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21/03/2012 | FRANCE | N°09/00152

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21 mars 2012, 09/00152


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES








Code nac : 80C
15ème chambre


ARRET No


CONTRADICTOIRE


DU 21 MARS 2012


R. G. No 10/ 01955


AFFAIRE :


Yahya X...





C/
S. A. MIKIT FRANCE








Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 25 Février 2010 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de ST GERMAIN EN LAYE
Section : Activités diverses
No RG : 09/ 00152




Copies exécutoires délivrées à :




Me Jean-baptiste ABADIE
Me Laurent CARRIE




Copies certifiées conformes délivrées à :


Yahya X...



S. A. MIKIT FRANCE






le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


LE VINGT ET UN MARS DEUX...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 80C
15ème chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 21 MARS 2012

R. G. No 10/ 01955

AFFAIRE :

Yahya X...

C/
S. A. MIKIT FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 25 Février 2010 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de ST GERMAIN EN LAYE
Section : Activités diverses
No RG : 09/ 00152

Copies exécutoires délivrées à :

Me Jean-baptiste ABADIE
Me Laurent CARRIE

Copies certifiées conformes délivrées à :

Yahya X...

S. A. MIKIT FRANCE

le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN MARS DEUX MILLE DOUZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur Yahya X...

...

92500 RUEIL MALMAISON

comparant en personne, assisté de Me Jean-baptiste ABADIE, avocat au barreau de PARIS

APPELANT
****************
S. A. MIKIT FRANCE

...

78170 LA CELLE SAINT CLOUD

représentée par Me Laurent CARRIE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE
****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Février 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Hubert DE BECDELIÈVRE, Conseiller chargé (e) d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé (e) de :

Madame Patricia RICHET, Présidente,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Monsieur Hubert DE BECDELIÈVRE, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE,

M X...a été embauché le 13 décembre 2004 en qualité d'adjoint informatique CAO DAO en contrat à durée déterminée à temps plein par la société MIKIT FRANCE.

Le 05 décembre, il a été nommé chargé d'études de missions " qualité " dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

En son dernier état, son salaire mensuel brut était de 2020, 00 euros.

Il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement le 31 octobre 2008 et licencié pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 20 novembre 2008.

Il était reproché à M X...dans ce courrier des comportements se caractérisant par une agressivité extrême vis à vis de ses collègues.

La lettre faisait état, à titre d'exemple, de menaces de voies de fait " lui en mettre deux " à l'encontre de Mlle B...qui partageait son bureau, à la suite d'un désaccord entre eux sur un point secondaire ; d'un refus exprimé en termes agressifs (" fais le toi-même ") de traiter la partie des demandes de clients qui lui étaient confiée par l'assistante de Direction Mme C..., d'insultes à l'égard de son supérieur hiérarchique M D...qu'il avait traité de " con " et de " gamin " tandis qu'il se trouvait au téléphone, ainsi que du fait d'avoir saisi par le bras et menacé du poing très violemment M E...qui l'avait dépassé dans l'escalier.

Il était également reproché au salarié d'avoir multiplié les retards en arrivant le matin malgré les remarques formulées par ses supérieurs hiérarchiques.

Estimant son licenciement injustifié, M X...a saisi le Conseil de Prud'hommes de St Germain en Laye de demandes tendant à voir déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur au paiement des sommes de :

-4 040, 00 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
-404, 00 euros au titre des congés payés y afférents ;
-1 760, 00 euros à titre d'indemnité de licenciement ;
-20 200, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
-4 040, 00 euros sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;
-1 500, 00 euros à titre d'indemnité de requalification du contrat de travail ;
-2 000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SA MIKIT a demandé au Conseil de Prud'hommes de condamner le salarié au paiement de la somme de 2 000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement du 28 février 2010, le Conseil de Prud'hommes a débouté le salarié de toutes ses demandes, a débouté la SA MIKIT FRANCE de sa demande reconventionnelle et laissé les dépens à la charge du salarié.

Les juges prud'hommaux ont estimé que le comportement violent et agressif du salarié était établi par les attestations de ses collègues ; que les faits reprochés au salarié sont graves et ont été réitérés malgré les rappels à l'ordre dont la preuve est rapportée par les échanges de courriels ; que s'agissant de la requalification, aucune mention ne précisait les raisons du recours à un contrat à durée déterminée mais qu'un contrat à durée indéterminée a été signé le 05 décembre 2005 avant l'expiration de ce premier contrat.

