2 constitue une présomption de fraude '.

M. [L] demande la confirmation du jugement entrepris sur l'irrecevabilité de l'action engagée par le ministère public, en concluant que le délai de deux ans imparti au ministère public par l'article 26-4 sus-visé a commencé à courir dès le 20 novembre 2006, date à laquelle M.[L] a été entendu par les services de police de [Localité 15].

Il convient de rappeler que les premiers juges ont retenu comme point de départ du délai le 25 novembre 2005, date de la transcription du jugement de divorce des époux [L]-[G] en marge de l'acte de naissance de [H] [L], au motif qu'à cette date le divorce était opposable à tous y compris au ministère public.

Mais en vertu de l'article 1043 du code de procédure civile, le ministère de la justice doit être à même de présenter ses observations dans les contestations relatives à la nationalité.

L'autorité compétente pour engager l'action négatoire de nationalité est au premier chef le ministère de la justice par l'intermédiaire du bureau de la nationalité, même si c'est le procureur de la République saisi pour introduire l'action qui est partie à l'instance.

Le délai pour agir prévu par l'article 26-4 ne peut donc courir qu'à compter de la date à laquelle l'autorité compétente pour exercer le recours en contestation est informée de l'existence possible d'une fraude, à savoir le ministère de la justice.

La circonstance que le 20 novembre 2006 les services de police de [Localité 15] aient, sur instructions du bureau des étrangers de la préfecture du Rhône, entendu M. [L], n'entraîne pas la connaissance automatique par le ministère de la Justice de l'existence d'une fraude concernant la déclaration souscrite par M.[L].

Il en est de même de la transcription du jugement de divorce des époux [L]-[G] le 25 novembre 2005 par le service central d'état civil du ministère des affaires étrangères.

Cette transcription, qui concerne l'état civil et non la nationalité, ne saurait être considérée comme constituant la révélation d'une fraude, le ministère public ne pouvant pas déceler en l'espèce des manoeuvres frauduleuses par le seul fait de la transcription.

Le ministère de la justice n'a été informé des faits susceptibles de constituer une fraude qu'à réception du bordereau de transmission émanant du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale en date du 22 février 2008.

En conséquence, l'assignation délivrée le 21 août 2009 à la requête du procureur de la République de Nanterre n'encourt pas la prescription.

L'action du ministère public est donc recevable et le jugement entrepris doit être infirmé de ce chef .

Sur la fraude

M.[L] mettant en avant la sincérité de son intention matrimoniale, il convient de relever en premier lieu que cette argumentation est inopérante dans la mesure où il ne lui est pas reproché une absence d'intention matrimoniale au moment de son mariage qui en affecterait la validité mais une fraude présumée à l'acquisition de la nationalité française.

L'alinéa 3 de l'article 26-4, sus visé, du code civil édicte : 'La cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivant l'enregistrement de la déclaration prévue à l'article 21-2 constitue une présomption de fraude'.

Etant rappelé qu'en l'espèce cet enregistrement est en date du 1er septembre 2004, il résulte du dossier que le jugement de divorce des époux [H] [L]-[K] [G] a été prononcé le 20 mai 2005 et qu'à cette date les époux avaient déjà des domiciles séparés, M.[L] étant domicilié [Adresse 10] et Mme [G] [Adresse 8].

En outre, lors de son audition par les services de police de [Localité 15], le 12 décembre 2006, Mme [K] [G] a précisé qu'elle avait d'abord engagé en octobre 2004 une procédure de divorce pour faute puis une procédure de divorce par consentement mutuel avait été engagée car elle avait quitté le domicile conjugal.

En conséquence, étant relevé que la requête en divorce par consentement mutuel a été déposée par les époux le 24 mars 2005, la communauté de vie a cessé entre eux à partir de février 2005, ainsi que l'ont relaté les services de police.

A la fin de sa déclaration du 14 décembre 2006, M.[H] [L] précise lui-même qu'il ne vit plus avec Mme [G] depuis le mois de janvier 2005, date à laquelle elle a quitté le domicile conjugal.

