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11/04/2012 | FRANCE | N°10/00156

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11 avril 2012, 10/00156


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 80A
15ème chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 11 AVRIL 2012

R. G. No 11/ 00860

AFFAIRE :

Association ETRE & DECOUVRIR



C/
Catherine X...




Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 23 Février 2011 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de ST GERMAIN EN LAYE
Section : Activités diverses
No RG : 10/ 00156



Copies exécutoires délivrées à :

Me Emmanuel MOITIE
Me Katy CISSE



Cop

ies certifiées conformes délivrées à :

Association ETRE & DECOUVRIR

Catherine X...


le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE AVRIL DEUX MILLE DOUZE,
...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 80A
15ème chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 11 AVRIL 2012

R. G. No 11/ 00860

AFFAIRE :

Association ETRE & DECOUVRIR

C/
Catherine X...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 23 Février 2011 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de ST GERMAIN EN LAYE
Section : Activités diverses
No RG : 10/ 00156

Copies exécutoires délivrées à :

Me Emmanuel MOITIE
Me Katy CISSE

Copies certifiées conformes délivrées à :

Association ETRE & DECOUVRIR

Catherine X...

le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE AVRIL DEUX MILLE DOUZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Association ETRE & DECOUVRIR
32 Rue de la Fontaine des Vaux
78860 ST NOM LA BRETECHE

représentée par Me Emmanuel MOITIE, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE
****************

Madame Catherine X...

...

78990 ELANCOURT

comparant en personne, assistée de Me Katy CISSE, avocat au barreau de VAL DOISE

INTIMEE
****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Février 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Hubert DE BECDELIÈVRE, Conseiller chargé (e) d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé (e) de :

Madame Patricia RICHET, Présidente,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Monsieur Hubert DE BECDELIÈVRE, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE,

Mme Catherine X... a conclu avec l'association ETRE et DECOUVRIR le 28 juin 2008, un contrat intitulé " document de collaboration " par lequel elle s'engageait à assurer un enseignement selon la méthode A... aux élèves de l'établissement pendant la période du 1er septembre 2008 au 1er septembre 2009 moyennant une rémunération mensuelle de 1 737 euros.

Cette collaboration a pris fin le 04 juillet c'est à dire au terme de l'année scolaire par la volonté de l'association.

Estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, Mme X... a saisi le Conseil de Prud'hommes de St Germain en Laye, le 22 mars 2010 de demandes tendant à voir requalifier le " document de collaboration " en contrat de travail à durée indéterminée, dire que la rupture de ce contrat s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'association ETRE et DECOUVRIR au paiement des sommes de :

-1 784, 70 euros à titre de rappel de salaires pour les mois de mars à juillet 2009 ;
-1737, 00 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
-173, 70 euros au titre des congés payés y afférents ;
-1 737, 00 euros à titre de congés payés,
-8 685, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-700, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement du 23 février 2011, le Conseil de Prud'hommes a fait droit à ces demandes à l'exception de la demande de dommages et intérêts dont le montant a été réduit à la somme de 1 737, 00 euros correspondant à 1 mois de salaire.

Les juges prud'hommaux ont considéré que le document de collaboration devait être requalifié en contrat à durée indéterminée puisque, d'une part, les éléments du contrat de travail et notamment le lien de subordination, se trouvaient réunis et, d'autre part, en l'absence de définition précise du motif du recours à un contrat à durée déterminée, il devait être considéré comme contrat à durée indéterminée ; que par ailleurs, ce contrat avait été interrompu par l'employeur de façon unilatérale et sans motif légitime, situation assimilable à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'association ETRE et DECOUVRIR a régulièrement relevé appel de cette décision.

DEVANT LA COUR :

Par conclusions déposées le 22 février et développées oralement, auxquelles il est expressément fait référence, l'association ETRE et DECOUVRIR a demandé à la Cour d'infirmer le jugement, de se déclarer incompétent ratione materiae pour connaître du litige et de renvoyer Mme X... à se pourvoir devant le Tribunal de Grande Instance de Versailles.

Subsidiairement, elle a demandé à la Cour de dire mal fondées les prétentions de la salariée et de la condamner reconventionnellement au paiement des sommes de :

-2 730, 00 euros en restitution des rémunérations indûment versées à celle-ci ;
-5 932, 40 euros versée en exécution du jugement prud'hommal ;
-5 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts ;
-5 000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

Par conclusions déposées le 22 février 2012 et développées oralement, auxquelles il est expressément fait référence, Mme X... a demandé à la Cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions hormis sur le montant des dommages et intérêts qu'elle souhaite voir porter au montant réclamé dans ses écritures de première instance. Elle demande en outre le rejet des prétentions adverses et la condamnation de l'association ETRE et DEVENIR au paiement d'une somme de 2 000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais exposés en appel.