DEVANT LA COUR :

Par conclusions déposées le 1er février et développées oralement auxquelles il est expressément fait référence, M. X...a demandé le bénéfice de ses premières écritures et la condamnation de la société MIKIT France au paiement de la somme de 2 000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 1er février 2012 et développées oralement auxquelles il est expressément fait référence, la société MIKIT France a demandé à la Cour de confirmer la décision attaquée, débouter M X...de toutes ses demandes et le condamner au paiement d'une somme de 2 000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Dans la lettre de licenciement, il est reproché en premier lieu à M X..." une agressivité extrême " dans ses comportements à l'égard de ses collègues.

Trois faits précis sont allégués :

En premier lieu, le 24 septembre 2008, une altercation avec Mlle B..., avec laquelle il partage son bureau, qu'il aurait menacée sur un ton très violent de " lui en mettre deux " obérant pour l'avenir la communication entre lui-même et cette salariée et par le fait même le fonctionnement du service.

En second lieu, le 29 octobre 2008, il aurait insulté son supérieur hiérarchique M D...en le traitant notamment entre autres insultes verbales de " con " et de " gamin " alors qu'il était au téléphone avec un client et ce en présence de Mme C...

En troisième lieu, ce même jour, il aurait saisi par le bras M E...magasinier qui l'avait dépassé dans l'escalier et l'aurait menacé du poing très violemment.

Ces faits niés par le salarié sont étayés par les attestations de Mlle F..., Mme C...et M G....

La première indique que le 24 septembre 2008, suite à une divergence d'opinion sur une question d'aménagement de leur espace de travail commun, M X...s'est emporté dans ses propos et lui aurait dit " si je ne me retenais pas, je t'en mettrais deux " et ce devant une tierce personne et que, depuis cette date, il n'y a plus aucune communication entraînant " un manque au niveau des besoins pour le travail ".

La seconde indique que le 29 octobre 2008, M X...a eu une réaction démesurée par rapport à une remarque qui lui avait été faite par M D...et fait état d'une " violence verbale qui n'en valait pas la peine " au point qu'elle a pensé qu'ils pouvaient en venir aux mains. Toutefois, elle ne mentionne pas les insultes imputées à M X....

M D...reprend lui même cet incident dans un courriel envoyé au salarié le 29 octobre à 19 h 14 que celui-ci prétend ne pas avoir reçu, dans lequel il l'accuse d'être " intervenu ce matin dans son bureau en lui portant des insultes " con, gamin, irresponsable et d'autres non d'oiseaux ". Il lui aurait également dit qu'il ne le respectait pas.

La lettre de licenciement précise que lors de l'entretien préalable, M X...aurait reconnu avoir traité son supérieur hiérarchique de " crétin " et de " môme " mais pas de " con " et de " gamin ". Toutefois, le compte rendu de cet entretien établi par le défenseur est muet sur ce point et l'employeur n'a de son côté produit aucun compte rendu.

L'auteur de la troisième attestation relate que M X...lui a bloqué le passage au premier étage du siège de la société et lui a attrapé le bras très violemment en le menaçant de son poing.

Ces attestations omettent certains éléments rapportés dans la lettre de licenciement tels que les insultes proférées à l'adresse de M D...et le contexte de l'incident entre M X...et M G...ce dernier ne précisant pas qu'il a été violenté par le salarié pour avoir voulu passer devant lui dans un escalier. Ces imprécisions qui semblent refléter la difficulté éprouvée par les auteurs de ces attestations à traduire par écrit ce qu'ils avaient déclaré verbalement, montrent qu'il ne s'agit pas de témoignages de complaisance dictés par l'employeur.

Il est également rapporté dans la lettre de licenciement, que M X...aurait refusé de traiter un tiers des demandes des clients que lui avait adressées Mme C...sans motif valable, en lui répondant à plusieurs reprises, de façon agressive : " fais le toi-même " lorsque celle-ci lui communiquait un dossier. Ces dossiers ont donc dû être traités par Mlle B...et M D...qui ont dû faire face à une surcharge de travail de ce fait. Cet élément lui aurait été précisé lors de réunions hebdomadaires sans pour autant l'amener à modifier son attitude.

Mme C...atteste à ce sujet qu'à plusieurs reprises, M X...a refusé de prendre en compte les demandes qu'elle lui avait faites concernant des dossiers particuliers.

Il est enfin reproché au salarié d'avoir multiplié les retards dans ses horaires d'arrivée le matin malgré les remarques formulées à ce sujet par M D...les 30 octobre et 12 novembre 2008 par e-mail.

Toutefois, aucun élément concret ne vient étayer ce dernier grief.

L'attestation établie par M H...qui a assisté M X...lors de l'entretien préalable relève que celui-ci a contesté l'ensemble des faits reprochés et que " les échanges ont été âpres " car ces faits " sont nombreux et tendent à démontrer que celui-ci est agressif et menaçant pour ses collègues de travail depuis deux mois environ ".