Il résulte de ces éléments que la communauté de vie entre les époux avait cessé au moment de l'enregistrement de la déclaration de nationalité, en sorte que la présomption de fraude de l'article 26-4 du code civil s'applique.

M.[H] [L], à qui incombe de combattre cette présomption de fraude, ne démontre pas que la communauté de vie avec son épouse était effective à la date de la déclaration de nationalité, soit le 06 mai 2004.

Les attestations qu'il produit sont insuffisantes à établir que s'est maintenue entre lui et son épouse une véritable communauté de vie impliquant une volonté réelle de partage tant sur le plan matériel que sur le plan affectif, laquelle ne se résume pas à une simple cohabitation.

En effet, elles ont trait soit à la période antérieure au mariage et émanent de personnes faisant état de ce qu'elles ont hébergé M. [L] (M.[C] [E]) lors de son arrivée en France en 2001 ou ont assisté au mariage du couple, soit font état de rencontres amicales entre les attestants et le couple sans date précise mais il ressort de la majeure partie des attestations que les rapports du couple se sont dégradés après le décès de leur fille qui, selon les propres déclarations de Mme [G] et de M.[L] aux services de police et selon les mentions du jugement de divorce , est née le [Date naissance 7] 2003 et décédée le [Date décès 5] 2003 (et non 2004).

M.[L] verse aux débats des justificatifs de scolarité à la fois d'aide soignant, de licence informatique 1ère année et de licence psychologie 1ère année, mais ne justifie pas de l'appartenance à la police nationale dont il se prévaut, ainsi que le relève le ministère public.

En tout état de cause, ces éléments sont sans rapport avec l'objet du litige.

L'avis d'échéance de loyer du mois de mars 2005 au nom de M et Mme [G]-[L] n'est pas probant dans la mesure où les autres éléments du dossier établissent qu'à cette date la vie commune avait en réalité cessé.

L'enquête réalisée par les services de police de [Localité 15] a établi que M.[H] [L] est le père d'une enfant [J] [S] [A], née le [Date naissance 4] 1992 à [Localité 16] au Cameroun, qu'il a eue avec Melle [R] [F] [T], lesquelles vivaient depuis 2001 à [Localité 13] et restaient en contact avec M.[L] ; qu'il est également le père d'un garçon, [U] [T] [L], né le [Date naissance 6] 1999 à [Localité 14] au Cameroun, qu'il a eu avec Mme [P] [D] qui vit au Cameroun, et d'une fille [N] [Z] [V], née le [Date naissance 1] 2001 à [Localité 18] au Cameroun, qu'il a eue avec Mme [W] [X], enfant dont il a la garde, qu'il vit depuis juin 2006 à [Localité 15] avec Mme [T] et leur fille.

Mme [G] a déclaré aux services de police le 12 décembre 2006 qu'en apprenant dernièrement qu'il avait cette compagne, elle pensait avoir été utilisée pour avoir la nationalité française.

Les éléments versés aux débats par M.[L] sont insuffisants à renverser la présomption de fraude qui pèse sur la déclaration souscrite par lui le 06 mai 2004.

Il y a lieu d'annuler l'enregistrement intervenu le 1er septembre 2004 de la déclaration de nationalité française souscrite le 06 mai 2004 devant le juge d'instance de Lyon par M. [H] [L], né le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 12] (Cameroun) et de constater son extranéité.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONSTATE que le récépissé prévu par l'article 1043 du Code de procédure civile a été délivré,

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

STATUANT A NOUVEAU,

Dit recevable l'action du ministère public engagée le 21 août 2009,

Annule l'enregistrement intervenu le 1er septembre 2004 de la déclaration de nationalité française souscrite le 06 mai 2004 devant le juge d'instance de Lyon par M .[H] [L], né le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 12] (Cameroun),

Constate son extranéité,

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,

Condamne M.[H] [L] aux dépens de première instance et d'appel.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Marie Gabrielle MAGUEUR et par Mme Sylvie RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 11/04142
Date de la décision : 12/04/2012

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°11/04142 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-04-12;11.04142 ?
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