MOTIFS DE LA DECISION :

Le contrat dit " document de collaboration pour l'année scolaire " rédigé par la salariée elle-même et revêtu de la signature de Mme Y... Directrice de l'association ETRE et DECOUVRIR engage Mme X... à travailler à temps complet moins une moyenne de 4/ 5jours par mois moyennant une rémunération totale mensuelle de 1737, 00 euros en ce compris les frais de scolarité de la fille de Mme X... remboursés à sa mère à hauteur de 237 euros par mois bien que celle-ci ne soit pas scolarisée au sein de l'établissement scolaire géré par l'association.

Mme X... précise que la régularité de ce versement est une condition essentielle de son engagement.

Il est également précisé dans le document que l'engagement pourra être transformé en contrat de travail à durée indéterminée après accord des parties sur les modalités.

Il s'agissait en fait d'assurer l'enseignement du français, de l'histoire et de la géographie selon la pédagogie définie par Maria A... à une classe d'enfants de niveau CM1 à pendant une année scolaire selon les horaires de l'établissement.

L'engagement de Mme X... présente cependant des particularités qui la distinguent des autres enseignantes :

- elle ne travaille pas à plein temps mais se réserve 4 à 5 jours par mois pour vaquer à d'autres occupations professionnelles à charge pour elle de communiquer à l'avance à la Direction les dates de ses absences.

- à compter d'avril, à la demande insistante de la trésorière de l'école, Mme X... a envoyé des factures justifiant des heures de travail accomplies au titre de sa collaboration dont le montant devait justifier les rémunérations qui lui étaient versées dans la comptabilité de l'établissement.

La Direction conservait néanmoins le pouvoir d'autoriser ou non ces absences aux dates demandées en fonction des besoins de l'établissement.

Par ailleurs, aucune facture n'a été versée pendant les 8 premiers mois de l'année durant lesquels la rémunération s'effectuait selon des modalités en tout point comparables, excepté en ce qui concerne les charges sociales, aux salariés de l'association.

Qui plus est, l'association a intégré dans sa rémunération de façon unilatérale une prime directement corrélée à son implication et à son engagement.

En outre, il n'est pas contesté que par décision du bureau de l'association les jours consacrés à la rédaction des bulletins, aux rendez vous avec les parents, et aux autres travaux supplémentaires ont été forfaitisés à une journée par mois, ce qui ne correspond en rien à une approche libérale.

Les modalités du paiement de Mme X... ressemblaient donc davantage à celles d'un salarié ordinaire qu'à celles d'un prestataire libéral.

Quoiqu'il en soit, il n'est pas contestable que Mme X... effectuait un travail et percevait en contrepartie une rémunération. Il reste à déterminer si ce travail était effectué sous la subordination de l'employeur.

La salariée soutient à cette fin que le lien de subordination peut être établi à l'aide d'un faisceau d'indices qui se trouvent réunis en l'espèce :

- elle est rémunérée au temps et non à la tâche ;
- elle se trouve intégrée au sein d'un service organisé ;
- ses horaires de travail lui sont imposés ;
- elle se trouve dans une situation de dépendance économique vis-à-vis de l'employeur ;
- le contrat qui la lie à l'association est de nature précaire.

Elle allègue également qu'elle devait soumettre ses demandes de congés à l'association et rendre compte de son activité à la responsable pédagogique, que le matériel pédagogique et les bulletins scolaires lui étaient fournis par l'école ; que l'étendue de ses tâches n'était pas fixée dans le contrat mais était définie par l'employeur qui lui a rappelé dans un courriel du 28 juillet 2009, que sa participation à la fête de l'école et les entretiens individuels faisaient intégralement partie de sa mission au même titre que la rédaction des livrets d'évaluation.

L'association ETRE et DECOUVRIR fait valoir que les dispositions du " contrat de collaboration " rédigé par la salariée elle même seraient exclusives de tout lien de subordination puisque Mme X... a unilatéralement fixé sa rémunération hors de toutes référence aux échelons et coefficients de la convention collective ce qui tend à montrer qu'elle les a fixés librement ; qu'elle a fixé de même ses jours d'intervention en fonction de ses propres contraintes et non de celles de l'établissement ; qu'elle n'a jamais reçu la moindre directive mis à part un courrier du 28 juillet reçu près d'un mois après la cessation de son contrat lui rappelant qu'elle ne pouvait demander de facturation supplémentaire pour sa participation à la fête de l'école, aux bilans semestriels et à la rédaction des livrets d'évaluation des enfants.

L'association ETRE ET DECOUVRIR produit au soutien de sa position une attestation de Mme Nadia C..., éducatrice salariée occupant les fonctions de responsable pédagogique qui confirme que Mme X... ne suivait pas les consignes ni les horaires des autres salariés, ne rendait compte à personne de l'organisation de son travail et de son planning, et que nul n'avait droit de regard sur ce qu'elle faisait et sur la manière dont elle s'organisait ni ne pouvait lui imposer quoi que ce soit.

Il résulte des pièces du dossier que Mme X... était tenue de justifier de ses absences et a d'ailleurs subi une réduction de son salaire pour absence injustifiée.

Si elle a obtenu la possibilité d'être absente pour vaquer à d'autres activités 4 à 5 jours par mois, elle n'en devait pas moins informer au préalable la Direction des dates de ces absences qui pouvaient être remises en cause dans l'intérêt de l'établissement comme le montre le courrier de Mme Z... en date du 05 mai 2009.