Si dans ces écritures M X...relève que cette subite et totale dégradation de son comportement s'est opportunément manifestée pendant une durée de 2 mois à une époque où l'effectif de l'entreprise a été substantiellement allégé pour des motifs économiques, alors qu'auparavant, il n'avait jamais fait parler de lui, il convient de relever que dans le courriel du 26 septembre 2008 adressé à M I..., M D...indique que déjà à cette date, il passait " pas mal de temps " à corriger les erreurs commises par le salarié dans son travail et à éteindre les conflits qu'il génère en prenant assez souvent la tête à Mlle C...et à lui même.

Dans un autre courriel du 26 septembre 2008, M D...reproche à M X...d'avoir transmis sans son aval des plans erronés générant un blocage " sans insister sur son comportement agressif refusant de reconnaître les faits ", ce qui montre que ce comportement ombrageux était une donnée à prendre en compte dans les rapports avec ce salarié.

De tels éléments suffisent à caractériser un comportement inadmissible du salarié vis-à-vis de ses collègues et de son supérieur hiérarchique.

Le fait que des erreurs relevées à plusieurs reprises dans le travail de M X...n'aient pas été prises en compte dans la lettre de licenciement et qu'aucun avertissement n'ait été donné à celui-ci à la suite des premiers incidents, ainsi que le relève M D...dans un e-mail envoyé à Mme J... Directrice administratif et financier de l'entreprise suite aux faits du 29 octobre, montre que l'employeur n'était pas prêt à se saisir du moindre fait pour mettre en oeuvre un licenciement programmé et voulait au contraire lui laisser une chance que celui-ci a laissé échapper en franchissant les limites " avec ses provocations perturbant à nouveau le service et ne respectant pas (mon) temps de travail et celui de mes collaborateurs ".

M X...n'a pas tenu compte des mises en garde qui lui avaient été faites par le biais des courriels du 26 septembre et 29 octobre 2008 et n'a jamais remis en cause son comportement.

Il ne peut sans mauvaise foi contester avoir reçu ces messages, les adresses mail étant conformes aux adresses qualifiées telles qu'elles existent en entreprise.

Ces éléments montrent que le licenciement à été décidé pour des motifs réels et sérieux, inhérents à la personne du salarié et indépendants du contexte économique qui a pu justifier au cours de l'année d'autres ruptures de contrat.

En revanche, la tolérance dont a bénéficié M X...bien que son tempérament agressif se soit déjà manifesté plusieurs fois montre qu'il n'était pas justifié de mettre en oeuvre un licenciement pour faute grave exigeant son départ immédiat et excluant toutes indemnités de préavis et de licenciement.

Le jugement sera réformé de ce chef et il sera fait droit aux demandes de M X...concernant l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés y afférents et l'indemnité de licenciement dont les montants ont été justement calculés à partir de son salaire mensuel brut moyen.

En revanche, M X...ne justifie pas d'un préjudice résultant du caractère brutal et vexatoire de son licenciement par lui allégué. Sa demande de dommages et intérêts de ce chef sera en conséquence rejetée.

S'agissant de la demande de requalification du contrat initial en contrat à durée indéterminée, il convient d'observer que le motif du recours à un contrat à durée déterminée ne figure pas sur l'acte du 09 décembre 2004, ainsi que l'a relevé le Conseil de Prud'hommes sans en tirer les conséquences de droit.

Il convient de faire droit à cette demande et de condamner l'employeur à verser à M X...de ce chef une indemnité de 1 500, 00 euros qui tient compte des conséquences quotidiennes de cette précarité imposée au salarié de façon abusive.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais irrépétibles exposés pour la défense de ses intérêts.

M X...et la société MIKIT France seront en conséquences déboutés de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les dépens seront partagés entre les parties.

PAR CES MOTIFS
LA COUR

Satuant publiquement et contradictoirement :

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes de M X...tendant au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;

Réforme pour le surplus et statuant à nouveau :

Dit que le licenciement de M X...repose sur une cause réelle et sérieuse mais non sur une faute grave ;

Condamne en conséquence la SA MIKIT France à verser à celui-ci les sommes de :

-4 040, 00 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
-404, 00 au titre des congés payés y afférents ;
-1 760, 00 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

Constate que le contrat à durée déterminée conclu entre les parties le 09 décembre 2004 ne comporte pas la mention du recours à ce type de contrat ;

Requalifie en conséquence ce contrat en contrat à durée indéterminée ;

Condamne de ce chef la société MIKIT France à verser à M X...de ce chef une indemnité de 1 500, 00 euros.

AJOUTANT :

Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Partage par moitié les dépens.

Arrêt-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Patricia RICHET, Présidente et par Monsieur LANE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, La PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 09/00152
Date de la décision : 21/03/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-03-21;09.00152 ?
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