Les jours où elle était dans l'établissement, elle accomplissait les mêmes tâches que les autres éducatrices selon les mêmes horaires. Ces tâches et ces horaires étaient définis par l'association.

Il incombait ainsi à Mme X... d'enseigner l'histoire, la géographie et le français chaque jour entre 08 h 15 et 16 h 30 selon les méthodes et avec le matériel spécifique de l'école et de corriger chez elle les travaux de ses élèves, de remplir leurs bulletins d'évaluation, de recevoir leurs parents le samedi, tâches en tous points comparables à celles de ses collègues salariés.

Il résulte des pièces du dossier et notamment des courriers en date du 19 octobre 2008 et 03 mai 2009 que Mme X... rendait compte de son activité à la Directrice ainsi qu'au bureau de l'association quoiqu'en dise l'employeur.

L'absence de directive écrite ne prouve en rien l'absence de lien de subordination compte tenu de la position de l'association ETRE et DECOUVRIR qui n'ignorait pas qu'elle aurait des difficultés à se prévaloir par la suite du caractère libéral de la collaboration de Mme X... si elle avait adressé des instructions écrites à celle-ci.

On peut faire la même observation à propos du pouvoir de sanction de l'employeur qui n'a pas été mis en oeuvre durant le contrat en dépit des tensions évidentes qui se sont nouées entre Mme X... et Mme Z..., pouvoir dont l'usage était dangereux et superflu dès lors que la précarité de la situation de celle-ci et son désir de la voir se pérenniser étaient de nature à garantir sa docilité.

Il résulte de ce qui précède que les éléments constitutifs d'un contrat de travail sont réunis en l'espèce nonobstant la qualification donnée par les parties à leur relation contractuelle qui ne lie pas le juge, lequel doit rechercher la véritable nature de cette relation dans les éléments de fait.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont requalifié la relation entre Mme X... et l'association ETRE et DECOUVRIR de contrat de travail.

C'est également par des motifs pertinents qu'ils ont considéré qu'en l'absence de motifs justifiant le recours à un contrat de travail à durée déterminée il y avait lieu de requalifier ledit contrat en contrat de travail à durée indéterminée.

Dès lors, se trouvent justifiées en leur principe les demandes tendant au versement par l'employeur d'une indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents à ce préavis, et de dommages et intérêts en raison du caractère abusif de la rupture.

Le montant des sommes allouées en tant que tel n'est pas remis en cause par l'employeur.

Toutefois le montant des dommages et intérêts alloués apparaît insuffisant eu égard aux circonstances de la rupture et au préjudice éprouvé par la salariée qui selon ses écritures, a été brutalement et sans justification privée de son emploi et s'est trouvée dans une situation précaire alors qu'elle élève seule sa fille.

Mme X... n'a toutefois pas fourni de justificatif du manque à gagner résultant de la rupture du contrat.

Les seuls éléments en possession de la Cour justifient de porter le montant de cette demande à la somme de 5 000, 00 euros.

S'agissant de la demande de salaires de mars à juillet 2009, il convient de considérer que le salaire avait été fixé contractuellement à la somme de 1737, 00 euros et que ce montant qui fait la loi des parties et constitue un élément substantiel du contrat ne pouvait être modifié sans l'accord de la salariée.

Sa demande de rappel de salaires est donc fondée et a été justement accueillie par le Conseil de Prud'hommes.

Mme X... demande également une somme de 1737, 00 euros à titre de congés payés.

Compte tenu des stipulations contractuelles convenues entre les parties dans le seul intérêt de l'employeur et en fraude de l'ordre public, elle n'a pu bénéficier des droits à congés payés accordés à tout salarié par le droit du travail.

Il sera donc fait droit à cette demande dont le montant n'excède pas celui des droits acquis au cours du contrat.

Les demandes reconventionnelles de l'association ETRE et DECOUVRIR tendant à la restitution des sommes versées par celle-ci en exécution du jugement et des frais de scolarité de l'enfant de Mme X... que l'employeur a accepté de prendre à sa charge lors de la signature du contrat de collaboration n'apparaissent pas fondées et doivent être rejetées au vu de tout ce qui précède.

Il y a lieu de dédommager Mme X... de ses frais irrépétibles dans la limite de1000, 00 euros.

Les dépens seront supportés par l'association ETRE et DEVENIR.

PAR CES MOTIFS la Cour statuant publiquement et contradictoirement :

Confirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions hormis sur le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Réformant de ce chef et statuant à nouveau :

Condamne l'Association ETRE et DECOUVRIR à verser à Mme X... la somme de 5 000, 00 euros ;

AJOUTANT :

Déboute l'association ETRE et DECOUVRIR de ses demandes reconventionnelles ;

Condamne ladite association à verser à Mme X... la somme de 1 000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

Condamne l'association ETRE et DECOUVRIR aux dépens de l'appel.

Arrêt-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Patricia RICHET, Présidente et par Madame GIACOMINI faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 10/00156
Date de la décision : 11/04/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-04-11;10.00156 ?
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